C’est sur Silan que j’ai rencontré Oudline, un matis. Au début, j’ai surtout entendu les allusions que lui lançaient la plupart des aventuriers. Oudline semblait aimer les homines et était connu pour cette tendance à vouloir les charmer. D’ailleurs, à ce moment là, on le taquinait souvent parce qu’il passait son temps derrière les jupes de Judiine.

Toutefois, j’aimais assez son humour et malgré la méfiance que m’inspirait naturellement les matis, je sentais qu’il était différent des autres. Il n’était pas prétentieux et imbu de lui-même comme peuvent l’être les autres membres de son peuple et il y avait une douceur surprenante dans son regard émeraude.

Au début, j’ai été un peu vexée quand il m’a appelée pour la première fois « Kysh » rappelant ainsi, avec ce surnom, un plat que certains cuisinaient. Sur le moment, je n’ai pas vraiment su comment réagir puis j’ai trouvé ma petite vengeance. Puisqu’il me donnait un surnom ridicule, je lui en donnerais un moi aussi. Quand, je l’ai appelé pour la première fois « Doudouline » sur les ondes communes, beaucoup ont ri. Oudline quand à lui, l’a assez bien pris. Il m’a avoué par la suite qu’il ne m’avait affublée de ce surnom ridicule que pour attirer mon attention. Il avait réussi.

Les jours ont passé. Une drôle d’amitié a commencé à naître entre nous. Oudline était toujours présent. Il connaissait bien mieux Silan que moi et savait toujours comment me dépanner et m’aider. Je me doutais que lui ne voyait pas de l’amitié entre nous mais cherchait à me séduire. Mais le croyant avec Judiine, je ne répondais pas à ses avances. Et puis, j’étais réticente à vivre une nouvelle histoire d’amour avec quelqu’un après avoir vécu une série de liaisons qui s’étaient toutes terminées très mal…

Mais, un jour, il m’a annoncé son départ pour la ville. Je pensais qu’il allait se rendre à Yrkanis, la ville matis. Mais, il comptait aller vivre à Pyr, la ville fyros. J’étais stupéfaite : pourquoi un matis irait vivre parmi les fyros ? Il m’a avoué que la plupart de ces amis y étaient et surtout que sa cousine fyros, Naacre vivait là bas depuis longtemps. Comment un matis pouvait il avoir une cousine fyros? Ils s’étaient en fait découvert une lignée commune. Durant une guerre, leurs ancêtres communs avaient eu une liaison… Décidément Oudline était un matis très spécial…

Il m’a alors demandé si je voulais l’accompagner avec Judiine et un autre homin. Étonnée, j’ai préféré lui dire que je ne me sentais pas encore prête mais que je viendrais lui dire au revoir au téléporteur. Il semblait déçu et a tenté de trouver mille arguments pour me faire venir. Mais, c’est en fait Judiine qui m’a convaincue. Elle m’a affirmé que contrairement à ce que je pensais, elle n’était pas l’amante de Oudline. Mais surtout, il était bien plus facile de découvrir la ville si on y allait en groupe d’amis.

Je pensais à Kyam… Cela faisait plusieurs jours que je ne l’avais pas croisée. Nous avions parfois parlé de notre départ pour « la ville ». Il m’avait semblé à ce moment là, qu’elle aurait voulu que je vienne avec elle à Zora, la ville de son peuple. Mais ces derniers temps, elle était de plus en plus souvent avec Kalondu, un zoraï comme elle. J’osais de moins en moins m’immiscer entre eux, supposant peut-être à tord qu’ils avaient envie d’être seuls.

Je réfléchissais à tout çà tandis que Oudline retardait son départ pour avoir ma réponse. Il semblait énormément tenir à ma venue. Et Judiine insistait pour que je vienne, affirmant que Oudline tenait beaucoup à moi. J’ai finalement accepté de partir avec eux. J’ai vu le visage d’Oudline s’illuminer.

Tout s’est alors précipité, comme si il avait peur que je change d’avis. Nous sommes partis très vite pour Pyr. Naacre était là, semblant nous attendre. Elle a commencé à nous offrir de quoi survivre. Elle nous a donné des dappers que j’ai voulu refuser mais elle a insisté affirmant qu’elle était « riche ».

Une des premières choses que j’ai acheté est un mektoub de monte. Il avait l’avantage outre de pouvoir me transporter plus vite, de porter une partie des pauvres richesses que j’avais pu accumuler jusqu’ici. Je lui ai donné le nom de Ganesh. La première fois que je l’ai monté, le pauvre a du être surpris par mon inexpérience et il est parti au grand galop droit devant lui. J’entendais Oudline me crier des conseils que je ne comprenais pas, tandis que j’étais ballottée en tout sens, incapable de le maîtriser.

Accrochée comme je le pouvais à l’encolure de Ganesh, je voyais arriver le bord d’une falaise droit devant. J’ai fermé les yeux m’attendant au pire. Heureusement, Ganesh s’est arrêté juste à temps manquant de me faire basculer dans le vide. Oudline est arrivé en courant suivi de Naacre, le regard inquiet. Je tremblais de peur incapable de bouger. Ganesh était dans le même état. Nous n’osions plus faire un seul mouvement. Nous apercevions en contrebas des créatures des plus agressives, qui attendaient que nous tombions pour leur servir de steaks de mektoub et d’homine.

J’essayais de me calmer sentant que mon angoisse ne faisait que démultiplier celle de Ganesh. Oudline a bien compris la situation. Il a parlé calmement très doucement. Il m’a conseillé de descendre de mon mektoub, puis de lui demander de me suivre. J’ai eu du mal à descendre mais la voix de Oudline était rassurante. J’ai fini par y arriver. J’ai pris les rênes de Ganesh en le tirant très légèrement avec une voix douce. Il a obéi et nous avons fini par rejoindre Oudline qui a poussé un soupir de soulagement. Il nous avait sauvés. Je l’ai remercié et je suis finalement remontée sur Ganesh pour le conduire à l’étable, afin qu’il se remette de ses émotions.

Cet incident a commencé à provoquer un trouble chez moi… Oudline était sans doute bien plus que le simple charmeur d’homines que j’avais toujours cru qu’il était.

Et c’est après une journée épuisante d’entrainement que j’ai accepté de le suivre au jacuzzi de Pyr. Je savais bien ce qu’il allait se passer. Mais après tout, cela faisait longtemps que je n’avais pas eu droit au réconfort des bras de quelqu’un. Nous nous sommes lavés mutuellement. Puis, un massage qui s’est transformé en caresses sensuelles. Je me suis inquiétée, nous risquions d’être surpris. Le jacuzzi était un lieu public très apprécié dans le pays désertique fyros.

Oudline a alors demandé les clés de l’appartement de Naacre qui nous les a données avec un petit sourire aux lèvres. Les nuits qui ont suivi, ont été merveilleuses, à la fois torrides et pleines de tendresse, comme si nos corps s’attendaient depuis longtemps et s’étaient enfin trouvés.

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