Categorie: Journal de Morax


Première note

Jour 25 d’illumen du fingélien 384

Je suis arrivé dans les Landes depuis assez longtemps, assez pour commencer à vouloir rassembler mes souvenirs. Le jour de mon arrivée reste assez sombre. Je crois avoir accosté sur Trépont comme tant d’autres. Mon arrivée dans le peuple noire fut plus engageante. J’en rencontrai assez vite les membres les plus éminents et influents. Le matriarcat aussi était de mise en Séridia, Kharya, l’Ilharess du clan de Naralik était une femme forte. Ses cheveux flamboyants et sa stature m’ont tout de suite impressionné. Elle me rappelait la matriarche qui fut celle de ma famille bien avant cela. Elle était belle. Les femmes elfes sont exeptionnelles. Il y avait des mâles mystérieux affectionnant la magie nécromantique, auquel je fus toujours assez hermétique mais qui s’enorgueillissaient de créatures toujours plus puissantes. Malkael et Mulvaar me semblaient assez distants. De plus, mon inhabilité à l’Art n’allait sûrement pas m’aider à établir le contact. J’eus la chance ou la déveine d’arriver en même temps que d’autres comparses : Deshkart et Darkmon (qui aujourd’hui semblent fricoter en cachette), Rhana Ghar que je connais très peu et un du nom de Veldrin. Dans les autres femelles, je remarquai Khaena, une elfe assez proche de Kharya qui au contraire avait des cheveux argents brillants. La nuit et le jour, lune et soleil…
Le temps passant j’arrivai à me rapprocher de Kharya. En effet, j’essayai de l’assister dans les tâches possibles tant pour obtenir ses faveurs que de me faire connaître, je dois avouer des passions politiques et des ambitions de la même nature. La chance m’advint une journée où elle se trouvait seule aux bains de Nagraw Sud, appelant pour de la compagnie. L’occasion était trop belle. Il me fallait la saisir. Je pressai Sarma et arrivai en cette terre maléfique et fascinante qu’est Irilion. Arrivé aux bains, j’avais un peu d’appréhension. Le contexte n’était pas simple. Je comprenais alors que la dualité sur laquelle je voulais jouer pouvait me faire tout perdre. J’enfilai une serviette et pénétrai dans l’eau brûlante. Elle était là. Je ne savais pas trop quoi dire. J’ai dû commencer par parler de banalités. Il était dur de se concentrer à la savoir là, son corps à quelques mètres du mien. Je bredouillai des mots inutiles. Puis, sentant certainement mon inconfort elle me mit à l’épreuve. Elle savait. Ou du moins le devinait et me forçait à avouer ce que je ne voulai dire. Elle finit par partir, me promettant de ne me juger que par ma détermination.
Lors de la rénovation de Naralik, elle me fit aussi découvrir à moi seul le temple de Lith que nous devions consacrer plus tard. Ce temple dans lequel nous nous embrassâmes devint aussi à la fin de la cérémonie l’endroit où elle annonca son mariage avec Mulvaar. J’étais non pas déçu, car je m’attendai à ne pas être le premier de ses choix, mais abasourdi par la vitesse des choses et ce choix étrange. Mulvaar ne m’aparaissant pas comme digne de la figure matriarcale. Cependant, je n’avais rien à y redire, ne me restait plus qu’à ruminer le sentiment sourd qui m’animait.

De la doge sinane…

La doge sinane est notre alliée. C’est une femme humaine certes, mais qui n’est pas dénuée d’un certain. En apprenant à la connaître, elle m’a avoué être une « fille de joie ». Apparemment certains voient cela d’un mauvais oeil. J’avais déjà entendu quelques remarques à l’intérieur de notre peuple. Sa réputation était faite. Pourtant je mentirai si je disais que cela ne me faisait rien. Kharya m’avait seulement gratifié d’un simple baiser, elle se mariait et malgré tout, restait assez innaccessible. Je ne devais m’attendre à bien plus. La compagnie de Llariarith me faisait oublier ces histoires internes à notre peuple. Elle avait un sourire charmant. Je crois que je lui plaisais, quoique. On ne sait jamais avec ce genre de femmes. Du moins, je ne la dégoutai pas apparemment. Nous avons parlé quelque peu au dépôt de la cité du port. Plusieurs fois elle était occupée et partai prestement, quelques fois elle attendait d’autres que moi.Cela ne me gênait finalement pas plus que ça. J’avais compris son message sur ses occupations. Et puis, je n’avais pour elle aucune tentation forte. Ou du moins pas de celles qui vous enchaînent.Notre première entrevue fut interrompue par ses travaux de doge, je commençais à avoir l’habitude d’être laissé après un baiser. Peut-être un problème d’haleine avinée…Quand nous nous revîmes à la taverne de Feluin, nous montâmes et je pus oublier le reste quelques instants.

Il ne me reste plus qu’à la revoir.

Absences

Je ne sais si je dois raconter cela. Mes mains tremblent encore de ce que j’ai pu faire. Je revois très bien la scène. Elle reste gravée dans mon esprit. Comment oublier ses yeux ? Baste ! Je ne puis oublier ce qu’il s’est passé. Le coucher sur l’écrit appaisera peut-être ma fièvre.
Naralik est une belle cité, mais tous les elfes qui y rôdent ne me sont pas forcémment acquis. J’ai certes réussi à solidifier ma position d’échevin, ma relation avec l’Ilharess, certains me regardent avec violence. Cette véhémence dans leurs yeux ne me dérange guère. Ils sont obligés au respect. Cela est bien comme cela est.
Toutefois, je n’ai peur que d’une chose, ce qu’il s’est passé chez moi. Je veux dire avant les Landes. Car si j’ai bien pu le cacher, l’expérience que je viens de vivre m’a prouvé que tout cela revient bien vite, sous peu qu’un de mes anciens camarades refait surface.
C’est sur le bateau que je le vis. Lui, l’infâme ! Il n’avait guère changé. Toujours les mêmes yeux injectés de sang.
Je crois qu’il m’a reconnu aussi. En voyant mon uniforme d’échevin il a souri et sifflé. « Mazette, Morax le banni, vous voilà bien accoutré… »
Je ne pouvais laisser passer cela. L’accepter. C’était du suicide.
J’ai vérifié qu’il n’y avait personne et me suis approché. Il avait sa dague fétiche dans les mains. Il a sûrement dû comprendre.
« Je te bats depuis toujours Morax, que veux-tu faire ? »
Je ne sais si ce sont les Landes qui m’ont endurci, ou la haine qui m’agita à ce moment. Je l’empoignai et le plongeai au sol d’un seul coup. Je frappai avec vigueur son crâne. Il se débattait mais avait dû lâcher son arme. Je le repoussai toujours plus.
Nous atteignâmes dans ce pugilat, l’eau de la mer. Il était sous moi, dans notre mêlée furieuse. Je profitai de ma position pour lui enfoncer le visage dans l’eau. Maintenir. Tenir. Jusqu’à ce que tout se relâche.
Ce me parut des heures.
J’ai bien mis deux minutes à le relever, même après qu’il soit mort. Ses yeux étaient révulsés. Ils ne me lâchaient pas. Je l’ai jeté à l’eau. Les requins s’en chargeront.
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