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Le mariage

Après notre tour d’Atys à dos de mektoubs, nous nous sommes mises à préparer notre mariage, souvent avec enthousiasme, quelques fois angoisse à l’idée d’être toutes les deux devant un public et parfois découragement devant l’ampleur du travail à accomplir : les invitations, la préparation de la cérémonie, le choix de nos témoins… Mais, nous étions si proches l’une de l’autre que l’idée d’officialiser notre relation nous donnait des ailes.

Et le jour est arrivé. Nous avions toutes deux fait la veille des rêves angoissés où nous n’étions plus que toutes les deux à la cérémonie, aucun de nos amis n’ayant pu venir. Mais au final nous en avons ri affirmant que même si nous n’étions que toutes les deux, cela ne nous empêcherait pas de nous marier. Le point de rendez-vous était devant les étables de Fairhaven. En effet, notre mariage devait commencer par une course de mektoubs comme dans les mariages trykers où la joie et l’amusement était de mise. Nous ne voulions surtout pas un mariage pompeux où tout le monde s’ennuie.

Nos amis ont commencé à arriver. Certains préféraient se rendre directement sur le lieux de la cérémonie. Zoro’Argh était de ceux là. Il voulait amener ses propres réserves de boissons ce qui d’ailleurs nous angoissait un peu connaissant ses idées saugrenues et sa tête dans les nuages. Mais nous avions prévu d’acheter des réserves de bières fyros auprès de Geyos au cas où. Na Djaï’tal et Anyume étaient chargés d’arbitrer l’arrivée de la course et étaient déjà sur place.
Tous nos autres amis étaient là près à en découdre lors de la course : Kiwalie, Phaozhu, Mogala, Krill, Fyrenskaken, Osquallo, Corwin. Ils plaisantaient, riaient en attendant le départ.

Je cherchais Eeri du regard : allait-elle venir? Est ce que ce ne serait pas trop dure pour elle de venir à mon mariage alors que nous avions été si proches et que sans doute si je n’avais pas connu Jalindra nous serions toujours amantes? Mais, elle m’avait promis qu’elle viendrait… Et puis elle est apparue, souriante juste à côté de moi. Je suis descendue de mon mektoub en sautant dans ses bras, heureuse qu’elle soit venue. Elle a salué tout le monde en me serrant contre elle.

Tous mes amis étaient là. J’étais heureuse et Jalindra aussi. Je le voyais à ses yeux pétillants de joie. Nous sommes tous remontés en selle, parés pour commencer la course. Le but était de rejoindre l’île que nous avions appelé « la cascade de Jalindra« , lieu que nous avions choisi pour la cérémonie et d’y trouver Anyume qui s’y était cachée. Il n’y avait pas de chemin prédéfini, il était au choix du participant à la course. Jalindra m’a pris la main en attendant le départ. Mogala semblait perdu ne sachant pas où il fallait aller alors que nous avions envoyé à tous la carte indiquant le lieu du mariage. C’était un tout nouvel Hoodo arrivée de Silan en même temps que Kyshala. Je le soupçonnais d’ailleurs d’avoir un faible pour elle et de n’être venu sur le continent que pour rester avec elle. Il semblait tout le temps ailleurs, normal pour un zoraï à vrai dire, mais lui était un spécimen particulièrement remarquable.

Le départ a été lancé. J’ai poussé un cri : « yyyyyyyyyyyyyyyyyyyaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhh ». Les toubs se sont élancés tous ensembles soulevant le sable de la plage et éclaboussant les passants en entrant dans l’eau du lac. Jalindra m’a lâché la main prenant en pitié Mogala pour lui montrer la route. Quand à moi, je poursuivais Krill qui avait déjà pris plusieurs mètres d’avance. Eeri la taquinait parce qu’elle avait chargé son toub de tonneaux et nous barrait le passage : « Krill! tu n’avance pas ton toub est trop plein de bières. ». Elle protestait : « Ah an ! Il n’est pas plein de bière ! Il la porte ! ». Mais malgré les tentatives d’Eeri pour la déconcentrer elle était toujours devant passant à travers les cloppers qui levaient leurs pinces pour tenter de l’attraper. Ça la faisait rire : « Vous remarquerez que j’attire les cloppers pour vous libérer le passage. Ça me donne droit à un bonus ? ». Eeri grognait tentant d’encourager son toub à aller plus vite : « Hahahaaaaayyyyy!!! ». J’étais derrière elles deux au plus près mais mon toub s’est enlisé dans le sable mou du bord de plage et je les ai vu partir plus loin. J’ai grommelé, je ne gagnerai pas la course à moins de trouver Anyume avant elles. Elles ont remonté le long de la cascade et sont parties directement sur la droite. La seule issue pour moi était de choisir une autre route, je suis partie tout droit mais Anyume n’était pas là. Krill l’avait trouvée en première. J’ai entendu l’annonce d’Anyume : « Gagnante Krill ! ». Je les ai rejoints en grognant.

Puis, j’ai retrouvé mon sourire en voyant Anyume et Na Djaï’tal. Je les ai serrés contre moi heureuse de les retrouver. Les autres participants sont arrivés eux aussi. Jalindra avait perdu Mogala qui s’était perdu on ne sait où… J’ai regardé autour de nous… Il y avait de jolis lampadaires installés un peu partout. Kiwalie et Zo’ro Argh avaient décoré l’île pour la rendre magnifique. Ils étaient nos témoins et s’étaient décarcassés pour nous offrir une vue merveilleuse de l’île. J’ai serré la main de Jalindra dans la mienne heureuse de découvrir la surprise de nos amis. En attendant Mogala, nous avons discuté des tonneaux de bière fyros de Geyos. Il y en avait fait venir 10. J’ai commenté : « Il y a 5 tonneaux pour Krill. ». Eeri a sautillé sur place : « M’oublie pas!!! ». J’ai ajouté en riant : « Et 3 pour Eeri et les 2 autres c’est pour les autres! ». Finalement, Mogala est arrivé essoufflé, prenant une route complètement alambiquée grognant contre les géographes et leurs cartes sans indication de relief.

Nous sommes passés derrière les paravents pour nous changer. Nos robes de mariées avaient été confectionnées par Kiwalie, la plus grande couturière que nous connaissions et notre amie et témoin. Elles étaient magnifiques blanches et turquoises. La jupe et les manches étaient matis et le haut tryker. Nos pieds resteraient nus, Jalindra sachant que je préférais n’avoir rien aux pieds. Et puis, c’était comme çà qu’elle m’avait vu pour la première fois et après tout n’étais je pas la petite reine d’ambre aux pieds nus? Je me souvenais de tous les essayages que nous avions faits avec Jalindra pour finir par adopter cette tenue que nous adorions toutes les deux. Ils nous étaient même arrivé de la porter avant le mariage quand nous n’étions que toutes les deux, juste pour le plaisir d’apprécier la beauté de l’autre dans cette tenue.

La pluie s’était mise à tomber faisant râler Eeri en bonne fyros qu’elle était : « Espérons que le beau temps va revenir… pour le moment, toute cette eau… pouark!!! ». Na Djaï’tal quand à lui, levait le masque vers le ciel pour boire quelques gouttes. Tout le monde est sorti de derrière les paravents en habits de cérémonie. Ils étaient tous magnifiques. Le plus surprenant était Zo’ro Argh dans sa superbe tenue mauve. Nous avions eu l’habitude de ne le voir habillé que d’un short tryker de savant. Sans doute que Kiwalie lui avait fait la leçon et lui avait confectionné une tenue de circonstance. Mais Kiwalie nous a fait presque rougir en affirmant d’une voix sincère : « Que vous êtes jolies ! ». J’ai pris la main de Jalindra comme pour me rassurer en sentant sa présence et sa douceur. Elle me l’a serrée doucement pour me montrer qu’elle était là.

Nous nous sommes avancées. Nous voulions nous marier près de notre arbre celui sous lequel nous étions devenues amantes mais apparemment il avait été prévu que nous nous installerions sur la petite butte non loin de là. Il est vrai que le lieu semblait beaucoup plus approprié. J’ai murmuré à ma belle : « On n’a qu’à caresser l’arbre au passage. ». Elle a acquiescé doucement. Nous avons posé nos mains entrelacées sur nos noms que nous avions gravés sur le tronc lors de notre premier passage ici.

Puis nous nous sommes avancées lentement suivis par les invités. Anyume qui ne nous avait pas encore vues en robes de mariées s’est exclamée : « Hooo elles sont belles ! ». Na Djaï’tal nous attendait en haut de la butte en souriant. C’est lui que nous avions choisi pour nous marier. Il s’est penché pour cueillir 2 petites fleurs et nous les a tendues. Nous les avons prises en souriant. Je me sentais un peu angoissée mais Jalindra me réconfortait en me serrant doucement la main.

Na Djaï’tal s’est éclairci la voix et a commencé : « Comme vous le savez, nous sommes ici pour accompagner nos deux amies pour une occasion spéciale. ». Il a regardé Krill : « Un prétexte pour boire pour certain, mais pas seulement… ». Krill a fait un clin d’oeil à Na Djaï’tal en montrant ses mains vides… pour l’instant… Il a poursuivi : « Mais je pense que le mieux serait qu’elles nous disent elles-même pourquoi elle souhaitent se marier et nous ont donc conviés ici. Shaakya, Jalindra pourquoi voulez-vous vous marier? ».

C’était à nous. Il fallait que nous déclamions le texte que nous avions préparé toutes les deux. Je me suis tournée vers Jalindra et je lui ai pris les mains en commençant :
- « Avant de te connaître, je pensais que le mariage c’était se mettre des chaines qui emprisonnent… »
Elle m’a souri. Elle était angoissée elle aussi, je le voyais. Mais nos mains liées, nous donnaient le courage d’affronter le regard de tous nos amis.
- « Avant de te connaître, je pensais que le mariage était synonyme de malheur et de souffrances… »
- « Mais je sais maintenant qu’un lien peut être aussi doux que de la soie. »
- « Mais je sais maintenant que le bonheur peut durer éternellement. »
J’ai regardé Eeri, Anyume et Na Djaï’tal avec un peu d’angoisse en poursuivant :
- « J’avais des amis et des amants, mais je leur demandais beaucoup trop et je me sentais seule. »
Mais Na Djaï’tal m’a souri affectueusement et Eeri a hoché la tête en souriant. Jalindra a continué :
- « Je vivais en ermite dans le désert après avoir perdu mon homin et mes amis. »
Et j’ai repris la parole en souriant aux souvenirs que cela évoquait :
- « La première image que j’ai de toi, c’est quand tu as soufflé sur l’izam qui avait mangé une partie du message de ta candidature à la guilde Hoodo. »
- « La première image que j’ai de toi, c’est ton visage plein de malice, ton crâne chauve et tes pieds nus qui te donnait un petit air bohème. »
Anyume semblait particulièrement émue à cette évocation. Mais j’ai continué :
- « Nous nous sommes rencontrées à la taverne de Pyr pour ne plus nous quitter. »
- « D’abord amies, nos liens n’ont cessé de se resserrer »
J’ai regardé derrière moi cherchant Kyshala du regard mais elle n’était pas encore arrivée. Je lui avais demandé de préparer une surprise que je réservais à Jalindra. Mais je savais qu’elle ne raterait mon mariage pour rien au monde. Elle allait arriver c’est sûr!
- « Tu as retrouvé ma cousine Kyshala alors que tout le monde la croyais morte. »
- « Nous sommes devenues amantes alors que je ne croyais aimer que les homins. »
Na Djaï’tal a esquissé un petit sourire.
- « Tu as réalisé mon rêve en m’emmenant faire le tour d’Atys à dos de mektoubs. »
Je me suis tournée vers Kiwalie et Corwin qui nous avaient tant aidés pour récupérer nos toubs perdus dans le labyrinthe de la masure de l’hérétique durant notre tour d’Atys pendant que Jalindra continuait.
- « Je t’ai demandé en mariage parce que je voulais que tout le monde sache à quel point je t’aimais. »
- « Et je t’ai dit oui parce que c’était une évidence, nous étions liées. »
J’ai vu Kiwalie et Na Djaï’tal arborer de francs sourires tandis qu’Eeri semblait retenir des larmes d’émotion.
- « La mort nous a effleuré déjà plusieurs fois »
- « Assez pour comprendre qu’on ne pouvait survivre sans l’autre. »
- « La mort ne nous séparera pas. »
- « Nos sèves se mêleront l’une à l’autre »
- « Pour n’en faire plus qu’une. »
- « A jamais unies »
- « El makèch mayumé. »
Mes yeux débordaient de larmes d’émotion quand je lui ai répondu :
- « El makèch mayumé »
Jalindra m’a caressée doucement la joue. Je l’ai embrassé tendrement et elle a répondu au baiser avec beaucoup d’amour.

Kiwalie soupirait d’émotion et Anyume se tamponnait les yeux. Même Fyrenskaken semblait avoir les yeux humides. Par contre, Mogala semblait regarder dans le décolleté de ses voisines et Corwin en profitait pour se servir discrètement un verre. Zo’ro Argh regardait Na Djaï’tal angoissé à l’idée de rater son rôle de témoin. Na Djaï’tal s’est mis à tousser pour se redonner une contenance et a toisé l’assemblée : « Est-ce que quelqu’un veut prendre la parole pour dire un mot aux mariées? ».

Kiwalie s’est approchée, a pris une grande inspiration et a commencé à réciter un poème :
« Un petit cœur sème
des petits cœurs à cueillir
par deux petits cœurs
les vôtres… »

J’ai souri à Kiwalie. Jalindra était émue. Puis, nous avons vu Zo’ro Argh s’avancer. Il est passé par toutes les couleurs du blanc au vert en passant par le violet. J’ai souri attendri par son trouble. Puis il a commencé lui aussi à réciter un poème :
« Voies à l’unisson
Deux lucioles dans la nuit
S’éclairent la route. »

Il a ensuite fait une révérence courtoise devant Kiwalie, Jalindra et moi. J’ai laissé échappé une larme. Il nous a regardé avec angoisse : « Heu… c’était bien?! ». Jalindra lui a souri pour le rassurer : « Très joli! ». Na Djaï’tal a hoché la tête et Kiwalie le regardait avec fierté tandis que Mogala lançait un « Ça l’fait p’tit. ».

C’est alors que j’ai vu apparaitre Icus. J’étais surprise étant donné qu’il m’avait annoncé qu’il ne pourrait pas être présent et que de toutes façons les mariages, il n’aimait pas çà. Je lui ai souri. C’est alors que j’ai vu Eeri s’approcher : « Je voudrais dire un petit mot, moi aussi. Je ne vous dirai pas de poème, mais juste un petit mot… ». Mogala s’est gentiment moqué : « Un seul? ». Mais elle a continué imperturbable : « J’ai connue Shaakya alors qu’elle sortait tout juste de l’enfance. Ça c’est bien arrangé depuis! Je l’ai prise sous mon aile, pour honorer la promesse que j’avais faite à Kyshala. Nous avons été proches, très proches même. ». J’ai souri un peu gênée à l’évocation subtile de notre relation d’amantes. Elle a poursuivi : « Hélas, je n’ai jamais été présente comme il le fallait pour cette admirable fyrette… ». J’ai rougi pendant qu’elle continuait de parler : « J’ai suivi mon désir de partir, à la recherche de… Peut-être de moi même… Aujourd’hui, je suis heureuse pour toi, Shaakya, et pour toi, Jalindra. Je vous souhaite tout mon bonheur, et… ». Elle semblait chercher ses mots sous le coup de l’émotion : « Voilà… c’est tout je crois. ». Je la regardais incapable de lui répondre autre chose qu’un « akep » d’une toute petite voix. Eeri s’est essuyée les yeux en me souriant.

Corwin s’est approché timidement : « Quand je lève la tête, je vois des milliers d’étoiles mais les plus belles sont en face de moi. ». Mogala a salué sa déclaration pendant que Jalindra se retenait de pleurer.

C’est alors que Kyshala est arrivée toute essoufflée sous les yeux intéressés de Mogala, heureux de pouvoir apprécier la présence de celle qu’il appelait « Deux monts » en raison de sa poitrine généreuse. Apparemment la surprise que j’avais préparé avec son aide pour Jalindra, lui avait pris plus de temps que prévu. Elle s’est avancée : « Je voudrais dire un mot. Je suis la cousine de Shaakya… pour ceux qui ne me connaissent pas. ». Elle a soupiré : « J’ai… vécu le deuxième grand essaim… ». Na Djaï’tal a plissé les yeux en la regardant attentivement. Mogala l’a encouragée. Elle a poursuivi après un long silence semblant revivre la fuite des réfugiés : « et j’y suis morte… ». Eeri lui a souri pour la soutenir revivant avec elle ce qu’elles avaient vécu ensembles. Kyshala a continué : « Tout le monde me croyait morte d’ailleurs… Pourtant Jalindra a tout fait pour me retrouver… pour retrouver la cousine de son amie Shaakya… et… je suis heureuse qu’aujourd’hui parce que ma petite cousine a trouvé son âme soeur. ». Elle s’est ensuite tournée vers Eeri en lui souriant : « Et… je voudrai aussi remercier Eeri… qui a pris soin de Shaakya alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Merci Eeri! ». Eeri s’est mise à rougir sentant les regards sur elle. Jalindra a dit doucement : « Oui, merci… sans toi, je ne l’aurais pas à mes cotés aujourd’hui. ». Kyshala a alors ajouté : « Merci aussi à toi, Jalindra! C’est à toi maintenant de prendre soin d’elle. ». Elle s’est alors rassis sous un étrange regard de Mogala.

Fyrensaken s’est alors mis à toussoter avant de s’avancer : « Je suis persuadé que chacune d’entre vous trouvera en l’autre ce qu’elle a toujours cherché, que dans l’adversité, chacune trouvera soutien auprès de l’autre, que votre amour perdure au-delà des temps. Moi aussi… je vous souhaite mes meilleurs vœux de bonheur ». Il s’est incliné avant de se rassoir. Je l’ai remercié d’un signe de tête.

La pluie avait soudain cessé et Mogala s’est écrié : « Pluie qui cesse ! Mariage en finesse ! ». Connaissant Mogala, j’ai craint qu’il poursuive avec une autre rime et j’ai vu au regard d’Eeri qu’elle pensait la même chose. Je n’ai pas pu m’empêcher de pouffer. Tandis que celui-ci se mettait lui aussi à rire sans rien ajouter.

Plus personne ne semblait plus vouloir s’avancer, alors Na Djaï’tal a repris la parole : « Je souhaiterais également ajouter quelque chose… Avec les zoraïs, c’est soit un haiku, et c’est rapide, soit c’est un conte, et c’est plus long… J’ai choisi la seconde option, mais comme nous sommes dans les Lacs, j’ai essayé de donner une teinte tryker au récit… ». J’adorais les histoires de Na Djaï’tal, je lui ai souri heureuse qu’il me gratifie d’un de ses contes. Il m’a souri en retour et a commencé :
« Il était une fois, une île où tous les différents sentiments vivaient : le Bonheur, la Tristesse, le Savoir, ainsi que tous les autres, l’Amour y compris.
Un jour on annonça aux sentiments que l’île allait couler. Ils préparèrent donc leurs bateaux et partirent.
L’Amour voulait rester jusqu’au dernier moment. Quand l’île fut sur le point de sombrer, l’Amour décida d’appeler à l’aide.
La Richesse passait à côté de l’Amour dans un luxueux bateau. L’Amour lui dit :
- “Richesse, peux-tu m’emmener ?”
- “Non car il y a beaucoup de dappers sur mon bateau. Je n’ai pas de place pour toi.”
L’Amour décida alors de demander à l’Orgueil, qui passait aussi dans un magnifique vaisseau :
- “Orgueil, aide moi je t’en prie !”
- “Je ne puis t’aider, Amour. Tu es tout mouillé et tu pourrais endommager mon bateau.”
La Tristesse étant à côté, l’Amour lui demanda,
- “Tristesse, laisse moi venir avec toi.”
- “Ooh… Amour, je suis tellement triste que j’ai besoin d’être seule !”
Le Bonheur passa aussi à côté de l’Amour, mais il était si heureux qu’il n’entendit même pas l’Amour l’appeler !
Soudain, une voix dit :
- “Viens Amour, je te prends avec moi.”
C’était un vieillard qui avait parlé. L’Amour se sentit si reconnaissant et plein de joie qu’il en oublia de demander son nom au vieillard.
Lorsqu’ils arrivèrent sur la terre ferme, le vieillard s’en alla. L’Amour réalisa combien il lui devait et demanda au Savoir :
- “Qui m’a aidé ?”
- “C’était le Temps” répondit le Savoir.
- “Le Temps ?” s’interrogea l’Amour. “Mais pourquoi le Temps m’a-t-il aidé ?”
Le Savoir sourit plein de sagesse et répondit :
- “C’est parce que Seul le Temps est capable de comprendre combien l’Amour est important dans la Vie.” »

Na Djaï’tal nous a souri les yeux brillants. Anyumé le regardait avec des yeux complices. Phaozhu a applaudit. Kiwalie a dit doucement : « Que c’est beau et vrai! ». Thalis a murmuré : « Magnifique… ». Jalindra a écrasé une larme d’émotion.

Puis Na Djaï’tal a repris la parole : « Si les témoins veulent bien s’avancer pour lier symboliquement les mariées. ». Jalindra était tellement prise par l’émotion qu’elle en a oublié qu’elle avait la liane. Je lui ai pris doucement des mains et je l’ai tendue à Zo’ro Argh. Il l’a prise en tremblant et a lié le poignet de Jalindra en disant : « Nous sommes les témoins du lien qui vous uni l’une à l’autre! ». Zo’ro Argh avait oublié de me laisser parler et Na Djaï’tal lui a fait doucement remarqué. Il a pris un air tellement confus que je m’en suis voulue de devoir le reprendre. J’ai souri à Zo’ro Argh pour le rassurer et j’ai expliqué : « Voici la liane qui a accompagné notre sommeil nous liant lors de nos nombreuses nuits perturbées tant par mon somnambulisme, que par l’infection de Jalindra par la goo. Elle fut mon rempart contre mes escapades nocturnes dans la kitnière motivées par la recherche inconsciente de ma cousine. ». C’était à Zo’ro Argh mais il était perdu et ne savait plus ce qu’il devait faire ou dire. Na Djaï’tal lui a chuchoté : « Maintenant, tu peux dire ton texte… ». Mais il était incapable de reprendre. Il a serré le nœud de la liane sur le poignet de Jalindra et a tendu l’autre bout à Kiwalie.

Fyrensaken a sorti sa guimbarde et a commencé à en jouer… l’air vibrait et des sonorités envoutantes se répandaient autour de lui, calmant les esprits… faisant envoler les tensions et les crispations. Kiwalie a pris alors doucement mon poignet et a dit doucement en nouant la liane : « Que ce lien soit le symbole de celui qui existe entre vous ».

Je me suis tournée vers Jalindra me perdant dans son regard. Elle plongeait ses magnifiques yeux bleus dans les miens. Na Djaï’tal a toussoté nous ramenant à la réalité. J’ai secoué la tête pour reprendre pied. Puis Jalindra a commencé à déclamer l’haiku que Na Djaï’tal nous avais traduit en langage zoraï. Je lui répondais par la traduction en langage commun.
- « zaadi’i né-an »
- « Les graines malheureuses »
- « pai akaba na shi-zi »
- « oublient leur souci et ne deviennent qu’une Graine de vie »
- « la liliko le »
- « Pour faire germer une fleur »

Nous nous sommes souries. Jalindra a passé à mon doigt une magnifique bague d’ambre aussi fine qu’une liane en lisant l’inscription gravée : « Notre lien est indestructible. ». J’ai passé à son doigt la même bague en y lisant une autre inscription : « A jamais réunies. ». Puis nous avons lancé ensemble le sort que nous avions préparé qui a illuminé nos corps de lumière sous les yeux ébahis de nos invités. J’ai serré Jalindra contre moi avant de l’embrasser. Elle a répondu à mon baiser avec beaucoup d’amour en m’entourant de ses bras. Je ne voyais plus qu’elle… le temps était suspendu…

Les invités se sont mis à nous acclamer : « Vivent les mariées!!! » nous sortant de la bulle que nous avait entourée pendant un bref instant. Et les feux d’artifices ont commencé à s’élever, ajoutant des étoiles colorées au ciel étoilé. Je me suis mise soudain à pleurer de bonheur. Jalindra m’a souri en serrant ma main.

Puis les invités ont commencé à s’approcher, ils avaient tous des cadeaux pour nous. Cela allait de magnifiques bouquets fleurs, à de la nourriture exotiques, aux tonneaux de bière, des feux d’artifices, des matières premières, des potions, aux armes, amplificateurs et boucliers pour se protéger durant nos explorations… Nous avons même eu droit à un petit mot de Fey-Lin que nous n’avions pas osé inviter pensant qu’elle était un personnage bien trop important pour venir à notre « petit » mariage. C’est alors que Mogala s’est approché timidement : « Je peux? ». Jalindra l’a encouragé : « Bien sûr! ». Il regardait en l’air avec des yeux inquiets : « Comme vous le savez, j’ai perdu toute ma famille, toute ma vie… A cause d’un morceau d’écorce qui a écrasé mon village… Alors, ici, je ne suis pas très à l’aise… J’ai passé des semaines blessé et d’autres à rechercher les morceaux des corps des miens… Et pour cette occasion, pour vous remercier, vous et vos amis, de l’aide énorme que vous m’avez apportée…. Pour vous remercier d’avoir permis à l’Amour de vivre avant que le vieillard ait eu le temps de faire son œuvre dans mon cœur… Voici réunis en colliers, les objets les plus précieux qu’il me soit donné de posséder. ». Il nous a alors offert deux colliers formés de tous petits morceaux colorés de masques zoraïs : « C’est tout ce qu’il reste des miens. Qu’ils vous protège et vous accompagne dans l’Amour et tout au long de l’oeuvre du vieillard… ». Le cadeau était si étonnant et précieux pour Mogala que je suis restée un instant indécise à me demander si j’avais le droit de l’accepter. Mais Jalindra a décidé pour nous deux et lui a sauté dans les bras pour embrasser sa joue. Je l’ai alors moi aussi serré contre moi en l’embrassant. Eeri a commenté : « Quels poètes, ces Hoodos! ». En moi même, j’ai pensé qu’effectivement, cela n’avait rien à voir avec les légions fyros.

A nouveau, les feux d’artifices ont illuminé le ciel. Nous regardions les étoiles colorées avec des yeux d’enfants. Puis j’ai lancé voyant que certains lorgnaient avec envie sur les tonneaux et les cookies de Kiwalie : « Et maintenant!!! Baignade, bière et cookies!!! ». Tout le monde s’est précipité sur la plage en courant, certains plus lentement traînant un tonneau derrière eux. D’autres jetaient leur vêtements en continuant d’avancer pour être les premiers dans l’eau. J’ai rangé précautionneusement ma robe de mariée pour arborer mon maillot de bain rouge en criant : « AAAAAAAAAA l’eauuuuuuuuu!!! ». Puis, estimant que j’étais arrivée la première : « J’ai gagnééééééééééééééééééé ». Jalindra a ri de mon habituelle plaisanterie et Anyume nous a éclaboussé. Mon homine nous a vengé en l’attrapant par les pieds pour la faire couler. La suite a été une série de batailles d’eau, de beuveries avec les tonneaux amenés sur la plage, de courses après les cookies aux termites et du chant merveilleux du slibard rouge de la légion fyros. Je ne me souviens plus de grand chose précisément à vrai dire à part qu’il y avait un esprit de fête, de joie emplis de rires.

Mais je tenais à faire ma surprise à Jalindra, aussi je lui ai proposé de nous éclipser. Elle a accepté avec joie. Nous avons remercié nos amis avec chaleur pour leur présence. Nous avons enfourché nos mektoubs et nous avons rejoints l’île de Kyshala. Je l’ai entrainé à l’est de l’île. Il y avait un tipi tricker blanc et bleu d’où sortait une légère fumée. J’ai souri en voyant l’étonnement de ma belle, j’ai pris sa main : « Allez viens on entre! ». L’intérieur du tipi était éclairé par de multiples petites bougies. Un arbre liane à deux fleurs trônait dans le fond. Une odeur douce embaumait l’atmosphère. Une baignoire en bois était placée au milieu remplie d’eau chaude avec une multitude de petits pétales de fleurs jetés dedans. Une petite table était placée à côté avec de nombreuses petites bouteilles de parfums, d’huiles parfumées, de savons posés dessus. J’étais moi aussi surprise… Kyshala avait beaucoup travaillé pour nous offrir ce lieu. J’ai regardé Jalindra attendant sa réaction.

Elle est resté un moment ébahie, regardant avec stupéfaction l’arbre, la baignoire avec la petite table. Elle s’est avancé doucement pour caresser l’arbre, avant de regarder sa bague avec émotion. Elle a effleuré l’eau du bout des doigts, avant de se tourner vers moi. Des larmes d’émotion roulaient sur ses joues tandis qu’elle murmurait en souriant : « C’est magnifique… mayumé… personne ne m’avait montré autant d’amour… ». elle s’est jeté dans mes bras, se blottissant dans mon cou. Je l’ai serré contre moi aussi émue qu’elle. J’ai murmuré : « J’ai tellement d’amour à te donner… ». Je l’ai déshabillée très doucement et je me suis dénudée moi aussi. J’ai testé la chaleur de l’eau du bain. L’eau était à une température parfaite. J’ai soulèvé Jalindra et je suis entrée avec elle dans l’eau. Je me suis placée contre son dos l’enveloppant de mes bras. L’eau du bain sentait bon les huiles parfumées. J’ai embrassé tendrement sa nuque en massant doucement son dos : « Cette nuit, je vais m’occuper de mon homine… pour qu’elle se souvienne toujours de notre nuit de noces. ». Ma belle se laissait câliner, semblant apprécier la détente apportée par le bain parfumé et mon doux massage. Elle a fini par se retourner pour m’embrasser avec passion avant de murmurer : « Et je compte bien prendre soin de l’homine de ma vie, pour rendre sa vie aussi merveilleuse qu’elle… ». J’ai répondu avec fièvre à son baiser et murmuré : « Ma vie est déjà tellement merveilleuse depuis que je te connais. ». J’ai commencé à la caresser de façon beaucoup plus intime en murmurant d’une voix tremblante de désir : « el makèch mayumé… ». Elle a répondu à mes caresses nous emportant dans un tourbillon de passions.

J’ai repris doucement mes esprits après le plaisir que nous nous étions offert en la serrant tout contre moi. Je lui ai lavé les cheveux avec des gestes doux presque des caresses. Je les ai rincés très délicatement, en embrassant sa nuque par petites touches. Je suis venus chercher ses lèvres pour l’embrasser tendrement. J’ai caressé son visage, les yeux emplis d’amour. Puis, je l’ai portée pour la sortir de l’eau et l’allonger sur un matelas recouvert de serviettes très douces à la bonne odeur de propre. Je l’ai essuyé tendrement. Elle est venue chercher mes lèvres les yeux brillants de bonheur. Elle me regardait et j’avais l’impression d’être magnifique dans ses yeux où luisaient la douce lueur des bougies. Elle nous a recouvertes de serviettes, en me serrant contre elle tandis qu’elle m’essuyait avec beaucoup de douceur. J’ai goûté à nouveau ses lèvres, ne me lassant jamais de leur douceur. J’ai attrapé une petite bouteille d’huile parfumée sans quitter ses bras. J’ai imprégné mes mains de l’huile parfumée et je les ai passé doucement sur le corps de ma belle avec des gestes caressants. J’ai plongé à nouveau dans ses yeux, me perdant dans mon rêve éveillé. Elle fermait les yeux sous mes caresses, savourant la sensation de mes mains glissant sur sa peau. Elle a murmuré doucement : « Je suis la plus heureuse des mariées… tu es vraiment mon rêve mayumé… ». Elle a rouvert les yeux pour attraper l’huile et a commencé à masser doucement mon dos. Je me suis laissée aller sous ses mains en fermant les yeux. J’ai murmuré en soupirant de bonheur : « Tu es le mien mayumé… je ne peux rêver mieux que toi mon amour… ». J’ai fini par m’endormir contre elle sous ses douces caresses.

Jour 29

17 d’elavrion 390, Dépôt d’Idaloran

Les derniers jours on été particulièrement riches en événements et encore une fois, je crains que ma mémoire ne me trahisse et ne me fasse défaut. Premier événement, il y a de cela quelques jours. Le Shaman Orc qui avait mené la vie dure à tous les Séridiens avait été repéré en Pays Sinan. Certains aventuriers, dont je n’étais pas, avaient mis en place un rituel afin de faire perdre au Shaman tous ses pouvoirs. Malheureusement, quelque chose ne se passa pas comme prévu et Dame Chto, une bleue que j’avais déjà croisée, s’est retrouvée dans un monde étrange.
Padant ce temps, le Shaman était parti en territoire sombre et je me proposai afin d’assurer une battue. Serwin, un Haut-Elfe arrivé durant ma période d’inactivité, me rejoignit. Nous ne trouvâmes malheureusement aucune trace de la peau verte. Nous supputâmes que le rituel avait fonctionné et que, se rendant compte de sa défaite, l’Orc avait rejoint les siens dans les montagnes.
Nous entendions Chto qui nous racontait son voyage dans l’ »autre monde ». Comme elle avait l’air perdue, Serwin et moi partîmes pour Irilion : la bleue nous décrivait la pleine de Melinis, mais d’un autre Melinis. Nous y retrouvâmes une autre bleue dont le nom m’échappe, ainsi qu’un Galdur qui avait bien du mal avec le parlé commun. Plusieurs fois je tombai dans des tous de lave et me retrouvai directement au Styx.
Finalement, Chto sortit de ce monde d’elle même. Son récit (que j’ai recopié plus loin) était des plus étonnants. Tous fourbus de ces aventures, nous nous assîmes à la taverne de Melinis et discutâmes de tout ce que pouvait bien être cet autre monde.

Quelques jours plus tard, la guilde des Villageois organisait un marché. Je n’avais rien à acheter, mais je m’y rendis. Il y avait la de nombreux aventuriers. J’achetai tout de même un complet en bronze afin de parer à toute éventualité. Alors que je terminais mes achats, un visage connu, que je n’espérais plus revoir sur ces îlots entra dans la salle où se passait le marché : Dame Kharya. Je pensais qu’elle était retournée sur le continent, mais elle était bien là. Je me précipitai pour la saluer, mais, bien qu’elle me répondit avec courtoisie, elle ne semblait pas me reconnaître. Elle me dit « Bonsoir petit elfe rêveur ». J’ai continué à parler avec elle par télépathie, mais elle ne répondait que par des bribes de mots. En fait, on aurait dit une Galdure. Dans ma discussion intérieure avec elle, j’entendis, un sombre, qui disait, en regardant vers Kharya « Ca y est, elle perd encore la tête ». Je m’en suis empressé de lui demander ce qui se passait. Il m’a répondu que la Matriarche, maintenant Grande Prêtresse avait perdu l’esprit alors qu’elle cherchait une sortie annexe au labyrinthe des Sombres. Elle serait tombée sur un Eldorian qui lui aurait fait perdre la tête. Je n’ai pas tout compris. La magie des Sombres est bien différente de la nôtre. Il n’est vraiment pas étonnant que les « miens » en aient peur… Je suis triste pour Kharya. Elle qui m’a tant aidé, j’aimerais lui rendre la pareille.
La soirée s’est terminée par une mise aux enchères, bien arrosée d’ailleurs. J’ai pu faire la connaissance du candidat Nain au poste de Chambellan (l’autre étant le Sombre Mulvaar), autant dire que je ne mettrais jamais la vie d’une seule créature entre les mains d’un olibrius pareil : il a un accent nain à couper au couteau, ne semble avoir aucun programme défini.

Les derniers événements ont eu lieu aujourd’hui : Alors que je tentais de nettoyer les restes des fantômes qui hantaient Pierre-Blanche, je tombai sur Adonis. D’après son histoire, c’était un Natif qui avait décidé, à la suite de son père, assassiné par Adrian le Féal, d’aider les aventuriers. Il me demanda ce que je voulais et je lui réclamai un Parchemin de Sanctuaire. Je me rendis à Trépont et résolut l’énigme du sanctuaire « Tutoriel ». J’atterris alors dans une source d’eau chaude. Je me surpris à penser à Isil. Nous aurions apprécié un tel endroit…
Quelques heure plus tard, alors que j’étais parti au Passage de Frenegor pour récolter des émeraudes, j’entendis sur les ondes, les alarmes sonner un peu partout : Le territoire bleu, le territoire nain et Kultare étaient envahis. Je me croyais en sécurité, mais bientôt ce furent les régions de Zirak-Inbar de Yrsis et de Frenegor qui furent envahies. A la sortie de la mine, je tombai sous les coups d’un guerrier Gobelin. Je me remis en route puis allai aider à Zirak : on signalait des Gargouilles. J’en tuai une bonne dizaine puis, une fois la région pacifiée, je retournai à Frenegor, persuadé que les Gobelins avaient du être vaincus. Je m’aperçus vite du contraire et fuyai jusqu’à Idaloran où je décidai de m’arrêter afin de reprendre esprits.

Jour 28

Dock d’arrivée de Trépont, Jour 16 nuona 390.

Cela fait presque six fingeliens que je n’ai plus rien écrit ici. En fait pour dire vrai, j’avais perdu mon vieux journal. Je l’ai retrouvé récemment, car je fouillais mes affaire au dépot de Raven afin de retrouver une épée dont je voulais me servir pour mon entraînement. J’ai relu tout ce que j’y avait marqué. Le temps efface tout. J’avais oublié Isil, j’avais oublié notre histoire. Que reste-il de cette histoire? Khaena, Kharya, Kelly, toute cette histoire a été effacée. Ses seules traces sont dans ce journal. C’est pour cela que je vais le reprendre. Afin qu’il ne disparaissent pas de ces Landes.
Fait marquant aujourd’hui, après avoir relu le journal, je me suis mis à la recherche d’un endroit dont j’avais entendu parler à Tarsengaard, à proximité du Palais. Il regorge d’araignées, qui auraient été parfaites pour mon entraînement. Lorsque je suis arrivé devant l’entrée de l’endroit, je ne pus y entrer. Cet endroit, Khaena me l’avait fait découvrir, cela aussi je l’avais oublié. Le temple de Lith, il me semble. Qu’à cela ne tienne, je m’attaquerai aux peaux vertes ou aux gargouilles.

Je suis rentré au Trépont et j’ai regardé Anar succéder à Isil. Je n’espère plus qu’Isil revienne, ma journée sera permanente.

Le tour d’Atys à dos de mektoubs

Après avoir senti le souffle de la mort nous effleurer, nous avions besoin de profiter de la vie ensemble. Aussi un soir, j’ai proposé à Jalindra de réaliser mon rêve de faire le tour d’Atys à dos de mektoubs. Elle a acquiescé mais sans enthousiasme. J’ai eu l’impression de revoir Eeri quand je lui avais proposé la même chose. Eeri avait ensuite toujours esquivé le sujet affirmant qu’elle avait trop de travail mais que nous le ferions un jour… J’ai soupiré : décidément, il n’y avait que moi à avoir ce rêve.

J’étais persuadée que Jalindra allait faire la même chose qu’Eeri. Aussi, je l’ai regardée avec des yeux ronds quand dés le lendemain, elle a proposé que nous nous préparions pour entamer notre tour d’Atys. J’étais stupéfaite et terriblement heureuse. Nous avons préparé nos bagages. Je me dépêchais de peur qu’elle change d’avis, m’emmêlant les pinceaux. Jalindra était, quand à elle, très calme me proposant de m’aider à stocker le superflu. Et nous sommes parties!!!

Du pays des lacs tryker à la jungle zoraï

Nous n’avions décidé d’aucun chemin particulier. Nous voulions juste être libres de nos mouvements, sans être obligées de nous arrêter dans les villes. Aussi, nous avions pris le maximum de nourritures pour nos mektoubs. Je galopais comme un folle en direction du vortex menant à la route des ombres, oubliant les précautions d’usage. Résultat : je me suis retrouvée au milieu des kitines des lacs. Heureusement, Jalindra était bien plus prudente et a réussi à s’enfuir. Gato, mon mektoub, a réussi à survivre mais il restait au milieu des kitines sans savoir quoi faire. Jalindra n’a pas réussi à m’atteindre aussi j’ai du demander une résurrection aux kamis. Maintenant, il nous fallait ramener Gato mais après plusieurs essais infructueux, nous commencions à nous dire qu’on ne pourrait vraiment pas y arriver. Notre voyage commençait bien… même pas une étape et nous avions déjà perdu un toub… Et puis, un tryker du clan macFay nous a proposé de nous aider. Le tryker était un grand combattant, et avec notre support en soin, nous n’avons eu aucun mal à récupérer Gato qui m’a suivi bien sagement jusqu’au vortex. Le tryker nous a ensuite quitté après que nous l’ayons remercié chaleureusement, en nous conseillant de porter une armure lourde si nous nous déplacions en mektoub.

La jungle zoraï

La traversée des primes racines a été assez facile et nous sommes arrivées au pays zoraï sans encombre. Nous sommes allées dormir le premier soir sur la colline du bosquet vierge que j’avais appelée : la colline de Na Djaï’tal. C’était là que Jalindra et moi avions failli devenir amantes avant qu’un importun ne nous dérange. Cette fois-ci, personne n’est venue nous déranger…

Le lendemain, nous avons aidé Kiwalie et Nerwane à rechercher des termitières. Nous avons visité dans tous les sens la jungle zoraï. Nous sommes même allées dans la région du vide pour aller visiter l’ancienne kitinière. Il y avait une termitière cachée tout en haut. L’endroit était étrange comme une forteresse impressionnante mais désertée.

Nous avons fini par rejoindre épuisée notre petit coin que nous avions appelé : notre arbre fleuri. Il était tellement magnifique au printemps.

Le lendemain, nous avons beaucoup ri au sujet de nos mektoubs les soupçonnant d’entretenir une relation amoureuse même si il s’agissait de deux mâles. Gato présentant toujours son derrière à celui de Jalindra que j’avais surnommé « Termite », en hommage à nos recherches de termitières.

Le désert fyros

Nous sommes repartie par les primes racines des sources interdites pour rejoindre le désert fyros. Cette fois, la traversée a été plus que périlleuse. Même si nos toubs avaient l’avantage d’être extrêmement rapides, les créatures peuplant cette région étaient très agressives. Termite, le mektoub de Jalindra, n’a pas survécu à la traversée…

C’est un peu tristes que nous sommes arrivées à Dyron où Jalindra a pu racheter un beau mektoub du désert. Nous avons rejoint l’oasis d’oflovak pour planter notre camp pour la nuit en haut d’une falaise. Nous avons admiré le paysage en nous câlinant tendrement avant de nous endormir.

Le lendemain, en nous promenant à travers le désert, la discussion est venue sur Shab, celui qui avait failli devenir l’homin de Jalindra. Elle m’a montrée d’une haut d’une falaise l’endroit de la forêt enflammée où elle avait trouvé son corps puis elle s’est éloignée comme si la douleur de ce souvenir était encore trop vive. Je comprenais soudain qu’elle n’avait jamais pu faire son deuil. Elle avait encaissé la mort de Shab et s’était enfuie dans la solitude du désert pour vivre loin de tout. Le second essaim était arrivé et elle avait du lutter pour survivre sans même pouvoir repenser à la mort de son homin. J’ai couru après elle en lui demandant de me parler de Shab. Mais, elle s’est refermée sur elle même.

Mais, à force d’insister avec douceur, elle a fini par me conduire dans la forêt enflammée à l’endroit où ils avaient l’habitude tous les deux de récolter. Elle a fini par me raconter comment il avait disparu et l’horrible découverte de son corps. Elle avait beaucoup pleuré et moi avec elle. Elle s’était endormie dans mes bras épuisée par les sanglots et l’émotion.

Quand je me suis réveillée le lendemain, elle n’était plus là. J’ai eu un moment terrible de panique : où était elle? Avait-elle décidé de retourner vivre dans le désert seule? La douleur de la perte de Shab lui rappelant qu’elle pouvait me perdre moi aussi et que la douleur serait insupportable… Je me suis redressée d’un bond, la cherchant du regard. Puis, j’ai vu un petit mot qu’elle avait laissé m’expliquant qu’elle était allée dire au revoir à Shab sur le lieu où il avait été enterré laissant la forêt enflammée brûler son corps sans vie. J’ai couru la rejoindre en essayant d’enfiler mon pantalon en même temps, manquant de m’écrouler par terre. Quand je l’ai aperçue au loin, je me suis arrêtée brutalement dans un dérapage comique faisant voler les cendres de la forêt enflammée autour de moi. Jalindra était debout exprimant sa douleur et sa colère contre celui qui l’avait laissée seule après l’avoir demandée en mariage. J’ai cueilli un bouquet de petites fleurs blanches en forme d’étoile.

Elle m’a aperçue et m’a fait signe de la rejoindre. Elle avait des larmes plein les yeux. Je me suis approchée doucement d’elle, je l’ai attirée contre moi en la serrant fort. Elle a laissé s’exprimer son chagrin tandis que je la berçais tendrement. Quand ses pleurs ont commencé à s’estomper, j’ai embrassé doucement son front en caressant son visage, essuyant délicatement les larmes de ses joues. Puis, j’ai déposé le bouquet de fleurs blanches devant nous et j’ai dit doucement : « Shab, j’espère que tu es heureux de voir Jalindra à nouveau sourire et rire de là où tu es. Je te promets de prendre soin d’elle et de la rendre heureuse comme tu aurais voulu le faire. Sache en tout cas qu’avec moi, elle ne manquera jamais d’amour ou de tendresse. ».

Jalindra semblait touchée par mes paroles. Nous avons vu soudain une source apparaître au milieu des fleurs. Elle a souri en passant sa main dessus. Elle a murmuré, les yeux perdus dans le vague : « Je lui ai parlé de toi, après m’être excusée de ne pas être venue avant… Il sait à quel point tu me rends heureuse… et surement que sans toi, je ne serais jamais revenue… ». Elle s’est penchée pour cueillir des fleurs à son tour et les déposer dans la source en souriant tendrement. Elle a murmuré en direction du bouquet de fleurs : « Tu resteras mon premier amour… celui qui a montré à une fyrette solitaire que l’amour existait… j’espère que l’autre monde n’est qu’amour et que tu es bien… ». Elle s’est relevée et m’a pris la main pour me ramener aux mektoubs. Ce jour là, ma bek-i-bemaï avait enfin pu faire le deuil de son homin.

Le lendemain, pour nous changer les idées, j’ai proposé à Jalindra d’aller rendre visite aux fraiders : cette drôle de tribu primitive du désert. Le chemin a été difficile le long du couloir brûlé mais nous avons réussi à rejoindre le camp sans trop de mal grâce à la vitesse de pointe de nos mektoubs. J’ai même pu lui montrer l’endroit où Kyshala était tombée devant l’entrée de l’oasis secrète des Kamis où tous les homins s’étaient réunis pour fuir le deuxième grand essaim.

Les fraiders nous ont accueillis à leur manière un peu frustre. Épuisées, nous nous sommes installées pour la nuit. Et c’est là derrière un de ses énormes crânes qui entourent le camp des fraiders que nous avons aperçu une des termitières recherchées par les aspirants rangers. Nous avons aussitôt envoyé un izam à Kiwalie la prévenant fièrement de notre découverte.

C’est là bas aussi que nous avons eu l’idée saugrenue de faire le gâteau à la bière que j’avais promis à Eeri le jour de son départ. Jalindra m’a regardée faire effarée mélanger les œufs écrabouillés avec plus ou moins de coquilles, la farine, la bière et le shookila. Elle a étouffé un fou rire, songeant soudain aux coquilles d’œufs qu’elle avait du avaler sans le savoir. Elle a tenté de m’expliquer sa technique où elle cassait délicatement le haut de l’œuf avec sa pique pour ensuite enlever le reste des coquilles. J’ai essayé de faire la même chose coinçant l’œuf entre mes pieds et donnant de petits coups dessus mais sans succès. J’ai fini par donner un grand coup de dague. L’œuf a bien sûr éclaté sous la violence du choc, m’éclaboussant entièrement de la tête au pied sous les fous rires de Jalindra : « C’est un œuf, pas un varinx! Remarques… c’est une bonne technique pour une omelette! ». Elle a continué à rire m’aspergeant de bière avant de venir m’embrasser : « Ça manque un peu de sucre quand même… ». Je vous laisse imaginer la suite de la bataille de farine et de sucre parsemée de bière devant des fraiders médusés de découvrir les mœurs étranges des fyros.

Nous avons parcouru ensuite le désert de long en large, retournant auprès de frère arbre et à la taverne de Pyr, le lieu de notre première rencontre, comme un retour aux sources de notre si belle rencontre. Cela nous a donné envie de rejoindre le pays matis où nous avions passé pas mal de temps ensembles à apprendre le métier de fleuriste alors que nous n’étions alors que des amies.

Le pays Matis et le Nexus

Nous avons donc rejoint Thesos pour prendre le vortex qui mène directement au si beau désert matis. La route s’est déroulée sans encombre, rejoignant Yrkanis, retrouvant le dôme où elle m’avait massée si souvent les pieds. Nous nous sommes endormies épuisées par le trajet dans les bras l’une de l’autre.

Le lendemain, nous étions déjà repartie. Nous voulions retrouver le Nexus et sa « piscine » où nous avions déjà passé une nuit. L’endroit était magnifique au printemps même si les créatures et les homins qu’on y trouvait n’étaient pas particulièrement amicales.

De retour au pays matis, nous avons croisé Kiwalie qui nous a emmené dans une chasse aux termitières rangers. Durant nos pérégrinations, nous sommes tombées sur Bodokin : le roi des bodocs. Une magnifique créature au pelage bleuté et aux cornes dorées ressemblant à une couronne.

Nous avions entendu la légende qui entourait cette créature : pour une raison inexplicable, les psykoplas défendaient le roi des bodocs. Quand nous l’avons trouvé, Bodokin étaient justement entourés par un champ de psykoplas. Forcément, il a fallu que nous testions si la légende était vraie. Il ne nous a pas fallu longtemps pour le découvrir quand nous nous sommes retrouvées à être attaquées de toutes parts par les plantes intelligentes. Notre retraite a été peu glorieuse mais nous sommes revenues à la charge, nous débarrassant en premier des plantes. Nous pensions avoir fait le plus gros et nous avons commencé à attaquer Bodokin mais soudain un troupeau de bodocs enragés est apparu défendant leur roi. La retraite a été encore moins glorieuse cette fois-ci : des psykoplas étaient réapparus nous barrant le principal chemin de sortie et nous lançaient des attaques magiques. Nous sommes pourtant passées au travers poursuivies par des bodocs enragés qui refusaient de nous laisser aller et des ragus qui se sont joints à la fête trouvant l’opportunité trop belle pour croquer de l’homine.
Après avoir soigné nos blessures, nous avons beaucoup ri de notre mésaventure, essayant d’élaborer un plan plus intelligent : on se débarrasse des bodocs puis des psykoplas et enfin de Bodokin. C’est donc fières de notre plan si bien préparé que nous sommes retournées sur les lieux, Jalindra appliquant avec beaucoup d’attention les étapes de notre plan. Pendant que Kiwalie et moi nous faisions n’importe quoi attaquant Bodokin en premier. Celui-ci nous a alors attaqué, nous avons fui riant comme des folles attaquées par les psykoplas au passage et suivi par quelques bodocs, laissant Jalindra seule contre le gros de la troupe des bodocs et qui pestait de nous voir faire n’importe quoi. Mais en fait, ce n’était pas une si mauvaise idée que çà d’attirer Bodokin en dehors de sa troupe de protection. Nous n’avons eu aucun mal à nous débarrasser des bodocs qui nous avaient suivi. nous avons ensuite attaqué Bodokin parfois agacées par des ragus qui voulaient revenir nous croquer. Jalindra est arrivée en courant, soulagée de voir que je n’avais rien, juste au moment où Kiwalie donnait le coup de grâce. Le magnifique roi bodoc était tombé. Nous nous sommes partagées les précieuses matières premières avant de nous séparer, riant encore de notre aventure.

Jalindra et moi, après avoir récupéré nos mektoubs, nous sommes retournées sur le lieu que nous avions surnommé : « la marre aux grenouilles ». Les abords du point d’eau étaient infestés de cutters et de ragus qui venaient sans doute là pour chasser les nombreux herbivores qui venaient s’y abreuver. La rapidité de nos mektoubs nous a permis de passer au travers des carnivores sans encombre.

De l’autre côté de la marre surmontée de falaises, nous étions à l’abri. La pluie est arrivée faisant sortir les grenouilles pour notre plus grande joie!!! Je me suis mise à les chasser dans tous les sens attrapant de magnifiques mottes de terre à la place. Nous avons beaucoup ri en imaginant embrasser les grenouilles pour qu’elles se transforment en princesse ou en prince comme dans les contes pour petits homins. Au final, c’est dans les bras de ma princesse bien réelle, Jalindra, que je me suis endormie ce soir là.

Le lendemain, nous avons rejoins Avalae, la ville la plus au sud du pays matis. Nous avions l’intention de rejoindre le pays des lacs. Mais auparavant, nous préférions laisser nos mektoubs se reposer dans une étable avant le périple dangereux qui nous attendait. Quand à nous, dormir dans une ville ne nous enchantait pas vraiment. Aussi, nous avons rejoint un joli endroit où un arbre liane poussait isolé de tout. Je me suis réveillée cette nuit là. Je regardais ma belle dormir : elle était magnifique… Je l’aimais tellement… J’ai commencé à la caresser, enflammant mon désir, alors qu’elle s’éveillait à peine. Je l’ai emportée dans le plaisir intense sans qu’elle puisse me rendre mes caresses. Quand elle est retombée entre mes bras, j’ai goûté tendrement ses lèvres. Je lui ai murmuré alors qu’une larme d’émotion coulait le long de ma joue : « el makèch mayumé… plus que tout… ». Elle était encore tremblante du plaisir offert quand elle a recueilli ma larme de ses lèvres en murmurant : « Je t’aime mayumé… ». Nous sommes restées un long moment silencieuses, nos corps entremêlés, profitant de la chaleur et de la douceur de l’autre, laissant l’émotion nous traverser.

Au bout de quelques minutes, elle a murmuré en me caressant tendrement la joue : « Je veux que tout le monde sache comme je t’aime… Tu veux devenir mon homine? Enfin… officiellement? ». Je l’ai regardée avec des yeux perdus avant de me blottir contre elle en sanglotant : « Oui bien sûr que oui… ». Je me suis relevée pour la regarder : « Je… j’y ai pensé… je voulais te le proposer… mais je ne savais pas comment… ni les mots… je voulais te trouver une bague et… ». Je suis retournée dans ses bras en pleurant. Elle a souri tendrement avant de me serrer fort contre elle : « C’est vrai que c’est assez simple comme façon de demander… mais je n’ai jamais besoin de réfléchir avec toi, tout vient naturellement… mais si tu veux… ». Elle s’est écartée avant de mettre un genou à terre : « Mayumé… je t’aime, et je veux vieillir avec toi. Ça, tu le sais déjà ! Mais surtout, je ne veux plus qu’on se cache, je veux que ce lien si fort qui nous uni soit reconnu par tous et qu’on ne nous appelle plus jamais les jumelles!!! ». Elle a éclaté de rire avant de continuer : « Tu es l’amour de ma vie et nous resterons liées bien après… et je veux t’épouser ! ». Je l’ai relevée pour l’envelopper de mes bras : « La première demande était très bien tu sais… je n’en demandais pas plus… ». Je me suis doucement écartée pour mettre un genou à terre. J’avais la voix enrouée par l’émotion quand à mon tour, j’ai fait ma demande : « Mayumé… tu es mon rêve… celle que j’ai toujours espéré avoir dans ma vie… je veux être ton homine et que tu sois la mienne, celle avec qui je partagerai ma vie jusqu’au bout… et ne plus jamais être séparée de toi… ». Je me suis relevée. Elle avait le regard débordant d’émotion. J’ai pris son visage entre mes mains pour l’embrasser avec beaucoup d’amour. Je me suis écartée doucement avant de prendre un petit air taquin : « Et aussi… qu’on ne nous appelle plus les jumelles! ». Elle m’a serrée contre elle m’embrassant à nouveau. Difficile de décrire cette émotion que nous avions toutes les deux… Nous savions que ce que nous vivions était rare et que ce mariage n’était rien de plus qu’une façon de montrer à nos amis à quel point nous étions liées mais que çà ne changerait en rien notre liaison si intense. Nous avons parlé de longues heures ensuite : nous savions juste que nous voulions un mariage Hoodo mêlant les traditions des différents peuples d’Atys.

Mais avant de nous marier, il nous fallait terminer notre tour d’Atys, quitter le pays Matis pour rejoindre notre région de départ : le pays des lacs. Le chemin le plus court était celui passant au travers du labyrinthe de la Masure de l’Hérétique. C’était aussi le plus dangereux. Nous sommes donc reparties sur la route.

Nous n’avions même pas atteint le labyrinthe que déjà nous étions attaquées de toutes parts. Jalindra a perdu son beau mektoub du désert : Termite II. Elle m’a laissée seule pas loin de l’entrée de la Masure de l’Hérétique pour aller se chercher un nouveau mektoub matis et rayé : Termite III. Je dois dire que je n’étais pas très rassurée d’être seule entourée par des carnivores évoluant au loin en attendant son retour.

Elle est arrivée poursuivie par une cohorte de bestioles, me criant de loin de remonter sur mon mektoub pour la suivre. Je suis remontée en catastrophe sur Gato la suivant du mieux que je pouvais. Nous nous sommes enfoncées dans le labyrinthe à corps perdu, prenant les chemins qui nous semblaient les plus libres oubliant de marquer nos passages. Les premiers poursuivants ont abandonné la poursuite, mais aussitôt reprise par d’autres carnivores affamés… J’ai fini par tomber sous leurs coups pendant que Jalindra réussissait à s’enfuir. Elle a réussi à revenir pour me soigner. Gato n’avait rien et nous avons pu reprendre la route, nous enfonçant un peu plus dans l’horrible labyrinthe. Une nouvelle attaque nous a surprises. Une nouvelle fois, je suis tombée. Jalindra a réussi à s’enfuir mais est finalement tombée elle aussi, un peu plus loin. Nous avons demandé une résurrection aux kamis près du vortex du pays des lacs. Nous savions que nos mektoubs étaient vivants eux… Mais, il allait falloir les retrouver en plein milieu de ce dédale marécageux et dangereux.

Combien de fois, avons nous tenté de les rejoindre ce jour là ? Je ne sais pas… sans doute une vingtaine ou une trentaine de fois… cherchant un chemin, allant un peu plus loin à chaque fois… mais tombant au final contre l’afflux de créatures… C’est épuisées que nous avons réussi à rejoindre la plage d’un lac nous permettant de trouver un endroit calme pour la nuit… Nous pensions à nos toubs : allaient-ils survivre à cette nuit dans l’horrible marécage?

Le lendemain, nous avons recommencé encore et encore… échouant à chaque fois. Le soir, nous avons retrouvé le petit lac de la veille, encore plus épuisée. Nous avons commencé à évoquer l’idée d’abandonner nos toubs, ne voyant absolument pas comment nous pourrions les sortir de là… Pendant la nuit, l’horrible cauchemar du kirosta rouge m’a hantée, alors qu’il avait disparu depuis le « Voyage ». Heureusement que Jalindra n’avait pas oublié d’attacher la liane à nos deux poignets : je ne sais pas où j’aurais atterri… Jalindra me serrait contre elle alors que j’essayais de reprendre pied dans la réalité. J’ai tenté de lui expliquer que l’idée d’abandonner nos toubs, avait fait ressurgir l’horrible traumatisme que j’avais vécu avec la perte de ma mère et de mon père et le sentiment d’abandon qui avait suivi. Ma belle s’est excusée pensant être la responsable de mon cauchemar. Mais, elle n’y était pour rien : j’avais moi aussi pensé à l’idée de laisser nos mektoubs au fin fond de la Masure de l’Hérétique…

Au final, nous nous sommes promises de tout faire pour les récupérer. A deux, nous n’y arrivions pas… alors, nous allions demander de l’aide à nos amis. Zo’ro Argh est venu nous aider une journée mais sans succès… Et le lendemain, c’est Kiwalie et Corwin qui sont venus à notre aide. La puissance de frappe de Kiwalie et Corwin a été décisive et même si nous avons subi une ou deux résurrections, nous avons pu rejoindre nos mektoubs qui étaient restés bien sagement là où nous étions tombées. Pour les sortir du labyrinthe, nous avons abandonnés l’idée de rejoindre le vortex nous emmenant directement au pays des lacs. Nous allions retourner au nord pour au moins les mettre à l’abri, aidant à chasser quelques rois au passage pour Kiwalie et Corwin, en remerciement de leur aide.

Nous avons passé une nouvelle nuit près de l’arbre liane d’Avalae, tandis que nos toubs retrouvaient le confort de l’étable de la ville. Le lendemain, nous sommes reparties vers le pays des lacs en faisant le grand détour par le gouffre d’ichor, le nexus et la route des ombres. Le chemin pourtant pas des plus tranquille, nous a semblé particulièrement facile après ce que nous avions vécu dans la Masure de l’Hérétique.

Nous sommes arrivées à Fairhaven fourbues laissant nos mektoubs dans l’étable pour un repos bien mérité. Nous avons retrouvé pour la nuit l’île de Kyshala avec bonheur mais avec un petit pincement au cœur : notre aventure était terminée. Mais une chose était sûre : nous avions emmagasiné des souvenirs pour toute une vie… Peut-être que pour certains, ce genre d’expédition pouvait détruire leur couple, mais pour ma belle et moi, cela n’avait fait que renforcer notre attachement au point que nous nous étions demandées en mariage. Désormais, j’allais rêver de ma bek-i-bemaï en robe de mariée!

La goo

Ça avait commencé par une petite toux puis les cauchemars de Jalindra avaient repris. D’abord de vilains rêves où elle voyait des ombres agressives l’entourer. Je ne me suis pas inquiétée au début. Je pensais que ses cauchemars avaient repris à cause de la peur qu’elle avait eu de me perdre durant le Voyage. Mais ceux-ci devenaient de plus en plus terrifiants au fil des jours. Jalindra m’a alors appris que pendant les quelques heures où nous avions été séparées à cause de la réunion ranger. Elle avait fait une expédition avec d’autres apprentis rangers dans la kitinière et qu’elle était tombée avec d’autres dans de la goo. Sur les conseils de Zo’ro Argh, ils avaient brûlé tous les vêtements et les objets qui avaient été au contact de cette substance pour éviter toute contamination.

Je savais qu’Anyume détenait les carnets de Laofa et de ce qu’elle m’en avait dit, cette dernière avait fait des études sur différentes substances dont la goo. J’ai pris contact avec elle. Elle nous a décrit les symptômes qui pouvaient être liés à une contamination : des vertiges, de la toux, des problèmes de peau, des hallucinations, des changements de comportement, des douleurs… Jalindra avait bien une petite toux mais rien d’autres et ses cauchemars n’étaient pas des hallucinations. Anyume a été rassurante : elle disait que tout ceci pouvait tout à fait s’expliquer par d’autres raisons et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. De plus, les homins étaient en général très résistants à la contamination du fait de leur utilisation régulière des téléporteurs. Et même si sa toux et ses cauchemars étaient les symptômes annonciateurs d’une contamination, celle-ci était récente et pouvait très bien être enrayée. Elle nous a donné alors des conseils de base pour ralentir, voir supprimer l’évolution : se laver abondamment et vider l’eau dans les Landes obscures (un lieu contaminé par la goo) et utiliser régulièrement les téléporteurs. Elle a même indiqué mais avec beaucoup de réticences qu’il était possible qu’une résurrection pouvait suffire à guérir de la maladie. Mais elle ne conseillait pas de le faire volontairement : on était jamais sûr de la volonté des kamis à vouloir accepter notre requête de résurrection. Elle a ensuite préparé une affiche qu’elle a placardé à l’entrée de la kitinière d’Almati pour que tous puissent être prévenus. Je l’avais quittée avec un drôle de sentiment : à la fois rassurée par ses paroles et en même temps avec une boule d’angoisse dans la gorge parce qu’elle n’avait pas dit que les symptômes de Jalindra ne ressemblait pas à ceux d’une contamination par la goo.

Et puis, il y a eu ce jour terrible alors que nous marchions vers frère arbre pour aller dormir, elle a eu des visions : des ombres qui tentaient de l’entraîner. J’ai su qu’elle était contaminée. J’ai complètement paniqué, lui hurlant de revenir près de moi, cherchant du regard les ombres qu’elle semblait voir, leur demandant de laisser Jalindra. Je suppose que c’est ma panique qui l’a fait revenir à la réalité. Elle était là, à nouveau, m’enveloppant de ses bras, m’affirmant que c’était fini. Pourtant, l’une comme l’autre, nous savions qu’il ne s’agissait que du début… Il fallait absolument qu’elle se soigne.

J’ai envoyé des izams d’appels à l’aide à Na Djaï’tal et Anyume. Mon petit arbre bleu a répondu toute de suite, il ne pouvait pas nous rejoindre mais nous a conseillées d’aller trouver l’éveillée zoraï Fey-Lin au plus vite. Nous avons suivi ses conseils et demandé audience à celle-ci. Elle était à Jen-Laï. Quand nous sommes arrivées, elle était en grande discussion avec un fyros Thols. J’essayais d’attendre patiemment la fin de leur discussion mais mon attitude a du interpeller Fey-Lin. Et elle s’est inquiétée de savoir ce que nous voulions.

Nous avons expliqué sommairement que nous pensions que certains aspirants rangers avaient dû être contaminés, évitant de dire que Jalindra qui était à côté d’eux devait l’être assurément. Leur réaction nous a glacé. Pour eux, il fallait isoler tous ceux qui étaient contaminés car la contamination pouvait se transmettre par l’intermédiaire de tous les « fluides » que leur corps rejetaient. Nous avons blêmi… Il était évident dans ce cas que j’avais été contaminée. Et quand nous avons demandé comment nous pouvions, les guérir. Ils ont eu des airs dubitatifs. Pour eux, ça n’était pas possible à part peut-être avec une purge totale de leur corps mais tous les fluides qu’ils rejetaient devait être emmagasinés dans un récipient spécial pour être ensuite placé dans un endroit déjà contaminé par la goo. Nous sommes reparties de là effondrées. Jalindra se sentait horriblement coupable de m’avoir sans doute contaminée. Mais moi, à vrai dire, ça ne me dérangeait pas… au moins… je partirais avec elle. Et si il fallait nous isoler à tout jamais, nous le ferions ensembles. Jalindra a bien essayer de résister un instant à ma tendresse sous prétexte de me protéger mais çà nous était impossible d’envisager de ne plus nous embrasser, nous câliner.

Le lendemain nous avons retrouvé Anyume en lui expliquant ce que nous avait dit Fey-Lin et Thols. Elle était furieuse contre eux. Elle disait que les homins et en particulier les zoraïs avaient tellement peur de la goo qu’ils ne cherchaient même pas à l’étudier et disaient des énormités à son sujet. D’après les carnets de Laofa, les risques de contamination inter-homins étaient faibles voir nuls. Mais, elle était inquiète des symptômes de Jalindra. Aussi, elle nous a proposé une expédition au point du milieu pour nous purifier avec de la sève pure. Nous sommes retrouvées dans cette étrange endroit des Terres Abandonnées.

Jalindra et moi, nous étions arrivées en premières et en l’attendant, nous nous sommes plongées dans le lac de sève pour nous amuser un peu. C’est alors que nous avons reçu un izam d’Anyume : « Sautez pas dans la mare ! On prend la sève et on se frotte avec ! Et après on ira faire trempette! ». Jalindra et moi, nous nous sommes regardées avant d’éclater de rire : nous étions au milieu du lac de sève. Nous avons couru jusqu’au bord pour essayer de faire ce que nous dictait Anyume. C’est alors que nous avons vu quelqu’un arriver devant nous qui nous a salué d’une voix grave : « Bankun jeunes fyrettes! C’est 150 000 dappers la taxe dans la zone ! ». Puis, nous avons entendu un grand éclat de rire sous le casque. C’était Anyume qui avait tenté de nous faire peur. Nous avons toutes les trois éclatées de rire.

Anyume est redevenue sérieuse : « Bien, à présent il ne faut pas faire n’importe quoi. La goo et la sève ont une relation étrange. Elles se combattent et se nourrissent en même temps. Nous sommes ici sur une des artères de sève d’Atys. Si elle se faisait contaminer par la goo, ce serait comme réveiller le Dragon. L’apocalypse des karavaniers… ». Nous n’étions pas très rassurées par ses paroles. Je sentais Jalindra tendue et j’ai caressé tendrement son dos. Elle a demandé inquiète : « Et comment on fait? pour ne pas contaminer? ». Anyume s’est mise à rougir : « Je… heu, vous avez eu l’occasion déjà de vous examiner en détail mutuellement ? Il faudrait… vérifier s’il n’y a pas de lésions cutanées. ». Jalindra a dit doucement : « Heu.. non je n’ai rien remarqué. ». Anyume m’a regardée : « Tu l’as bien examiné ? Partout ? ». Je n’ai pas pu m’empêcher de pouffer à cette question : « Oui, oui… partout… partout… ». Anyume est devenue rouge pivoine.

Elle a commencé à fouiller dans son sac pour se redonner une contenance : « J’ai mis du temps à venir, je devais me procurer quelques trucs… ». Elle a sorti un fiole avec un liquide vert très pale. Elle m’a demandé : « Est-ce que Jalindra s’énerve facilement ces temps-ci ? ». J’ai secoué la tête : « Non… elle a surtout peur de m’avoir contaminée à cause du mélange de nos… « fuildes » comme à dit Fey-Lin ». Elle m’a rassuré : « Ne t’inquiète pas Shaakya. Visiblement il n’y a quasi pas de risque. C’était une des grandes craintes de Laofa. Elle était très amoureuse… et craignait de contaminer son amant. Pendant longtemps elle s’est forcée à la chasteté à cause de ça. Et puis ses études ont fini par la rassurer et aussi son amant… ». J’ai fait une moue dubitative : « Oui mais nous la chasteté… ce n’est pas notre truc hein… ». Elle a ri : « Je me doute que vous n’êtes pas chastes, dur de résister au charme de Shaakya ! ». Je me suis mise à rougir craignant un peu la réaction de Jalindra mais celle-ci a souri : « Je confirme ». Puis, elle a dit sur un ton plus inquiet : « Je m’inquiète de la contaminer, je m’inquiète de m’en prendre à elle, je m’inquiète de perdre la raison… ». Anyume a acquiescé : « Tu as raison de craindre la folie Jalindra. C’est le pire, avec la douleur. ».

Elle a hésité puis a finalement tendu la fiole à Jalindra : « Bois-en la moitié, même si c’est ignoble ». Jalindra s’est bouchée le nez pour avaler la mixture. Elle a pâli essayant visiblement de ne pas tout revomir. Je me suis sentie mal quand Anyume a dit : « Shaakya, bois ce qui reste. ». J’ai essayé de protester : « Mais je croyais que je n’étais pas censée être contaminée? ». Mais, elle a dit : « On ne sait jamais! ». J’ai pris la bouteille et j’ai commencé à boire. C’était répugnant : « BOUARKKKKK!!! ». Mon cri de dégoût a du s’entendre sur tout Atys. Anyume et Jalindra ont éclaté de rire.

Puis Anyume a lancé : « Bien, maintenant, en petite tenue, on va nager un peu ! ». Je n’étais pas sûre d’avoir compris : « Tu veux dire… toutes nues ? ». Elle a acquiescé avant de se déshabiller et se jeter dans le lac de sève. Nous nous sommes jetées dans la sève à sa suite en nous tenant la main. Nous sommes restées quelques minutes ainsi nageant dans le lac. Anyume a fini par dire : « Si on reste trop longtemps, ça décape. Là, ça devrait agir en partie avec ce que vous avez avalé… vous allez vous mettre en phase avec Atys et expulser ce qui reste de goo, si tout va bien… ».

Nous sommes alors sorties de la sève pour nous présenter devant le Maître Kami du Point du milieu. Anyume l’a salué : « Ari’kami. Nous venons combattre le Fléau. Je vous demande votre soutien pour lutter contre lui. ». Nous sommes assises en cercle devant lui en nous tenant la main. La situation était plutôt comique : nous étions à moitié nue devant un Maître Kami. Anyume s’est mise à rire : « Si un foreur ou un croyant passe, on aura l’air malignes! Mais tant pis! Sans Na Djaï’tal physiquement ici, je ne vois pas comment me débrouiller autrement… On ne va pas plonger dans le Chant d’Atys. Je ne suis pas assez experte pour ça. On va juste tenter une purification. Elle est déjà bien entamée… La goo est désordre, néant, destruction et chaos, à la fois dans les corps et les esprits. Pour la combattre, il faut donc laisser la paix venir et nous habiter. C’est un des meilleurs lieux pour ça… Ici, on peut entendre battre le cœur d’Atys… ».

Elle a fermé les yeux en expirant profondément, semblant rayonner d’énergie. Jalindra restait sérieuse semblant tenter de faire le vide dans son esprit. Et moi, j’avais une envie folle de rigoler. Anyume a dit d’une voix douce : « Pensez à des choses agréables et sereines. Essayez d’être en harmonie avec le monde… d’entendre le Chant et de joindre votre voix à sa mélodie. ». Elle m’a regardée en souriant. J’essayais désespérément de me retenir de rire. Elle a dit doucement : « Ne te retiens pas! Le rire est un des rythmes du Chant, un des meilleurs. ». J’ai éclaté de rire incapable de me retenir plus. Jalindra a été prise d’un fou rire communicatif et finalement Anyume s’est mise à rire elle aussi. Nous avons fini par pleurer de rire.

Puis, nous avons repris petit à petit notre calme, essuyant nos larmes. Nous étions sur le point de nous rhabiller pour nous rendre vers les chutes mystiques du pays zoraï quand un vorax agressif s’est jeté sur nous. Les gardes kamis ont riposté pour nous défendre pendant que nous nous jetions dans le lac de sève pour nous mettre à l’abri. Je regardais cet étrange ballet des sorts jetés sur le vorax et celui-ci qui répliquait à coups de dents. Anyume a commenté ce combat : « C’est une allégorie de la lutte contre le chaos ! ».

Nous nous sommes rhabillées ensuite pour nous rendre aux Chutes mystiques. Arrivées là bas, Anyume a regardé la cascade avec une expression indéfinissable. Quand à moi, j’ai rougi en reconnaissant l’endroit. C’était là que Na Djaï’tal m’avait emmenée après que nous soyons devenus amants, là où j’avais osé pour la première fois avoir les gestes d’une amante envers un homin après ce que j’avais vécu. Anyume nous a dit de nous rincer et nous frotter pour enlever la sève qui était restée sur nous. Elle avait un regard mélancolique quand on a essayé de savoir ce qu’elle avait, elle a juste répondu : « Je n’étais pas revenue depuis… Très longtemps… ».

Elle restait pensive puis elle a dit soudain : « Je vais peut-être vous laisser là… c’est un endroit apprécié des amoureux ! En théorie, ce qu’on a fait devrait suffire. Si ce n’est pas le cas… alors ce sera très mauvais. Si jamais il y a de nouveaux des symptômes cela voudra dire qu’il n’y a plus rien à faire, à part prier… et même là… Et si c’est le cas, la NASA a des protocoles pour aider à lutter contre la démence et la douleur. Mais une chose très importante : si l’une de vous se révèle contaminée, sans espoir de retour, elle devra garder le secret. Je veux dire : sa compagne peut savoir, la NASA aussi, du moins la branche goo mais évitez que ça s’ébruite. Vous l’avez vu avec Fey-lin : la goo est mal comprise, mal acceptée… Elle met des gens biens à l’écart de tout. Laofa pensait que cette ostracisation faisait partie de la progression de la démence… Il est important de protéger les gens atteints de ces préjugés absurdes. ». Elle a pris un visage plus souriant : « Mais ça devrait bien se passer à présent ! L’Écorce chantait avec nous tout à l’heure, elle riait de la blague… il n’y a pas de raison que ça évolue mal. Par contre, tu vas peut-être tousser plus ces jours-ci, et avoir un peu faim ! Prenez soin de vous deux… Je file ! dormez bien ! ». Elle a remis ses bottes. Je l’ai remerciée avant d’embrasser son front. Elle a déchiré un pacte avant de disparaitre.

J’ai proposé à Jalindra de dormir ici. Elle a accepté trouvant le lieu magnifique avec ses fleurs de printemps. Nous avons parlé des souvenirs que j’avais de Na Djaï’tal à cet endroit, juste avant que je m’enfuie dans la kitinière pour la première fois. Puis, Jalindra a reparlé de ce que nous venions de vivre : « Je me suis sentie comme une paria avec Fey-lin… j’avais juste peur d’avoir une vision au mauvais moment! Et là, Anyume m’a offert une vie de bonheur à tes côtés. ». J’ai souri : « J’aurais vécu une vie de paria avec toi tu sais! ». Elle a hoché la tête : « Je sais mon amour… et ça rendait les choses encore plus difficiles, quelques part… ». Je l’ai caressée tendrement : « Finalement on va devenir vieilles ensemble! ». Elle a murmuré : « La vie est tellement plus belle ici. ». J’ai murmuré en la serrant contre moi : « La vie est tellement plus belle avec toi… ». Nous nous sommes câlinées tendrement avant de nous endormir.

Les jours suivants, il n’y avait plus aucun symptôme. Anyume avait guéri Jalindra et peut-être moi également. Je pensais à cette mystérieuse zoraï, Laofa que j’avais cherchée et qui m’avait fait découvrir Anyume. Ses carnets avaient sans doute sauvé la vie de Jalindra. Je ne sais pas si elle m’a entendue mais j’ai laissé le vent d’Atys emporter mes remerciements en espérant qu’elle les reçoive de là où elle était.

Retrouvailles avec Kyshala

Mes cauchemars avaient cessé après notre Voyage. Mais, Jalindra avait des nuits plus agitées. La peur d’avoir cru me perdre, lui avait rappelé cruellement la mort de son homin Shab. Comme elle l’avait fait de nombreuses fois pour moi lors de mes cauchemars, je faisais de mon mieux pour apaiser ses peurs quand elle se réveillait en sursaut. C’était moi désormais qui veillait sur son sommeil.

Nous avions prévu depuis longtemps de nous séparer lorsque j’irais rendre visite à Kyshala sur Silan… Jalindra devait rester pour la guilde et pour représenter les hoodos aux réunions rangers. Mais la date de mon départ arrivait, et plus elle se rapprochait, plus nous souffrions à l’idée d’être loin l’une de l’autre. L’angoisse nous étreignait de plus en plus. Jalindra avait peur que mes cauchemars reviennent malgré le Voyage et moi, je m’inquiétais de son sommeil qui était beaucoup plus agité qu’avant. Mais surtout, nous ne pourrions plus nous offrir cette tendresse continuelle dont nous étions devenus dépendantes.

C’est Jalindra qui la veille du départ a finalement décidé de m’accompagner pour ma plus grande joie. Tant pis pour la guilde! Si les hoodo-jins avaient besoin d’elle, elle ferait le voyage en sens inverse mais en attendant nous serions ensembles. Nous avons fait nos bagages joyeusement, rejoignant l’expédition en partance pour Silan. La caravane s’est lancée sur la route. Elle était composée de marchands, de ceux qui voulaient retourner à l’abri dans les profondeurs trouvant la vie à la surface bien trop aventureuse et dangereuse et ceux qui comme moi partaient retrouver des amis ou des membres de leur famille.

Souvent sur la route, Jalindra et moi, nous nous tenions par la main, incapables de rester trop longtemps sans être au contact de l’autre. Parfois même, nous nous écartions un peu du chemin pour nous offrir des caresses et des baisers enflammés à l’abri de la vue de nos compagnons de voyages. Les premiers soirs du voyage, nous n’osions pas nous toucher devant eux, de peur de provoquer de la gêne. Mais, le manque de câlins tendres a eu raison de moi. Un soir, j’ai fini par m’installer derrière Jalindra, me collant contre son dos l’enveloppant de mes bras alors que comme tous les soirs, le groupe était réuni devant un feu se racontant des histoires d’expéditions heureuses ou malheureuses. J’avais gardé les yeux fixés sur le feu préférant éviter de croiser des regards désapprobateurs, respirant l’odeur de ma belle. Celle-ci avait d’ailleurs sentie mon angoisse et avait déposé un léger baiser sur ma joue, caressant mes mains tendrement. Mais, il n’y avait eu aucune remarque désobligeante aussi tous les soirs nous avions fini par adopter cette position tendre.

Au fur et à mesure, du trajet, Jalindra osait de plus en plus m’offrir des gestes caressants. Durant la marche, elle me gardait constamment contre elle et m’embrassait discrètement à chaque halte, surprenant parfois des regards amicaux posés sur nous et faisant abstraction de ceux qui l’étaient moins. Mais la constante présence d’autres homins à nos côtés avaient quand même tendance à nous frustrer l’une de l’autre. Heureusement, les nuits étaient à nous. Sous notre petite tente, nous nous offrions toutes les caresses que nous n’avions pas pu nous offrir pendant la journée. Silan n’était pas loin et bientôt nous pourrions enfin retrouver un peu d’intimité.

Mais je commençais aussi à être angoissée à l’idée de ma rencontre avec Kyshala. Est ce que ma cousine allait me reconnaître? Est ce qu’elle accepterait Jalindra? Je savais que Kyshala avait déjà eu une relation avec une homine, il y a bien longtemps… Donc cet aspect de ma relation avec Jalindra ne m’inquiétait pas. Mais peut-être qu’elles ne s’entendraient pas? Mais que pourrais-je faire? Jalindra était mon homine et que Kyshala l’accepte ou non, elle resterait mon homine. J’avais cette angoisse commune à tous les homins qui présentent pour la première fois l’élu(e) de leur cœur à leur famille. Le camp de réfugiés était devant nous, le groupe se séparait. L’expédition était terminée. J’allais savoir.

Jalindra avait senti mon inquiétude et elle avait multiplié les gestes tendres pour me rassurer. Nous avons cherché Kyshala dans le camps de réfugiés mais elle était introuvable. En demandant autour de nous, nous avons fini par apprendre que Kyshala passait la plupart de son temps près des groupes de yubos qu’on trouvait autour du camp. Nous l’avons aperçue effectivement non loin de là en train de les nourrir.

Je me suis approchée, Jalindra préférant rester en retrait. Kyshala s’est levée brutalement en entendant des pas près d’elle, menaçante prête à défendre les yubos. Puis, elle m’a vu. Elle a froncé les sourcils semblant me reconnaître sans toutefois être capable de mettre un nom sur mon visage. J’ai fait un petit sourire timide : « C’est moi… Shaakya… ». Kyshala m’a regardée sans un sourire : « Oui… je reconnais tes yeux… ». Elle m’a caressé doucement le crâne : « Qu’as tu fait de tes jolis cheveux blonds? ». Elle a passé un doigt sur mon tatouage : « Et pourquoi ce tatouage sanglant? ».

J’étais incapable de répondre et je me suis jetée dans ses bras en pleurant. Celle-ci a été un peu surprise d’avoir dans les bras une adulte mais plus la petite fille qu’elle avait laissée quand elle était partie à la découverte de la surface. Elle a fini par me serrer un peu gauchement dans ses bras. Elle a aperçu alors Jalindra en retrait qui nous regardait : « Qui est ce? ». J’ai quitté ses bras en tendant la main à Jalindra : « C’est Jalindra! C’est grâce à elle que je t’ai retrouvée. C’est… mon homine… ». J’ai caressé tendrement la joue de Jalindra et déposé un léger baiser sur ses lèvres, en la prenant contre moi. Kyshala l’a regardée intriguée, semblant étonnée que je préfère les homines mais elle n’a rien dit, ne semblant ni approuver, ni désapprouver…

Jalindra me serrait contre elle visiblement émue de me voir heureuse. Mais le regard insistant de ma cousine et le silence qui s’installait, la mettaient mal à l’aise. Elle a fini par rompre le silence d’une voix douce : « C’est moi qui t’ait recherchée… et je suis heureuse de vous voir réunies aujourd’hui, c’est la plus belle des récompenses. ». Elle s’est tournée vers moi en me caressant tendrement la joue : « Je vais vous laisser vous retrouver si tu veux, je serais juste dans le camp, vous devez avoir plein de choses à vous dire… ».

J’ai serré Jalindra contre moi, un peu angoissée : « Non reste, s’il te plait… ». Nous avons fini par nous installer au camp de Silan autour d’un feu pour manger un peu. Kyshala restait un peu éteinte malgré mes tentatives pour la faire parler. Plusieurs fois, j’ai évoqué le nom de légionnaires qu’elle avait connu : Glorf, Eeri, Morandy… Mais celle-ci semblait vouloir détourner la conversation à chaque fois. Elle a fini par dire un peu agacée : « Je ne veux pas savoir qui est mort et qui est vivant… Je suis fatiguée… je vais dormir. ». J’ai soupiré : « Oui… on va dormir nous aussi… On va aller au lac étincelant. On se retrouve demain. ». Je l’ai embrassée sur le front et j’ai entraîné Jalindra jusqu’au lac.

Nous nous sommes installées pour la nuit. J’étais silencieuse mais Jalindra savait bien que ce silence cachait ma détresse. Je suis venue me blottir tout contre elle, comme une enfant, recherchant sa douceur et sa tendresse. J’ai fini par murmurer : « Elle n’est plus la même… Elle a l’air éteinte… brisée… Il n’y a plus aucun éclair de joie dans ses yeux… ». J’ai commencé à pleurer silencieusement dans ses bras. Jalindra m’a serré tendrement contre elle, me berçant en me disant d’une voix douce : « C’est normal… il lui faut du temps, elle a vécu un grand traumatisme… J’ai mis dix ans à revenir à la vie… si tu m’avait connue à ce moment…« . Elle a secoué la tête. Elle m’a gardée contre elle silencieusement, me caressant tendrement le dos, m’entourant de son amour. Je me suis endormie ainsi, apaisée par sa tendresse.

Les jours avaient passé et Jalindra avait du se rendre à la réunion Rangers pour représenter les Hoodos. Cela avait été décidé dés le début mais le moment de la séparation avait été douloureux. Je n’arrivais pas à me détacher de ma bek-i-bemaï pourtant j’avais fini par la laisser partir. Mais, il ne s’était pas passé une heure que j’avais fait mes bagages pour la rejoindre, incapable de me passer d’elle. J’ai couru derrière elle sans jamais réussir à la rattraper. Nous avons fini par nous retrouver après la réunion Rangers sur l’île de Kyshala, nous câlinant, nous embrassant, nous murmurant à quel point nous nous étions manquées, alors que nous n’avions été séparées que quelques heures… Le lendemain, nous sommes reparties pour Silan main dans la main profitant de notre intimité retrouvée, connaissant désormais le chemin. Nous sommes arrivées un soir signalant notre retour à Kyshala qui était sur le point d’aller dormir et l’invitant pour le lendemain au petit-déjeuner. Nous nous sommes endormies enlacées l’une contre l’autre au bord du lac étincelant.

Notre bain quotidien matinal a eu tendance à dériver en des caresses plus intimes pour nous offrir des plaisirs à la fois intenses et doux. Nous étions encore enlacées, en train de nous embrasser sensuellement quand nous avons été surprises par des pas qui approchaient. Kyshala était là me regardant un peu étonnée de me surprendre, moi sa petite cousine, dans une telle intimité avec mon amante. Elle s’est retournée : « Je suis désolée… je reviendrais plus tard. ». Je serrais toujours Jalindra contre moi tentant de cacher au maximum sa nudité : « Non, attends… Le feu est juste là derrière la butte. L’eau chauffe déjà. On arrive. ». Kyshala s’est éloignée en suivant mes indications. Jalindra et moi nous nous sommes regardées et avons étouffé un fou rire avant de courir sur la plage pour nous rhabiller. Nous sommes arrivées la main dans la main auprès de Kyshala, nous asseyant à ses côtés. Celle-ci nous observaient mais ne disaient pas grand chose. Elle a fini par réclamer un peu de lait pour ajouter dans son infusion. Je me suis levée d’un bond : « Ha oui!!! j’avais oublié que tu aimais rajouter du lait. Je reviens! Je vais en chercher au camp. ». J’ai déposé un tendre baiser sur les lèvres de Jalindra avant de partir en courant.

C’est Jalindra qui m’a racontée ensuite ce qu’il s’était passé. Kyshala avait continué de l’observer. Elle avait soudain demandé : « Shaakya n’est elle pas trop jeune pour toi? ». Profitant que Jalindra soit restée interloquée devant cette question abrupte, elle a continué : « Shaakya est très jeune… mais elle a déjà largement eu son compte de malheur dans sa vie… Je ne voudrais pas que tu la prennes pour un agréable petit animal de compagnie en attendant de retrouver les bras d’un homin. ». Elle a eu une grimace de douleur, repensant à sa propre douleur quand son amante l’avait laissée tomber pour un homin préférant une relation plus « normale ». Jalindra a essayé de se reprendre, encore interloquée par les remarques de Kyshala. Elle l’a regardée doucement, sentant sa douleur, en cherchant ses mots : « Rencontrer Shaakya a été la plus belle chose qui me soit arrivée depuis longtemps… Je ne pourrais plus vivre sans elle, et lui faire du mal est la dernière chose que je voudrais… J’essaie au contraire d’apaiser ses souffrances et de lui apporter ce qu’elle n’a jamais connu avant… et pour mon âge, oui, sans doute que je suis trop vieille pour elle… ». Elle a soupiré avant de continuer : « Mais c’est sans doute ce qui me permet d’apprécier l’immense chance que j’ai aujourd’hui… Elle m’a permis de revivre… et d’apprivoiser mes douleurs. ». Elle a regardé Kyshala, sentant leur souffrance commune, n’ajoutant plus un mot, restant pensive.

Kyshala l’a regardée puis a secoué la tête : « Je suis désolée… je… sans doute que ce que j’ai vécu avec l’homine qui avait partagé ma vie… reste comme un échec cuisant… pour ne pas l’avoir vu venir… ». Elle a eu un soupir tremblant : « C’est cette douleur qui m’a fait venir à la surface… et pourquoi? revivre à nouveau la douleur de perdre des êtres chers… Je ne veux pas que Shaakya vive çà… ». Jalindra l’a regardée, pleine de compassion : « Je ne lui ferais jamais vivre ça tant que je pourrais l’éviter… Je connais trop cette souffrance… ce que tu vis maintenant, je l’ai vécu il y a 10 ans… et sans Shaakya, je serais encore exilée, j’aurais surement succombé à la folie de la solitude… ». Elle lui a pris doucement la main, très légèrement pour ne pas la brusquer : « C’est surement encore trop tôt pour toi… mais ne ferme pas la porte à l’espoir… Un jour, tu ne seras plus submergée par la douleur, elle ne te quittera jamais, mais tu l’apprivoiseras… ». Elle a retiré doucement sa main, ayant peur d’avoir été trop loin.

Kyshala a eu un petit sourire triste et a serré doucement la main de Jalindra : « Shaakya a aussi de la chance d’avoir trouvé son âme sœur avec toi… Je sais qu’elle a subi des souffrances dont elle ne veut pas me parler pour ne pas me faire encore plus de mal… C’est elle qui me protège maintenant… J’ai tendance à la prendre encore pour une enfant alors qu’elle a grandi et est devenue une adulte sans moi… Je pense que désormais elle sait ce qui est bon pour elle. Je devrais lui faire plus confiance… ». Jalindra a eu un petit sourire amusé : « C’est dur de s’empêcher de la protéger! « . Elle a continué plus sérieusement : « Effectivement, elle est grande maintenant… mais elle à toujours besoin de toi… et ne rejette pas l’aide qu’elle peut t’offrir… rester seule n’est pas la solution, je le sais maintenant… ». Kyshala a souri plus franchement : « Il me faudra du temps je pense avant de réussir à me lier à quelqu’un à nouveau… Mais, au moins, j’ai l’esprit plus serein de savoir que ma petite cousine est heureuse et qu’elle a trouvé quelqu’un qui l’aime réellement. Akep pour çà Jalindra. ».

Je suis arrivée à ce moment là, courant comme une dératée avec ma bouteille de lait à la main. J’ai dérapé pour m’arrêter en arrivant près d’elles soulevant le sable en présentant fièrement ma bouteille avec un grand sourire : « Le lait est prêt!!! ». Jalindra a ri devant mon arrivée en fanfare. Elle s’est tournée vers Kyshala avec un sourire taquin : « Au moins, elle a gardé son âme d’enfant! ». Elle m’a serrée tendrement contre elle.

Je souriais toujours aussi largement quand je l’ai prise contre moi avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Kyshala souriait amusée et attendrie. Je me suis tournée vers elle tout en gardant Jalindra tout contre moi. J’ai pris un air taquin avant d’éclater de rire : « Je vois que vous avez du dire plein de mal de moi pendant mon absence et que çà vous a rapproché! Je devrais peut-être aller chercher plus souvent du lait. ». Jalindra souriait. Elle m’a pris tendrement la main : « Non, on n’a rien dit de mal. Mais j’allais justement demander quelle chipie tu étais quand tu étais encore une petite fyrette bouclée! ». Elle s’est tournée vers Kyshala : « Je suis sûre qu’elle faisait plein de bêtises? ». Kyshala a souri : « Oui plein… toujours à courir partout et pas du tout obéissante. J’étais constamment obligée de la rattraper dans des endroits improbables. Il faut dire que nous avions tendance à la couver mes parents et moi. Alors, je suppose qu’elle profitait de la moindre occasion pour filer. Mais je vois que l’âge l’a assagie un peu… à moins que tu la mènes à la baguette Jalindra? ». J’ai protesté : « Hééé… mais non… j’étais très sage!!! ». Puis, j’ai pris un petit air taquin : « Enfin… parfois… « . Jalindra a éclaté de rire : « J’ai aussi du la rattraper quelques fois… mais je ne crois pas que ce soit une question de sagesse mais plutôt qu’elle n’a plus vraiment envie de filer… sauf quand elle dort… Et non je ne mène personne… J’offre tout ce que je peux, et si j’arrive à apporter du bonheur, j’ai ma récompense!« . Je l’ai serrée dans mes bras tendrement : « Non, je n’ai plus envie de filer… ou alors seulement avec toi ma bek-i-bemaï… Et tu m’apportes énormément de bonheur… ». Je suis venue chercher ses lèvres pour l’embrasser amoureusement. Puis, je me suis tournée vers Kyshala : « Nous allons devoir repartir tu sais… Nous faisons partis d’une guilde les Hoodo et nous voulons devenir Rangers comme ceux de Silan! ». Elle m’a souri : « Ça ne m’étonne pas que tu ais choisi cette voix ma petite yubette! Tu as toujours eu bon cœur malgré toutes tes bêtises. Je suis fière de toi ! Et Jalindra, je compte sur toi pour prendre soin d’elle, désormais! ». Jalindra m’a caressé tendrement le dos en souriant à Kyshala : « Ne t’inquiète pas, je ne la lâche pas, et je ne laisserais rien lui arriver… et j’espère que l’on te reverra bientôt… Fais attention à toi, et ne laisse pas la douleur gagner. Si tu a besoin… je cours très vite! ».

Après avoir déposer un tendre baiser sur mes lèvres et fait un signe à ma cousine, elle s’est levée et s’est éloignée pour préparer nos bagages, nous laissant nous dire au revoir. Je l’ai laissée partir en la suivant des yeux amoureusement. Kyshala m’a regardée : « Tu es très amoureuse n’est ce pas? ». Je me suis retournée vers elle : « Oui… très… c’est tellement… ». J’ai soupiré de bonheur reposant mon regard sur Jalindra : « C’est tellement fort ce qu’il existe entre nous deux… je ne savais pas que c’était possible un tel amour… Nous sommes liées… ». Kyshala m’observait toujours et a eu un regard légèrement inquiet : « Tu sais la passion çà peut être dévorant… et brûler cruellement… ». Je me suis retournée à nouveau vers elle et j’ai caressé sa joue tendrement : « Je sais tout çà ma grande cousine! Jalindra n’est pas ma première amante… Mais c’est la seule qui a su m’apporter ce dont j’avais besoin. Cette passion ne nous brûle pas, elle nous réchauffe. Elle ne nous dévore pas, elle nous rend plus fortes pour affronter la vie. Jalindra est ma bek-i-bemaï! ».

Kyshala me regardait toujours : « Je suis heureuse pour toi alors! Mais si jamais… si jamais un jour çà se passait mal… Promets moi de venir me voir avant de faire une bêtise! ». J’ai souri : « Je ne vois pas comment, çà pourrait se passer mal un jour mais… je promets que je viendrais te voir si jamais çà arrivait. ». Je l’ai serrée dans mes bras : « Et toi promets moi de faire des efforts pour aller à la rencontre des gens et de ne plus passer ton temps avec des yubos ou des mektoubs! ». Kyshala m’a regardée un peu interloquée : « Quoi? Ils sont très bien mais yubos et mes mektoubs… mais oui… je promets… « . Puis, elle m’a serrée fort : « Prends soin de toi ma petite yubette et prends soin de ton amour, ne le laisse pas se flétrir, soit attentive à la moindre tracasserie, ne laisse jamais de mal-entendu entre vous… ». Je lui ai rendu sa tendre étreinte : « Oui, je ferais tout çà! Ne t’inquiète pas et je te demanderais conseils si jamais çà arrivait. ». Je l’ai embrassée tendrement sur la joue : « Oren fyraï ma grande cousine! ». Kyshala a déposé un baiser sur ma joue et m’a laissée m’échapper.

J’ai rejoint Jalindra. J’avais des larmes aux yeux quand je lui ai pris la main : « Allons y mon amour… ». Jalindra m’a serrée tendrement la main, entrecroisant ses doigts dans les miens. Elle a jeté le sac sur ses épaules et nous nous sommes mises en route, nous tenant toujours la main. Elle est restée silencieuse, sachant que j’étais triste de quitter sa cousine. Elle s’arrêtait de temps en temps pour me serrer dans ses bras avant de repartir, m’entourant de son amour. Elles avons marché d’un bon pas, pressées d’arriver et de pouvoir nous retrouver sur l’île qui était désormais notre foyer, l’île qui portait le nom de ma cousine : l’île de Kyshala.

Le Voyage

Eeri était repartie. Elle avait rencontrée Jalindra un peu par hasard au début, à moins qu’elle avait cherché à me rejoindre au pays des lacs. Jalindra avait du subir un interrogatoire et çà m’avait agacée. J’avais l’impression qu’Eeri surveillait toujours mes fréquentions comme une mère ou une grande sœur l’aurait fait. J’avais la désagréable impression d’être infantilisée comme si je ne savais pas faire mes propres choix. Du coup, je crois que j’ai été particulièrement rude avec elle, en lui faisant comprendre sans diplomatie que ce qu’il se passait entre Jalindra n’avait aucune commune mesure avec ce que j’avais vécu avant : en sous entendant donc, que ce que j’avais vécu avec elle était beaucoup moins fort. Elle ne m’en a pas voulu. Avant de partir, elle m’a même offert une hache magnifique avec sa signature.

La nuit qui a suivi son départ, j’ai fait un nouveau cauchemar au kirosta rouge et j’ai failli échapper à Jalindra. Il devenait évident qu’il fallait que je tente de soigner mon mal. J’ai écrit un izam un peu en catastrophe à Na Djaï’tal :
« Mon petit arbre bleu,

Je ne sais pas si Jalindra t’en a parlé mais j’ai encore visité la kitinière. J’ai bien cru que j’allais y rester cette fois là. Et cette nuit, j’ai encore eu un cauchemar violent où j’ai failli échappé à Jalindra. Je suppose qu’il a été provoqué par le départ d’Eeri.

Je ne sais quand tu pourrais être disponible pour ta petite reine d’ambre aux pieds nus mais je crois qu’il devient urgent que nous entreprenions ce Voyage avant qu’il ne m’arrive quelque chose…

Dis moi quand tu pourrais être là.

Shaakya. »

Heureusement il m’a répondu très vite :
« oren pyr ma reine,
je me sens désormais plus vaillant pour ce Voyage, et il ne me reste qu’une chose à faire avant de pouvoir l’organiser. Jalindra m’a parlé de ton escapade, et c’est en effet bien inquiétant que cela te reprenne alors même que tout devrait aller mieux.
Dès que tout est prêt, je te préviens.
Prends soin de toi ma reine,
Na Djaï’Ta.l »

Le soir même, nous étions tous réunis pour le Voyage à Dyron : Jalindra, Anyume, Na Djaï’tal et moi. Na Djaï’tal nous a conduit dans un lac de sève pure dans les sources interdites. Anyume s’est installée sur une butte au dessus de nous armée jusqu’aux dents pour surveiller les alentours pendant notre Voyage. Jalindra, Na Djaï’tal et moi nous étions plongés dans la sève du lac. Il nous a donné à boire une petite potion au goût âcre. Il a pris nos mains en commençant à psalmodier une mélodie entêtante.

J’ai eu l’impression de tomber mais je sentais que les mains de Jalindra et Na Djaï’tal me retenaient. J’ai plissé le nez : il y avait une drôle d’odeur de pourriture. Et en même temps, j’étais émerveillée par les lucioles et les pollens lumineux qui volaient autour de nous. Puis, il y a un bruissement sourd au loin comme le bruit du vent dans des feuilles.

Na Djaï’tal a murmuré doucement de nous répandre la sève qu’il nous avait donné sur le corps. Nous lui avons obéi sans poser de questions étant déjà un peu ailleurs. Cette fois, la chute a été brutale mais s’est arrêté aussi soudainement qu’elle avait commencé. J’ai senti la fraîcheur du vent sur ma tête et j’entendais des oiseaux pépier autour de moi. Mon corps me semblait terriblement lourd mais çà ne me faisait pas peur : j’étais bien… Et puis soudain, je me suis rendu compte que je n’étais plus une homine mais un arbre, un grand arbre élancé qui gratte la canopée… D’autres frères arbres étaient là m’assurant de leur présence amie et silencieuse. J’essayais de toucher les feuilles de l’arbre qu’était devenu Jalindra. Celle-ci semblait parler en langage de sève, tandis que je voyais des oiseaux en train de faire leur nid dans les branches de Na Djaï’tal.

J’ai senti sa main me serrer doucement comme pour me rappeler à lui sans briser le Voyage. A nouveau, il nous a tendu des fioles avec lesquelles nous nous sommes aspergées. J’ai senti soudain qu’un vent violent m’emportait pour se calmer légèrement avant de me déposer sur le sol. J’ai senti le sable jaillir sous mes sabots. Je ne voyais rien mais je savais que des amis étaient là près de moi. Il y avait de drôles d’odeur : des homins, des cloppers, des gingos, des kipees, mais surtout mes compagnons autour de moi, qui me protégeaient et m’accompagnaient dans ma course. Il y avait une odeur de prédateurs mais trop éloignée pour être inquiétante. J’ai entendu Na Djaï’tal pousser un cri de rassemblement. J’étais parmi mes amis messabs, j’étais bien. Je galopais autour d’eux pour exprimer ma joie. J’ai reniflé le museau de Jalindra pendant Na Djaï’tal fouaillait du museau dans mon flanc. Jalindra nous donnait de petits coups de museaux tour à tour. J’ai posé ma tête sur sa croupe. Soudain, Na Djaï’tal est parti au grand galop dans le vent nous invitant à le suivre sur le sable des lacs. Nous l’avons suivi joyeusement.

Nos mains se sont serrées, de nouvelles fioles de sèves sont apparues pour nous asperger. Notre galop s’est fait plus lourd. Na Djaï’tal louchait sur la trompe qui lui était apparu au milieu du visage. Quand à moi, je n’avais plus de sabots mais des énormes mains griffues à la place. Je m’amusais à balancer ma trompe en tout sens. Na Djaï’tal s’est mis à barrir amusé du bruit qu’il faisait. J’ai pris de l’eau avec ma trompe pour l’asperger. Anyume nous a raconté qu’à ce moment étaient arrivés quelques homins qui nous ont regardés nous éclabousser de sève un peu surpris. J’ai entremêlé ma trompe dans celle de Jalindra dans un geste tendre de deux mektoubs entre eux. Puis à nouveau, nous sommes partis dans un galop joyeux.

De nouvelles fioles ont été distribuées et nous nous sommes aspergés avec. Notre galop lourd s’est transformé en course. Je sentais une bonne odeur, une odeur de proies autour de moi. Je sentais la puissance dans chacun de mes muscles, la terreur autour de nous parmi les créatures que nous chassions. J’ai poussé un feulement tandis que je sentais le vent sur ma peau beige et noir, tachetée. Mon odorat était impressionnant, je sentais Atys autour de moi palpitante de vie : des odeurs lointaines, des homins sans intérêt, des mektoubs si tendres… Nous sommes partis en meute à la chasse. Je sentais la force de l’Écorce qui montait dans mes pattes, dans mes membres, dans mes crocs… Nous courrions dans les dunes de sciures avec mes frères varynx, les proies étaient là droit devant, j’avais envie de planter mes crocs dans leur chaire tendre et me délecter de leur sève…

De nouvelles fioles… A nouveaux, nous nous sommes aspergés. Les mouvements de ma course devenait moins gracieux presque patauds et mes pattes faisaient un drôle de bruit sur le sol. Elles étaient griffues. J’étais lente très lente et une bouche remplie de dents. Autour de moi, d’autre tyranchas. Des proies, passe non loin de là mais je suis trop lente alors j’attendrais qu’une autre soit plus près pour la dévorer…

A nouveau d’autres fioles. Des petites cette fois, pour Jalindra et moi et une grande pour Na Djaï’tal. J’ai senti mes membres se raidir, devenir dur comme de l’écorce, encore plus même… J’ai regardé autour de moi : des kitines!!! J’étais une kitine!!! Puis Na Djaï’tal a repris une fiole. Et je me suis sentie rétrécir aux côtés de Jalindra : nous étions redevenues nous même. Mais en face de nous un kitin grandissait, un kirosta rouge!!! J’ai hurlé : « Non!!! Non!!! ». Jalindra me serrait la main. Le kirosta devenait géant et je me suis sentie devenir toute petite.

Je me retrouvais enfant avec les cheveux longs en bataille. Je jouais à la poupée avec une larve de kitine. Je l’avais trouvée là et trouvait rigolo cette chose qui gigotait en tout sens, sans savoir ce que c’était. Mes parents étaient au plafond retenus par des lianes en train d’écarter l’écorce pour faire un tunnel et s’enfoncer plus profond. Ils étaient mineurs et cherchaient des matières premières de qualité. Kyshala était là aussi, elle n’était qu’une jeune adolescente. Elle a froncé les sourcils en me voyant jouer avec la drôle de chose : « Qu’est ce que… ». Et puis, un bruit de craquement, la poussière… J’ai toussé… J’ai regardé au plafond, il y avait un énorme trou… Dans un coin, un corps désarticulé… J’ai été voir… « Papa! ». Le kirosta rouge énorme s’approchait de ma mère blessée allongée sur le sol. Je voulais aller la voir mais elle me faisait signe de ne pas m’approcher… et soudain, le kirosta qui la transperçait de son dard. Je voyais le regard de ma mère se perdre et sa peau devenir blanche. Le kirosta a commencé à l’emmener en la traînant. J’ai couru pour lui donner des coups de pieds avec ma colère d’enfant. Le kirosta s’est tourné vers moi prêt à me transpercer mais il n’a finalement rien fait… l’odeur de la larve sur moi sans doute… Il est retourné sur sa proie, entraînant ma mère dans le noir.

J’essayais de les suivre mais quelqu’un me retenait. Je hurlais : « Maman, maman… ne me laisse pas… ». Quelqu’un me tenait fermement dans ses bras et m’emportant à l’abri : Kyshala. J’ai tenté de lui dire : « Je veux voir maman… ». Mais elle continuait de m’éloigner. J’ai demandé en sanglotant : « Où est maman? Elle va revenir hein? ». Kyshala ou Jalindra, je ne sais plus, me disait : « Elle est partie… ». Je ne comprenais pas : « Si elle est partie… elle va revenir? ».

J’entendais une drôle de mélopée mais çà m’agaçait, comme le bruit gênant d’un insecte. Kyshala a dit doucement en me serrant contre elle : « Non… elle ne reviendra pas… Il faut partir… ». De grosses larmes de douleurs coulaient le long de mes joues puis je me suis mise à crier : « Tu mens!!! Elle va revenir!!! Elle va revenir… ». Je serrais mes poings de petite fille plein de rage, me plantant les ongles dans les paumes. Je voulais retourner là bas… Jalindra ou… Kyshala ? me regardait dans les yeux : « Reviens avec moi… avec ta bek-i-bemaï… ».

Je ne la voyais pas vraiment. J’ai froncé les sourcils : « bek-i-bemaï » ? Je connaissais ce mot… mais… ce n’était pas un mot que me disait Kyshala… Qui m’appelait comme çà ? La mélopée se faisait plus forte, je reconnaissais deux voix mais… je ne me souvenais pas de qui… qui me fredonnait cette chanson pour m’endormir ? Je regardais la personne en face de moi. Elle me murmurait encore quelque chose en me serrant contre elle : « Reviens… je t’en prie… à jamais réunies… ».

Et soudain, je l’ai reconnue : Jalindra, ma bek-ibemaï! Je n’étais plus une enfant depuis longtemps, j’ai émergé enfin de mon état hypnotique et je lui ai murmuré : « Pour toujours… à jamais réunies ma bek-i-bemaï. ». Je me suis blottie contre elle. Elle me serrait dans ses bras en tremblant. Na Djaï’tal et Anyume ont cessé de psalmodier comprenant que j’étais enfin revenue.

Je tentais de retenir mes larmes. Anyume me regardait inquiète : « Est-ce que… ? ». Jalindra me regardait elle aussi avec angoisse : « Tu es là ? ». J’ai caressé sa joue : « Je suis là… ». J’ai posé mon front sur le sien en répétant : « Je suis là… ». Elle tremblait toujours quand elle s’est tournée vers Na Djaï’tal et Anyume : « On a faillit la perdre non? ». J’ai caressé son dos tendrement pour la rassurer. Na Djaï’tal a soupiré : « C’est pour ça que je voulais vous faire voyager partout sur l’Écorce avant, pour vous rassurer. Il fallait que vous le fassiez sans savoir pourquoi, car c’est difficile à comprendre vu de l’extérieur. J’ai essayé de prévoir ça progressif… ».

Jalindra a dit doucement : « En tout cas, on a la réponse… ». Il a froncé le masque : « La réponse ? Je n’étais pas là, je n’ai pas vu… J’étais… j’étais autre chose à la fin. ». C’est alors qu’Anyume a demandé avec angoisse : « Est-ce que que… c’est fini ? ». Na Djaï’tal a caressé sa joue avec tendresse : « Yui, c’est fini. ». Elle a demandé : « Shaakya ne va plus faire de cauchemar ? ». Jalindra a dit doucement : « C’est à Shaakya d’en parler maintenant… ».

Alors, j’ai expliqué, ce que j’avais compris : mon cauchemar récurent était en fait le souvenir de la mort de mes parents, un souvenir que j’avait enfoui au fond de moi pour me protéger. Tout s’éclairait soudain : mes fuites continuelles dans la kitinière, les coups de pieds que je donnais au kirosta rouge, cette fascination pour les trous au plafond et ce réflexe de survie que j’avais en me frottant aux larves… Kyshala m’avait sauvée la vie à l’époque, c’est elle qui m’avait emportée loin du kirosta alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Il y a quelques jours, Jalindra avait déjà presque intuitivement trouvé que le lieu que je voyais dans mon cauchemar était un véritable lieu. Nous avions même recherché avec Anyume, des endroits sur l’écorce qui pourraient y ressembler…

J’ai serré Na Djaï’tal contre moi en le remerciant. Il m’a rendu mon étreinte : « Je suis heureux que ça t’ait aidé, ma reine. Tu sais que tu n’es pas seule, maintenant, face aux Kitins. Ce sont les Kitins qui sont seuls… ». J’ai remercié aussi Anyume pour sa présence, elle avait veillé sur nous tout le long de notre voyage, vérifiant qu’aucune créature ne vienne nous croquer. Et pour finir, j’ai embrassé le front de Jalindra en la serrant contre moi : « Merci ma bek-i-bemaï! ». Elle m’a murmuré : « Je serais toujours là… ». J’ai caressé sa joue : « Moi aussi… ».

Nous nous sommes ensuite tous retrouvés sur l’île de Kyshala. Na Djaï’tal était arrivé en premier et nous attendait sur la plage faisant mine d’être arrivé depuis longtemps : « J’ai failli vous attendre! ». J’ai couru sous l’écorce et j’ai crié : « J’ai gagné!!! ». Il a protesté en souriant : « Ah né, c’était sur l’île! ». Jalindra a ri : « Il ne passe pas sous l’écorce… ». J’ai ri aussi : « Justement! C’est pour être sûre de gagner! ». Nous avons tous éclaté de rire.

Na Djaï’tal et Anyume se sont installés sous la deuxième écorce et Jalindra et moi sous notre écorce habituelle. Elle a préféré quand même prendre mes pactes et attacher la petite liane entre nos deux poignets, au cas où. Pendant la nuit, Jalindra a eu le sommeil particulièrement agité semblant parfois rugir, barrir, s’étirer, tout ceci ponctué de mouvements saccadés. Elle a murmuré dans son sommeil : « Viens avec moi, ne reste pas là bas… Ne suis pas ton passé, suis ton avenir… ». Elle s’est mis soudain à crier : « Non! Ne la suis pas! ». Elle a semblé ensuite courir après quelque chose. Je l’ai serrée contre moi en la berçant doucement : « Je suis là mon amour… Je suis revenue près de toi… A jamais réunies ma bek-i-bemaï. ». Elle a ouvert des yeux hagards en se cramponnant à moi. Elle s’est calmée petit à petit pour finalement me demander comment j’allais. Je l’ai rassurée, m’inquiétant plutôt pour elle. Elle m’a caressée tendrement le dos : « Ça va… Je pense que le moment où j’ai senti que tu te perdais dans l’autre monde m’a perturbée… Mais j’ai réussi à te ramener… Donc ça va aller… Je t’aime… ». J’ai répondu à son baiser aussi tendrement qu’elle puis je lui ai murmuré : « Je t’aime ma bek-i-bemaï… C’est grâce à toi que je suis revenue… quand j’ai entendu le mot « bek-i-bemaï » et « à jamais réunies »… J’ai su que je n’étais pas dans un monde réel et qu’il fallait que je te rejoigne… ».

J’ai posé mon front sur le sien me perdant dans ses yeux. J’ai fini par venir goûter ses lèvres avec sensualité. Nous nous sommes serrées l’une contre l’autre pour nous rendormir d’un sommeil plus apaisé.

Le retour d’Eeri

J’étais en train de dormir contre Jalindra quand un izam est venu m’apporter un message :
« Bonjour ma belle chauve!
J’ai enfin réussi à trouver le chemin du retour après mon long voyage impromptu. J’aurai des tas de choses à te raconter, et quelques explications à te donner sur les causes réelles qui m’ont poussées à partir.
J’espère te voir vite, et j’espère aussi que tu ne m’en voudras pas…
Ta chauve »

Je suis restée un instant stupéfaite : Eeri était de retour? Je n’ai pas réussi à me rendormir. Déjà que j’étais sur le qui-vive à surveiller Jalindra qui faisait des cauchemars depuis mon dernier passage dans la kitinière, ce n’est pas le retour d’Eeri qui allait me donner un sommeil apaisé : Qu’est ce que j’allais bien pouvoir lui dire?

Jalindra s’est réveillée quelques heures plus tard avec un sourire aux lèvres : « Ils en font du bruit ces shookis… c’est à cause d’eux que tu as mal dormi? ». J’ai souri : « Non… je surveillais une belle brune qui avait des cauchemars! ». Elle a protesté en souriant : « Mais… je ne me sauve pas pendant la nuit… Tu aurais dû te reposer… tu as l’air fatigué… ». J’ai secoué la tête : « Non… mais tu avais besoin de dormir… alors j’ai essayé de ne pas trop bouger… et de ne pas… avoir de cauchemars. ». Elle m’a serrée contre elle en souriant : « C’est presque comme si on avait un petit homin… On dort à tour de rôle! ». J’ai ri et puis j’ai posé ma main sur son ventre : « Y a un petit homin ici ? ». Elle a ri : « Non y’a que mon estomac la dedans ».

Elle a du voir à mon air que quelque chose n’allait pas et a demandé : « Qu’est-ce qu’il y a? ». Je lui ai expliqué que j’avais reçu un izam d’Eeri et que celle-ci était de retour. Elle a dit doucement : « Tu peux aller la voir tu sais… ». Je me suis blottie contre elle : « Je n’ai pas envie… ». Elle a murmuré : « Je suis sûre que si… ». J’ai secoué la tête : « J’ai peur de sa réaction… ». Elle m’a regardée d’un air doux : « Je te proposerais bien de venir… mais je suis pas sur que ça t’aide… ».. J’ai caressé sa joue : « Il faut que je lui dise… pour nous deux… ». Elle a détourné le regard : « Après… si tu veux toujours être avec elle… je comprendrais… ». J’ai ramené doucement son visage vers le mien : « C’est toi qui ne comprend pas… Je ne peux plus… être avec elle… Je n’y arriverai pas comme avec Anyume… parce que tu es mon homine… et que je n’ai besoin de personne d’autre… ». Elle a eu un léger soupire : « Je voulais juste que tu saches… que même si ce n’était pas le cas, tu ne me perdrais pas. ». J’ai posé mon front sur le sien en la caressant tendrement : « Mais je n’en ai plus envie… je veux juste être avec toi… tu sais… si je multipliais les amants avant de te connaître… c’est que je n’y trouvais pas mon compte… ». Elle m’a caressé la joue : « Je sais… Mais ça ne t’empêche pas d’être attachée à elle… et c’est normal. ». Je l’ai regardée : « Je suis attachée à elle… sans elle… je ne serais plus en vie je crois. ». Elle a souri : « J’espère un jour pouvoir la remercier. ». Je suis partie à Thesos ensuite en demandant à Jalindra de ne pas rester trop loin comme pour être rassurée en la sachant proche de moi. Elle a accepté de forer au nord de la ville pendant que j’allais à la rencontre d’Eeri. Elle m’a embrassée tendrement comme pour me donner du courage. J’ai répondu à son baiser en lui déclarant : « J’ai bien l’intention de dormir dans tes bras cette nuit mon amour. Jamais séparées tu te souviens? ». Elle a souri : « J’y comptais bien ! ». Puis, elle s’est reprise : « Mais si tu as besoin de rester seule avec elle, ne t’en fait pas pour moi, c’est tout! ». J’ai eu du mal à me séparer d’elle. C’est d’ailleurs elle qui m’a finalement poussée à retrouver Eeri.

J’avais une boule dans la gorge et une sorte de nausée. Je savais qu’Eeri accepterait beaucoup moins bien qu’Anyume, le fait que j’ai une nouvelle amante. Elle n’avait que moi et j’étais persuadée qu’elle avait accepté que je garde Anyume et Na Djaï’tal uniquement parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait pas m’apporter seule tout l’amour dont j’avais besoin. J’avançais à petit pas à travers Thesos, essayant de retarder au maximum le moment de la confrontation.

Et puis, je l’ai vu devant l’étable en train de bavarder avec le palefrenier. J’ai failli m’enfuir soudain paniquée. Mais finalement, je me suis reprise et je l’ai appelée. Elle s’est tournée vers moi avec un grand sourire. Elle portait son armure en rylonyx noire. Je n’étais soudain plus sûre de rien…

J’ai souri et je l’ai serrée dans mes bras. Elle m’a caressée la tête et les épaules : « Shaakya… Je suis heureuse de te voir… Tu m’as manquée. ». J’ai avoué : « Toi aussi… ». Puis, j’ai repris d’une façon plus taquine : « Tu n’as pas grandi! ». Elle a souri : « Je me suis même un peu tassée, tu sais, l’âge… ». J’ai ri doucement.

Nous nous sommes ensuite rendues à la taverne. Elle a commandé une des bières de Geyos. Nous nous installées à une des tables de la terrasse. Elle m’a caressée la joue et s’est penchée pour m’embrasser. J’ai eu un léger mouvement de recul qui m’a surprise moi même. Elle a froncé les sourcils : « Que se passe t’il? ». J’ai essayé de m’expliquer : « Il faut que je te dise… ». Mais elle ne m’a pas laissé continuer : « J’ai… Excuse moi! Je n’aurais pas du partir comme ça. ». J’ai posé un doigt sur ses lèvres pour la faire taire : « Non, non… il n’y a rien à excuser… C’est moi… ». Elle a esquissé un sourire inquiet : « Je t’écoute. ». J’ai soupiré : « J’ai rencontré une homine… Je t’en ai parlé dans ma lettre… enfin quand je l’ai écrite, elle et moi on était juste amies. ». Elle a penché la tête sur le coté et a ouvert la bouche : « C’est tout? ». Elle a étouffé un fou rire : « Elle est jalouse? ». J’ai grimacé : « Je ne dirais pas çà… ». Elle est redevenu sérieuse : « Mais ça pose un problème… que je sois revenue non? ». J’ai cherché mes mots : « Ce qu’il se passe entre elle et moi… c’est difficile à expliquer… ». Sa voix s’est durcie : « C’est incomparable? C’est au dessus de tout ce que tu pouvais connaitre? J’ai déjà entendu ça oui… ».

Je suis restée silencieuse comprenant que je l’avais piquée au vif malgré toutes les précautions que j’avais essayé de prendre pour lui annoncer. Elle a serré les dents : « Excuse moi! ». J’ai baissée la tête : « Elle est là… elle est présente… elle ne me quitte pas… elle a besoin de moi comme j’ai besoin d’elle… elle n’a pas l’impression que je la colle trop… ». Elle a chuchoté amèrement : « Tu as raison, c’est une raison pour me fuir? ». Je l’ai regardée : « Est ce que je te fuis là ? j’ai vu ton izam… et je t’ai cherché… ». Elle a dit doucement : « J’aurais espéré que… enfin, ne pas te retrouver en parlant d’une autre, mais entendre un peu parler de toi… ». J’ai murmuré : « Je vais bien! si c’est ce que tu veux savoir… très bien… ». Elle a soupiré en baissant la tête : « Pas grâce à moi à ce que je vois… ». Je lui ai relevé doucement le menton : « J’ai été seule… pendant longtemps… ».

Elle a eu un regard un peu perdu : « Tu as donc tant changé que ça en si peu de temps? ». J’ai demandé : « Tu trouves que j’ai changé? ». Elle a secoué la tête : « Je ne sais pas… Mais ta vie semble avoir changée. Avant… tu étais très heureuse entre trois amants. ». Pensait-elle vraiment que c’était le cas? Ne lui avais je pas proposé assez de n’avoir plus qu’elle? L’avait elle oublié? Je me souvenais de cette période, où il est vrai j’avais trois amants mais je passais la plupart de mes journées horriblement seule, à les attendre. Et si par hasard, ils étaient là tous les trois, je me sentais déchirée, ne sachant pas vraiment avec qui aller… J’ai demandé un peu amèrement : « Tu crois? Pourquoi est ce que j’avais besoin de trois amants à ton avis? ». Elle m’a regardée : « Ne me dis pas que c’est parce qu’ils n’étaient pas toujours là… Ce n’est pas entièrement vrai. ». Qu’en savait elle? Qu’imaginait elle? Croyait-elle que mon besoin était uniquement charnel? Je l’ai regardé sans vraiment savoir que penser : « Vraiment? ».

Elle a soupiré : « Je suis juste en train de comprendre que… tu n’as plus besoin de moi… ». J’ai essayé de m’expliquer encore une fois : « Anyume est partie, tu es partie et Na Djaï’tal s’est réfugié dans ses drogues pour oublier le départ d’Anyume. J’ai été seule longtemps… Personne ne me donnait de nouvelles… « . Elle a essayé de protester : « Ce n’étais pas facile de donner des nouvelles de là où j’étais… et je suis revenue… ». J’ai acquiescé : « Anyume est revenue, tu es revenue et Na Djaïtal sort tout juste de ses drogues… ». Elle m’a regardée surprise : « Anyumé est revenue? ».

J’ai hoché la tête en posant ma main sur la sienne : « Oui… et encore plus important… Jalindra a remué ciel et terre… pour moi… pour retrouver Kyshala… et… elle l’a retrouvée… Elle est vivante… sur Silan. ». Eeri est restée immobile stupéfaite par la nouvelle : « Quoi??? Comment… est-ce possible? ». J’ai tenté d’expliquer : « Sa graine de vie avait été oubliée… elle est restée… dix ans sans être retrouvée… entre la vie et la mort… ». Elle restait abasourdie : « Et quelqu’un l’a retrouvée? les kamis? la karavan? ». J’ai haussé les épaules : « Les kamis, je pense… Je suppose que les résurrections… lors de l’exode… étaient compliquées… ». Elle a dit mécaniquement : « Lors de l’exode, elles étaient presque impossibles. ». J’ai continué à expliquer : « Apparemment ce n’est pas la première fois que çà arrive… Il y a peut-être encore d’autres graines perdues… mais Kyshala… est un peu perturbée… les rangers ont pris soin d’elle. Elle n’avait plus rien… ».

Eeri restait silencieuse. Elle a fermé les yeux, j’ai senti que ce n’était que pour retenir ses larmes. Je l’ai prise contre moi pour tenter de la consoler : « Elle est vivante… tu n’as plus à t’en vouloir de ne pas avoir pris soin d’elle… ». Elle s’est écartée : « Ça fait combien d’années… ». J’ai répondu doucement : « Plus de 10 ans je crois… elle pensait que j’étais encore une petite fille. ». Elle m’a demandée : « Tu l’as revue? ». J’ai secoué négativement la tête : « Non, pas encore… le voyage vers Silan est compliqué… mais je vais y aller oui. ».

A nouveau, elle est restée silencieuse, pensive. Puis, elle a déclaré un peu abruptement : « Je vais repartir. Je pense que c’est ce que j’ai de mieux à faire. Ma place n’est pas ici en ce moment. Et je dois terminer mes recherches ». J’ai secoué la tête surprise et attristée : « Pourquoi dis tu çà ? ». Elle a eu un regard dur : « A ton avis… ».

J’ai demandé brutalement, lui en voulant soudain de m’avoir abandonnée : « Pourquoi es tu partie? ». Elle a répondu sans animosité : « C’est une longue histoire. Tu as entendue parler d’Elias Tryton? Ne parle à personne de ce que je vais te dire… même Icus n’est pas au courant. Je suis partie à la recherche de traces du feu de Coriolis afin de vérifier certaines théories trytonistes. Je ne pouvais pas me permettre de mêler quelqu’un à ça. ». J’ai regardé autour de nous un peu inquiète que quelqu’un puisse entendre : « C’est dangereux? ». Elle a hoché la tête : « Ces théories expliquent la présence de la goo, de la karavan, de l’origine du grand dragon, et de la vraie nature des kamis… En gros, qui nous sommes. ». J’ai demandé en chuchotant : « Nous sommes qui alors? ». Elle a expliqué : « Personne ne sait y répondre. Seules les mythes des kamis et du culte jénaïque nous donnent un semblant de réponse qui est totalement fantaisiste. ». Puis, elle a répété : « A personne hein? Même Geyos, même Anyumé. ». J’ai acquiescé : « D’accord… Tu sais bien que tu peux me faire confiance… ». Elle a souri : « Oh que oui je te fais confiance! ». J’ai caressé sa joue en souriant. Elle a frémi au contact de ma main.

Elle s’est soudain reculée un peu : « Il vaudrait mieux que je reparte! ». Mon geste tendre lui avait rappelé cruellement ce auquel elle n’aurait plus droit. J’ai baissé la tête mortifiée : « Pardon… ». Elle a expliqué : « Je comprends bien que tu as besoin de vivre… Mais ce n’est pas très facile à encaisser… c’est tout. Je voulais juste ne pas te compromettre. ». J’ai relevé doucement la tête : « Je comprends… Mais tu sais… quelque chose s’était déjà un peu cassé entre nous avant ton départ… même si tu ne l’as sans doute pas ressenti. Quand tu m’as dit qu’on ne pouvait pas passer notre temps coller l’une à l’autre… sur le moment, je me suis dit que tu avais raison… Mais… c’était un besoin chez moi… ». Elle a tenté de s’expliquer : « Le jour ou je t’ai dit ça, je faisais des missions de boucherie… c’est comme, je ne sais pas moi… c’est comme… Enfin… je… Je n’ai pas à me justifier, et je n’ai pas le droit de chercher à te faire changer d’avis! ». J’ai souri : « Je sais…je sais qui tu es et quels sont tes besoins! Et je ne te demande pas de te justifier. ». Elle hoché la tête : « Je sais… Tu es indépendante Shaakya, il faut parfois te le rappeler, mais c’est un fait. Même si tu appartiens à une guilde, tu dois garder cela! ». Je n’arrivais pas à comprendre ce qu’elle cherchait à me dire : « C’est ce que je fais! J’essaie de reconstruire les hoodos. Et je sais que je suis indépendante… elle ne m’oblige à rien tu sais… c’est moi qui… ». Elle a secoué la tête puis a souri : « Bien sûr… oui c’est toi qui… j’aurais juste aimé que tout ça se passe un peu différemment… ».

J’ai baissé la tête : « Je sais… je ne comprends pas ce qu’il m’arrive… ». Elle a dit doucement : « Tu n’y es pour rien. Elle est juste arrivée au moment où tu en avais besoin. ». J’ai relevé la tête : « Je sais juste… que… je suis bien… et heureuse… ». Elle a souri : « C’est le principal. Et çà me rassure. Tant que le monde tourne… ».

Après quelques minutes, elle a repris : « Tu sais… Je ne suis pas partie de gaieté de cœur. Mais ce dont j’avais peur est en train de se profiler. : une nouvelle guerre des temples! ». J’ai murmuré un peu honteuse : « J’ai cru… que çà te faisait du bien de t’éloigner de moi… ». Elle est restée stupéfaite : « Tu as cru? Comment as tu pu croire une chose pareille…? Je suis partie parce que je le devais! C’était prévu depuis trop longtemps. Enfin, non, pas trop… mais au fur et à mesure que j’avançais dans mes recherches, je savais qu’il allait falloir que j’y aille. Je crains que quelque chose d’irréparable bien pire qu’un essaim soit en train de se produire. Et si ces théories s’avèrent justes, Atys court un grand danger! ». Je l’ai regardée inquiète : « Tu crois? ». Elle semblait réellement tracassée : « J’aimerais avoir la bonne surprise de me tromper… Mais je dois explorer les mines de Coriolis… ce qu’il en reste, du moins… ».

J’ai demandé : « Est ce que les Hoodo peuvent t’aider en quoique ce soit? ». Elle a secoué la tête : « En restant à leur place et en ne s’en mêlant pas, j’en ai peur… C’est bien pour ça que je n’ai pas mêlé les légions. Je compte laisser mon écusson dans mon appartement en repartant. Je ne veux pas voyager comme une légionnaire. Mais ce que je veux découvrir est précisément ce qu’ils ne veulent pas voir apparaître au grand jour. Si tu veux comprendre… ». Elle m’a tendue quelques papiers pliés, en précisant : « Je les ai recopiés… Je ne pense pas que tout ceci soit vrai… ou du moins pas entièrement vrai… Mais si tu regardes la fin du deuxième carnet : l’explication du grand dragon, sous les mines de Coriolis. Selon ce carnet, la goo serait causée par la karavan… Leur carburant, en quelque sorte. ».

Après avoir lu les carnets, j’ai demandé un peu étonnée : « Tu es devenue trytoniste? ». Elle a réfléchi un instant puis a fini par chuchoter : « On va dire que… je m’intéresse à leurs théories sans pour autant me sentir… l’une des leurs. J’ai retrouvé l’emplacement précis des mines et l’entrée. Je vais chercher des traces de ce que je peux… Le but n’est pas non plus de tout brûler, mais de faire ça discrètement… descendre en touchant le moins de choses possibles. Maintenant, promets moi de garder ça pour toi! Et dis toi que ce ne sont sans doute que des suppositions farfelues que cette imbécile d’Eeri va quand même tenter de vérifier! ». J’ai hoché la tête : « oui… je garderais çà pour moi… Mais tu n’es pas une imbécile! ».

Elle a secoué la tête : « Si! J’avais tout pour être heureuse et insouciante… maintenant… C’est un peu tard pour m’en rendre compte. ». Je l’ai regardée comprenant qu’elle parlait de mon amour qu’elle avait perdu. J’ai murmuré me sentant un peu coupable : « Je suis toujours là… ». Elle a souri : « Mais moi pas… et c’est sans doute mieux comme ça… Je te souhaite d’être heureuse Shaakya. ». J’ai dit doucement comme pour la rassurer : « Je le suis… mais toi? ». Elle a hoché la tête : « On ne peut connaitre le bonheur quand on ne connait pas le malheur. Une succession de hauts et de bas… Plus tu descends, plus la sensation de bonheur est forte lorsque la pente est ascendante. Comme le phénomène de manque… C’est une sorte de drogue. Je penserai à mon bonheur plus tard au moment venu. ».

J’ai demandé ensuite si elle avait eu le temps de voir des légionnaires mais ce n’était pas le cas. Elle espérait par contre voir Geyos. J’ai demandé un peu taquine : « Pour sa bière? ». Elle a répondu un peu amèrement : « ou pour en faire mon amant aussi. ». J’ai essayé de continuer à plaisanter : « C’est sûr que si tu te pointes comme çà devant lui… il va avoir du mal à résister! ». Son rire a été cynique puis elle a déclaré : « Enfin, c’est pas de lui dont j’ai… Bref! ». J’ai eu un soupire désolé.

Elle s’est levée : « Je vais y aller! Si toutefois un jour… Je dis n’importe quoi… A bientôt Shaakya! ». Elle a déposé un baiser sur ma joue qui m’a fait frémir. Je l’ai retenue pour lui offrir le même baiser sur la joue. Elle a souri, a secoué la tête puis s’est éloignée. Je l’ai suivie du regard. Je l’ai soudain vu se tourner vers moi. Il m’a semblé qu’elle articulait deux mots sans que je distingue lesquels puis elle est repartie.

J’ai alors couru rejoindre Jalindra me blottissant contre elle à la limite de pleurer. Elle m’a serrée contre elle avant de me ramener sur l’île de Kyshala, comprenant dans quel état j’étais. Elle a installé les couvertures avant de me reprendre contre elle. J’ai éclaté en sanglot. Elle m’a bercée en me murmurant des paroles rassurantes : « Ça va aller ma belle… Elle a mal… Il lui faut du temps pour accepter… ». Petit à petit, j’ai essuyé mes larmes, tentant de raconter tout ce qu’il s’était passé. Jalindra avait des paroles rassurantes et apaisantes qui me faisaient du bien. Puis, elle a demandé doucement : « Tu regrettes ton choix? ». J’ai secoué la tête en souriant : « Non! Je suis avec qui là pour passer la nuit? ». Elle a souri en faisant mine de regarder autour d’elle : « On attend quelqu’un? ». Je l’ai embrassé tendrement.

Nous nous sommes alors installées pour la nuit. Pendant qu’elle attachait nos deux poignets avec la petite liane pour ne pas que je me sauve pendant la nuit, j’a murmuré : « Je me suis demandée tu sais… si j’allais pouvoir lui résister si elle avait des gestes d’amantes envers moi… ». Elle m’a regardée : « Je me le suis demandé aussi… ». J’ai continué : « Mais en fait…. c’est venu tout seul… je n’ai pas eu à me forcer… je n’ai pas pu… lui offrir ce qu’elle voulait. ». Elle a souri : « Et j’en suis vraiment heureuse… ». Je l’ai embrassée dans le cou : « Moi aussi j’en suis heureuse… je t’aime ma bek-i-bemaï. ». Elle a murmuré : « Je t’aime mon amour… ». Elle a continué à me bercer jusqu’à ce que je m’endorme dans ses bras.

Au bord de la mort

Nous nous étions endormies sur l’île de Kyshala. La veille je l’avais veillée, toute la nuit, inquiète, parce qu’elle était éteinte, malade souffrant d’un vilain rhume. Elle allait mieux alors j’étais tombée, épuisée de fatigue le soir suivant. Est ce que c’est l’angoisse de la voir malade ainsi qui a réveillé mon cauchemar au kirosta rouge? Je ne sais pas… En tout cas, quand je me suis réveillée, j’étais dans la kitinière et un kirosta en face de moi qui n’a pas mis longtemps à me mettre à terre. Je me suis évanouie.

Quand, je me suis réveillée, j’étais percluses de douleur parmi les cadavres de créatures. J’étais dans le garde-manger des kitines, incapable de me soigner, je ne ressentais pas la présence des kamis, ni de la karavan… les pactes de téléportation n’allaient pas fonctionner et les demandes de résurrection encore moins… J’allais mourir. Je me suis mise à pleurer… Non, non… pourquoi? Alors que j’étais si heureuse et que j’avais enfin trouvé celle avec qui je voulais passer le reste de ma vie… J’ai pleuré de longues minutes incapable de m’arrêter. Je repensais au moment merveilleux que j’avais passé à ses côtés ces derniers jours, comme cette journée près d’une cascade sous une arche que nous avions surnommées « l’arche des amantes » en raison des étreintes passionnées que nous y avions vécues…

Et moi, je gâchais tout avec mon cauchemar et mon somnambulisme maladif… Je m’en voulais de provoquer un nouvel horrible déchirement dans la vie de Jalindra. Mes larmes ne cessaient plus… Et puis il y a eu un petit mouvement parmi les cadavres, un izam blessé essayait de se dégager. Je me suis traînée jusqu’à lui pour l’aider mais il était vraiment mal en point lui aussi. Il s’est blottit contre moi recherchant ma chaleur. J’ai eu pitié, si je ne pouvais plus me soigner moi-même au moins je pouvais l’aider lui… J’ai lancé un soin. Il était guéri et volait autour de moi tout joyeux.

J’ai eu un petit sourire triste. L’izam est revenu contre moi, semblant vouloir tenter de m’aider. Je l’ai caressé même si je savais que je ne survivrais pas. Pourtant son insistance m’a donnée une idée. J’allais envoyer un message à ma bek-i-bemaï. Il ne fallait pas que je meurs sans qu’elle sache ce qu’il m’était arrivée comme avec Shab. J’ai sorti difficilement de quoi écrire de mon sac et j’ai commencé ma lettre :

« Mon amour, ma bek-i-bemaï,

Je crois que j’ai encore fait un cauchemar et comme j’ai oublié de te donner mes pactes, je suis à nouveau dans la kitinière. Je t’envoie cette lettre grâce à l’aide d’un izam qui était sur le point de mourir et que j’ai réussi à soigner grâce à mes dernières gouttes de sève, lui aussi a été ramené par les chasseurs dans le garde manger des kitines.

Ma bek-i-bemaï, cette fois, je crois que ma graine de vie s’est brisée et ne pourra plus être réparée. Quelle idiote, je suis! J’ai à nouveau suivi un kirosta rouge dans mes cauchemars pour me réveiller transpercée par son dard au fond de la kitinière. Je suis à un niveau tellement profond que je crois que les kamis n’entendront pas mon appel… Je vais mourir mon amour…

Je suis désolée de te laisser seule alors que notre amour était ce qu’il y avait de plus beau dans ma vie. Je veux que tu profites de la vie et que tu trouves quelqu’un qui t’offre ce que j’ai à peine eu le temps de t’offrir.

La mort ne nous séparera pas mon amour. Ma sève attendra la tienne pour se mêler à elle et être à jamais réunies.

el makèch ma bek-i-bemaï.

Shaaky. »

J’ai attaché le message à la patte de l’izam. Je lui ai donné quelques miettes du gâteau que j’avais dans mon sac et je l’ai laissé s’envoler. Il est parti à tir d’ailes. Je n’étais vraiment pas sûre qu’il parviendrait à sortir de la kitinière vivant mais j’espérais de tout mon cœur que mon message parviendrait d’une façon ou d’une autre à Jalindra. Au moins, pour qu’elle sache que j’avais pensé à elle jusqu’à ma dernière seconde de vie. J’ai tenté de lutter contre l’engourdissement de la mort que je sentais venir mais j’ai fini par m’évanouir à nouveau.

C’est le bec d’un izam qui m’a réveillée. Dans un état comateux, j’ai tenté de le repousser de la main : « Laisse moi… je suis fatiguée… trop fatiguée… ». Mais l’izam me picorait le crâne avec insistance. J’ai finalement réussi à ouvrir un œil : c’était l’izam que j’avais sauvé. J’ai grogné : « Je t’ai dit pourtant de rejoindre Jalindra… Va-t-en!!! ». J’ai fermé les yeux à nouveau mais toujours ce bec qui picorait avec insistance mon crâne. J’ai ouvert à nouveau les yeux et c’est là que j’ai vu que la pauvre bête avait été chargée comme un mektoub de bât. Il portait des sacoches et semblait épuisé.

J’ai ouvert les sacoches : des potions de vie et de sève… Et un mot de Jalindra, griffonné dans l’urgence : elle me disait qu’elle m’aimait et qu’il fallait que je lutte de toutes mes forces, qu’elle allait me rejoindre. Ma bek-i-bemaï me redonnait courage. J’ai bu les potions. Le bien-être a été immédiat même si les douleurs étaient toujours là…

Maintenant, il fallait sortir sans se faire dévorer… J’ai aperçu une larve de kitine perdue non loin de là… J’ai réussi à l’attraper en me faufilant à travers les cadavres et les kitines. Je me suis frottée avec reprenant l’idée qui m’avait déjà sauvée une fois et je l’ai gardée dans mon sac. Il fallait que je remonte le plus possible pour que Jalindra me trouve. J’ai suivi mon petit izam qui semblait décider à m’aider… mais parfois il passait par des endroit inaccessible pour moi… alors je faisais demi-tour cherchant une autre issue. Je me suis perdue dans le labyrinthe de la kitinière… Mais à chaque fois, l’izam me retrouvait trouvant un autre chemin. Jusqu’à ce que l’épuisement me fasse tomber à genoux. J’étais arrivée dans la chambre des œufs, où je me suis évanouie à nouveau.

Puis, j’ai entendu la voix au bord de la panique de Jalindra : « Shaakya, ma belle! ça va? ». Elle a lancé une série de soins magiques sur moi. J’ai ouvert un œil et j’ai souri en voyant son visage au dessus de moi : « Tu n’aurais pas du…. prendre de risque… comme çà… ». Elle m’a soulevée dans ses bras toujours terriblement inquiète : « Ça va aller… je n’allais pas te laisser là! comment tu te sens? ». J’ai dit doucement : « Mal… et bien parce que tu es là… ». Elle a dit doucement : « Je serais toujours là… ». J’ai murmuré : « J’ai cru… que j’allais mourir… ». Elle a dit d’une voix déterminée : « Je ne t’aurais pas laissé faire… ». Elle m’a serrée très fort dans ses bras et m’a embrassée tendrement. J’ai caressé sa joue : « Je suis désolée… ». Elle a secoué la tête : « C’est moi qui le suis… J’ai cru… qu’il n’y avait plus de danger… Mais allons sur l’île, que je puisse te soigner… c’est risqué de rester ici. ». Elle m’a soutenue avant de déchirer nos deux pactes et elle m’a conduite ensuite jusqu’à l’île de Kyshala.

Elle a fait un feu et m’a recouverte d’une couverture. Je voyais qu’elle faisait çà presque mécaniquement comme pour oublier la peur qu’elle avait eu. Elle a demandé : « Tu as soif? faim? ». J’ai tendu ma main vers sa joue. Elle s’est penchée vers moi pour embrasser mon front : « Un câlin? ». J’ai souri : « Oui un câlin… tes soins m’ont fait du bien. ». Elle m’a pris doucement entre ses bras pour poser ma tête sur ses genoux : « Je suis désolée… ». Je l’ai laissé faire en souriant : « Ha oui là… je suis sûre que je vais aller beaucoup mieux! ». Mais je voyais bien qu’elle n’avait pas le cœur à rire, alors j’ai repris plus sérieusement : « J’ai du…. te faire très peur mon amour… avec ma lettre… j’ai cru que j’allais mourir cette fois… je ne pensais même pas que l’izam arriverait à te rejoindre… il était tellement mal en point lui aussi. ». Elle avait pris de la crème dans son sac et l’appliquait doucement sur mon flanc : « Oui… j’ai cru que je n’arriverais pas à temps… Les kitins auraient eu un peu plus à manger… si je ne t’avais pas retrouvée… ». J’ai écarquillé mes yeux : « Tu veux dire…? ». Elle a caressé mon visage : « Je serais restée avec toi oui… plus rien n’aurait de sens sans toi… ». Je me suis redressée malgré ses tentatives pour m’en empêcher : « C’est comme je te disais… quand nous étions dans les primes racines… il me sera impossible de vivre sans toi désormais… ». Elle a souri en reprenant un peu de son humour : « Il y a plus simple pour me quitter que d’aller embrasser les kitins! ». J’ai ri en me tenant douloureusement les côtes.

Puis, son regard s’est assombri : « Je m’en veux… j’ai relâché mon attention… j’ai faillit te perdre… ». J’ai tenté de la rassurer : « Mais non… c’est cette angoisse à cause de ta maladie… les cauchemars sont réapparus. J’aurais du y penser! ». Elle a secoué la tête : « Je n’oublierais jamais plus de te prendre tes pactes… j’ai eu si peur… ». Elle a frissonné : « Quand je me suis réveillée… et que tu n’étais plus la… ». Je l’ai serrée contre moi : « Moi aussi, j’ai eu peur… de savoir… que je te laissais seule… J’étais persuadée… que j’allais mourir… Sans ton izam… je n’aurais jamais réussi à remonter plus haut. ». Elle a secoué la tête : « Je n’étais même pas sûre qu’il arrive jusqu’à toi… ». J’ai souri en me frottant le crâne : « Il est arrivé… il était très insistant… parce qu’il a du me sortir de mon évanouissement avec des coups de bec. ». Elle a souri reprenant son humour habituel : « Oui je lui ai soufflé dans les plumes avant qu’il parte! Ça se trouve, c’était le même, il a eu peur… ». J’ai ri en repensant à notre première rencontre où elle avait soufflé dans les plumes de l’izam qui avait envoyé une lettre incomplète faisant suite à sa candidature à la guilde Hoodo.

Puis, je me suis blottie contre elle : « Tu m’as sauvée la vie mon amour… ». Elle a souri en me serrant contre elle : « Et je recommencerais autant qu’il le faudra… même si j’aime autant que tu ne te mettes pas en danger! ». Elle m’a embrassée tendrement. J’ai répondu à son baiser avant de lui répondre doucement : « Je n’en ai pas l’intention… Si tu savais comme j’ai pleuré… pas par peur de mourir… mais parce que je te laissais seule… alors que nous avions tellement à vivre ensemble… J’avais l’impression… d’avoir tout gâché avec ce cauchemar! ». Elle m’a serrée un peu plus contre elle : « J’ai beaucoup pleuré aussi… Je ne veux pas perdre ce bonheur… on a eu si peu de temps… ». J’ai posé mon front sur le sien et pris ses mains dans les miennes : « Rien ne nous séparera mon amour… comme je te le disais dans ma lettre… nos sèves se mêleront… et nous serons à jamais réunies. ». Elle a dit avec une petite voix : « Je n’aurais jamais pu attendre… J’ai croisé Xenargos avant de partir… Je n’ai pas réussi à lui en parler… Il aurait souhaité venir… et je ne voulais pas le mettre en danger… ni qu’il m’empêche de rester à tes cotés si jamais… ». Sa voix s’est soudain brisée dans un sanglot. Je l’ai prise contre moi pour la bercer doucement, en lui murmurant des mots d’amour.

Elle a finalement séché ses larmes petit à petit : « C’est moi qui devrait te rassurer… ». J’ai joué les grosses dures en montrant les muscles de mes bras : « Moi? mais je suis une habituée de la kitinière maintenant… Même pas peur!!! ». Elle a eu un petit sourire : « Tu vas vite perdre cette habitude! Je suis d’accord pour qu’on meure ensemble… mais dans très longtemps! ». J’ai acquiescé : « Dans très longtemps oui… Je demanderais à Na Djaï’tal qu’on fasse rapidement le Voyage. ».

Nous avons ensuite chercher la meilleur manière de m’empêcher de me sauver lors de mes crises de somnambulisme. La meilleur solution était celle qu’avait adoptée Anyume après ma première visite de la kitinière : m’attacher à elle. Jalindra m’a ensuite fait manger en me grondant parce que je dévorais comme un ogre. Elle avait peur que mon estomac ne tienne pas le le choc. Je voyais bien que son angoisse était disproportionnée par rapport à cet événement : ma belle n’avait pas encore réussi à exprimer toute l’angoisse et la peur qu’elle avait ressenti pendant que j’étais dans la kitinière. Aussi après avoir fini de manger, je l’ai prise dans mes bras. J’ai caressé doucement ses épaules pendant qu’elle se blottissait contre moi. J’ai commencé à la bercer doucement.

Au bout de quelques minutes, elle a enfin réussi à exprimer son angoisse : « J’étais persuadée de te trouver morte… comme Shab… ». J’ai embrassé son front délicatement : « Je sais… j’y ai pensé… et je m’en voulais… de te faire subir çà à nouveau… ». Elle a secoué la tête : « Tu n’y es pour rien… Je voulais juste que tu ne meurs pas seule… ». Je l’ai serrée fort contre moi en retenant mes larmes : « Je ne voulais pas mourir sans toi… mais je ne voulais pas que tu meurs pour moi… Je ne savais plus où j’étais mon amour… ce que je voulais… ». Elle a eu un sourire tremblant : « Tu n’aurais pas pu protester. ». Je me suis mis soudains à pleurer silencieusement.

Elle m’a prise dans ses bras, me berçant doucement en me murmurant des mots d’amour. J’ai réussi à dire d’une voix tremblante : « Je voulais mourir dans tes bras… mais pas que tu meurs… ». Elle a murmuré d’une voix douce : « Je serais morte avec toi… dans tout les cas. Et même si j’avais résisté à la volonté de te rejoindre… je serais restée une coquille vide… ». Je l’ai regardée : « Comme moi… avec toi… si… ». Je n’ai pas réussi à terminer ma phrase. J’ai secoué la tête : « Je ne veux plus revivre çà… ». Elle a acquiescé : « Je ferais tout pour que ça n’arrive plus… ».

J’ai pris un ton plus désinvolte : « On sera obligées d’être attachées tout le temps! ». Elle a souri : « Je vais remettre tes pactes dans mes bottes, comme avant! ». J’ai pris un petit air taquin : « Celles qui sentent des pieds? ». Elle a ri : « Oui!!! Au pire l’odeur te réveillera… on ira même voir le tas de fumier de bodocs pour être sûres! ». J’ai éclaté de rire avec elle.

Elle a remis de la crème sur mon flanc. Ce geste doux nous a rappelé les tendres attentions qu’elle avait eu pour mes pieds alors que nous n’étions encore que des amies. Nous avons longuement discuté sur ce que nous avions ressenti l’une pour l’autre à cette époque qui nous paraissait déjà si lointaine. Le sommeil a fini par avoir raison de moi. Jalindra a posé une couverture sur moi et m’a attaché le poignet au sien : « Voilà, tu ne pourras pas partir cette nuit! Je te garde avec moi! ». J’ai murmuré d’une voix ensommeillée : « Je ne veux pas partir… je n’ai jamais voulu partir… ». Elle m’a entourée de ses bras : « Je sais mon amour… ». Elle m’a bercée doucement. J’ai murmuré dans un demi-sommeil : « Jamais séparées mon amour… jamais… toujours dans tes bras… ». Elle a murmuré : « Je suis là, je serais toujours là… ». J’ai murmuré avant de m’endormir dans le creux de ses bras : « el makèch… ». Je l’ai entendu murmurer très doucement : « el makèch ». Elle s’est endormie en me serrant fort contre elle.

Durant la nuit, j’ai encore fait le cauchemar du kirosta rouge, j’ai hurlé le prénom de Jalindra. Mais elle était là veillant sur moi, me murmurant des paroles apaisantes. Je suis retombée dans un sommeil plus apaisé en murmurant : « Ne me laisse pas toute seule… laisse moi venir avec toi… ». Elle a murmuré à mon oreille : « Je suis là… je ne vais pas mourir… Tu ne seras jamais seule… ». J’ai fini par me rendormir dans un sommeil calme et réconfortant.

Le lendemain, c’est elle qui a fait un cauchemar. Elle s’est réveillée en sursaut tremblant de tout son corps. Je lui ai murmuré : « Je suis là mon amour… je suis là ma bek-i-bemaï… ». Elle m’a regardée avec des yeux hagards : « La kitinière… tu y étais retournée… je te cherchais… et j’allais mourir sans te retrouver… sans savoir si j’allais t’abandonner ou si c’était déjà fini… ». Un sanglot l’a empêchée de continuer. Je l’ai serrée contre moi, tentant de la rassurer d’une voix enrouée par l’émotion : « Je ne retournerais pas dans la kitnière pas sans toi… On ira dire aux rangers qui gardent l’entrée de me bloquer le passage si je suis seule par la force si il le faut… On leur dira de te contacter si jamais il me trouve… Ça n’arrivera plus… Les rangers sont capables d’empêcher de sortir des énormes kitines, ils arriveront bien à arrêter une petite fyrette au pieds nus, non? ». Je l’ai serrée encore plus fort contre moi : « Je ne veux plus revivre çà… croire que je t’avais perdue… que je te laissais seule… que nous ne pourrions pas vivre, tout ce que je veux vivre avec toi… ma bek-i-bemaï… ». Elle a murmuré en se blottissant contre moi : « Non, plus jamais… J’ai cru devenir folle quand j’ai reçu ton izam… Je n’avais jamais ressenti un tel déchirement… ni une telle haine contre la vie… seule la perspective de pouvoir encore te sauver m’a fait avancer… ». Je l’ai embrassée par petites touches tendres en continuant à la caresser : « Nous aimerons la vie ensemble désormais… Je vivrais pour te rendre heureuse, voir ton merveilleux sourire et entendre ton rire. ». Je la gardais contre moi en respirant son odeur : « Si je pouvais te garder constamment contre moi comme çà… profiter de ta chaleur, de la douceur de ta peau, du goût de tes lèvres… je le ferais… Plus rien, n’a d’importance, quand tu es dans mes bras à part toi… ». Mon baiser s’est fait plus sensuel et passionné. Elle a répondu avec fièvre. Cette nuit là, nous nous sommes fait l’amour avec urgence comme pour conjurer le sort, nous délectant de sentir l’autre si vivante.

Le bonheur à ses côtés

Comment raconter ce que je vis avec Jalindra sans en atténuer la portée par des mots qui ne sont pas la hauteur de ce que je ressens ? Le fait est que je suis tellement bien avec elle et elle avec moi, que nous ne nous quittons plus. Je ne passe plus des heures seule avec pour unique compagnon mon journal. C’est elle qui partage ma vie désormais. Alors forcément, je n’écris plus ou peu… Difficile de raconter le bonheur quand on le vit au quotidien : ces paroles tendres échangées, ces petites attentions, ces caresses douces, ces baisers sensuels et ces étreintes passionnées…

Certaines discussions que nous avons eu reste pourtant gravée dans ma mémoire. Comme celle que nous avons eu sur la possibilité d’avoir un petit homin. La discussion était partie à cause de notre notre manque d’envie de bouger de l’endroit où nous étions. Nous étions bien dans les bras l’une de l’autre sous les branches de Frère arbre. J’avais fini par dire que nous allions nous empâter. Jalindra a souri : « Je suis sur que le petit ventre t’irais très bien ! ». J’ai fait ressortir mon bidon : « Tu trouves? ». Elle m’a embrassé tendrement le ventre en guise de réponse.
J’ai plaisanté : « Malheureusement… je ne pourrais pas être enceinte de toi! ». Elle a souri : « Ça va être compliqué en effet! ». Puis, elle m’a regardée plus sérieusement : « Tu aurais voulu un petit homin? ». Je l’ai regardé un instant éberluée par la question : « Je ne sais pas… à vrai dire… je n’y ai jamais vraiment songé. ». J’ai réfléchi un instant puis j’ai repris : « Mais… si c’était possible… avec toi…. je crois… que çà ne me déplairait pas… de voir grandir le fruit de notre amour… ». Elle m’a caressée la joue : « C’est très touchant ce que tu dis! ».
Puis, elle a dit doucement : « Quand j’étais petite, j’en voulais… ». J’ai caressé sa joue attendrie : « Et maintenant? ». Elle a réfléchi un instant avant de répondre : « Je ne sais pas… L’écorce est si dangereuse… ». J’ai vu soudain son regard partir dans ses souvenirs : « J’ai cru une fois que j’étais enceinte… Je ne sais pas si je l’étais… C’était juste avant que Shab disparaisse… Soit le choc… soit une fausse alerte… Au final… avec la suite des événements… heureusement que ce n’est pas arrivé… ».
Je l’ai serrée dans mes bras : « Mon amour… je suis désolée… ». Je lui offrais des caresses tendres et réconfortantes sans savoir quoi dire. J’ai posé ma main sur son ventre : « Si je pouvais… ». Elle a posé sa main sur la mienne : « Ne t’inquiète pas… Surement qu’il n’y avait rien! Et depuis… je n’ai pas repensé à cette possibilité… Je ne pensais déjà pas te trouver… je pensais juste à survivre. ». Je l’ai regardée hésitant à poser la question qui m’était venue : « Tu crois que… ? ». Elle a compris sans même que je finisse ma phrase : « Non, ça ne me manquera pas. Si ça ne s’est pas bien fini, comme avec Shab, c’est que ça ne devait pas arriver! Et j’ai un merveilleux trésor avec moi aujourd’hui! ». Elle a dit ces dernières paroles en me souriant. J’ai rougi sous le compliment. Puis, elle a continué : « Il n’aurait surement pas survécu en plus… C’était mieux comme ça. ».
Je l’ai regardé sérieusement : « Si un jour ce manque de ne pas avoir de petit homin … devenait trop pesant… tu me le dirais? ». Elle a acquiescé : « Oui, mais je ne pense pas que ça arrive un jour. Même si je suis sûre que tu serais très douée pour t’occuper de notre petit! ». Je l’ai regardée un peu rêveuse : « Notre petit homin? ». Elle a ri : « Il faut intégrer ses recherches à la N’ASA! ». J’ai approuvé en riant : « Oui!!! Trouver un moyen pour les homines d’avoir des petits homins sans homins! ».
Puis j’ai repris plus sérieusement en caressant son ventre : « J’adorerais voir ton ventre s’arrondir avec « notre » petit homin. ». Elle a embrassé mon ventre : « Et pourquoi le mien? ». Je l’ai caressée tendrement : « Parce c’est ton rêve de petite fille… ». Elle a secoué la tête amusée : « J’ai beaucoup grandi depuis ! ». J’ai protesté : « Et alors? Il n’est jamais trop tard pour les rêves d’enfant. ». Elle a souri : « Au bout d’un moment… ça devient plus compliqué. D’ici à ce qu’on trouve un moyen… je serais toute sèche ! Et puis… tu suffis à mon bonheur! ». J’étais émue par ses paroles et mes yeux restaient plongés dans les siens.
J’ai soudain vu son regard devenir taquin : « Si tu veux… y’a un yubo qui nous tourne autour depuis un moment… on peux l’adopter! ». J’ai éclaté de rire : « Non!!! Il fait pipi partout… ou alors on lui mettra des couches. ». Elle a ri avec moi. Nous avons fini par nous endormir. Le lendemain, Jalindra m’a raconté en riant qu’elle avait rêvé de moi avec un gros ventre tandis qu’un yubo nous suivait partout, ce qui nous a fait toutes deux éclater de rire.

Et puis, il y avait eu cette discussion sur la mort. Nous avions dormi dans les primes racines cette nuit là et notre réveil avait été ponctuée par des étreintes qui nous avaient laissée toutes deux bouleversées par l’émotion. J’avais prononcé avec un petit air amusé le mot que nous avions eu après notre premier baiser : « Wahou! ». Je l’ai prise dans mes bras avec des gestes caressants, cherchant ses lèvres et lui offrant un baiser enflammé. Puis, j’ai eu un regard un peu perdu me rendant compte soudain de l’attachement profond qui me liait à elle : « Je ne pourrais plus jamais te quitter… si un jour tu disparaissais… je crois que je disparaîtrai avec toi ma Bek-i-Bemaï. ». Elle a posé un doigt sur mes lèvres : « Ne dis pas de bêtises mon amour, déjà, je n’ai pas l’intention de disparaître… et si par malheur… je voudrais juste que tu retrouves le bonheur, même si ça doit être dans d’autres bras que les miens. Tu mérites tellement d’amour… et je suis sûre que d’autres homines seront capables de voir le bijoux que tu es… ».
Je l’ai regardé, essayant de m’imaginer une vie sans elle mais je ne voyais vraiment pas comment cela pourrait être possible. Je me suis blottie contre elle en restant silencieuse. J’ai fini par lui murmurer : « C’est ce que tu devras faire oui… si un jour je disparais. Trouver le bonheur dans des bras qui te méritent… ». J’ai pris de longues inspirations essayant de contenir l’émotion qui me submergeait mais des larmes de peur et d’angoisse de la perdre ont fini par couler silencieusement le long de mes joues. J’ai murmuré la gorge nouée : « Je ne veux pas te perdre… ».
Elle m’a bercé dans ses bras : « Tu sais, seule la mort pourrait nous séparer, et encore… si je retournais à la sève, je coulerais sous tes pas pour te protéger… Si un jour je devais ne plus te prendre dans mes bras, je resterais toujours à tes côtés… ». J’ai répondu doucement : « La mort ne nous séparera pas… ma sève se mêlera à la tienne… nous serons à jamais réunies mon amour… ». Je me suis redressée pour la regarder et j’ai pris son visage entre mes mains. Mes larmes ont cessé de couler et mon regard était plein d’une certitude nouvelle quand j’ai répété : « A jamais réunies mon amour… ». Je lui ai offert un baiser plein d’amour et de passion. Elle a tremblé d’émotion et m’a dit avec un sourire vacillant : « J’ai plus qu’à faire très attention à mes fesses alors… Je ne voudrais pas priver l’écorce d’une homine magnifique comme toi! ».
Je me suis mise à rire : « Oui tu as intérêt!!! Surtout si tu veux me voir avec un dentier comme le tien! ». Je me suis alors sauvée en éclatant de rire avant de recevoir des coups sur la tête. Elle a grogné, prenant un air faussement énervée : « Saletée! ». Puis, elle m’a couru après. Elle a fini par me rattraper après avoir failli percuter un bodoc. Elle m’a plaquée doucement au sol avant de commencer à me chatouiller. Tandis que je me tortillais sous la torture, elle m’a dit, amusée : « Je cours encore vite pour une vieille! ». Puis, elle a soudain arrêté ses chatouilles pour m’embrasser passionnément avant de dire avec un petit air taquin : « Tu seras magnifique avec un dentier. Je t’en ferais un si tu veux! ». J’ai répondu à son baiser avec avidité en passant doucement au-dessus d’elle, renversant la situation. J’ai attrapé ses mains pour les plaquer au dessus de sa tête. Je l’ai regardée en souriant pour reprendre ensuite notre baiser enfiévré. Je me suis écartée légèrement, en la fixant avec désir. J’ai soudain pris conscience d’où nous nous trouvions et de la proximité des varynx. Je lui ai susurré à l’oreille : « Il ne vaut peut-être mieux pas rester là… sinon, on va se retrouver avec un dentier planté dans nos jolies fesses! ». Nous avons éclaté de rire avant de nous enfuir la main dans la main pour rejoindre un lieu plus reculé pour nous étreindre passionnément.

Ces discussions, sur la vie, sur la mort, je ne les avais eu avec personne d’autres. Plus les jours passaient, plus je sentais que ce que je vivais avec elle était unique. Est ce que d’autres personnes avaient vécu ou vivaient ce que nous étions en train de vivre? Je ne sais pas… J’ai plutôt l’impression que non mais sans doute que je ne suis pas objective…

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