Le lendemain de cette soirée chargée en émotion, après nous être enlacées tendrement, nous sommes reparties chacune de notre côté pour nos activités journalières. Le soir, je lui ai envoyé une message par Izam :
« Ma chère tendre fyros,
Si tu n’as rien d’autres à faire, je voudrais te montrer un endroit qui me tiens à coeur. Rendez vous devant l’étable de Fairhaven dés que tu peux.
Shaakya. »

J’ai commencé à faire un peu d’artisanat en l’attendant, espérant qu’elle pourrait venir. J’ai salué Krill que j’avais vu lors de la réunion de la N’ASA. Elle était en pleine discussion avec un autre tryker : Bekyr.

Anyume est arrivée, nous nous sommes serrées dans les bras l’une de l’autre en souriant heureuses de nous retrouver. Bekyr nous regardait avec un oeil méfiant. Krill a donc fait les présentations, expliquant que nous nous étions rencontrées à la réunion de la N’ASA. J’ai profité de l’occasion pour indiquer comme Icus me l’avait demandé qu’il n’avait pas pu participer à la première réunion et qu’il souhaitait prendre part à la prochaine. Krill a ri : « Il aurait été déçu. Il n’y avait pas de shooki! ». Et Anyume a sur-renchérit : « Et on n’a pas le droit d’y taper les matis ! ». Nous nous sommes mises à éclater de rire toutes les trois pendant que Bekyr nous regardait avec un oeil rond sans comprendre. Krill lui a alors expliqué : « Icus est un Fyros qui n’aime qu’une seule chose davantage que boire de la shooki, c’est faire des misères aux Matis! C’est le chef des Légions Fyros. ». Anyume a ajouté : « Un pur exemple de Légionnaire quoi ! Enfin… Parfois, il réserve des surprises. Parfois, j’ai l’impression qu’il ne fait le fyros brutal et grognon juste parce que son poste le demande… ». J’ai acquiescé d’un air songeur.

Krill a ensuite expliqué sa vision de la N’ASA : une façon de « mettre des idées en commun et de partager au-delà des nations et des religions ». D’ailleurs, elle se demandait si il n’y avait pas eu des Trytonistes au sein de l’ASA qui avait contribué à la création des arc-en-ciel qui ont permis à l’hominité de s’échapper vers les anciennes terres. Anyume a demandé : « Des trytonnistes ? J’en ai un peu entendu parler… Des sortes d’espions qui veulent détruire les religions, c’est ça ? ». Krill a précisé que les trytonnistes étaient les partisans d’Elias Tryton. Je repensais à Elia et Elias : Est ce que leurs parents, les avaient appelé ainsi parce qu’ils étaient trytonnistes? Ils ont continué à discuter de la religion et de la liberté des homins vis à vis des puissances et des religions.

Anyume a fini par dire : « Il suffit de se passer des religions, nani ? Ces résurrections, c’est très surfait. ». J’ai pouffé et j’ai vu les yeux rieurs de Krill qui se retenait de rire. Bekyr a déclaré amèrement : « On l’a vu pendant le Grand Essaim, en quelque sorte. ». Anyume a repris légèrement agacée : « Je ne plaisante pas ! Les homins ne prennent pas la mort assez au sérieux ! ». Puis pour Bekyr : « de quoi tu parles ? ». Krill réfléchissait : « Sul n’as pas tort, Bekyr. Eny, il paraît que les Maraudeurs ont leur propre technologie, et ça n’a pas eu l’air plus utile pendant l’Essaim ». Bekyr paraissait surpris : « C’est vrai ? Je veux dire, ils ont survécu, an ? ». Anyume a répondu : « Les maraudeurs n’ont pas fuit, aussi… Et la plupart des clans ont survécu au grand essaim. Durant l’essaim, la plupart des résurrections foiraient. Trop de téléporteurs détruits, je pense. ». Je me suis crispée. J’imaginais que peut-être la disparition de Kyshala était du à une de ses résurrections avortées. J’ai serré les poings.

Krill a finalement proposé : « Dites…. Ça vous dirait d’aller papoter au bar. Le palefrenier ne sert que de l’eau. Et encore : il faut être un toub pour y avoir droit! ». J’ai hésité à les suivre. J’avais fait venir Anyume pour être seule avec elle, je voulais lui parler en privé. Mais nous étions embarquées dans une soirée avec des trykers que je connaissais à peine à parler politique et religion. Mais Anyume a approuvé Krill : « Tu as raison, on sera mieux loin des toubs ! ». Je l’ai suivi. Krill a commandé : « Ba’ ! Une bière pour moi, et une tournée de ce qu’ils veulent pour mes amis, pacty ! ». Tout le monde a pris une bière de shooki sauf Anyume qui est restée avec son habituel « saklarczzëdrin ». Elle avait l’air contente d’être ici alors je n’ai pas insisté pour l’entraîner avec moi ailleurs, je lui ai murmuré à l’oreille que je lui montrerai une autre fois ce que je voulais lui faire voir. Elle m’a répondu par un sourire.

Ils parlaient de l’oasis secret des kamis, le lieu où s’était réfugié les homins pendant l’exode. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Kyshala qui avait disparu tout près de cette porte. Je me suis mise à trembler légèrement : « J’aimerais aller au moins aux portes un jour… ». Krill m’a regardée : « A l’occasion, si tu veux, on ira ensemble. Eny, de jour. Y’a quand même des grosses bêtes dans le coin. ». J’ai essayé d’expliquer pourquoi je voulais m’y rendre : « Je veux juste voir… où ma cousine… est m.. a disparue… ». J’avais failli dire « morte » mais je refusais de l’envisager. Pourtant, un jour, il faudra bien que je me rende à l’évidence… Krill semblait réfléchir en m’observant : « Il faudrait demander à ceux qui sont restés. Comme dit Anyume, les Larmes, en particulier. ». Apparemment, il n’y avait pas que les maraudeurs qui n’avaient pas fui, certains membres de la guilde des Larmes et d’autres homins sans doute étaient restés sur place.

Anyume a posé sa main sur mon poing serré pour me réconforter. J’ai ouvert mon poing pour serrer sa main dans la mienne. Elle m’apaisait comme toujours. Pendant cette discussion, les trykers enfilaient les choppes à la suite des unes des autres. Mais moi, j’avais à peine siroté ma bière. Si Eeri m’avait vue, elle se serait sans doute inquiétée et m’aurait demandée si j’étais malade. J’aurai sans doute bu autant que les trykers si Anyume n’avait pas été là. L’alcool avait été très souvent pour moi un moyen à peu de frais pour m’engourdir l’esprit et oublier mes douleurs. Mais, ma « soeur de coeur » me rendait plus forte par sa simple présence.

Je suis sortie de mes cogitations pour écouter à nouveau la conversation. Bekyr râlait contre le manque d’organisation auquel avait du faire face les homins : « Un sacré … Gachis ! ». Anyume semblait rêveuse : « Pourtant, ça doit être possible d’organiser les homins pour faire face à ce genre de crise… Il y a suffisamment de guerriers sur l’écorce, et personne n’aime se faire mettre dehors… Je me demande si on pourrait les unir pour… ». Krill était dubitative : « Ça serait bien, hein ? Eny…. Tu te souviens de ce qu’on a dit sur Icus tout à l’heure ? Al il n’est pas le seul à ne pas apprécier quelqu’un juste parce qu’il n’est pas de la bonne race. Quand y ai commencé à livrer des paquets pour Rybambel, les gardiens d’immeubles d’Yrkanis me regardaient de haut. Pour eux, y n’avais rien à faire à la grande porte : une Trykette, c’est forcément une servante, et ça passe par l’escalier de service. Ils n’étaient pas méchants, hein. C’est juste qu’ils ne leur venaient pas à l’idée que y puisse être d’abord une homine. Comme eux. ». Bekyr a eu alors des mots assez justes : « En fait … Soit chacun se dit qu’il y a une hominité … Mais dans ce cas là, il ne faut plus défendre les Nations. Soit chacun reconnait que les Sèves sont différentes … Et peut-être que c’est plus simple pour tout le monde si chacun s’occupe avant tout de ses problèmes. ».

Anyume continuait de réfléchir à voix haute : « Et si chacun voyait qu’on peut être différents, mais uni contre les menaces ? Que les matis et les fyros se tapent entre eux si ça les amusent, mais quand un kincher passe dans le coin, qu’ils unissent leurs forces contre lui ! ». J’ai souri. J’étais d’accord avec elle mais elle avait su bien mieux que moi, exprimer ce que je ressentais depuis toujours. Krill a commandé une nouvelle bière : « C’était l’idée du traité des quatre nations, si y ai bien compris. Y espère qu’il sera remis à l’honneur! ». Mais Anyume ne l’écoutait plus plongée dans ses réflexions, soudain elle a eu comme une illumination : « Je vais mettre en place l’Armée de Défense Atysienne ! Tous les homins entraînés à combattre ensemble en cas de souci ! Enfin, tous les homins capables de tenir une arme, hein… Mosï, des personnes valides, c’est ça que je veux dire. Armer les enfants, ça risque de poser souci à certains et traîner les vieillards en fauteuil sur le champ de bataille ça me parait dangereux ! ». J’ai ri. Krill a grogné : « Y n’ai aucune envie de faire partie d’une armée ! ». Bekyr était songeur : « Comment on peut se protéger pour de vrai … définitivement? ». Krill lui a alors indiqué : « Rejoins la N’ASA. Ca fait partie des axes de recherche ». Je les regardais sans rien dire mais l’idée d’Anyume de créer une armée me semblait bien plus correspondre à mon tempérament parfois fougueux et mon besoin d’action que d’être une scientifique plongée dans des cubes d’ambre.

La conversation a dérivé sur la tribu Talodi quand son chef Kaaon est arrivé au bar, puis sur la comparaison des alcools des fyros et des trykers. Je voyais que cette conversation sur les alcools n’intéressaient pas Anyume. Je l’ai même vu piquer du nez. Je lui ai alors proposé d’aller dormir. Elle a accepté semblant soulagée que je lui propose. Nous avons salué les trykers et nous sommes sorties de Fairhaven. C’est alors que nous avons croisé un membre de la sève noire qui se rendait directement au bar où nous étions quelques instants auparavant. Anyume m’a tirée par le bras : « Viens Shaakya… Ce ne sont pas nos histoires! Tu veux qu’on prenne le temps de voir le lieu dont tu me parlais avant de dormir ? ». J’étais heureuse, j’allais enfin pouvoir lui montrer. Ce n’était pas très loin mais il fallait nager. Elle m’a suivi avec un sourire aux lèvres. Elle ne semblait plus du tout fatiguée.

Nous avons posé le pied sur l’île : « C’est l’île de Kyshala. ». Anyume avait un drôle d’air : « Elle t’a montré des lucios d’ici ? ». A vrai dire, elle ne me les avait pas « montrés » mais je les avais vu dans son cube d’ambre et j’ai ajouté : « Je viens souvent ici. ». Elle semblait toujours aussi étrange et avait une voix bizarre. Je me suis inquiétée : « Ça ne va pas? ». Elle a fini par avouer d’un air très gêné : « J’ai amené Alric ici il y a quelques temps… je croyais que personne ne venait jamais.. J’ai souri en lui caressant la joue : « Tu as les mêmes goûts que moi et Kyshala alors. ». Elle semblait toujours aussi gênée alors j’ai essayé de la faire sourire en la taquinant : « Je suppose que tu n’es pas venue là avec Alric pour y cueillir des baies… ». Elle s’est mise à rougir. Ma petite plaisanterie ne l’avait pas fait rire, je l’ai prise contre moi en m’inquiétant un peu : « Des bons souvenirs au moins? ou non? ». Elle m’a rendue mon étreinte : « Et bien… Assez bon ». Je lui caressait tendrement le dos : « Mais pas tant que çà ? ». Elle a eu un petit sourire cynique : « Ho, avec lui… disons que c’est particulier. Ce n’est pas pour les bons souvenirs que je le garde. Mais je regrette vraiment de t’avoir mis en danger avec mes jeux. Et d’avoir fait remonter des vieux souvenirs… ». Elle m’a serrée fort contre elle. Mais pourquoi le gardait elle? Elle a répondu : « Je le garde pour… pour me souvenir d’où je viens, je crois. Pour ne pas perdre mon identité. ». J’ai soudain compris. Toutes ses allusions sur sa survie parmi les kitines, ses mots étranges qu’elle prononçait parfois : « Tu es… une maraudeuse… ».

Je l’ai senti se tendre mais elle a acquiescé : « Oi… Enfin, plus ou moins… J’ai passé les premières années de ma vie dans les Anciennes Terres. Dans un des camps de maraudeurs de là-bas. ». Sa respiration devenait saccadée, elle semblait craindre une réaction de rejet de ma part. J’ai caressé tendrement sa joue pour la rassurer. Elle a fermé les yeux souriant de soulagement sous ma caresse. Ça m’était égale d’où elle venait. J’ai pointé du doigt son coeur : « Ce qui est important c’est qu’il y a là. Et çà… C’est le plus beau coeur que j’ai vu depuis longtemps ». Elle a semblé touchée par mes paroles mais elle avait une étrange lueur de douleur dans le regard : « Qu’est ce qu’il y a? ». Elle a répondu en soupirant : « Shaakya… je ne suis pas quelqu’un de si bien que ça… Te fréquenter, et fréquenter Na Djaï’tal, me rend meilleure, mais… ». Je l’ai prise par la taille pour l’attirer tout contre moi : « Tu crois que je suis mieux? ». Elle m’a caressé doucement la joue : « Dëi, je pense que tu vaux mieux… et que tes démons sont aussi sombres que les miens ». Puis elle a rit tristement.

Je l’ai regardé : « Je voulais te dire ce que je n’ai pas pu te dire la dernière fois… C’est pour çà que je voulais t’emmener ici. ». Il pleuvait alors nous nous sommes mises à l’abri sous une racine. Nous nous sommes assises et elle a pris mes mains : « Je t’écoute… si tu veux vraiment en parler. ». J’ai eu un soupir tremblant : « Je suppose que je n’ai pas été très claire la dernière fois… ». Elle m’a caressé doucement les mains : « Ce n’est pas facile de… raconter ce genre de chose. ». Ça ne l’était pas non mais je voulais tout lui dire ce soir pour qu’elle me comprenne totalement mais je savais que mon histoire risquait d’être longue et j’avais peur qu’elle soit trop fatiguée pour l’entendre. Elle a répondu : « Je ne suis pas très fatiguée, en fait… J’avais surtout envie de te retrouver… ». J’ai souri touchée par cet aveu.

Je lui ai serré doucement les mains et j’ai commencé mon histoire : « A la mort… de ma famille… je me suis retrouvée à la rue… J’ai rejoint un groupe des adolescents comme moi… Il y avait Elia, Elias, Kyro et Noedjal. Nous nous soutenions… Elia et Elias étaient matis, Kyro un fyros et Noedjal un zoraï. Elia et Elias étaient frère et soeur. ». J’ai hésité à raconter la suite me sentant un peu honteuse mais il fallait qu’elle sache : « Enfin… Bref… il m’est arrivé… de voler… pour manger… mais nous étions tous unis… Il y avait un autre groupe avec qui nous nous chicanions parfois, des adolescents eux aussi… pour une histoire de territoire… Certaines rues nous étaient réservées et eux d’autres… Çà en restait à des injures et parfois quelques coups… mais c’était tout. ». Puis est venue la partie la plus difficile de mon histoire : « Un jour qu’on s’était éloigné dans les profondeurs avec Elia… Je ne sais plus vraiment comment çà s’est passé… ». Anyume me regardait avec compassion en me serrant les mains pour me donner du courage. J’ai continué : « Ils étaient là… ceux de l’autre groupe. Ils avaient un regard étrange… et cette odeur… la sève noire… ». Anyume était surprise : « Sur des gamins des rues ? ». J’ai alors précisé : « De ce que j’ai su après… ils avaient volés une caisse… qu’ils n’auraient jamais du voler. Ils nous ont encerclé… Et… ». Anyume m’a alors prise dans ses bras. J’ai serré les poings, il fallait que je réussisse à lui dire : « Ils n’étaient pas eux mêmes. Ils nous ont… violées… toutes les deux… plusieurs fois… ». Elle a fermé les yeux en me serrant encore plus contre elle.

J’essayais de ne pas en dire trop sur toutes les violences que nous avions subies : les liens, les humiliations, les coups, les tortures… Cette nuit d’horreur… Et comment, ils s’étaient acharnées sur Elia à cause de ses cris. Moi, avec mon instinct de survie, j’avais vite compris qu’il fallait que je me taise et que je ne leur montre aucune émotion, les cris ne faisant qu’exacerber leur violence. Elia avait subi toutes les perversités dont ils étaient capables. J’aurai pu crier pour qu’ils arrêtent de la martyriser et attirer leur attention mais… je ne voulais plus subir leur assauts. Je m’étais déjà évanouie plusieurs fois et je n’en pouvais plus… Je me suis enfermée dans une bulle en fermant les yeux… je ne voulais plus entendre ses cris… Le matin est arrivé…

Des larmes ont coulé le long de mes joues : « Et ils sont partis comme si tout çà n’avait pas d’importance… Le pire a été pour Elia… elle n’avait jamais… connu l’amour physique… Elle restait prostrée… J’ai essayé de la faire bouger… Mais elle avait le regard perdu… J’avais mal partout… Mais j’ai réussi à rejoindre les garçons… Ils ont ramené Elia… Ils hurlaient de colère… Ils ont pris des bâtons. Je leur ai crié de ne pas y aller… Mais ils sont partis… J’ai essayé de les suivre malgré mes blessures… Quand j’ai réussi à les rejoindre, ils se battaient violemment comme j’ai rarement vu. ». Anyume a compris : « Ce n’était plus les rues qui étaient en jeu… ». J’ai hoché la tête : « Les garçons étaient renforcés par la colère et les autres par la sève noire. Noedjal a été le premier à tomber… et puis… ». Je me suis remise à trembler. Anyume m’a caressée doucement le dos.

J’ai repris : « J’ai soudain vu des adultes arriver… que je n’avais jamais vu… ils avaient des armes… ils réclamaient leur caisse. Ils ont commencé à tuer ceux qui ont osé rire. Il y en a un qui a finalement montré l’endroit de la caisse… Je pensais… que ce serait tout… et qu’ils repartiraient… Ils ont tués tous les autres… les uns après les autres… et les garçons aussi… Ils ne m’ont pas vu… j’étais cachée… Ils sont repartis avec la caisse… ils sont passés très près de moi… et ils avaient aussi cette odeur… ». Anyume m’a bercée : « Et tu as pu survivre… ». Oui j’avais pu survivre mais pas Elia : « Quand je suis retournée la voir elle n’avait pas bougé. Elle avait toujours ce regard hagard… je ne savais pas quoi faire. J’ai fini par m’endormir… Le lendemain elle n’était plus là… Je l’ai cherchée… Je l’ai retrouvée dans un coin sombre. Il y avait une boulette de goo à côté d’elle… Elle était morte… ».

Je n’ai même pas réagi à sa mort comme si cela était inéluctable… Moi aussi, je devais avoir ce même regard hagard désormais. « Je suis restée plusieurs jours avec cette boulette de goo dans la poche… J’ai voulu… y goûter…mais Eeri m’a donné une gifle monumentale. ». Anyume s’est tendue : « Tu en as pris ? ». Non je n’en avais pas pris heureusement : « J’ai bien failli… Je crois qu’Eeri me cherchait… depuis longtemps. Elle connaissait Kyshala. Je suppose qu’elle se sentait responsable… Heureusement qu’elle est arrivé… Elle m’a sauvée à sa manière rude de légionnaire..

Je me suis redressée pour regarder Anyume. Il y avait des traces de larmes sur ses joues. J’ai passé doucement un doigt dessus. Elle s’est essuyée les joues en grommellant. J’ai souri. Et j’ai tenté d’expliquer : « Quand j’ai senti l’odeur de sève noire sur Alric… J’ai paniqué… tous ses souvenirs qui remontaient d’un coup. Maintenant… tu connais mon secret… et tu comprends pourquoi ils m’arrivent d’être mal à l’aise avec des homins… ». Elle a hoché la tête : « Ce qu’ils t’ont fait te reviens en mémoire… ». J’ai hoché la tête et puis j’ai eu un petit sourire : « Mais je ne suis pas mal à l’aise avec les homines! ». Je l’ai serrée tendrement contre moi en l’embrassant sur le front. Elle a déclaré alors : « Je ne suis pas la mieux placée pour te redonner confiance en les homins… Quand aux homines, je m’y connais encore moins ! ». J’ai ri et elle m’a donnée un baiser sur le bout du nez en souriant.

Nous étions épuisée. Nous nous sommes installées pour la nuit. Elle a sorti une couverture dont elle nous a recouverte toutes les deux. Je l’ai attirée contre moi en l’enveloppant de mes bras. Elle s’est blottie contre moi. Je l’ai caressée tendrement. Elle m’a souri. J’ai fermé les yeux en continuant mes caresses qu’elle semblait savourer. Je me suis endormie, je crois, avec un sourire aux lèvres comme libérer d’un terrible poids.

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