Na Djaï’tal m’a envoyé un izam. J’étais heureuse. Je pensais ne pas le revoir avant plusieurs jours. Il me proposait de le rejoindre en pays matis dans le Jardin fugace : il avait une surprise pour moi. Je me suis téléportée. Il m’attendait.

Je me suis approchée de lui. Mais je me suis sentie soudain gauche… Je ne savais pas comment le saluer. Je ne pouvais pas lui sauter au cou comme Anyume, j’en étais encore bien incapable et je ne m’en sentais pas le droit… Je ne pouvais pas l’embrasser sur la joue… Alors, je me suis stupidement inclinée comme si c’était une personne quelconque… Il n’en a pas pris ombrage, heureusement.

Il m’a souri et m’a demandé : « Tu connais le Cercle kamique au Jardin Fugace ? ». En entendant le mot « cercle », je me suis demandée si il ne m’emmenait pas à une réunion comme pour celle de l’assemblée des cercles de Jen-Laï. Ça l’a fait rire : « Ah né, ça n’a rien à voir… Ce sera moins soporifique ! Enfin j’espère. Le Cercle Kamique, c’est un zo’li endroit avec des Kamis. C’est un bon endroit pour ma surprise. ». Il a alors pris un petit air mystérieux.

Ce n’était pas très loin en fait. Un javing a tenté de m’attaquer alors que nous approchions du cercle. Mais les kamis l’ont rapidement éliminé sans que nous ayons besoin d’intervenir. Na Djaï’tal était surpris : « C’est la première fois que je vois un Javing s’approcher autant ! ». J’ai ri : « C’est parce qu’il avait envie de goûter à une fyros chauve! ». Il a souri : « Viens, on peut s’approcher! ».

C’était un étrange endroit entouré d’un cercle de pierres hautes au milieu duquel diffusait une douce lumière. Na Djaï’tal a approché doucement sa main de la lumière et je l’ai imité. La lumière chatoyait sur nos bras. Il m’a souri : « C’est zo’li, hein ? ». Je regardais la lumière subjuguée : « Oui… C’est quoi? Et çà sert à quoi ? ». Il a haussé les épaules : « C’est le Cercle kamique. Aucune idée de ce à quoi il sert ! Un truc de Kamis… Pai j’aime bien y venir, c’est apaisant. ».

Il a soudain repris la parole : « Et j’ai ma surprise aussi ! Tu ne parles pas taki zorai, tu m’as dit, mais est-ce que tu sais que nous aimons faire de la poésie, nous appelons ça des haikus. C’est une façon personnelle de passer des messages en fait. J’en ai écrit un pour toi. ». Alors que j’étais en train de m’inquiéter de la présence d’un frippo qui reniflait mes pieds, je me suis tournée vers lui surprise : « Pour moi? ». Il m’a souri tendrement : « Yui, pour toi. Tu veux l’entendre ? Je te le traduirai après. ».

J’étais enthousiaste, jamais personne n’avait encore écrit de poème pour moi. Je me suis assise par terre prête à l’écouter. Ça l’a fait rire : « C’est très court, tu sais, un haiku. ». Je suis tout de même restée assise. Il s’est éclaircit la voix et a commencé :
« Zaad daï akaba
Liliko kai-sek Ma’phao
Rin’kéan su bini »
.

Je l’ai regardé attendant la suite : « C’est fini? ». Il a acquiescé. Il m’a ensuite traduit le haiku en langage commun :
« La graine a été anéantie
La fleur doit voir le soleil
« L’été »/ »la saison douce » lui sourit »
.

Il m’a souri avec douceur. J’étais incapable d’exprimer ce que je ressentais réellement : la petite graine brisée c’était moi et la petite fleur issue de cette graine devait sortir de terre et retrouver la lumière. Ce qui me troublait le plus, c’est que moi aussi, j’avais eu cette image de fleurs dans notre relation avec Anyume. Na Djaï’tal était l’arbre robuste, réconfortant où il était bon de se reposer entre ses racines sous ses branches. J’étais la petite fleur ballottée par les vents. Anyume était le papillon qui voletait de l’un à l’autre. Elle se posait parfois sur la petite fleur que j’étais et calmait mon balancement incessant. Parfois, elle se mettait à l’abri sous l’ombre de l’arbre Na Djaï’tal. Mais parfois, le papillon était irrésistiblement attiré par la si fascinante plante carnivore qu’était Alric au risque qu’il referme son clapet sur lui.

Je n’ai pas réussi à lui dire tout çà, j’ai finalement murmuré doucement : « C’est beau… ». Il était heureux que çà me plaise. Je me suis approchée pour tenter de l’embrasser sur la joue mais j’avais beau me mettre sur la pointe des pieds, il était immense. Il s’est penché doucement pour accueillir mon baiser. J’ai ri : « Ta maman ne t’as pas dit d’arrêter de boire de la soupe? ». Il a ri avec moi. Puis, il m’a demandée : « Tu sais ce que veut dire mon nom? ». J’ai proposé en riant : « Grand bleu? ». Il a souri : « Presque ! Petit arbre bleu ! Parce qu’il n’y avait qu’un arbre qui pouvait avoir ma taille, déjà enfant! ». C’était étonnant, comme ma vision correspondait si bien à son nom. J’ai déclaré : « C’est un très joli nom. ».

Il a souri : « Tu sais que le tien pourrait presque se traduire en taki zorai ? ». J’étais étonnée : « Ha bon? Çà veut dire quoi? Petite chauve au pied nu ? ». J’ai éclaté de rire. Il m’a expliquée : « Sha, c’est l’ambre. Il manque un a, mais c’est un détail. Un ambre qui est très solide, qui résiste bien à la pourriture. Et kya, ça veut dire plus ou moins roi, reine. Tu es la reine d’ambre ! ». Je suis restée stupéfaite. Il a alors plaisanté : « Rien ne lui interdit d’être chauve aux pieds nus, ceci dit! ». Nous avons éclatés de rire.

Il m’a entraînée ensuite jusqu’au pays tryker retrouver Anyume qui organisait les festivités des lacs aux côtés de Stcentor, sa cheffe de guilde. Quand elle nous a vu, elle nous a sauté au cou heureuse de nous voir. Elle était très occupée et nous nous sommes assis un peu plus loin pour ne pas la déranger. Je me suis installée juste à côté d’Eeri qui n’avait pas cessé de m’envoyer des izams pour m’inviter à venir aux festivités.

Après quelques instants, Na Djaï’tal m’a chuchotée à l’oreille : « Je ne peux pas rester, j’ai un rendez-vous d’ici peu, pai je vous retrouverai ce soir au camp, sans faute. ». J’ai souri : « J’espère! Et merci pour ton… « . Je ne trouvais plus le nom qu’il avait donné à son poème. Il a déposé un baiser très furtif sur ma joue avant de s’éloigner provoquant mon rougissement. Puis, il s’est penché à nouveau sur moi pour finir ma phrase : « haiku… Je te confie Anyumé, amusez-vous bien. ». Je lui ai chuchoté en souriant : « Je vais essayer mais je crois qu’elle n’a pas besoin de moi en fait! ». Il a souri : « De te voir lui fait du bien, j’en suis sûr! A ce soir, Reine d’Ambre. ». Puis, il est parti avec un sourire aux lèvres.

Les festivités du lac se déplaçait à un autre endroit et il fallait nager. J’ai suivi Eeri qui m’avait attendue. Elle râlait en buvant la tasse : « C’est bien pour moi qui aime blup nager blop blop toute cette eau… et en plus il pleut!! ». J’ai rigolé : « Ce serait de la bière de shooki encore! Tu imagines nager dans la bière? ». Elle a souri.

Nous sommes arrivées à l’endroit des festivités. Eeri voulait que je fasses partie de leur équipe avec Icus mais je n’étais pas très enthousiaste. Je n’étais là que pour être près d’Anyume. Je me suis approchée d’elle et je lui ai chuchoté : « Ça va? ». Elle m’a regardé comme si je la dérangeais : « De quoi ? ». Mon coeur s’est glacé. J’étais mortifiée : « heu… non je m’inquiétais tu ne parles pas beaucoup… ». Elle m’a finalement déclaré : « C’est parce que l’organisation m’occupe un peu ». Moi qui avait tellement besoin d’être rassurée après ma discussion avec Eeri, je me sentais de trop. J’ai commencé à m’éloigner en baissant la tête : « Oui pardon… je ne t’embête pas. ».

Mais elle m’a pris la main : « Pas de problème, j’en oublie le plus important : toi ! ». Elle m’a serrée la main dans un geste plein de tendresse. Je n’arrivais plus à me détacher d’elle. Si il n’y avait pas eu autant de monde autour de nous, je l’aurai serrée dans mes bras et sans doute embrassée. Mais cela aurait sans doute choqué pas mal de monde. Finalement, je n’ai pu que lui serrer doucement la main moi aussi. Elle m’a demandé : « Tu joues aussi ce soir ? ». J’ai soupiré : « Je ne sais pas… Je n’avais pas très envie… je venais juste te voir mais Eeri m’a enrôlée dans son équipe . ». Elle m’a souri tout en me tenant toujours la main : « Alors reste près de moi… mais je ne voudrais pas être obligée d’affronter Eeri pour çà. ». Elle m’a fait un clin d’oeil. J’étais subjuguée, sous le charme, incapable de réagir. Je ne répondais pas aux appels d’Eeri et d’Icus qui voulais savoir si je venais dans leur équipe ou non. Après plusieurs secondes, j’ai fini par leur dire que je restais au côté de d’Anyume.

Les jeux ont commencé. Je les suivais distraitement, profitant de sa douce présence. Elle me parlais de son désir de nous trouver une tenue d’aspirant Ranger. Mais elle avait quelques doutes : « Quoi que je ne sais pas vraiment si les Rangers me conviennent… j’ai des doutes parfois. Moi, je veux une hominité unie contre les kitins, et ça, ça semble leur credo. Mais je ne veux pas me battre contre les maraudeurs, ou imposer une loi aux autres homins pour autant. Ni traiter avec les Puissances… ces trucs, ça ne me regarde pas. ». J’étais une nouvelle fois stupéfaite d’être autant en accord avec tous les points qu’elle me présentait. Elle réfléchissait : « On se fait une belle tenue d’aspirante ranger, et on demande à rencontrer un haut gradé ranger, pour bien savoir ce que ça veut dire. Si ça correspond, on les soutient, sinon, on sera un peu de côté… ».

Nous avons papoté au sujet de la tenue des Rangers. Je l’écoutais répondant parfois à ses interrogations mais je restais un peu rêveuse profitant d’être avec elle. Je lui ai soudain chuchoté à l’oreille : « J’ai terriblement envie de t’embrasser… c’est grave docteur? ». Elle a ri doucement puis elle m’a murmuré : « Nani… mais je me demande si ça n’en choquerais pas quelques uns ? ». Soudain, Icus est arrivé et m’a lancée dans un chuchotement : « Ici en public c’pas très propre! ». Je l’ai regardé stupéfaite mais Anyume lui a lancé un regard noir. Que savait il de ma relation avec Anyume? Et que faisions nous de mal? Nous n’avions eu aucun geste déplacé en public. Je repensais à ce qu’avait vécu Kyshala avec son amante. Est ce qu’Anyume un jour serait fatiguée de ces petites piques de ces soit disant moralisateurs et finirait par me quitter pour une relation plus « normale »?

Du coup, je n’osais plus rien faire qui pourrait être interprété de travers par ceux qui nous entouraient. Anyume était de toutes façons très occupée et je restais juste à ses côtés. Soudain, Eeri s’est approchée et m’a tendu quelque-chose. C’était un collier qu’elle disait avoir acheté il y a longtemps. Je l’ai remerciée. Elle m’a alors embrassé sur le crâne et s’est sauvée : « Peut-être parce que tu le mérites! ». J’ai regardé Anyume me demandant si elle avait vu ce geste et comment elle allait le prendre. Mais, elle était ailleurs, occupée avec les participants des épreuves.

Tous les participants aux jeux sont finalement repartis. Nous étions seules et elle m’a embrassée. J’ai répondu à son baiser passionnément. Mais elle était fatiguée et ne semblait pas avoir envie de mes caresses. Nous sommes retournés près de Na Djaï’tal. Elle s’est blottie contre lui visiblement épuisée, sans vraiment rechercher mon contact. Je l’ai serrée contre moi, elle m’a rendu mon étreinte puis s’est endormie presque immédiatement.

Je n’ai pas réussi à dormir… j’avais voulu être rassurée mais je ne l’étais pas. J’avais eu l’impression d’être une gêne pour elle. Alors que Na Djaï’tal m’avait apaisée, Anyume m’avait replongée sans le vouloir dans le doute.

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