Pendant la nuit que j’ai passée avec Na Djaï’tal, j’ai fait un horrible cauchemar. Je suppose que la première nuit que je passais avec un homin depuis ce que j’avais subis, ont réveillés mes douleurs secrètes. Je ne me souviens plus de grand chose de ce qu’il s’est passé mais Na Djaï’tal m’a raconté qu’il m’avait vu me débattre contre un ennemi invisible. Il avait tenté de me calmer mais j’étais somnambule. Je ne le voyais pas. J’ai déchiré un pacte et je lui ai échappé sans qu’il arrive à me retenir.

J’ai tenté d’écrire ici ce dont je me souviens. Mais l’ensemble de ce que j’ai vécu reste flou.

La fuite

Je me réveille dans le noir… J’ai du mal à respirer… la poussière envahit ma bouche, mes yeux… Je panique et tente de faire un mouvement qui m’arrache un cri de douleur. Pourtant, il faut que je respire. Je sens que si je reste ainsi, je ne survivrai pas étouffée par la terre qui me recouvre… De la main qui ne me fait pas souffrir, je réussis à creuser doucement en espérant que je creuse vers l’air… Enfin, une bouffée d’air m’arrive en plein visage. Je respire… reprenant mon souffle… Je finis par me dégager complètement en poussant parfois des gémissements de douleur. Je commence à m’habituer à l’obscurité et je vois que mon bras qui me fait tant souffrir a une drôle de courbure…
Je regarde autour de moi. Il y a des larves… des grosses larves de kitines répugnantes. Je me souviens alors comment je suis arrivée là. Mon rêve si beau dans les bras de Na Djaï’tal qui s’était transformé en cauchemar. J’étais entravée par des bras, des homins m’entouraient et m’empêchaient de bouger. J’ai hurlé et pris un pacte de téléportation. J’ai couru ensuite me cognant partout. Je m’étais retrouvée devant le kami poilu de Zora et j’avais hurlé de me laisser aller au bois d’almati… les rangers… les rangers m’aideraient… Je courrais dans tous les sens à moitié somnambule. Je me suis retrouvée dans la kitinière des kitines à mes trousses… et soudain… le sol qui s’effondre sous mes pieds… puis le noir…

La peur

Je m’étais évanouie à nouveau mais des bruits de cliquètements me réveillent. Je reconnais le bruit caractéristique des pattes de kitines sur le sol. Impossible de fuir… Les kitines allaient me dévorer comme elles avaient sans doute dévoré Kyshala. Je voyais l’ombre de l’énorme kitine approcher, sans doute attirée par l’odeur de l’homine que j’étais. Je ne trouvais pas mes pactes de téléportation sans doute perdus dans ma chute.

Il ne fallait pas que je meure… J’avait tant à vivre avec Eeri, Anyume et Na Djaï’tal… Ils devaient être horriblement inquiets tous. Si je ne revenais pas, je sentais qu’Eeri ne s’en remettrait pas, elle qui avait tellement souffert de ne pas avoir su « protéger » Kyshala. J’étais moins inquiète pour Anyume et Na Djaï’tal qui sauraient se réconforter mutuellement…

Il fallait que je survive… Dans un dernier réflexe, j’attrape une larve et la frotte contre moi pour m’imprégner de son odeur. L’énorme kitine s’approche des larves et de moi. Elle commence à tâter de sa griffe les larves, semblant sentir leur odeur. Je me tétanise, retenant ma respiration espérant passer inaperçue. La griffe arrive sur moi. Je me dit que c’est la fin… La kitine hésite tâte et me griffe un peu. Je retiens un cri de douleur quand la griffe s’attarde sur mon bras blessé. Puis la créature repart sans doute troublée par cette étrange larve mais sans m’attaquer.

La douleur

Je recommence à respirer, blanche comme une matisse anémiée. Il faut sortir d’ici. Il faudrait que je me soigne mais impossible avec mon bras de faire les gestes appropriés à l’incantation de soin… Et puis, ma sève est au plus bas. Il faut déjà faire cesser la douleur de mon bras qui pendouille lamentablement et qui m’arrache des gémissements de douleurs à chaque mouvement. Je dois l’immobiliser d’une façon ou d’une autre… Je cherche d’une main dans mon sac l’armure zoraï blanche qu’Eeri m’avait offerte et dont je n’ai jamais pu me séparer malgré son état d’usure. Je pleure en la déchirant petit à petit pour me fabriquer une sorte d’écharpe que je passe autour de son cou. Le plus difficile maintenant réussir à mettre le bras dans l’écharpe. Je m’enfourne un morceau de l’armure dans la bouche pour étouffer mes cris qui ne manqueront pas de venir.

Je hurle de douleur en mettant le bras dans l’écharpe manquant de m’évanouir à nouveau. Il me faut plusieurs minutes avant d’oser faire un mouvement attendant que la douleur lancinante se calme. Je regarde mon bras… Je sais que c’est grave. Je n’arrive plus à bouger les doigts et la main. Est ce que la magie curative sera assez forte pour le remettre en place et ressouder les os brisés ? Est ce que je vais devenir infirme?

Une chose est sûre, plus le temps passe moins la guérison sera possible. Est ce que Na Djaï’tal, Anyume et Eeri, m’aimeront toujours si je deviens infirme? Est ce que je pourrais encore leur offrir les caresses que j’aime tant leur donner? Mes larmes débordent à nouveau à l’idée de les perdre. Je finis par m’endormir secouée par des sanglots de douleur.

Le réconfort

La soif me réveille. Je n’ai rien bu ni manger depuis que j’ai fui comme une folle. Ma bouche est sèche comme si j’étais restée en plein soleil dans le désert pendant des jours. Je cherche dans son sac. Je souris. Il me reste des gourdes d’eau qu’Eeri m’avait offertes pour m’aider dans ma quête de renommée auprès des différents peuples d’Atys. Je bois avec l’avidité d’une assoiffée. Je pense au surnom que Na Djaï’tal m’a donné : Cracheuse d’eau… Je ris doucement. Cette eau là, je ne la cracherai pas. Eeri se moquerait gentiment de moi si elle me voyais boire autant d’eau en aussi peu de temps. Mais sans doute qu’Anyume approuverait que je me désaltère avec de l’eau plutôt qu’avec de la bière de shooki. L’eau me redonne des forces.

Mon ventre se met à grogner. J’ai faim. Penser à Anyume, Eeri et Na Djaï’tal, me fais du bien et me donne envie de les retrouver. Il faut que je mange. Je cherche à nouveau dans mon sac. Anyume m’a laissée une boite de petits gâteaux secs que j’aime tant, Eeri du fromage de capryni et Na Djaï’tal un sac rempli de baies. Je mange doucement en faisant attention à chaque bouchée… Qui sait combien de temps je resterai ici… il faut que j’économise.

Je regarde mon bras blessé. Il a toujours cette courbure horrible. Je n’arrive toujours pas à bouger ma main. Je hausse les épaules : je suis vivante c’est déjà çà. Je me rend compte que je suis couverte de poussière de la tête au pied. Je m’apprête à me nettoyer avec un peu d’eau puis je retiens son geste… mieux vaut rester couleur terre pour passer inaperçu et éviter de faire ressortir son odeur d’homine.

Je regarde autour de moi. Je suis toujours entourée des larves de kitines. Je regarde le trou par lequel je suis tombée… impossible de remonter par là surtout avec un seul bras valide. Devant moi, il y a le tunnel d’où j’ai vu déboucher la kitine. C’est la seule sortie… Je prends une des larves près de moi, je me frotte à nouveau avec pour m’imprégner de son odeur répugnante. Je la mets dans mon sac au cas où…

J’essaie de me lever. Chaque muscle de mon corps endolori me fait souffrir et malgré la douleur de mon bras, je parviens à me lever. La tête me tourne. Je suis prise de nausées. Je me retient à la paroi. Non, il ne faut pas que je m’évanouisse à nouveau… Personne ne me trouvera, où je suis. Il faut que j’avance, que je remonte à la surface ou du moins que je m’en approche… J’avance doucement, difficilement prise de nausée à chaque pas. Je serre les dents et le poing de mon bras valide. Je vais y arriver : il le faut. Je ne veux qu’une chose retrouver les bras de Na Djaï’tal, Eeri et Anyume.

Le labyrinthe

J’avance le long du tunnel. Chaque pas est une douleur. Parfois, Je m’arrête appuyant mon dos contre la paroi pour reprendre mon souffle. Mais pourquoi une fois de plus, je m’étais enfuie dans la kitinière? A chaque fois que j’avais eu mes cauchemars, je me retrouvais ici ou non loin de là comme si je tentais de rejoindre Kyshala. Quelle idiotie! Comme si Kyshala pouvait être encore là… Même si les kitines l’avaient traînée jusqu’ici, elles l’avaient sans doute dévorée depuis longtemps… Je secoue la tête.

Je reprend ma marche à petits pas. Le tunnel s’élargit soudain. J’arrive dans une immense pièce remplie de kitines. Je me plaque contre la paroi prise de terreur, le cœur battant la chamade. Mais les immenses insectes passent devant moi sans me prêter attention continuant leurs activités. Toujours collée à la paroi, je rejoins l’entrée d’un autre tunnel… Celui-ci semble descendre dans les profondeurs. Pas celui-là… un autre… Je continue pressée de quitter cette pièce qui me terrorise. J’arrive sur l’entrée d’un autre tunnel, je manque de rentrer en collision avec une kitine qui revient avec son butin de chair sanglante… Je panique complètement en imaginant que la chair est celle d’un homin. Je cours horrifiée droit devant dans le tunnel qui semble heureusement remonter. La douleur que j’inflige à mon corps martyrisé, finit par m’arrêter. Les nausées me reprennent. Je me mets à vomir tout ce que j’avais réussi à avaler quelques heures auparavant.

Je sens que je vais m’évanouir… il faut que je trouve un endroit… pas au milieu du couloir… Il y a un petit recoin dans la roche. J’use mes dernières forces pour m’y glisser avant de m’évanouir à nouveau.

La nurserie

A nouveau ces cliquètements qui me réveillent. La kitine reste là tâtant à droite et à gauche. Je la distingue dans une sorte brouillard… Depuis combien de temps est elle là? La créature semble chercher quelque chose. Ça doit être moi… Mon odeur d’homine… dans un dernier réflexe de survie, je sors la larve et me frotte avec. Je n’arrive même pas à avoir peur tellement je suis épuisée… Peut-être que je devrais me laisser mourir? Après tout, les kamis récupéreront ma graine de vie? Mais, en auront-ils la possibilité? Les kitines pourraient me dévorer entièrement et ma graine de vie avec…

La kitine s’approche. Elle m’a trouvée. Elle m’extrait de mon recoin. Je me dis que c’est la fin. Je ne cherche même pas à lutter après tout je ne souffrirai plus… Mais étrangement la kitine ne me tue pas et m’emporte avec elle. Je distingue le sol qui bouge sous moi mais ma vue est brouillée… Je m’évanouis à nouveau.

Je sens soudain que la kitine me repose sur le sol. Il fait une douce chaleur ici. Je sens des mouvements à côté de moi. Je tente d’ouvrir les yeux : des larves, des larves partout… Ça doit être la nurserie des kitines. La créature m’a prise pour une larve égarée et m’a reconduit auprès des autres larves. Je commence à me rendormir… mais j’entends Eeri et Na Djaï’tal qui m’appellent… Est ce un rêve? J’essaie de me redresser… il faut que je boive… si je me rendors… je sens que je ne me réveillerai plus. Les outres d’eau d’Eeri. Je fais l’effort de me redresser un peu pour boire. Ça me fait du bien… Je mange à nouveau les gâteaux d’Anyume, les baies de Na Djaï’tal et le fromage d’Eeri. Cette fois, il faut que je garde tout pour que mon corps reprenne des forces.

Il faut sortir d’ici. Je repars à nouveau avec toujours cette douleur, la tête qui me tourne, les nausées. J’avance… Je ne panique plus à la vue des kitines… si elles doivent me tuer qu’elles le fassent! Je prends les tunnels qui remontent sans vraiment de cohérence. Je me pousse quand je croise des kitines. Je marche jusqu’à épuisement complet. Je trouve un petit recoin dans la roche et cette fois, j’en bouche l’entrée en laissant un petit morceau de mon armure zoraï au cas où quelqu’un passe par là. Il ne faut pas que les kitines me ramènent plus bas. Je bois et mange à nouveau avant de m’endormir.

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