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Première réunion de la N’ASA

Avec les explications d’Anyume, j’ai rejoint le bois d’Almati où avait lieu la réunion de la N’ASA (Nouvelle Académie des Sciences d’Atys). Je n’étais pas très rassurée de me retrouver dans cet endroit que je savais occupé par des kitines même si je m’étais déjà rendue sur place lors des fêtes d’Anlor Winn. Mais ce jour-là les abords avaient été sécurisés pour permettre à tous de participer et puis j’étais avec d’autres légionnaires.

Cette fois, j’étais seule… Mais, au final, j’ai traversé tout le bois sans rencontrer une seule kitine pour arriver au milieu du camp ranger… oui ranger!!! La dernière fois, je n’avais pas fait attention… Il y avait des rangers partout avec leurs armures blanches et vertes! Je sautais de joie : les rangers étaient là au bois d’Almati. En discutant avec certains d’entre eux, ils m’ont expliqué leur présence ici : ils surveillaient l’entrée de la kitinière. Je suis restée bouche bée : « la kitinière??? ». Je me souvenais des luciogrammes que Kyshala avait fait dans le nid des kitines. Mais dans son cube d’ambre, elle n’avait jamais parlé de la façon dont elle avait atterrit là bas… Les rangers étaient donc là en première ligne protégeant les homins des invasions kitines.

Alors que je discutais avec quelques rangers, j’ai vu Na Djaï’tal non loin de là. J’ai couru pour le rejoindre. Mais, je suis tombée en plein sur une scène que je n’aurais sans doute pas dû voir. Anyume avait sauté dans les bras du grand zoraï et celui-ci la serrait contre lui : « Woha la belle ! ». Auquel elle a répondu : « Bankun mon beau ! ». Ils se souriaient tendrement. Je trouvais la scène touchante. Et soudain, ils m’ont aperçu. Anyume s’est mise à rougir et la sève de Na Djaï’tal lui ai monté au masque… Du coup, je me sentais très gênée de les avoir dérangés. J’ai proposé de les laisser mais Anyume m’a retenue, elle était heureuse de me voir.

Nous étions en avance pour la réunion. Na Djaï’tal nous a alors raconté qu’il avait fait un tour dans la kitinière. Anyume et moi l’avons regardé comme si il avait perdu la tête. Il a alors sorti un petit sac et l’a ouvert devant nous. Il y avait des espèces de larves grouillantes et peu ragoutantes. Nous avons eu une grimace de dégoût. Que voulait il en faire? Les manger? Grillées çà pouvait être bon… Mais, le grand bleu ne savait pas encore ce qu’il allait en faire. Anyume était inquiète : « Manipuler des machins kitins, ça me parait risqué… Il faut juste les détruire, pas commencer à leur trouver une utilité ! ». Na Djaï’tal s’est moqué gentiment d’elle : « Tu as peur que je devienne un Kirosta ? ». Il a commencé à faire des grimaces en la piquant avec le doigt. Anyume s’est mise à rire. Puis elle a commencé à imiter la démarche d’une kitine. J’ai souri trouvant, une fois de plus, leur tendresse et leur complicité très touchantes. Cela ressemblait à un amour naissant, naïf et tendre comme celui que ne peuvent vivre que ceux qui n’ont pas déjà été brûlés par le feu de la passion… comme celui… non!!!
J’ai refermé violemment la boite de mes souvenirs les plus sombres…

L’heure de la réunion était arrivée. Nous étions tout près de l’entrée de la kitinière ce qui n’était pas très rassurant… Zo’ro Argh était déjà là ainsi que d’autres homins comme Mindae, la fière et belle matis rousse qui nous avait conduit dans les sources cachées. Zo’ro Argh a commencé et nous a rapidement présenté ce qu’était la N’ASA :
« Avant le second essaim, nous avions créé un traité de paix entre nations. En tant que scientifique, j’estimais que les accords politiques étaient insuffisants pour maîtriser les grands dangers : la goo, les kitines… Avec d’autres amis scientifiques nous nous sommes réunis pour trouver de nouvelles solutions. Il fallait un endroit neutre dans tous les sens pour permettre la créativité. Ici, dans l’ASA, nous mettons de côté nos divergences politiques et religieuses.
Notre première règle est de respecter toute intelligence… et donc de ne pas critiquer les idées d’un chercheur. Certaines peuvent être « folles » : par exemple certains espèrent « apprivoiser » les kitins, d’autres espère détruire la goo par fermentation… Et il y a plein d’autre idées de ce style… En plus, parfois nous étudions d’autres choses pour le bien être de tous ou tout simplement pour la science.
Hélas, le second essaim nous frappa avant que l’on ait trouvé comment maîtriser les kitines. Mais, l’ASA devait renaître de ses cendres et réunir encore plus les homins chercheurs: c’est devenu aujourd’hui la Nouvelle… ASA… la N’ASA « .

Zo’ro Argh a proposé ensuite à chacun de se présenter. La zoraï Fey-Lin a commencé : elle était déjà là quand l’ASA existait encore et s’est portée volontaire pour faire partir du groupe d’éthique chargé de surveiller les agissement des scientifique de la N’ASA.

Puis, la tryker Krill s’est présentée sans oublier de boire un longue gorgée à la gourde qu’elle avait emportée. Elle se définissait comme une amie de l’ASA et ne comptait pas être une scientifique sauf si une branche Alcool était montée. Ca m’a fait beaucoup rire.

Les présentations continuaient alors que je remarquais la matis à côté de moi : une peau d’une pâleur extrême mais surtout elle était chauve enfin… pas vraiment chauve… les cheveux coupés aussi courts que moi… C’était la première fois que je voyais une matis ainsi coiffée. Quand j’en ai fait la remarque à Anyume, elle a dit : « Je trouve ça étrange… Toi aussi en fait. Pourquoi couper aussi court ? ». J’ai bafouillé une vague explication peu convaincante, j’avais copié la coiffure d’Eeri et puis c’était plus facile les cheveux courts quand on était légionnaire… Mais au fond de moi, je savais que je me mentais à moi même. Anyume a fini par déclaré que cela m’allait bien en fait et que çà se mariait bien avec mon tatouage.

La présentation de la matis chauve a été très succincte, elle se nommait Dirae et était venue en curieuse. Elle a déclaré avec un ton légèrement hautin : « Je me demande toujours comment de simples homins peuvent réussir là où la Grande Karavan ne trouve pas de réponse ».

C’était mon tour, je ne me souviens plus de ce que j’ai dit, un discours des plus banals. Puis Anyume a pris la parole. J’ai vu Zo’ro Argh sursauter quand elle a parlé des carnets codés de Laofa. Et son regard et celui de Krill s’assombrir quand Anyume a annoncé sa mort. De toutes évidences, il savait ce qu’il pouvait y avoir dans les carnets. Mais, il préférait en parler après la réunion.

Il a alors demandé à la « voisine zoraï » d’Anyume de se présenter. Nous avons éclaté de rire car la « voisine zoraï » était Na Djaï’tal. Il s’est levé en précisant qu’il était « UN » zoraï. Il n’avait pas beaucoup à dire à part qu’il soutenait le projet.

Mindae a alors pris la parole. Elle aussi était candidate pour faire partie du groupe d’éthique car elle s’était inquiétée des dérives que certains scientifiques pourraient avoir. J’avais cru comprendre lors de notre dernière rencontre qu’elle était assez religieuse. Elle nous avait même précisé qu’elle était Jénaïste. J’avais cru à un moment qu’il s’agissait d’un courant du culte Karavan. Mais Anyume m’avait expliqué que pour les Jénaïstes, « Jena était la déesse et les kamis son expression ». Elle a ajouté : « C’est étrange, hein, ce besoin d’avoir une force supérieure pour justifier le monde ? ». J’ai souri, elle avait la même opinion que moi sur la religion. Ca me rappelait une anecdote avec Kyshala. J’étais encore toute jeune quand je lui avais dit que je pensais que les « dieux » et « déesses » étaient les peluches des adultes. Ça a fait rire Anyume qui a déclaré qu’elle ressortirait ma citation au prochain athée ou croyant qui l’ennuierai.

Et puis, çà été au tour de Rajaaar, un matis. Lui aussi faisait partie à l’époque de l’ASA mais il n’était pas scientifique pourtant il faisait de son mieux pour participer. Il a déclaré avoir tenté des expériences sur la fermentation ce qui a fait ricaner Krill. Par contre, j’ai senti Mindae se raidir quand il a parlé de ces expériences sur l’impact de la Goo sur l’eau…

Et enfin, Zo’ro Argh s’est présenté lui aussi. il a parlé de la guilde Hoodo qui était en sommeil. J’ai été étonné puisqu’il portait l’écusson de la tribu Talodi. Il a expliqué par la suite que la tribu Talodi les avait accepté en leur sein pour les protéger mais que bientôt la guilde Hoodo renaîtrait de ces cendres. La réunion s’est terminé là. La plupart des participants sont partis.

Mais Anyume s’est apporché de Zo’ro Argh et de Fey-Lin. Elle voulait savoir pour son carnet. Cela faisait huit années entières qu’elle le gardait en espérant trouver quelqu’un sachant le décrypter. Je n’osais pas m’approcher, ne sachant pas si j’avais le droit d’entrer dans ce genre de secret. Mais le regard d’Ayume m’a fait comprendre qu’elle voulait que je sois à ses côtés. Zo’ro Argh restait très évasif, tournant autour du pot, ce qui avait le don d’agacer tout le monde. Il a fini par nous conduire vers la kitinière.

Mon coeur s’est mis à battre plus fort, une sourde angoisse me tenaillait. J’ai vu Anyume et Na Djaï’tal se tenir la main pour se donner du courage. Pourquoi ce geste tendre m’a fait monter les larmes aux yeux? Non… je ne voulais pas me souvenir… J’ai planté mes ongles de les paumes de ma main et j’ai avancé vers le vortex d’entrée d’un pas décidé en crispant les mâchoires. L’entrée de la kitinière était fortement gardée par les rangers, ce qui m’a rassurée. Nous ne nous sommes pas éloignée beaucoup de l’entrée. Zo’ro Argh a expliqué que pour décrypter un secret, il fallait deux clés : Anyume et son carnet et les affaires de Laofa qu’il avait entreposé dans une grotte de la kitinière. Il nous a montré l’endroit.

Nous espérions que le code serait décrypté très vite mais Zo’ro Argh a tempéré notre impatience… Cela prendrait des jours avant de réussir à obtenir quelque chose du carnet. Nous sommes ressortis de la kitinière un peu déçus mais nous étions tous épuisés.

Je me suis endormie sur place mais mon sommeil a été peuplé de cauchemars. Je me suis réveillée plusieurs fois en sursaut en train de hurler, tremblante et dégoulinant d’une sueur glacée… J’ai fini par me lever alors que le soleil n’avait même pas encore fait son apparition. Je suis redescendue seule dans la kitinière comme attirée irrésistiblement par la source de la cause de toutes ces morts. La vue d’un énorme kirosta m’a comme éveillée… Qu’est ce que je cherchais à faire? Kyshala n’était pas là… et même si les kitines l’avaient entraînée là, elles avaient du la dévorer depuis longtemps…

Je suis ressortie avec comme un grand vide dans la tête et dans le coeur…

Fraiders et maraudeurs

Ce soir là Na Djaï’tal et Anyume étaient en train de se tremper les pieds devant la taverne de Thesos. Je suis arrivée avec des cadeaux : une jolie fleur bleu pour Anyume et une bouteille pour Na Djaï’tal. Ils semblaient heureux tous les deux. Anyume a dit en riant : « C’est la fête ! ».

Na Djaï’tal s’est alors levé : « Si c’est la fête, j’ai une surprise pour vous ! ». Nous l’avons regardé surprises. Et il a commencé à chanter :

« ♪ Une chanson d’homine
♬ Que j’ai créée pour Anyumé ♫
♪ Fuyant les Kitins ♬
♫ Je fredonnais dans les fourrés ♫
♬ Cette chanson homine ♬
♪ Je vais la chanter pour elle ♬
♫ Car elle est bien maline ♪
♬ Bien assez pour nous sauver ♬
♫ Le pauvre zoraï est aux abois ♬
♬ Dans le bois rôdent les kitins ♪
♪ Ting ting ting ting !
♬ Mais la fière Anyumé passa ♫
♬ Et pris le zoraï par le bras ♬
♪ La, la, la, la ♪
♬ Le grand zoraï fou, ♬
♪ Courait sans jamais s’affoler ♪
♫ Kincher, on s’en fout ♬
Contre lui nous serons deux ♫
♪ Une chanson d’homine ♪
♫ Que j’ai créée pour Anyumé ♬
Une chanson d’homine ♪
♪ Pour célébrer sa bonté ♬
♬ O le joli conte que voilà, ♬
♪ Anyumé en beauté se changea, ♪
♬ La, la, la, la ♬
Et devant le zoraï ébahi ♫
♪ Belle homine elle a grandi ♪
♫ hi, hi, hi, hi ♬
La belle Anyumé ♫
Emplie de tristesse ♪
♪ Peu à peu se consumait ♬
♬ Avec délicatesse, ♫
♫ Une chanson d’homine ♪
♪ Le zoraï lui a chanté ♬
♩ Cette chanson d’homine ♪
♪ Je peux la chanter pour toi ♬
♬ Pour toi, zo’li Shaakya, ♫
♪ La fyrette Cracheuse-d’Eau ♩
♬ Oh, oh, oh, oh ♪ »

Nous avons tous éclaté de rire même Eeri. Elle était arrivée au milieu de la chanson après que je lui ai envoyé un izam la prévenant de l’endroit où nous étions. J’ai fait les présentations en expliquant à Na Djaï’tal que c’était grâce à Eeri que j’avais pu avoir des bouteilles de liqueur d’ocyx à petit prix. Elle a protesté : « Tu peux remercier que Lydix aime faire des cadeaux aux fyrettes! ». Anyume a levé les yeux au ciel : « L’alcool, toujours l’alcool… ». Je lui ai dit en souriant : « Y a du jus pour toi aussi! ». Et j’ai commencé à préparer son jus préféré. Eeri était éberluée : « Du jus? ». J’ai souri : « Du jus de baies au poivre! Le péché mignon d’Anyume! ». Elle n’avait pas l’air convaincue : « Quelle drôle d’idée… enfin, chacun son mauvais goût! ». Anyume a affirmé : « C’est super bon ! Et Shaakya le prépare mieux que tous les barmans d’Atys en plus! ». J’étais un peu gênée, ne me sentant pas aussi « douée » que çà : « Tu exagères! ». Mais Na Djaï’tal a ajouté : « Tu devrais ouvrir ton bar, Shaakya! J’ai vu qu’il y a un local sympa tout en haut de la tour, là, à côté ». Et Anyume a appuyé l’avis de son zoraï : « Haha, on pourrait s’y installer et faire des soirées cocktails et petits trucs à grignoter ! ». Je les regardais en me demandant si ils plaisantaient ou non. Et le grand bleu a poursuivi : « Yui, c’est zo’li, pai il n’y a même pas une fenêtre pour respirer un peu ». Je me voyais mal tenir un bar mais préparer le jus d’Anyume, çà je savais que je le ferais toujours avec plaisir.

Je lui ai tendu son verre que j’avais préparé avec application. J’attendais toujours son verdict avec angoisse même si je voyais à ses yeux qu’elle le savourait : « Il est bon? ». Elle m’a répondu en souriant : « Il est parfait! ». Eeri a alors sorti une petite bouteille : « C’est de la bière de cratcha, quintuple fermentation! ». Elle a ouvert la bouteille et humé la fumée violette qui s’en dégageait. Je me suis demandée ce que pouvait bien être cette drôle de fumée. Elle a expliqué : « Ca monte le degré alcoolique tout en ajoutant du corps au breuvage… Celle-ci est refermentée avec des bourgeons de cratchas. ». Na Djaï’tal semblait comprendre ce que disait Eeri : « Du coup, on peut ajouter des éléments qui ne fermenteraient pas normalement, c’est ça ? ». Elle lui a répondu : « Non, la refermentation se fait grâce aux levures qui se dégagent des bourgeons en séchant ». Il y avait des moments comme çà, où je regrettais de ne pas avoir pu aller plus longtemps à l’école…

Na Djaï’tal a commencé à sentir puis finalement goûter à la bière. Je n’ai pas pu m’empêcher de le taquiner comme il l’avait fait avec moi avec son infusion : « Fais attention Nad çà fait pousser les poils de bardes aussi çà! ». Anyume et Na Djaï’tal ont compris l’allusion et se sont mis à rire mais Eeri a commencé à regarder la bouteille bizarrement en se frottant le crâne. Anyume en voyant le geste à passer sa main dans mes cheveux raz : « Tu vois bien l’effet que ça fait ! ». Et j’ai ajouté : « Donc en fait, tu vas perdre tes cheveux! J’ai confondu avec ton infusion ». Na Djaï’tal a roulé des yeux affolés avant d’éclater de rire avec nous. Eeri ne semblait rien comprendre à notre discussion alors je lui ai expliqué en riant : « Un conseil Eeri ne boit pas les infusions de Na Djaï’tal. Çà fait pousser les poils de barbe et çà donne l’accent matis et en plus… y a de l’eau dedans! ». Je ne suis pas sûre qu’Eeri ait mieux compris! Anyume a fait remarqué à propos de la perte de cheveux : « Ce serait dommage, j’aime bien ses cheveux un peu plumeux… ». J’ai approuvé en faisant un sourire complice à Anyume: « C’est vrai qu’il a de jolis cheveux. Très mignons! ». La sève lui est monté au masque : « Je ne les prête pas, hein ! ».

Eeri semblait toujours aussi perturbée : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’accent matis? ». J’ai cherché le soutien de mes comparses : « C’est l’infusion de Na Djaï’tal qui donne l’accent matis, hein oui ? ». Na Djaï’tal m’a suivi dans mon petit jeu : « En effet ! Au delà de trois verres, on parle comme le Karan ». Et Anyume a fait de même en prenant un petit accent : « Delem silas, aie aie jena ! ». Nous avons éclaté de rire. Je me tenais les côtes tellement je riais. Nous avons continué ainsi à rire de tout et de rien.

Puis soudain Eeri a paru agitée : « Je… Je dois… Je dois vous laisser! ». J’ai su comme une intuition qu’elle pensait à Glorf. Je savais qu’elle voulait aller le voir, elle m’en avait déjà parler. Peut-être que parler des matis, lui avait rappelé Glorf. Les autres se sont demandé ce que voulait dire Glorf. Eeri leur a expliqué : « Ce n’est pas une insulte, c’est juste un nom. Vous n’en avez jamais entendu parler? Il était chef des légions fyros, avant l’exode. Nous avons combattu, côte à côte, et avec… Kyshala… et bien d’autres. ». J’ai eu une petite grimace de douleur mais tout de suite Anyume m’a serré la main de façon réconfortante. Eeri a poursuivi : « Il ne s’est jamais remis de la disparition de ses compagnons et s’est isolé. Je vais le voir parfois, afin de lui demander conseil, ou juste pour le voir. Mais la dernière fois que j’y suis passée, il n’était pas là. Et les fr… « . Elle s’est arrêté comme si elle allait dire quelque chose qu’elle n’aurait pas dû puis a repris : « Euh… Personne ne l’avait vu depuis quelques jours ».

J’ai proposé de venir avec elle. Na Djaï’tal et Anyume se demandaient également si ils pouvaient venir. Mais Eeri a prévenu que le voyage était périlleux : il fallait traverser le couloir brûlé. Anyume s’est demandée si nous n’allions pas être une charge pour elle plutôt qu’autre chose. Elle avait un regard tellement fatigué que je lui ai dit en lui caressant le dos : « Tu peux rester là. Mais si tu restes, j’espère que tu vas nous préparer un repas de roi! ». Elle semblait soulagée que je lui offre cette porte de sortie : « Je vais peut-etre faire ça plutot ! J’ai eu une sacré journée. Je fais plus à manger et si tu ramènes Glorf. Il y aura de quoi nourrir un régiment ! ». Mais Eeri a dit d’un ton péremptoire : « Je ne le ramènerai pas. Déjà ce serait une chance de le voir, mais je ne pense pas que je pourrai le sortir de sa tannière. ».

Nous nous sommes alors préparées pour partir. Anyume a sorti un petit sachet de biscuits qu’elle a tendu à Eeri : « Il me restait des biscuits de ce midi. C’est pour quand tu le retrouveras! ». Eeri les a pris en la remerciant. Je voyais Na Djaï’tal hésiter. Il voulait de toutes évidences venir avec nous mais il ne voulait pas laisser Anyume. Finalement, c’est Eeri qui l’a décidé : « Reste là Na Djaï’tal! ». J’ai embrassé Anyume sur le front, pendant qu’elle me serrait dans ses bras : « Prends soin de toi… ». Eeri a dit en souriant : « Ne vous inquiétez pas, je vous la ramène entière! ».

Na Djaï’tal a plaisanté : « Et si tu lui trouves des cheveux en chemin, prends-les lui ! ». Eeri a rigolé : « Des cheveux, pourquoi faire? Il faut toujours les recoiffer en enlevant le casque! ». Anyume a protesté doucement : « Hooo, mais… ce qui compte c’est qu’elles s’aiment comme elles sont ! ». Na Djaï’tal a continué sur le ton de la plaisanterie : « Elles laissent les poils aux homins fyros, c’est gentil ! ». Nous nous sommes mises en route dans un fou rire.

Le chemin a été effectivement assez périlleux mais Eeri revenait me relever à chaque fois. J’ai essayé plusieurs fois de lui poser des questions sur où elle avait vu Kyshala pour la dernière fois mais elle semblait vouloir éviter ce sujet douloureux pour elle comme moi. Elle a fini par me montrer un endroit en disant que c’était là qu’elle l’avait vu en dernier. J’étais surprise Kyshala avait dit qu’elle avait vu Eeri passer les portes de l’oasis mais je ne voyais pas de porte à cet endroit. Avait-elle en partie oublié ce qu’il s’était passé pour se protéger?

Nous sommes finalement arrivées en vue du clan des Fraiders. Je n’était pas très rassurée, ils ressemblaient à des frahars. Eeri m’a présentée à Rrak. Celui-ci m’a regardée de bas en haut : « Moi chef Frraiders ! Rroumpf ! Toi Grrramouk, rrrrreste ami avec les Frrrraiders ! Sinon moi boirrre dans ton crrrâne ! Grrarr ! ».

Glorf n’était pas là. Eeri a interrogé les fraiders mais ils donnaient tous la même réponse : « Glorrrf partiiii! ». J’étais déçue. J’avais tellement espéré avoir des réponses sur la disparition de Kyshala… Eeri a tenté de me rassurer : « Tu le verras un jour, c’est sur! S’il est parti, c’est pour une bonne raison, et c’est sans doute que son esprit va mieux. ».

Nous sommes reparties pour Thesos avec un pacte de téléportation. Alors que je la conduisais jusqu’à notre camp, Eeri m’a soudain dit avec un sourire : « Dis donc, c’est le grand amour avec Anyume ? ». Puis, elle s’est mise à rire. Je suis devenue écarlate complètement perturbée par cette déclaration. J’ai bredouillé quelque chose : « Oui, on s’entend vraiment bien. ». Eeri a souri : « Ne rougis pas, tu n’as pas besoin! ». Je me suis dépêchée de rejoindre le camp pour éviter les questions trop précises sur ma relation avec Anyume que d’ailleurs je ne savais pas moi même définir.

Anyume et Na Djaï’tal étaient heureux de nous retrouver : « Ho, vous êtes de retour ! Alors ça c’est bien passé ? ». Nous avons expliqué en souriant que nous étions tombées plusieurs fois. Mais comme à chaque fois qu’il y avait des discussion avec la mort, Anyume a déclaré d’un ton sans réplique : « Faut pas rire avec la mort… On ne sais jamais quand les puissances décident de lâcher. Ou la graine de vie. Un bon guerrier reste en vie ! ». Elle a alors fait un petit clin d’oeil pour atténuer la dureté de ces propos mais je n’étais pas dupe, je savais à quel point le sujet était sensible pour elle.

Eeri a sorti une bouteille : « Bon, sinon, le chef m’a donné ça! De la shooki spéciale fraider!!! Ils font de la très bonne shooki là-bas. ». J’étais assez fière : « On a été voir les fraiders! ». Ils nous regardaient un peu interloqués se demandant de quoi nous parlions. J’ai alors précisé : « C’est une tribu primitive! ». Na Djaï’tal a compris alors : « Comme les Gibbads de la Jungle, un peu ? ». J’ai acquiescé et Eeri a déclaré : « Les fr.. de tout à l’heure. Mais maintenant, je sais que Glorf est parti pour de bon, je n’ai plus aucun intérêt à cacher le lieu de sa retraite. ».

Nous avons commencé à boire en parlant d’Icus, de la légion, et des fêtes à la taverne de Lydix. Puis Eeri s’est assombrie : « Enfin, maintenant, les problèmes sont plus sérieux et nous n’avons plus vraiment le coeur à boire de la sorte! ». Nous l’avons regardée surpris. Puis, j’ai compris à quoi elle faisait allusion et je me suis tu. Je me doutais que Anyume n’apprécierai pas la suite de la discussion mais elle a insisté pour en savoir plus. Eeri après une hésitation a finalement continué : « J’ai cru comprendre, en entendant un nom, que les histoires se recoupent. Nous sommes aux prises avec les « Sève noire ». ». Anyume a sursauté et je lui ai pris doucement la main.

Eeri a continué : « Ce qui n’est pas nouveau finalement… Ce sont des maraudeurs, ennemis de l’empire et des fyros. Les altercations se sont multipliées. Et je crois que le fait de les chasser de la foret enflammée ne les fait pas reculer. ». Na Djaï’tal a dit sagement : « Ils aiment le chaos en fait, donc les combattre constitue une victoire pour eux. ». Anyume a hoché la tête : « Le combat est un accomplissement. ». Na Djaï’tal a alors proposé : « Vous devriez peut-être parler à la femme de mon ancien professeur, c’est une Eveillée qui combat les Sèves Noires depuis des années : Fey-Lin. » . Eeri a acquiescé : « Je l’ai déjà rencontrée. Elle n’a pas un caractère facile, mais elle nous a été d’un grand secours déjà. Qui était ton maître? ». Na Djaï’tal a répondu pendant qu’Anyume, sentant sans doute que le sujet était sensible, lui prenait la main : « L’Éveillé Kaikyo Liang. Fey-Lin Li’laï-ko m’a dit qu’il était mort pendant l’Essaim. Elle ne s’est pas étendue. C’est dommage, il aurait pu vous aider je suis sûr. Apparemment, il espérait pouvoir guérir l’un d’eux de sa folie. Et pensait savoir comment s’y prendre. ».

Eeri semblait savoir de quoi il parlait : « La sève sacrée. Après… La mise en application est très hasardeuse. ». Ça a eu l’air de dire quelque chose à Anyume : « Tiens, Laofa parle de « sève des esprits » dans un de ces carnets… ça a un rapport ? ». Eeri lui a répondu : « Il y a sans doute un rapport, sève sacrée, sève des esprits, sève kami. ». Anyume a repris : « Laofa en parle seulement dans ses travaux pour guérir la goo. Et de ce qu’elle dit, ce n’est pas une panacée, cela sert juste à soulager un peu. Et le processus de fabrication a l’air assez complexe. Enfin, pas simple à reproduire à grande échelle… ». Eeri s’intéressait plus à la sève noire. Anyume lui a dit ce qu’elle savait des carnets de Laofa : « Elle dit que ça libère les inhibitions, en procurant un grand plaisir dans l’instant qui suit la prise. Et elle marque des grands « DANGER » partout quand elle en parle. Je crois qu’elle en avait pris, vu comme elle le décrit, en fait. Je me souviens, quand j’étais petite et qu’elle était chez nous dans les premiers temps, quelqu’un lui a demandé pourquoi elle ne restait pas avec les maraudeurs des nouvelles terres. Elle avait dit que les Sèves noires étaient trop tentants, et les Maîtres avaient de mauvaises fréquentations. ». Elle s’est mise à rire : « Comme si il y avait des bonnes fréquentations dans un clan ! ». Mais son rire s’est étranglé dans un hoquet. Je me suis approchée inquiète. Elle a continué : « Hier, il y a un passage de ses carnets, un des derniers, qui m’a.. Elle note juste des façons de mourir. Comme une liste de courses. Je crois qu’elle a provoqué les Anciens à dessein, en fait. Pas juste en posant une question innocente de trop. ».

Je sentais son émotion et j’ai commencé à l’attirer dans mes bras. Elle s’est laissée aller doucement. Na Dajaï’tal a commencé à fredonner sa douce mélopée pendant que je la berçais. Elle a soudain dit presque rageusement : « Pourquoi elle n’est pas partie par les arc-en-ciel avec les autres ? ça n’a servi à rien qu’elle aille mourir dans les Anciennes Terres ! ». Na Dajaï’tal a souri doucement : « Né, Anyumé. Elle a fait ce qu’elle a jugé le mieux. ». J’ai vu avec surprise Eeri laisser échappé une larme. Puis, le grand bleu a passé une main affectueuse dans les cheveux d’Anyume : « Ne la juge pas sur les résultats, pai sur les intentions. Et qu’elle ait fait ça peut-être après avoir pris de la Sève Noire prouve que ce n’est rien qu’un produit comme un autre. Le produit n’est rien, qu’un mektoub affolé. Il lui faut un esprit pour le mener. Sans lui, pas de voyage ! « . Eeri a protesté, elle n’était pas d’accord mais Na Dajaï’tal était sûr de son fait : « Je le crois parce que pour le vaincre, vous ne pourrez vous contenter de boire une potion. C’est l’esprit qui sauvera, pas une préparation. ». Anyume a demandé : « Ils s’en servent pour trier les plus faibles ? ». Il a répondu : « Ils n’ont pas d’autre dessein que le chaos, Anyumé. Que cela tue un fort et laisse vivre le faible ne les dérange pas. ». Anyume protestait : « Nani, pas le chaos. Si c’est ce que vous pensez, vous n’avez rien compris des maraudeurs. Et si le fort meurt, c’est qu’il ne l’était pas assez. ». Na Dajaï’tal a alors précisé : « Je parle des Sèves Noires, pas des Maraudeurs. ».

Puis Anyume a commencé à parler de ce qu’elle savait des maraudeurs :« Les sèves noires sont des pions pour les vrais maraudeurs et n’ont donc qu’un bout du discours. Mais ils croient aussi en des valeurs…. qui sont partagés par d’autres homins. C’est même pour ça qu’ils peuvent recruter. ». Eeri ne comprenait pas : « Explique moi ce que tu entends par vrais maraudeurs. ». Elle a répondu : « Ceux des anciennes terres, qui ont du apprendre à s’unir par delà leurs différences pour lutter contre les kitins et survivre. ».

Nous étions tous épuisés. Anyume a proposé de reparler de cela une autre fois. Eeri est reparti en promettant de ne pas dire où était notre camps. Nous sommes endormis tous les trois, les uns contres les autres. Anyume était entre nous deux, cherchant notre contact à tous les deux.

L’assemblée des Cercles de Jen-Laï

Anyume était repartie aider sa cheffe de guilde Stcentor à préparer les festivités des lacs. J’étais à nouveau seule quand j’ai reçu un izam de Na Djaï’tal me proposant de le rejoindre à l’assemblée des Cercles de Jen-Laï. Il s’agissait d’une réunion politique du peuple zoraï qui à priori ne m’intéressait pas vraiment mais je savais que Na Djaï’tal voulait me parler. Il m’avait laissé un petit morceau d’écorce dans mes affaires accompagné d’une fleur de la forêt quelques jours plus tôt :
« oren pyr Shaakya,
nous ne voyons guère ces temps-ci et j’aurais aimé pouvoir parler de choses et d’autres avec toi, si tu veux bien. Si tu en as le temps tu pourras me trouver à Jen-Laï après la prochaine réunion des Cercle ou autour d’Yrkanis le lendemain.
Mata népuké, aribini
N. »

Je l’ai rejoint à Jen-Laï, il m’avait gardé une place à côté de lui. La réunion avait déjà commencé. J’y ai reconnu Fey-Lin et Mindae qui avaient participé à la réunion de la N’ASA. Nous nous sommes salués, Na Djaï’tal et moi en chuchotant. Nous avons fait notre petite plaisanterie habituelle. Je lui demandais comment allaient ses larves et lui me répondait avec un sourire : « Ça baigne pour elles! ». Nous faisions ainsi allusion à ses larves qu’il faisait tremper dans la liqueur d’Ocyx que je lui avais apporté. J’ai étouffé un rire pour que personne ne m’entende. Je lui ai demandé ensuite toujours en chuchotant : « Tu voulais me voir? ». Il a murmuré : « Yui, on discutera tout à l’heure si tu veux bien. Tu connais les Chutes Mystiques ? Je t’y emmènerai après, on sera plus à l’aise pour discuter. ». J’ai acquiescé.

J’ai écouté d’une oreille distraite ce qu’il se passait à la réunion tout en écrivant dans mon journal. J’étais juste heureuse d’être à côté d’un ami. Soudain, Na Djaï’tal pour ma plus grande surprise s’est levé et a commencé à discourir : « Je me présente, je suis Na Djaï’Tal, ma famille est de Jen-Laï depuis des générations. Et je dois dire que je suis très surpris de te voir parmi nous, Tseu-ito, avec tout mon respect. Il me semble que la Guilde de Cho tente d’asseoir son pouvoir sur la Cité Jénaïste, et je le déplore. Nous avions toujours eu la possibilité de vivre en paix ici, et je ne pense pas que la Théocratie ait eu à s’en plaindre, alors pourquoi nous mettre sous la tutelle du Kamisme des Révélations ainsi, par le biais de la Guilde de Cho, et de toi, tseu-ito ? Je ne suis pas initié car je refuse de me soumettre à la Guilde de Cho et pas suivant de Ma-Duk car je désapprouve le Kamisme des Révélations, vais-je devoir en plus quitter ma cité natale ? Je demande donc que le Sage qui nous guide soit un jénaïste avant toute chose. Ari’kami, j’ai fini. ».

Je l’ai regardé d’un air ahuri comme si je le voyais pour la première fois. Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi bon orateur ni autant impliqué dans la politique zoraï, ni qu’il était jénaïste… Mais, à vrai dire, Anyume m’avait souvent dit qu’il était souvent parmi les amazones qui étaient connues pour être jénaïstes. Pourtant, je n’avais pas tout compris à son discours : qui était ce Tseu-ito? Na Djaï’Tal m’a murmuré avec un air compréhensif : « Cela signifie Sage en taki zoraï ». Le sage Supplice a répondu avec un regard bienveillant : « Qu’as-tu dit avant Na DJaï’Tal? La théocratie n’a pas eu à se plaindre de cette cité, n’est-ce pas? J’ai séjourné moi même dans cette cité, il y a longtemps. Et j’ai proposé de guider certaines communautés ici, à Jen-Laï. Je pense être celui qui est le plus à même de comprendre les différente lignées du Kamisme. Aucune forme ne sera bannie ici avec moi. Je ne viens pas vous imposer le Kamisme des révélations même si c’est la religion officielle de la Théocratie. ». Une fyros a grogné un peu au sujet du discours de Na Djaï’tal et a terminé en disant qu’elle mordrait le premier qui tenterait de chasser un Sage sous des prétextes discutables. Fey-lin a ensuite précisé : « Pour ma part, je voulais simplement remarquer que quiconque envisage des liens de soumissions dans la théocratie ne comprends pas bien sa nature. ».

Na Djaï’tal a alors repris la parole : « Je ne polémiquerai pas avec l’initiée d’origine fyros, pai j’ai entendu le Sage… Dans ce cas, tseu-ito, peux-tu me garantir que je peux devenir candidat à l’Eveil un jour, ou un jénaïste comme moi ? Et devenir un des responsables ici, voire te remplacer à la tête de cette assemblée. Peux-tu me confirmer cela ? ». Le sage Supplice a alors répondu après avoir respiré profondément : « J’ai en charge de guider les Zoraï’i de Jen-Laï quel que soit le Kamisme qu’ils suivent. Le Kamisme des Révélations est certes la religion officielle de la Théocratie, mais les autres formes de Kamisme n’y sont pas bannies, elles y ont leur place. Je confirme: elles peuvent être représentées à cette assemblée. Si nous voulons vaincre les menaces qui nous attendent nous ne pouvons pas nous déchirer. Les zoraï’i des différents kamismes ne doivent pas se considérer comme des ennemis, ils sont tous à la fois des Zorai’i et des Kamistes, et font partie du même peuple. Ai-je été clair dans ma réponse? ». La réponse de Supplice m’avait semblé très posée et très sage. Mais Na Djaï’Tal n’était pas convaincu : « Je t’ai entendu, Tseu-ito. Tu as parfaitement répondu à ma question, même indirectement. La Guilde Cho et le Kamisme des Révélations estimaient qu’une cité jénaïste, même fidèle, c’était encore trop. Je le déplore… Certains parleront de discrimination, d’autres d’ingérence. Toujours est-il que cela ne fera que renforcer les moins diplomates, dans les deux camps. ». J’étais étonnée de sa réaction qui me semblait si peu diplomate par rapport à ce que je connaissais de Na Djaï’tal. Mon ami était il si imprégné par sa religion qu’il en devenait fermé à toutes autres opinions?

Je n’ai pas eu l’occasion d’en discuter avec lui. La réunion s’est poursuivie. J’avais du mal à garder les yeux ouverts. Parfois, Na Djaï’tal me donnait un coup de coudes pour vérifier si je ne dormais pas. Mais malgré cela, j’ai fini par m’endormir en boule à ses pieds sans avoir eu l’occasion d’aller aux Chutes Mystiques pour découvrir de quoi il voulait me parler.

Akabaho-Ban, la cérémonie du souvenir

J’ai longuement hésité avant de participer à la cérémonie du souvenir des disparus ou l’Akabaho-Ban comme l’appelait les zoraïs. La cérémonie ne semblait être ouverte qu’aux résidents de Jen-Laï qui avait perdu un « éveillé » ou un « initié » zoraï durant le deuxième grand essaim. Je ne connaissais aucun éveillé ni initié et je n’étais pas résidente de Jen-Laï… mais j’avais perdu Kyshala, ma cousine… C’est en me disant qu’elle avait dû permettre à certains éveillés de survivre au grand essaim que je me suis dit qu’elle avait autant le droit que les autres à ce que quelqu’un se souvienne d’elle. Et puis, d’abord qu’est ce que c’était cette restriction réservée aux éveillés et intiés disparus ? Les non-éveillés étaient ils des sous-homins pour les zoraïs? Je trouvais que c’était une drôle de mentalité.

Je suis allée sur place, prête à gronder si on me faisait remarquer que ma présence n’était pas souhaitée. Mais personne ne m’a rien dit. Un grand silence régnait déjà, chacun semblait déjà perdu dans ses souvenirs. J’ai remarqué la présence d’un membre de la sève noire. Il m’a semblé reconnaître celui qui avait agressé Pephosse Aerus lors des élections des akenos de Thesos. Après tout lui aussi devait avoir perdu des proches durant le grand essaim. Je ne trouvais rien à redire à sa présence tant qu’il n’agressait personne et puis l’éveillée Fey-Lin, l’organisatrice de la cérémonie semblait tolérer sa présence. J’ai même entendu quelqu’un chuchoter : « L’Eveillée Fey-Lin Liang tente de ramener cet homin sur la Voie. ».

Le sage Supplice est alors arrivé. Il regardait le ciel semblant attendre quelque chose. Fey-Lin lui a demandé : « Attendons nous quelqu’un d’autre, Tseu-ito ? ». Il a répondu doucement : « Oui… les esprits… ceux des Kamis, ceux de nos souvenirs… ». Puis, il nous a regardé : « J’ai compris… Cette cérémonie requiert que nous nous déchaussions, même les non zoraï. ». Pour ma part, par habitude, j’étais déjà pieds nus malgré la neige. Mais, j’ai vu certains homins commençaient à frissonner. Le sage Supplice qui avait disparu, est réapparu avec des fioles qu’il a tendu à Fey-Lin : « Boissons pour l’intérieur et potions pour masser les pieds ». Les fioles ont été distribuées aux plus frileux.

Puis nous nous sommes rendus à pied jusqu’à l’autel construit pour l’occasion en suivant Fey-Lin : « Comme les réfugiés du Second essaim, nous quittons notre cité… ». Nous sommes arrivés devant une magnifique statue brillante d’homin. Les izams rouges l’entouraient. Nous nous sommes repartis tout autour.

Fey-Lin a expliqué comment la cérémonie allait se dérouler : « Je vais à présent réciter des prières, Laï-Poko vous en donnera la traduction. ». Le sage Supplice était resté en retrait semblant méditer. Fey-Lin a alors entamé la prière en taki :
« Kami, talaozu’o kai-ho, (Kami, protecteur de la jungle,)
Kami, liu’o fuuho’o kya-ho, (Kami, guide de notre peuple,)
Kyo wang liu’o mayu-zi akaba : (Le vide est entré en nos cœurs : )
Boo, aka kitin’i (Peur, à cause des kitins)
Déna oko aribini’i, akaba ké (Tristesse pour les amis qui ne sont plus)
Kai’bini, wang-sek liu. (S’il te plaît, viens à nous)
Nékyo liu’o mayu-zi o an y hai. (Emplis notre cœur de paix et d’harmonie.)
Ochi kami no. (Telle soit la volonté des Kami.) »
.

Certains ont répété « Ochi kami no. ». D’autres sont restés silencieux respectueusement ou trop ému comme moi pour dire quoique ce soit. Mindae, l’amazone Jenaïste a prononcé doucement : « Ochi kami & Jena ». Un kami est apparu juste à côté de la statue. Et Fey-Lin a repris : « Il est temps à présent de prier pour nos disparus :
Liu aribini’i akaba, (Vous étiez amis,)
Liu hozu’i akaba, (Vous étiez parents,)
Liu akaba ké. (Vous n’êtes plus à présent.)
Liu’o qi-zi wang o Ma’Qi-Zi, (Votre sève a rejoint la Sève,)
Liu’o shi wang o Ma-Duk, (Votre énergie vitale a rejoint Ma-Duk,)
Ma-Duk wang o Ma’Tal akaba. (Ma-Duk qui s’est fondu en Atys.)
Niu hiro-gan Ma-duk, niu hiro-gan liu no. (Nous vous honorons comme nous honorons Ma-Duk.)
Niu zo’kai Ma’Tal, niu zo’kai liu ayumé no. (Nous vous protégerons en protégeant Atys.)
Liu’o zhongyum hya o niu, (Votre souvenir est avec nous,)
Kéwangé niu wang o liu ayumé. (Jusqu’à ce que nous vous rejoignions.)
Ochi Kami no. (Telle soit la volonté des Kami.) »
.

Certains se sont mis à pleurer. J’étais de ceux-là… Je me souvenais de Kyshala, de son courage, de sa gentillesse… Pourquoi était elle tombée? Fey-Lin, elle aussi semblait prise par l’émotion. Elle inspirait profondément. Puis, elle a repris : « A présent évoquons le souvenir des disparus de Jen-Laï. Un à un, vous pourrez venir, et prononcer un hommage si vous le souhaitez. ». Une homine que je ne connaissais pas s’est approchée. Elle était de toute évidence Jénaïste d’après la prière qu’elle a prononcé :
« Jena Laï’o Mi (Jena, mère de la Lumière)
Waki, niu’o hozu’i (Nos proches sont éloignés)
Kami Gan-sek niu (Kami ressent nous !)

Jena Hai’o Mi (Jena, mère de l’Harmonie)
Jula’i taki roku (Les larmes chantent)
Kami Liang-sek niu (Kami écoute nous !)

Ô Ma’Tal’o Mi (Ô mère de l’Ecorce)
Niu li’sen réh’kéan (Nous méditons en cet hivers)
Kami Kai-sek niu (Kami regarde nous !) »

J’ai appris par la suite qu’elle se nommait Paolen. Elle a déposé alors un livre sur l’autel puis a laissé sa place. Des perles de lumières s’élevaient vers le ciel. Le matis Riditch a pris la parole : « Deles silam Homins. Je ne vais pas faire de prière… que ce soit à Jena ou aux Kamis. Juste évoquer le souvenirs d’homins qui ont disparus trop tôt. Ici, dans la jungle, j’ai également connus des homins qui m’ont été très chers… L’Éveillée Ki’atal et sa famille… L’éveillé Kaikyo… un homin plein de bon sens et de sagesse. Kiriga…. complètement perdu par sa folie… Tant d’autres Zorais que j’ai pu connaitre et qui ont disparus sous les hordes de Kitins. Mais je souhaiterai aussi aborder le souvenir des membres de la Maison Aquilon qui ont donné leur vie pour sauver celles des autres. Celle du Sharukos… aussi étonnant que cela puisse paraître… il était un homin d’honneur. Ce fut un honneur de combattre à ses cotés… Mais aussi… celle de mon Karan… rappelé trop tôt auprès de la déesse… Sans oublier la légende vivante qu’était Radamanthe… J’en oublie encore plein d’autres et qui sont loin d’avoir démérité… puissions nous nous souvenirs d’eux… Homins Aiye ! ». L’écho semblait répéter à l’infini: « Ki’atal… Kaikyo…Kiriga… sharükos…Karan… Radamanthe… ». Fey-Lin s’est serrée les mains à l’évocation de Kaikyo. Quand au maraudeur de la sève noire, il avait sursauté en entendant le nom de Kiriga. Riditch a laissé sa place.

Une zoraï Denayko, s’est avancé en tremblant et pleurant, et a posé un bouquet au pied de l’autel : « Je prie pour le repos de ceux qui n’ont pas pu partir à temps, et surtout pour mes parents, qui sont restés à Jen-Laï… ». L’émotion lui a coupé la voix et elle est retournée parmi nous. J’entendais certains homins éclater en sanglots, d’autres marmoner quelques paroles comme à eux mêmes. Et je dois dire que je tentais de calmer mon émotion en prenant de grandes inspirations. Le Kami a murmuré quelque chose qui semblait nous toucher directement le cœur : « Avec Kamis, toujours… ».

Puis Fey-Lin s’est avancée : « Taunwe, Ki’atal Lae Lia… Vous n’avez pas pu partir à temps, nul ne sait réellement ce qu’il est advenu de vous. Paï je crois qu’avec votre fille adoptive, Be’Tsy, vous êtes parties toutes trois en homines libres. ». L’écho répétait inlassablement : « Ki’atal… Kaikyo… Kiriga… sharükos… Karan… Radamanthe… parents… Taunwe… Be’Tsy… ». Fey-Lin a essuyé quelques larmes avant de continuer : « Kaikyo, mayumé… Pendant longtemps, j’ai pleuré sans comprendre… Aujourd’hui, quand je repense au dernier sourire que tu m’as adressé, j’ai foi… Un jour nous serons réunis. ». Elle s’est alors retourné et à rejoint les rangs. Une douce chaleur a semblé nous envelopper, atténuant nos douleurs.

C’est alors que j’ai aperçu Zo’ro Argh. Il était presque entièrement caché derrière la butte en contre bas. Je lui ai souri un peu tristement. Il m’a répondu d’un signe de tête un peu attristé. Puis, l’amazone Mindae s’est avancée presque hésitante :
« J’ai entendu des voix
celles de guerriers et de guerrières
qui ont combattu pour qu’un jour l’écorce refleurisse.

J’ai entendu des voix,
Celles de ceux qui ne croyaient plus en un monde nouveaux
qui ont préféré être emportées par l’essaim.

J’ai entendu des voix,
Celles de survivants qui n’ont pu supporter de voir ce qu’on était devenus.

Et puis il y a cette voix, qui me parle… maintenant
cette voix qui me dit de rêver… »
.

Mindae s’est retiré en silence pendant que l’écho répétait : « rêver… rêver… rêver… ». Le kami a ajouté semblant parler une nouvelle fois à notre cœur : « Avec Kamis ils sont… toujours… ». L’écho a semblé ajouter : « Avec vous ils sont… toujours… avec vous… toujours… Ki’atal… Kaikyo… Kiriga… sharükos… Karan… Radamanthe… parents… Taunwe… Be’Tsy… guerriers… ». Je n’ai pas osé prendre la parole pour parler de Kyshala mais Mindae avait tout dit : « J’ai entendu des voix celles de guerriers et de guerrières qui ont combattu pour qu’un jour l’écorce refleurisse. ». Ses paroles résonnaient en moi comme un hommage à Kyshala.

Le sage Supplice a ramassé un peu du sol à ses pieds. Il a porté la motte mouillée par le neige fondue devant son masque. Je l’ai vu sourire quand une lumière a semblé s’en échapper : « Kamis… toujours. ». A nouveau, une douce chaleur nous a enveloppé, caressant nos joues et séchant nos larmes. Fey-Lin s’est avancée, et s’est tournée solennellement vers nous : « Nous qui sommes survivants, il est temps de regagner notre Cité avec le Souvenir de nos Disparus. ». Elle a fermé un instant les yeux puis s’est mise en marche. Nous avons commencé à la suivre.

Je suis restée un peu en arrière quand j’ai vu le maraudeur interpeller Riditch : « J’ai besoin de te parler, matis. Tu as prononcer le nom de « Kiriga », tout à l’heure. Que sais-tu de lui, mais surtout, que sais-tu de sa mort, si il est réellement mort ? ». Riditch a paru surpris : « Je suis surpris que le souvenir des vôtres vous importe… mais oui… j’ai bien prononcé le nom de Kiriga… et j’aurai pu aussi l’appeler Kiyume. Il fut… pour ainsi dire… mon meilleur ennemi… Et par là même, je lui devais bien un hommage. ». Le maraudeur s’est répété : « Que sais-tu de sa mort ? ». Il ne semblait pas agressif alors je les ai laissé parler ne voulant pas me mêler de leur conversation privée.

J’ai suivi les autres. J’ai fait un petit signe à Gunbra quand je l’ai reconnue parmi nous. Elle m’a regardé en souriant : « Tiens! Tu as trouvé une nouvelle famille? ». J’étais en train de penser à Kyshala et à sa disparition à l’entrée de l’oasis secrète des kamis. Je n’ai pas compris ce qu’elle me disait : « Famille? ». Parlait-elle de Kyshala? Elle a montré mon insigne : « Les hoodo… ». J’ai enfin compris et j’ai souri en acquiesçant.

Nous sommes arrivés à Jen-Laï et Fey-Lin a repris la parole : « Il est temps de fêter le Retour, car il ne fut possible que grâce à la bravoure de ceux qui ont laissé leur vie. Nous devons aux disparus de vivre pleinement. ». Ils avaient préparé un petit spectacle théâtral. Alors qu’il se mettait en place, j’ai murmuré à Mindae : « akep pour votre hommage. C’était très beau… ». Elle a répondu doucement : « Fila, mais c’est surtout à eux que je pense. ». J’ai acquiescé d’un signe de tête. Zo’ro Argh s’est alors approché de moi : « J’étais venu pour apporter mon soutien à tous mes amis… mais je dois partir. Tu salueras Fey-Lin de ma part? ». J’ai acquiescé et il s’est éloigné.

Le spectacle a commencé. C’était à la fois amusant et émouvant : amusant de voir Mindae et Kiwalie mimer un kipesta et un kirosta et émouvant de voir reconstituer le deuxième grand essaim et l’exode. Fey-Lin racontait : « La vie suivait son cours dans les cités de l’Intuition. Mais l’inquiétude gagna : des kitins s’agitaient jusqu’aux portes des Cités. Les autorités rassurèrent les habitants, et les regroupèrent dans la capitale. Les kitins se massaient, toujours plus nombreux. Les homins prirent alors le chemin de Pyr, abandonnant leurs cités. Mais les kitins n’étaient pas venus pour de l’écorce ou de l’ambre, ils partirent à la poursuite des homins. A Pyr, un plan de fuite allait être appliqué, les homins iraient rejoindre une oasis secrète des Kamis, d’où ils partiraient à l’abri. Les kitins tendirent de nombreuses embuscades sur le chemin. Tous ceux qui maniaient les armes ou la magie défendirent les réfugiés. Les Kipestas crachèrent le feu, les Kirostas aspergèrent leur venin. Nombreux périrent ce jour là, mais leur sacrifice permit à leurs proches de survivre. ». Le spectacle s’est terminé par ces mots : « A présent, il nous appartient à nous, survivants, de toujours honorer le courage de ceux à qui nous devons la vie. Ochi Kami no. ». L’émotion m’avait prise à la gorge en pensant au sacrifice de Kyshala et mes larmes avaient coulés silencieusement. Nous avons tous applaudi.

Puis Fey-Lin a déclaré : « Il est temps d’alléger nos cœurs. Si vous le souhaitez, nous pouvons nous rendre au bar, plutôt que rester ici. ». Elle a regardé Mindae et Kiwalie en souriant : « Par contre, je ne suis pas sûre que les kitins soient acceptés. ». Mais les deux homines ont continué à mimer les kitins pour notre plus grand amusement. Au bar, je ne savais pas bien quoi prendre. J’étais assez méfiante des boissons zoraïs. Je m’attendais à être obligée de l’eau chaude aromatisée à de drôles d’herbes comme ce qu’avait tenté de me faire boire Na Djaï’tal. Mais Fey-Lin a expliqué : « Hiai-Kang a toutes les spécialités locales à disposition : thé, slaveni-ka (alcool de slaveni), jus de cratcha, bamboo-ka (liqueur de bamboo). Et pour celles et ceux qui souhaitent essayer de nouvelles choses, du Pe’Psy-coka, ou du LSD… ». J’ai demandé en chuchotant à Gunbra : « Y a quoi comme alcool buvable ici? ». Elle a haussé les épaules : « Bah je n’y connais rien à ces spécialités exotiques ». Mindae qui nous avait entendu m’a suggéré : « Du thé aux champignons ». Je n’étais pas vraiment emballée à l’idée de boire du thé alors j’ai opté pour le bamboo-ka parce que je trouvais le nom rigolo. Gunbra a pris la même chose que moi et a bu son verre d’un trait : « Pfiouu au moins sa débouche! ». La boisson n’était pas trop mauvaise au final.

Fey-Lin a reconnu l’écusson des Hoodo sur moi : « Oh, mais c’est l’arbre de Hoodo que je vois sur tes vêtements? ». Je lui ai expliqué en souriant fièrement : « Oui! La guilde Hoodo vient de renaître. ». Elle a hoché la tête : « Lao’lor ! C’est une chose difficile en ces temps troublés. Paï toute naissance est une bonne nouvelle. ». Nous n’avons pas pu poursuivre la conversation. Kiwalie et Mindae qui mimaient toujours le kirosta et le kipesta, l’avaient mordue aux mollets, provoquant l’hilarité de tous les présents. Puis, Kiwalie a alors semblé s’intéresser à moi. J’ai appelé Gunbra à l’aide : « Gunbra!!!! y a un kirosta qui veut me manger!!! ». Elle a sorti aussitôt sa grosse retch menaçante. Mais, j’ai quand même été mordu au mollet. Et finallement, c’est Gunbra qui s’est fait croquer les bras. Nous avons beaucoup ri.

Ensuite, j’ai beaucoup moins suivi la soirée sans doute prise par l’ivresse du Bamboo-ka. Je me souviens de la course poursuite de Gunbra derrière Osquallo et je crois que j’ai tenté de l’aider mais je ne sais plus pourquoi. Je me souviens de la danse de Fey-lin qui m’avait surprise, pensant que les éveillées étaient tous des homins très sérieux. Tous le monde ensuite s’est dispersé.

J’ai hésité à me saouler jusqu’à tomber comme les fyros savent si bien faire mais j’ai pensé à Anyume… Elle n’aurait pas apprécié que je me laisser aller ainsi à l’ivresse. Pourtant, l’alcool avait parfois l’avantage de faire oublier un instant les douleurs de l’âme. Un frisson m’a parcourue. J’aurais bien été me blottir dans les bras d’Eeri ou de Na Djaï’tal ce soir… mais ils étaient tous deux très occupés. J’ai soupiré : quitte à être seule ce soir, autant que j’aille dans un lieu que j’aimais et qu’avait aimé Kyshala. Je suis allée sur son île.

J’ai commencé à relire certains passages de son journal, souriant par moment, prenant un air plus grave à d’autres. La dernière page, celle qu’elle avait écrite aux portes de l’oasis secrète des kamis, m’avait arraché des larmes comme à chaque fois…

Mais, je ne voulais plus pleurer, j’avait assez versé de larmes pour aujourd’hui. J’ai cherché le luciogramme où Kyshala portait la dernière armure que lui avait offerte Morandy. Elle semblait si fière et si belle sur son mektoub Ganesh.

Je me suis endormie en regardant le luciogramme, la dernière image que j’avais de ma cousine légionnaire Kyshala.

Deux amis

Le lendemain de cette nuit, j’ai voulu mettre mon petit plan à exécution : faire se rencontrer Na Djaï’tal et Jalindra. J’étais persuadée que mon petit arbre bleu pourrait plaire à Jalindra et que la réciproque serait sans doute vrai. Et puis, cette nuit où je l’avais tenue dans mes bras m’avait troublée et je voulais essayer de rompre cet attachement que j’avais envers elle et qui devenait de plus en plus grand chaque jour. Je savais que j’étais en train de tomber amoureuse et qu’elle ne pouvait pas partager ce genre de sentiments pour moi. J’espérais que la mettre dans les bras de quelqu’un d’autre aller m’aider à oublier ses sentiments troubles que j’avais pour elle.

Je les ai tous les deux fait venir sur l’île de Kyshala. Na Djaï’tal avait l’air très bizarre : comme si il avait pris un peu trop d’une de ces infusions étranges. Il me parlait de son ami qui avait beaucoup d’humour et j’ai compris après coup qu’il parlait d’un arbre. Du coup, je regrettais presque de le montrer dans cet état où il ne montrait pas son meilleur jour à Jalindra.

Cette dernière est arrivée la première et m’a embrassée le crâne. Elle portait une nouvelle robe blanche et bleue magnifique. J’en suis restée un instant bouche bée : « Tu es magnifique… ». Elle a rougi, troublée par mes mots : « Merci… j’ai fait des emplettes… Je n’en pouvait plus de mon armure fyros… ». Je l’ai embrassée tendrement sur la joue en me disant qu’elle était parfaite et qu’elle devrait faire son petit effet auprès de mon grand bleu.

Na Djaï’tal est arrivé avec ce regard un peu ailleurs de ceux qui ont consommé trop d’alcool ou de drogue. Je l’ai présenté à Jalindra. Elle a trouvé assez amusant que je l’appelle « mon petit arbre bleu » alors qu’il était immense. Il a découvert mon écusson des Hoodos et je lui ai expliqué que la guilde avait disparu durant le deuxième grand essaim. Mais que nous étions en train de la refonder. Il a eu un regard indéfinissable : « Le Deuxième Essaim, yui je me souviens… ». Une nouvelle fois, il semblait ailleurs… Puis soudain, il a eu l’air de reprendre pied : « Tu es splendide en tout cas, ça a l’air de te réussir. ». J’étais flattée qu’il me dise çà mais je voulais attirer son regard sur Jalindra : « Merci… mais Jalindra l’est encore plus! ». Elle a râlé : « Mais non! ». Et mon grand bleu a souri : « Deux fleurs ne peuvent être comparées, chacune a sa beauté… ». J’ai presque poussé un soupire de soulagement, enfin je le retrouvais.

J’ai sorti des bouteilles et je leur ai servi un verre à chacun. J’ai levé mon verre : « A l’amitié! ». Jalindra a levé le sien : « Aux Homins! ». Et Na Dajaï’tal a souri en levant lui aussi son verre : « Aux Homines! ». Nous avons tous bu de concert. Une nouvelle fois Na Djaï’tal a eu l’air de retomber dans un état étrange au point où je lui ai fait part de mon inquiétude. Mais, il a secoué la tête : « Né, tout va bien ». Jalindra a voulu partir pensant qu’il ne voulait rien dire devant elle mais il l’a retenue : « Né, tu es la bienvenue, Jalindra.« .

J’ai sorti un de mes gâteaux cabossés au Shookila et je leur ai servi une part. J’ai parlé d’Eeri dont j’avais eu de brèves nouvelles. Elle était partie pour des terres lointaines mais elle ne pourrait sans doute pas revenir autant qu’elle le voudrait, les téléporteurs ne fonctionnant pas aussi bien qu’elle le pensait.

J’ai essayé de trouver une discussion qui pourrait les rapprocher. Et je leur ai fait remarquer qu’aucun d’eux n’avait suivi l’exode. Jalindra semblait surprise : « Comment as tu survécu? ». Une ombre est passée sur le masque de Na Djaï’tal : « Grâce à… grâce à Anyumé ». J’ai souri tristement et je lui ai dit sans vraiment y croire : « Elle va revenir… ». Jalindra a regardé Na Djaïtal. Il avait ce regard doux et protecteur que j’aime tant. Il lui a souri en retour. Elle a expliqué doucement : « Je n’ai pas suivi l’exode non plus… J’ai vécu tellement reculée que je n’ai rien vu venir. ». J’ai posé ma main sur la sienne pour la réconforter. Je savais qu’elle pensait à la mort de son homin, Shab. Elle m’a serrée la main : « Quand les kitins sont arrivés… j’ai juste eu le temps de trouver une petite grotte. J’ai camouflé l’entrée, et j’ai attendu. J’ai cru que je ne pourrait jamais sortir… J’ai tenu quelques jours avant de me risquer à un point d’eau. J’avais l’habitude d’avoir soif dans le désert! ». Elle a souri un peu tristement. J’ai gardé ma main dans la sienne, je ne voulais plus la lâcher. Na Djaï’tal lui souriait avec douleur d’un air compréhensif.

Je leur ai proposé un nouveau verre. Mon grand bleu aimait bien le bamboo-ka alors je lui ai expliqué que Fey-Lin me l’avait fait découvert après la cérémonie des disparus de Jen-Laï. Il semblait surpris d’avoir raté çà mais moi je ne l’étais pas… Il était resté tellement concentré sur ses études qu’il en avait oublié le temps qui passe. J’ai expliqué que j’y étais allée pour Kyshala. Il a hésité avant de me prendre la main puis l’a serré tendrement. J’ai souri. Je me rendais compte que je ne l’avais même pas serré dans mes bras à son arrivée alors j’ai déposé un tendre baiser sur son masque. J’ai raconté aussi qu’il y avait eu le même genre de cérémonie à Pyr. Jalindra m’a surprise quand elle a affirmé : « J’aurais voulu être déjà là pour t’y accompagner. ». Je l’ai regardé un instant déstabilisée puis je me suis reprise après tout nous étions amies, il était normal qu’en tant qu’amie elle veuille être présente auprès de moi. Je lui ai répondu doucement : « J’aurai aimé que tu sois là oui… ». J’ai raconté l’émotion de Zo’ro Argh durant la cérémonie quand il m’a raconté la perte des siens. Jalindra a dit doucement : « Je crois que c’est le lot de tout homin hélas… ». Na Djaï’tal a soupiré comme pour approuver ses dires.

Nous sommes restés silencieux un long moment tous trois perdus dans nos souvenirs. J’ai serré les mains de mes deux amis. Jalindra a murmuré : « Décidément je suis trop pensive ce soir… ». Na Djaï’tal lui a souri : « Ce sont tous ces souvenirs… ». Elle a soupiré : « Oui surement… La dernière fois que j’en ai parlé, les cauchemars sont revenus.. Si je bouge trop ne t’inquiète pas Shaaky. ». Ces paroles m’ont touchée : elle voulait dormir avec moi ce soir encore.

Nous avons expliqué à Na Djaï’tal que nous nous ressemblions comme deux sœurs : nous faisions toutes les deux des cauchemars. Il a regardé Jalindra un peu surpris en souriant : « Tu la connais bien, on dirait…« . Elle a souri elle aussi : « Bien la connaitre, je ne pense pas tant que ça, mais j’espère que ça viendra… ». Le regard de mon grand bleu allait de moi à elle un peu interrogatif. Je voyais bien quel genre de questions, il se posait alors je lui ai précisé : « Jalindra et moi nous sommes juste amies… Elle préfère les homins! ». Il a eu un regard amusé et a repris une gorgée de son verre. J’ai froncé les sourcils en faisant la moue : qu’est ce qu’il s’imaginait ? J’étais bien placée pour savoir que Jalindra ne voulait pas de moi…

Celle-ci a détourné la conversation en réclamant un nouveau verre. Elle m’a remerciée après que je l’ai servi et je lui ai dit en souriant : « De rien belle brune! ». Ça eu le don de faire éclater de rire Na Djaï’tal. J’ai grogné : « Dis lui toi Jalindra. Il ne me crois pas… ». Elle m’a semblé qu’elle hésitait à répondre : « Oui nous sommes amies… ». J’ai dit à Na Djaï’tal : « Haaa! tu vois! ». Il semblait amusé : « Je n’ai jamais prétendu le contraire ! ». J’ai grogné légèrement agacée : « Qu’est ce qui te fait rire alors? ». Il m’a souri avec chaleur : « Le plaisir de te voir souriante, je pense. ». Je lui ai rendu son sourire : « Oui… avec Jalindra je ne suis plus seule. ». Elle m’a souri : « Et moi non plus! ». Il a hoché le masque en souriant : « Guzu de m’être absenté encore, Shaakya… ». J’ai tenté de le rassurer : « Ce n’est rien… tu vois… j’arrive à avancer malgré tout et à me trouver de nouveaux amis. Il faut bien… vous avez tellement de travail toi et Eeri. ».

Je ne sais comment ensuite nous en sommes venus à parler de notre future « Voyage ». Nous avons expliqué ce qu’il en était à Jalindra. Na Djaï’tal se rendait compte que nous n’avions toujours pris le temps de le faire mais avec le départ d’Anyume puis d’Eeri, nous avions fini par abandonner l’idée. J’ai eu une idée : « Jalindra pourrait prendre la place d’Eeri? Elle est aussi mère poule qu’elle, tu sais! Et une incroyable guerrière! ». Na Djaï’tal l’a regardé impressionné. Jalindra a protesté : « Je ne suis pas mère poule, je fait attention c’est tout! Elle n’est pas impartiale… suis pas si incroyable que ça! Après… si c’est un voyage que vous vouliez faire avec Eeri… je ne veux pas m’imposer… ». Na Djaï’tal lui a expliqué : « La difficulté, c’est que je voyage seul habituellement, et j’y retrouve mes amis, mais là, il faudrait que Shaakya vienne, pour l’aider à lutter contre ses cauchemars. La Sève nous unit tous, j’espère qu’elle pourrait m’aider à aider Shaakya… ». Jalindra a alors déclaré d’un ton déterminé : « Si c’est pour shaaky… et qu’il y a besoin de moi, je viens! ». J’étais émue par ses paroles et Na Djaï’tal lui a souri avec chaleur. Elle a alors ajouté en souriant à mon grand bleu : « Et si c’était pour toi ce serait pareil! ». Il a souri ému : « Ari’kami ».

Il lui a alors demandé : « Tu habites les Lacs ? ». Elle a souri : « J’habite nulle part et partout! ». Il a souri : « Toi aussi tu aimes vivre dehors ? ». Elle a acquiescé tandis que je déclarais fièrement : « Elle habite avec moi ici depuis hier! ». Elle a approuvé : « Oui Shaaky a eu la gentillesse de me montrer son île et de m’héberger! Mais en général, mon chez moi, c’est le coin où je m’écroule avant de repartir. ». Na Djaï’tal laissait son regard errer sur l’île avant de se tourner de nouveau vers nous. Je n’étais pas peu fière de mon petit coin : « Elle est belle l’île de Kyshala, hein ? ». Il a souri : « Pas qu’elle ! ». J’ai regardé Jalindra : « Non pas qu’elle… ». Elle s’est mise à rire sans se rendre compte de mon regard : « C’est plus pour l’habitante qu’on vient tu sais! ». Na Djaï’tal a acquiescé : « Pour les habitantes, en effet… ».

Jalindra a alors annoncé qu’elle allait devoir partir quelques jours. J’ai montré une petite moue triste. Elle a tenté de me rassurer : « Je reviendrais vite! ». J’ai soupiré : « Oui s’il te plait… les disparitions… j’en ai eu assez ces derniers temps… ». Elle a souri : « Et ce n’est pas dangereux… Tu n’as pas à t’inquiéter. Je t’enverrais des izams si tu veux, pour te rassurer! ». J’avais baissé la tête inquiète qu’elle parte sans moi quelques jours mais ses dernières paroles m’ont fait retrouver le sourire.

J’ai ramassé nos verres en proposant d’aller dormir sous l’écorce et j’ai crié en commençant à courir vers la racine : « Première arrivée à gagner! ». Bien entendue, j’avais triché prenant plusieurs mètres d’avance et je suis arrivée la première. Na Djaï’tal riait et Jalindra râlait en prétextant avoir des bottes neuves. Je les ai consolé en leur faisant un bisou sur la joue à chacun d’eux. Na Djaï’tal m’a caressée la joue avec douceur et y a déposé un baiser. Jalindra m’a fait un bisou sur le crâne : « T’as gagné! ». J’ai installé des couvertures pour nous trois et je me suis allongée. Na Djaï’tal s’est installé à côté de moi mais j’ai vu Jalindra se mettre un peu à l’écart. Je l’ai attirée doucement près de moi : « Hééé… viens là toi… ». Elle a vaguement protesté puis s’est laissé faire. Na Djaï’tal m’a pris la main et j’ai pris celle de Jalindra. Je me suis endormie heureuse entre mes deux amis.

La goo

Ça avait commencé par une petite toux puis les cauchemars de Jalindra avaient repris. D’abord de vilains rêves où elle voyait des ombres agressives l’entourer. Je ne me suis pas inquiétée au début. Je pensais que ses cauchemars avaient repris à cause de la peur qu’elle avait eu de me perdre durant le Voyage. Mais ceux-ci devenaient de plus en plus terrifiants au fil des jours. Jalindra m’a alors appris que pendant les quelques heures où nous avions été séparées à cause de la réunion ranger. Elle avait fait une expédition avec d’autres apprentis rangers dans la kitinière et qu’elle était tombée avec d’autres dans de la goo. Sur les conseils de Zo’ro Argh, ils avaient brûlé tous les vêtements et les objets qui avaient été au contact de cette substance pour éviter toute contamination.

Je savais qu’Anyume détenait les carnets de Laofa et de ce qu’elle m’en avait dit, cette dernière avait fait des études sur différentes substances dont la goo. J’ai pris contact avec elle. Elle nous a décrit les symptômes qui pouvaient être liés à une contamination : des vertiges, de la toux, des problèmes de peau, des hallucinations, des changements de comportement, des douleurs… Jalindra avait bien une petite toux mais rien d’autres et ses cauchemars n’étaient pas des hallucinations. Anyume a été rassurante : elle disait que tout ceci pouvait tout à fait s’expliquer par d’autres raisons et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. De plus, les homins étaient en général très résistants à la contamination du fait de leur utilisation régulière des téléporteurs. Et même si sa toux et ses cauchemars étaient les symptômes annonciateurs d’une contamination, celle-ci était récente et pouvait très bien être enrayée. Elle nous a donné alors des conseils de base pour ralentir, voir supprimer l’évolution : se laver abondamment et vider l’eau dans les Landes obscures (un lieu contaminé par la goo) et utiliser régulièrement les téléporteurs. Elle a même indiqué mais avec beaucoup de réticences qu’il était possible qu’une résurrection pouvait suffire à guérir de la maladie. Mais elle ne conseillait pas de le faire volontairement : on était jamais sûr de la volonté des kamis à vouloir accepter notre requête de résurrection. Elle a ensuite préparé une affiche qu’elle a placardé à l’entrée de la kitinière d’Almati pour que tous puissent être prévenus. Je l’avais quittée avec un drôle de sentiment : à la fois rassurée par ses paroles et en même temps avec une boule d’angoisse dans la gorge parce qu’elle n’avait pas dit que les symptômes de Jalindra ne ressemblait pas à ceux d’une contamination par la goo.

Et puis, il y a eu ce jour terrible alors que nous marchions vers frère arbre pour aller dormir, elle a eu des visions : des ombres qui tentaient de l’entraîner. J’ai su qu’elle était contaminée. J’ai complètement paniqué, lui hurlant de revenir près de moi, cherchant du regard les ombres qu’elle semblait voir, leur demandant de laisser Jalindra. Je suppose que c’est ma panique qui l’a fait revenir à la réalité. Elle était là, à nouveau, m’enveloppant de ses bras, m’affirmant que c’était fini. Pourtant, l’une comme l’autre, nous savions qu’il ne s’agissait que du début… Il fallait absolument qu’elle se soigne.

J’ai envoyé des izams d’appels à l’aide à Na Djaï’tal et Anyume. Mon petit arbre bleu a répondu toute de suite, il ne pouvait pas nous rejoindre mais nous a conseillées d’aller trouver l’éveillée zoraï Fey-Lin au plus vite. Nous avons suivi ses conseils et demandé audience à celle-ci. Elle était à Jen-Laï. Quand nous sommes arrivées, elle était en grande discussion avec un fyros Thols. J’essayais d’attendre patiemment la fin de leur discussion mais mon attitude a du interpeller Fey-Lin. Et elle s’est inquiétée de savoir ce que nous voulions.

Nous avons expliqué sommairement que nous pensions que certains aspirants rangers avaient dû être contaminés, évitant de dire que Jalindra qui était à côté d’eux devait l’être assurément. Leur réaction nous a glacé. Pour eux, il fallait isoler tous ceux qui étaient contaminés car la contamination pouvait se transmettre par l’intermédiaire de tous les « fluides » que leur corps rejetaient. Nous avons blêmi… Il était évident dans ce cas que j’avais été contaminée. Et quand nous avons demandé comment nous pouvions, les guérir. Ils ont eu des airs dubitatifs. Pour eux, ça n’était pas possible à part peut-être avec une purge totale de leur corps mais tous les fluides qu’ils rejetaient devait être emmagasinés dans un récipient spécial pour être ensuite placé dans un endroit déjà contaminé par la goo. Nous sommes reparties de là effondrées. Jalindra se sentait horriblement coupable de m’avoir sans doute contaminée. Mais moi, à vrai dire, ça ne me dérangeait pas… au moins… je partirais avec elle. Et si il fallait nous isoler à tout jamais, nous le ferions ensembles. Jalindra a bien essayer de résister un instant à ma tendresse sous prétexte de me protéger mais çà nous était impossible d’envisager de ne plus nous embrasser, nous câliner.

Le lendemain nous avons retrouvé Anyume en lui expliquant ce que nous avait dit Fey-Lin et Thols. Elle était furieuse contre eux. Elle disait que les homins et en particulier les zoraïs avaient tellement peur de la goo qu’ils ne cherchaient même pas à l’étudier et disaient des énormités à son sujet. D’après les carnets de Laofa, les risques de contamination inter-homins étaient faibles voir nuls. Mais, elle était inquiète des symptômes de Jalindra. Aussi, elle nous a proposé une expédition au point du milieu pour nous purifier avec de la sève pure. Nous sommes retrouvées dans cette étrange endroit des Terres Abandonnées.

Jalindra et moi, nous étions arrivées en premières et en l’attendant, nous nous sommes plongées dans le lac de sève pour nous amuser un peu. C’est alors que nous avons reçu un izam d’Anyume : « Sautez pas dans la mare ! On prend la sève et on se frotte avec ! Et après on ira faire trempette! ». Jalindra et moi, nous nous sommes regardées avant d’éclater de rire : nous étions au milieu du lac de sève. Nous avons couru jusqu’au bord pour essayer de faire ce que nous dictait Anyume. C’est alors que nous avons vu quelqu’un arriver devant nous qui nous a salué d’une voix grave : « Bankun jeunes fyrettes! C’est 150 000 dappers la taxe dans la zone ! ». Puis, nous avons entendu un grand éclat de rire sous le casque. C’était Anyume qui avait tenté de nous faire peur. Nous avons toutes les trois éclatées de rire.

Anyume est redevenue sérieuse : « Bien, à présent il ne faut pas faire n’importe quoi. La goo et la sève ont une relation étrange. Elles se combattent et se nourrissent en même temps. Nous sommes ici sur une des artères de sève d’Atys. Si elle se faisait contaminer par la goo, ce serait comme réveiller le Dragon. L’apocalypse des karavaniers… ». Nous n’étions pas très rassurées par ses paroles. Je sentais Jalindra tendue et j’ai caressé tendrement son dos. Elle a demandé inquiète : « Et comment on fait? pour ne pas contaminer? ». Anyume s’est mise à rougir : « Je… heu, vous avez eu l’occasion déjà de vous examiner en détail mutuellement ? Il faudrait… vérifier s’il n’y a pas de lésions cutanées. ». Jalindra a dit doucement : « Heu.. non je n’ai rien remarqué. ». Anyume m’a regardée : « Tu l’as bien examiné ? Partout ? ». Je n’ai pas pu m’empêcher de pouffer à cette question : « Oui, oui… partout… partout… ». Anyume est devenue rouge pivoine.

Elle a commencé à fouiller dans son sac pour se redonner une contenance : « J’ai mis du temps à venir, je devais me procurer quelques trucs… ». Elle a sorti un fiole avec un liquide vert très pale. Elle m’a demandé : « Est-ce que Jalindra s’énerve facilement ces temps-ci ? ». J’ai secoué la tête : « Non… elle a surtout peur de m’avoir contaminée à cause du mélange de nos… « fuildes » comme à dit Fey-Lin ». Elle m’a rassuré : « Ne t’inquiète pas Shaakya. Visiblement il n’y a quasi pas de risque. C’était une des grandes craintes de Laofa. Elle était très amoureuse… et craignait de contaminer son amant. Pendant longtemps elle s’est forcée à la chasteté à cause de ça. Et puis ses études ont fini par la rassurer et aussi son amant… ». J’ai fait une moue dubitative : « Oui mais nous la chasteté… ce n’est pas notre truc hein… ». Elle a ri : « Je me doute que vous n’êtes pas chastes, dur de résister au charme de Shaakya ! ». Je me suis mise à rougir craignant un peu la réaction de Jalindra mais celle-ci a souri : « Je confirme ». Puis, elle a dit sur un ton plus inquiet : « Je m’inquiète de la contaminer, je m’inquiète de m’en prendre à elle, je m’inquiète de perdre la raison… ». Anyume a acquiescé : « Tu as raison de craindre la folie Jalindra. C’est le pire, avec la douleur. ».

Elle a hésité puis a finalement tendu la fiole à Jalindra : « Bois-en la moitié, même si c’est ignoble ». Jalindra s’est bouchée le nez pour avaler la mixture. Elle a pâli essayant visiblement de ne pas tout revomir. Je me suis sentie mal quand Anyume a dit : « Shaakya, bois ce qui reste. ». J’ai essayé de protester : « Mais je croyais que je n’étais pas censée être contaminée? ». Mais, elle a dit : « On ne sait jamais! ». J’ai pris la bouteille et j’ai commencé à boire. C’était répugnant : « BOUARKKKKK!!! ». Mon cri de dégoût a du s’entendre sur tout Atys. Anyume et Jalindra ont éclaté de rire.

Puis Anyume a lancé : « Bien, maintenant, en petite tenue, on va nager un peu ! ». Je n’étais pas sûre d’avoir compris : « Tu veux dire… toutes nues ? ». Elle a acquiescé avant de se déshabiller et se jeter dans le lac de sève. Nous nous sommes jetées dans la sève à sa suite en nous tenant la main. Nous sommes restées quelques minutes ainsi nageant dans le lac. Anyume a fini par dire : « Si on reste trop longtemps, ça décape. Là, ça devrait agir en partie avec ce que vous avez avalé… vous allez vous mettre en phase avec Atys et expulser ce qui reste de goo, si tout va bien… ».

Nous sommes alors sorties de la sève pour nous présenter devant le Maître Kami du Point du milieu. Anyume l’a salué : « Ari’kami. Nous venons combattre le Fléau. Je vous demande votre soutien pour lutter contre lui. ». Nous sommes assises en cercle devant lui en nous tenant la main. La situation était plutôt comique : nous étions à moitié nue devant un Maître Kami. Anyume s’est mise à rire : « Si un foreur ou un croyant passe, on aura l’air malignes! Mais tant pis! Sans Na Djaï’tal physiquement ici, je ne vois pas comment me débrouiller autrement… On ne va pas plonger dans le Chant d’Atys. Je ne suis pas assez experte pour ça. On va juste tenter une purification. Elle est déjà bien entamée… La goo est désordre, néant, destruction et chaos, à la fois dans les corps et les esprits. Pour la combattre, il faut donc laisser la paix venir et nous habiter. C’est un des meilleurs lieux pour ça… Ici, on peut entendre battre le cœur d’Atys… ».

Elle a fermé les yeux en expirant profondément, semblant rayonner d’énergie. Jalindra restait sérieuse semblant tenter de faire le vide dans son esprit. Et moi, j’avais une envie folle de rigoler. Anyume a dit d’une voix douce : « Pensez à des choses agréables et sereines. Essayez d’être en harmonie avec le monde… d’entendre le Chant et de joindre votre voix à sa mélodie. ». Elle m’a regardée en souriant. J’essayais désespérément de me retenir de rire. Elle a dit doucement : « Ne te retiens pas! Le rire est un des rythmes du Chant, un des meilleurs. ». J’ai éclaté de rire incapable de me retenir plus. Jalindra a été prise d’un fou rire communicatif et finalement Anyume s’est mise à rire elle aussi. Nous avons fini par pleurer de rire.

Puis, nous avons repris petit à petit notre calme, essuyant nos larmes. Nous étions sur le point de nous rhabiller pour nous rendre vers les chutes mystiques du pays zoraï quand un vorax agressif s’est jeté sur nous. Les gardes kamis ont riposté pour nous défendre pendant que nous nous jetions dans le lac de sève pour nous mettre à l’abri. Je regardais cet étrange ballet des sorts jetés sur le vorax et celui-ci qui répliquait à coups de dents. Anyume a commenté ce combat : « C’est une allégorie de la lutte contre le chaos ! ».

Nous nous sommes rhabillées ensuite pour nous rendre aux Chutes mystiques. Arrivées là bas, Anyume a regardé la cascade avec une expression indéfinissable. Quand à moi, j’ai rougi en reconnaissant l’endroit. C’était là que Na Djaï’tal m’avait emmenée après que nous soyons devenus amants, là où j’avais osé pour la première fois avoir les gestes d’une amante envers un homin après ce que j’avais vécu. Anyume nous a dit de nous rincer et nous frotter pour enlever la sève qui était restée sur nous. Elle avait un regard mélancolique quand on a essayé de savoir ce qu’elle avait, elle a juste répondu : « Je n’étais pas revenue depuis… Très longtemps… ».

Elle restait pensive puis elle a dit soudain : « Je vais peut-être vous laisser là… c’est un endroit apprécié des amoureux ! En théorie, ce qu’on a fait devrait suffire. Si ce n’est pas le cas… alors ce sera très mauvais. Si jamais il y a de nouveaux des symptômes cela voudra dire qu’il n’y a plus rien à faire, à part prier… et même là… Et si c’est le cas, la NASA a des protocoles pour aider à lutter contre la démence et la douleur. Mais une chose très importante : si l’une de vous se révèle contaminée, sans espoir de retour, elle devra garder le secret. Je veux dire : sa compagne peut savoir, la NASA aussi, du moins la branche goo mais évitez que ça s’ébruite. Vous l’avez vu avec Fey-lin : la goo est mal comprise, mal acceptée… Elle met des gens biens à l’écart de tout. Laofa pensait que cette ostracisation faisait partie de la progression de la démence… Il est important de protéger les gens atteints de ces préjugés absurdes. ». Elle a pris un visage plus souriant : « Mais ça devrait bien se passer à présent ! L’Écorce chantait avec nous tout à l’heure, elle riait de la blague… il n’y a pas de raison que ça évolue mal. Par contre, tu vas peut-être tousser plus ces jours-ci, et avoir un peu faim ! Prenez soin de vous deux… Je file ! dormez bien ! ». Elle a remis ses bottes. Je l’ai remerciée avant d’embrasser son front. Elle a déchiré un pacte avant de disparaitre.

J’ai proposé à Jalindra de dormir ici. Elle a accepté trouvant le lieu magnifique avec ses fleurs de printemps. Nous avons parlé des souvenirs que j’avais de Na Djaï’tal à cet endroit, juste avant que je m’enfuie dans la kitinière pour la première fois. Puis, Jalindra a reparlé de ce que nous venions de vivre : « Je me suis sentie comme une paria avec Fey-lin… j’avais juste peur d’avoir une vision au mauvais moment! Et là, Anyume m’a offert une vie de bonheur à tes côtés. ». J’ai souri : « J’aurais vécu une vie de paria avec toi tu sais! ». Elle a hoché la tête : « Je sais mon amour… et ça rendait les choses encore plus difficiles, quelques part… ». Je l’ai caressée tendrement : « Finalement on va devenir vieilles ensemble! ». Elle a murmuré : « La vie est tellement plus belle ici. ». J’ai murmuré en la serrant contre moi : « La vie est tellement plus belle avec toi… ». Nous nous sommes câlinées tendrement avant de nous endormir.

Les jours suivants, il n’y avait plus aucun symptôme. Anyume avait guéri Jalindra et peut-être moi également. Je pensais à cette mystérieuse zoraï, Laofa que j’avais cherchée et qui m’avait fait découvrir Anyume. Ses carnets avaient sans doute sauvé la vie de Jalindra. Je ne sais pas si elle m’a entendue mais j’ai laissé le vent d’Atys emporter mes remerciements en espérant qu’elle les reçoive de là où elle était.

Le mariage

Après notre tour d’Atys à dos de mektoubs, nous nous sommes mises à préparer notre mariage, souvent avec enthousiasme, quelques fois angoisse à l’idée d’être toutes les deux devant un public et parfois découragement devant l’ampleur du travail à accomplir : les invitations, la préparation de la cérémonie, le choix de nos témoins… Mais, nous étions si proches l’une de l’autre que l’idée d’officialiser notre relation nous donnait des ailes.

Et le jour est arrivé. Nous avions toutes deux fait la veille des rêves angoissés où nous n’étions plus que toutes les deux à la cérémonie, aucun de nos amis n’ayant pu venir. Mais au final nous en avons ri affirmant que même si nous n’étions que toutes les deux, cela ne nous empêcherait pas de nous marier. Le point de rendez-vous était devant les étables de Fairhaven. En effet, notre mariage devait commencer par une course de mektoubs comme dans les mariages trykers où la joie et l’amusement était de mise. Nous ne voulions surtout pas un mariage pompeux où tout le monde s’ennuie.

Nos amis ont commencé à arriver. Certains préféraient se rendre directement sur le lieux de la cérémonie. Zoro’Argh était de ceux là. Il voulait amener ses propres réserves de boissons ce qui d’ailleurs nous angoissait un peu connaissant ses idées saugrenues et sa tête dans les nuages. Mais nous avions prévu d’acheter des réserves de bières fyros auprès de Geyos au cas où. Na Djaï’tal et Anyume étaient chargés d’arbitrer l’arrivée de la course et étaient déjà sur place.
Tous nos autres amis étaient là près à en découdre lors de la course : Kiwalie, Phaozhu, Mogala, Krill, Fyrenskaken, Osquallo, Corwin. Ils plaisantaient, riaient en attendant le départ.

Je cherchais Eeri du regard : allait-elle venir? Est ce que ce ne serait pas trop dure pour elle de venir à mon mariage alors que nous avions été si proches et que sans doute si je n’avais pas connu Jalindra nous serions toujours amantes? Mais, elle m’avait promis qu’elle viendrait… Et puis elle est apparue, souriante juste à côté de moi. Je suis descendue de mon mektoub en sautant dans ses bras, heureuse qu’elle soit venue. Elle a salué tout le monde en me serrant contre elle.

Tous mes amis étaient là. J’étais heureuse et Jalindra aussi. Je le voyais à ses yeux pétillants de joie. Nous sommes tous remontés en selle, parés pour commencer la course. Le but était de rejoindre l’île que nous avions appelé « la cascade de Jalindra« , lieu que nous avions choisi pour la cérémonie et d’y trouver Anyume qui s’y était cachée. Il n’y avait pas de chemin prédéfini, il était au choix du participant à la course. Jalindra m’a pris la main en attendant le départ. Mogala semblait perdu ne sachant pas où il fallait aller alors que nous avions envoyé à tous la carte indiquant le lieu du mariage. C’était un tout nouvel Hoodo arrivée de Silan en même temps que Kyshala. Je le soupçonnais d’ailleurs d’avoir un faible pour elle et de n’être venu sur le continent que pour rester avec elle. Il semblait tout le temps ailleurs, normal pour un zoraï à vrai dire, mais lui était un spécimen particulièrement remarquable.

Le départ a été lancé. J’ai poussé un cri : « yyyyyyyyyyyyyyyyyyyaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhh ». Les toubs se sont élancés tous ensembles soulevant le sable de la plage et éclaboussant les passants en entrant dans l’eau du lac. Jalindra m’a lâché la main prenant en pitié Mogala pour lui montrer la route. Quand à moi, je poursuivais Krill qui avait déjà pris plusieurs mètres d’avance. Eeri la taquinait parce qu’elle avait chargé son toub de tonneaux et nous barrait le passage : « Krill! tu n’avance pas ton toub est trop plein de bières. ». Elle protestait : « Ah an ! Il n’est pas plein de bière ! Il la porte ! ». Mais malgré les tentatives d’Eeri pour la déconcentrer elle était toujours devant passant à travers les cloppers qui levaient leurs pinces pour tenter de l’attraper. Ça la faisait rire : « Vous remarquerez que j’attire les cloppers pour vous libérer le passage. Ça me donne droit à un bonus ? ». Eeri grognait tentant d’encourager son toub à aller plus vite : « Hahahaaaaayyyyy!!! ». J’étais derrière elles deux au plus près mais mon toub s’est enlisé dans le sable mou du bord de plage et je les ai vu partir plus loin. J’ai grommelé, je ne gagnerai pas la course à moins de trouver Anyume avant elles. Elles ont remonté le long de la cascade et sont parties directement sur la droite. La seule issue pour moi était de choisir une autre route, je suis partie tout droit mais Anyume n’était pas là. Krill l’avait trouvée en première. J’ai entendu l’annonce d’Anyume : « Gagnante Krill ! ». Je les ai rejoints en grognant.

Puis, j’ai retrouvé mon sourire en voyant Anyume et Na Djaï’tal. Je les ai serrés contre moi heureuse de les retrouver. Les autres participants sont arrivés eux aussi. Jalindra avait perdu Mogala qui s’était perdu on ne sait où… J’ai regardé autour de nous… Il y avait de jolis lampadaires installés un peu partout. Kiwalie et Zo’ro Argh avaient décoré l’île pour la rendre magnifique. Ils étaient nos témoins et s’étaient décarcassés pour nous offrir une vue merveilleuse de l’île. J’ai serré la main de Jalindra dans la mienne heureuse de découvrir la surprise de nos amis. En attendant Mogala, nous avons discuté des tonneaux de bière fyros de Geyos. Il y en avait fait venir 10. J’ai commenté : « Il y a 5 tonneaux pour Krill. ». Eeri a sautillé sur place : « M’oublie pas!!! ». J’ai ajouté en riant : « Et 3 pour Eeri et les 2 autres c’est pour les autres! ». Finalement, Mogala est arrivé essoufflé, prenant une route complètement alambiquée grognant contre les géographes et leurs cartes sans indication de relief.

Nous sommes passés derrière les paravents pour nous changer. Nos robes de mariées avaient été confectionnées par Kiwalie, la plus grande couturière que nous connaissions et notre amie et témoin. Elles étaient magnifiques blanches et turquoises. La jupe et les manches étaient matis et le haut tryker. Nos pieds resteraient nus, Jalindra sachant que je préférais n’avoir rien aux pieds. Et puis, c’était comme çà qu’elle m’avait vu pour la première fois et après tout n’étais je pas la petite reine d’ambre aux pieds nus? Je me souvenais de tous les essayages que nous avions faits avec Jalindra pour finir par adopter cette tenue que nous adorions toutes les deux. Ils nous étaient même arrivé de la porter avant le mariage quand nous n’étions que toutes les deux, juste pour le plaisir d’apprécier la beauté de l’autre dans cette tenue.

La pluie s’était mise à tomber faisant râler Eeri en bonne fyros qu’elle était : « Espérons que le beau temps va revenir… pour le moment, toute cette eau… pouark!!! ». Na Djaï’tal quand à lui, levait le masque vers le ciel pour boire quelques gouttes. Tout le monde est sorti de derrière les paravents en habits de cérémonie. Ils étaient tous magnifiques. Le plus surprenant était Zo’ro Argh dans sa superbe tenue mauve. Nous avions eu l’habitude de ne le voir habillé que d’un short tryker de savant. Sans doute que Kiwalie lui avait fait la leçon et lui avait confectionné une tenue de circonstance. Mais Kiwalie nous a fait presque rougir en affirmant d’une voix sincère : « Que vous êtes jolies ! ». J’ai pris la main de Jalindra comme pour me rassurer en sentant sa présence et sa douceur. Elle me l’a serrée doucement pour me montrer qu’elle était là.

Nous nous sommes avancées. Nous voulions nous marier près de notre arbre celui sous lequel nous étions devenues amantes mais apparemment il avait été prévu que nous nous installerions sur la petite butte non loin de là. Il est vrai que le lieu semblait beaucoup plus approprié. J’ai murmuré à ma belle : « On n’a qu’à caresser l’arbre au passage. ». Elle a acquiescé doucement. Nous avons posé nos mains entrelacées sur nos noms que nous avions gravés sur le tronc lors de notre premier passage ici.

Puis nous nous sommes avancées lentement suivis par les invités. Anyume qui ne nous avait pas encore vues en robes de mariées s’est exclamée : « Hooo elles sont belles ! ». Na Djaï’tal nous attendait en haut de la butte en souriant. C’est lui que nous avions choisi pour nous marier. Il s’est penché pour cueillir 2 petites fleurs et nous les a tendues. Nous les avons prises en souriant. Je me sentais un peu angoissée mais Jalindra me réconfortait en me serrant doucement la main.

Na Djaï’tal s’est éclairci la voix et a commencé : « Comme vous le savez, nous sommes ici pour accompagner nos deux amies pour une occasion spéciale. ». Il a regardé Krill : « Un prétexte pour boire pour certain, mais pas seulement… ». Krill a fait un clin d’oeil à Na Djaï’tal en montrant ses mains vides… pour l’instant… Il a poursuivi : « Mais je pense que le mieux serait qu’elles nous disent elles-même pourquoi elle souhaitent se marier et nous ont donc conviés ici. Shaakya, Jalindra pourquoi voulez-vous vous marier? ».

C’était à nous. Il fallait que nous déclamions le texte que nous avions préparé toutes les deux. Je me suis tournée vers Jalindra et je lui ai pris les mains en commençant :
- « Avant de te connaître, je pensais que le mariage c’était se mettre des chaines qui emprisonnent… »
Elle m’a souri. Elle était angoissée elle aussi, je le voyais. Mais nos mains liées, nous donnaient le courage d’affronter le regard de tous nos amis.
- « Avant de te connaître, je pensais que le mariage était synonyme de malheur et de souffrances… »
- « Mais je sais maintenant qu’un lien peut être aussi doux que de la soie. »
- « Mais je sais maintenant que le bonheur peut durer éternellement. »
J’ai regardé Eeri, Anyume et Na Djaï’tal avec un peu d’angoisse en poursuivant :
- « J’avais des amis et des amants, mais je leur demandais beaucoup trop et je me sentais seule. »
Mais Na Djaï’tal m’a souri affectueusement et Eeri a hoché la tête en souriant. Jalindra a continué :
- « Je vivais en ermite dans le désert après avoir perdu mon homin et mes amis. »
Et j’ai repris la parole en souriant aux souvenirs que cela évoquait :
- « La première image que j’ai de toi, c’est quand tu as soufflé sur l’izam qui avait mangé une partie du message de ta candidature à la guilde Hoodo. »
- « La première image que j’ai de toi, c’est ton visage plein de malice, ton crâne chauve et tes pieds nus qui te donnait un petit air bohème. »
Anyume semblait particulièrement émue à cette évocation. Mais j’ai continué :
- « Nous nous sommes rencontrées à la taverne de Pyr pour ne plus nous quitter. »
- « D’abord amies, nos liens n’ont cessé de se resserrer »
J’ai regardé derrière moi cherchant Kyshala du regard mais elle n’était pas encore arrivée. Je lui avais demandé de préparer une surprise que je réservais à Jalindra. Mais je savais qu’elle ne raterait mon mariage pour rien au monde. Elle allait arriver c’est sûr!
- « Tu as retrouvé ma cousine Kyshala alors que tout le monde la croyais morte. »
- « Nous sommes devenues amantes alors que je ne croyais aimer que les homins. »
Na Djaï’tal a esquissé un petit sourire.
- « Tu as réalisé mon rêve en m’emmenant faire le tour d’Atys à dos de mektoubs. »
Je me suis tournée vers Kiwalie et Corwin qui nous avaient tant aidés pour récupérer nos toubs perdus dans le labyrinthe de la masure de l’hérétique durant notre tour d’Atys pendant que Jalindra continuait.
- « Je t’ai demandé en mariage parce que je voulais que tout le monde sache à quel point je t’aimais. »
- « Et je t’ai dit oui parce que c’était une évidence, nous étions liées. »
J’ai vu Kiwalie et Na Djaï’tal arborer de francs sourires tandis qu’Eeri semblait retenir des larmes d’émotion.
- « La mort nous a effleuré déjà plusieurs fois »
- « Assez pour comprendre qu’on ne pouvait survivre sans l’autre. »
- « La mort ne nous séparera pas. »
- « Nos sèves se mêleront l’une à l’autre »
- « Pour n’en faire plus qu’une. »
- « A jamais unies »
- « El makèch mayumé. »
Mes yeux débordaient de larmes d’émotion quand je lui ai répondu :
- « El makèch mayumé »
Jalindra m’a caressée doucement la joue. Je l’ai embrassé tendrement et elle a répondu au baiser avec beaucoup d’amour.

Kiwalie soupirait d’émotion et Anyume se tamponnait les yeux. Même Fyrenskaken semblait avoir les yeux humides. Par contre, Mogala semblait regarder dans le décolleté de ses voisines et Corwin en profitait pour se servir discrètement un verre. Zo’ro Argh regardait Na Djaï’tal angoissé à l’idée de rater son rôle de témoin. Na Djaï’tal s’est mis à tousser pour se redonner une contenance et a toisé l’assemblée : « Est-ce que quelqu’un veut prendre la parole pour dire un mot aux mariées? ».

Kiwalie s’est approchée, a pris une grande inspiration et a commencé à réciter un poème :
« Un petit cœur sème
des petits cœurs à cueillir
par deux petits cœurs
les vôtres… »

J’ai souri à Kiwalie. Jalindra était émue. Puis, nous avons vu Zo’ro Argh s’avancer. Il est passé par toutes les couleurs du blanc au vert en passant par le violet. J’ai souri attendri par son trouble. Puis il a commencé lui aussi à réciter un poème :
« Voies à l’unisson
Deux lucioles dans la nuit
S’éclairent la route. »

Il a ensuite fait une révérence courtoise devant Kiwalie, Jalindra et moi. J’ai laissé échappé une larme. Il nous a regardé avec angoisse : « Heu… c’était bien?! ». Jalindra lui a souri pour le rassurer : « Très joli! ». Na Djaï’tal a hoché la tête et Kiwalie le regardait avec fierté tandis que Mogala lançait un « Ça l’fait p’tit. ».

C’est alors que j’ai vu apparaitre Icus. J’étais surprise étant donné qu’il m’avait annoncé qu’il ne pourrait pas être présent et que de toutes façons les mariages, il n’aimait pas çà. Je lui ai souri. C’est alors que j’ai vu Eeri s’approcher : « Je voudrais dire un petit mot, moi aussi. Je ne vous dirai pas de poème, mais juste un petit mot… ». Mogala s’est gentiment moqué : « Un seul? ». Mais elle a continué imperturbable : « J’ai connue Shaakya alors qu’elle sortait tout juste de l’enfance. Ça c’est bien arrangé depuis! Je l’ai prise sous mon aile, pour honorer la promesse que j’avais faite à Kyshala. Nous avons été proches, très proches même. ». J’ai souri un peu gênée à l’évocation subtile de notre relation d’amantes. Elle a poursuivi : « Hélas, je n’ai jamais été présente comme il le fallait pour cette admirable fyrette… ». J’ai rougi pendant qu’elle continuait de parler : « J’ai suivi mon désir de partir, à la recherche de… Peut-être de moi même… Aujourd’hui, je suis heureuse pour toi, Shaakya, et pour toi, Jalindra. Je vous souhaite tout mon bonheur, et… ». Elle semblait chercher ses mots sous le coup de l’émotion : « Voilà… c’est tout je crois. ». Je la regardais incapable de lui répondre autre chose qu’un « akep » d’une toute petite voix. Eeri s’est essuyée les yeux en me souriant.

Corwin s’est approché timidement : « Quand je lève la tête, je vois des milliers d’étoiles mais les plus belles sont en face de moi. ». Mogala a salué sa déclaration pendant que Jalindra se retenait de pleurer.

C’est alors que Kyshala est arrivée toute essoufflée sous les yeux intéressés de Mogala, heureux de pouvoir apprécier la présence de celle qu’il appelait « Deux monts » en raison de sa poitrine généreuse. Apparemment la surprise que j’avais préparé avec son aide pour Jalindra, lui avait pris plus de temps que prévu. Elle s’est avancée : « Je voudrais dire un mot. Je suis la cousine de Shaakya… pour ceux qui ne me connaissent pas. ». Elle a soupiré : « J’ai… vécu le deuxième grand essaim… ». Na Djaï’tal a plissé les yeux en la regardant attentivement. Mogala l’a encouragée. Elle a poursuivi après un long silence semblant revivre la fuite des réfugiés : « et j’y suis morte… ». Eeri lui a souri pour la soutenir revivant avec elle ce qu’elles avaient vécu ensembles. Kyshala a continué : « Tout le monde me croyait morte d’ailleurs… Pourtant Jalindra a tout fait pour me retrouver… pour retrouver la cousine de son amie Shaakya… et… je suis heureuse qu’aujourd’hui parce que ma petite cousine a trouvé son âme soeur. ». Elle s’est ensuite tournée vers Eeri en lui souriant : « Et… je voudrai aussi remercier Eeri… qui a pris soin de Shaakya alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Merci Eeri! ». Eeri s’est mise à rougir sentant les regards sur elle. Jalindra a dit doucement : « Oui, merci… sans toi, je ne l’aurais pas à mes cotés aujourd’hui. ». Kyshala a alors ajouté : « Merci aussi à toi, Jalindra! C’est à toi maintenant de prendre soin d’elle. ». Elle s’est alors rassis sous un étrange regard de Mogala.

Fyrensaken s’est alors mis à toussoter avant de s’avancer : « Je suis persuadé que chacune d’entre vous trouvera en l’autre ce qu’elle a toujours cherché, que dans l’adversité, chacune trouvera soutien auprès de l’autre, que votre amour perdure au-delà des temps. Moi aussi… je vous souhaite mes meilleurs vœux de bonheur ». Il s’est incliné avant de se rassoir. Je l’ai remercié d’un signe de tête.

La pluie avait soudain cessé et Mogala s’est écrié : « Pluie qui cesse ! Mariage en finesse ! ». Connaissant Mogala, j’ai craint qu’il poursuive avec une autre rime et j’ai vu au regard d’Eeri qu’elle pensait la même chose. Je n’ai pas pu m’empêcher de pouffer. Tandis que celui-ci se mettait lui aussi à rire sans rien ajouter.

Plus personne ne semblait plus vouloir s’avancer, alors Na Djaï’tal a repris la parole : « Je souhaiterais également ajouter quelque chose… Avec les zoraïs, c’est soit un haiku, et c’est rapide, soit c’est un conte, et c’est plus long… J’ai choisi la seconde option, mais comme nous sommes dans les Lacs, j’ai essayé de donner une teinte tryker au récit… ». J’adorais les histoires de Na Djaï’tal, je lui ai souri heureuse qu’il me gratifie d’un de ses contes. Il m’a souri en retour et a commencé :
« Il était une fois, une île où tous les différents sentiments vivaient : le Bonheur, la Tristesse, le Savoir, ainsi que tous les autres, l’Amour y compris.
Un jour on annonça aux sentiments que l’île allait couler. Ils préparèrent donc leurs bateaux et partirent.
L’Amour voulait rester jusqu’au dernier moment. Quand l’île fut sur le point de sombrer, l’Amour décida d’appeler à l’aide.
La Richesse passait à côté de l’Amour dans un luxueux bateau. L’Amour lui dit :
- “Richesse, peux-tu m’emmener ?”
- “Non car il y a beaucoup de dappers sur mon bateau. Je n’ai pas de place pour toi.”
L’Amour décida alors de demander à l’Orgueil, qui passait aussi dans un magnifique vaisseau :
- “Orgueil, aide moi je t’en prie !”
- “Je ne puis t’aider, Amour. Tu es tout mouillé et tu pourrais endommager mon bateau.”
La Tristesse étant à côté, l’Amour lui demanda,
- “Tristesse, laisse moi venir avec toi.”
- “Ooh… Amour, je suis tellement triste que j’ai besoin d’être seule !”
Le Bonheur passa aussi à côté de l’Amour, mais il était si heureux qu’il n’entendit même pas l’Amour l’appeler !
Soudain, une voix dit :
- “Viens Amour, je te prends avec moi.”
C’était un vieillard qui avait parlé. L’Amour se sentit si reconnaissant et plein de joie qu’il en oublia de demander son nom au vieillard.
Lorsqu’ils arrivèrent sur la terre ferme, le vieillard s’en alla. L’Amour réalisa combien il lui devait et demanda au Savoir :
- “Qui m’a aidé ?”
- “C’était le Temps” répondit le Savoir.
- “Le Temps ?” s’interrogea l’Amour. “Mais pourquoi le Temps m’a-t-il aidé ?”
Le Savoir sourit plein de sagesse et répondit :
- “C’est parce que Seul le Temps est capable de comprendre combien l’Amour est important dans la Vie.” »

Na Djaï’tal nous a souri les yeux brillants. Anyumé le regardait avec des yeux complices. Phaozhu a applaudit. Kiwalie a dit doucement : « Que c’est beau et vrai! ». Thalis a murmuré : « Magnifique… ». Jalindra a écrasé une larme d’émotion.

Puis Na Djaï’tal a repris la parole : « Si les témoins veulent bien s’avancer pour lier symboliquement les mariées. ». Jalindra était tellement prise par l’émotion qu’elle en a oublié qu’elle avait la liane. Je lui ai pris doucement des mains et je l’ai tendue à Zo’ro Argh. Il l’a prise en tremblant et a lié le poignet de Jalindra en disant : « Nous sommes les témoins du lien qui vous uni l’une à l’autre! ». Zo’ro Argh avait oublié de me laisser parler et Na Djaï’tal lui a fait doucement remarqué. Il a pris un air tellement confus que je m’en suis voulue de devoir le reprendre. J’ai souri à Zo’ro Argh pour le rassurer et j’ai expliqué : « Voici la liane qui a accompagné notre sommeil nous liant lors de nos nombreuses nuits perturbées tant par mon somnambulisme, que par l’infection de Jalindra par la goo. Elle fut mon rempart contre mes escapades nocturnes dans la kitnière motivées par la recherche inconsciente de ma cousine. ». C’était à Zo’ro Argh mais il était perdu et ne savait plus ce qu’il devait faire ou dire. Na Djaï’tal lui a chuchoté : « Maintenant, tu peux dire ton texte… ». Mais il était incapable de reprendre. Il a serré le nœud de la liane sur le poignet de Jalindra et a tendu l’autre bout à Kiwalie.

Fyrensaken a sorti sa guimbarde et a commencé à en jouer… l’air vibrait et des sonorités envoutantes se répandaient autour de lui, calmant les esprits… faisant envoler les tensions et les crispations. Kiwalie a pris alors doucement mon poignet et a dit doucement en nouant la liane : « Que ce lien soit le symbole de celui qui existe entre vous ».

Je me suis tournée vers Jalindra me perdant dans son regard. Elle plongeait ses magnifiques yeux bleus dans les miens. Na Djaï’tal a toussoté nous ramenant à la réalité. J’ai secoué la tête pour reprendre pied. Puis Jalindra a commencé à déclamer l’haiku que Na Djaï’tal nous avais traduit en langage zoraï. Je lui répondais par la traduction en langage commun.
- « zaadi’i né-an »
- « Les graines malheureuses »
- « pai akaba na shi-zi »
- « oublient leur souci et ne deviennent qu’une Graine de vie »
- « la liliko le »
- « Pour faire germer une fleur »

Nous nous sommes souries. Jalindra a passé à mon doigt une magnifique bague d’ambre aussi fine qu’une liane en lisant l’inscription gravée : « Notre lien est indestructible. ». J’ai passé à son doigt la même bague en y lisant une autre inscription : « A jamais réunies. ». Puis nous avons lancé ensemble le sort que nous avions préparé qui a illuminé nos corps de lumière sous les yeux ébahis de nos invités. J’ai serré Jalindra contre moi avant de l’embrasser. Elle a répondu à mon baiser avec beaucoup d’amour en m’entourant de ses bras. Je ne voyais plus qu’elle… le temps était suspendu…

Les invités se sont mis à nous acclamer : « Vivent les mariées!!! » nous sortant de la bulle que nous avait entourée pendant un bref instant. Et les feux d’artifices ont commencé à s’élever, ajoutant des étoiles colorées au ciel étoilé. Je me suis mise soudain à pleurer de bonheur. Jalindra m’a souri en serrant ma main.

Puis les invités ont commencé à s’approcher, ils avaient tous des cadeaux pour nous. Cela allait de magnifiques bouquets fleurs, à de la nourriture exotiques, aux tonneaux de bière, des feux d’artifices, des matières premières, des potions, aux armes, amplificateurs et boucliers pour se protéger durant nos explorations… Nous avons même eu droit à un petit mot de Fey-Lin que nous n’avions pas osé inviter pensant qu’elle était un personnage bien trop important pour venir à notre « petit » mariage. C’est alors que Mogala s’est approché timidement : « Je peux? ». Jalindra l’a encouragé : « Bien sûr! ». Il regardait en l’air avec des yeux inquiets : « Comme vous le savez, j’ai perdu toute ma famille, toute ma vie… A cause d’un morceau d’écorce qui a écrasé mon village… Alors, ici, je ne suis pas très à l’aise… J’ai passé des semaines blessé et d’autres à rechercher les morceaux des corps des miens… Et pour cette occasion, pour vous remercier, vous et vos amis, de l’aide énorme que vous m’avez apportée…. Pour vous remercier d’avoir permis à l’Amour de vivre avant que le vieillard ait eu le temps de faire son œuvre dans mon cœur… Voici réunis en colliers, les objets les plus précieux qu’il me soit donné de posséder. ». Il nous a alors offert deux colliers formés de tous petits morceaux colorés de masques zoraïs : « C’est tout ce qu’il reste des miens. Qu’ils vous protège et vous accompagne dans l’Amour et tout au long de l’oeuvre du vieillard… ». Le cadeau était si étonnant et précieux pour Mogala que je suis restée un instant indécise à me demander si j’avais le droit de l’accepter. Mais Jalindra a décidé pour nous deux et lui a sauté dans les bras pour embrasser sa joue. Je l’ai alors moi aussi serré contre moi en l’embrassant. Eeri a commenté : « Quels poètes, ces Hoodos! ». En moi même, j’ai pensé qu’effectivement, cela n’avait rien à voir avec les légions fyros.

A nouveau, les feux d’artifices ont illuminé le ciel. Nous regardions les étoiles colorées avec des yeux d’enfants. Puis j’ai lancé voyant que certains lorgnaient avec envie sur les tonneaux et les cookies de Kiwalie : « Et maintenant!!! Baignade, bière et cookies!!! ». Tout le monde s’est précipité sur la plage en courant, certains plus lentement traînant un tonneau derrière eux. D’autres jetaient leur vêtements en continuant d’avancer pour être les premiers dans l’eau. J’ai rangé précautionneusement ma robe de mariée pour arborer mon maillot de bain rouge en criant : « AAAAAAAAAA l’eauuuuuuuuu!!! ». Puis, estimant que j’étais arrivée la première : « J’ai gagnééééééééééééééééééé ». Jalindra a ri de mon habituelle plaisanterie et Anyume nous a éclaboussé. Mon homine nous a vengé en l’attrapant par les pieds pour la faire couler. La suite a été une série de batailles d’eau, de beuveries avec les tonneaux amenés sur la plage, de courses après les cookies aux termites et du chant merveilleux du slibard rouge de la légion fyros. Je ne me souviens plus de grand chose précisément à vrai dire à part qu’il y avait un esprit de fête, de joie emplis de rires.

Mais je tenais à faire ma surprise à Jalindra, aussi je lui ai proposé de nous éclipser. Elle a accepté avec joie. Nous avons remercié nos amis avec chaleur pour leur présence. Nous avons enfourché nos mektoubs et nous avons rejoints l’île de Kyshala. Je l’ai entrainé à l’est de l’île. Il y avait un tipi tricker blanc et bleu d’où sortait une légère fumée. J’ai souri en voyant l’étonnement de ma belle, j’ai pris sa main : « Allez viens on entre! ». L’intérieur du tipi était éclairé par de multiples petites bougies. Un arbre liane à deux fleurs trônait dans le fond. Une odeur douce embaumait l’atmosphère. Une baignoire en bois était placée au milieu remplie d’eau chaude avec une multitude de petits pétales de fleurs jetés dedans. Une petite table était placée à côté avec de nombreuses petites bouteilles de parfums, d’huiles parfumées, de savons posés dessus. J’étais moi aussi surprise… Kyshala avait beaucoup travaillé pour nous offrir ce lieu. J’ai regardé Jalindra attendant sa réaction.

Elle est resté un moment ébahie, regardant avec stupéfaction l’arbre, la baignoire avec la petite table. Elle s’est avancé doucement pour caresser l’arbre, avant de regarder sa bague avec émotion. Elle a effleuré l’eau du bout des doigts, avant de se tourner vers moi. Des larmes d’émotion roulaient sur ses joues tandis qu’elle murmurait en souriant : « C’est magnifique… mayumé… personne ne m’avait montré autant d’amour… ». elle s’est jeté dans mes bras, se blottissant dans mon cou. Je l’ai serré contre moi aussi émue qu’elle. J’ai murmuré : « J’ai tellement d’amour à te donner… ». Je l’ai déshabillée très doucement et je me suis dénudée moi aussi. J’ai testé la chaleur de l’eau du bain. L’eau était à une température parfaite. J’ai soulèvé Jalindra et je suis entrée avec elle dans l’eau. Je me suis placée contre son dos l’enveloppant de mes bras. L’eau du bain sentait bon les huiles parfumées. J’ai embrassé tendrement sa nuque en massant doucement son dos : « Cette nuit, je vais m’occuper de mon homine… pour qu’elle se souvienne toujours de notre nuit de noces. ». Ma belle se laissait câliner, semblant apprécier la détente apportée par le bain parfumé et mon doux massage. Elle a fini par se retourner pour m’embrasser avec passion avant de murmurer : « Et je compte bien prendre soin de l’homine de ma vie, pour rendre sa vie aussi merveilleuse qu’elle… ». J’ai répondu avec fièvre à son baiser et murmuré : « Ma vie est déjà tellement merveilleuse depuis que je te connais. ». J’ai commencé à la caresser de façon beaucoup plus intime en murmurant d’une voix tremblante de désir : « el makèch mayumé… ». Elle a répondu à mes caresses nous emportant dans un tourbillon de passions.

J’ai repris doucement mes esprits après le plaisir que nous nous étions offert en la serrant tout contre moi. Je lui ai lavé les cheveux avec des gestes doux presque des caresses. Je les ai rincés très délicatement, en embrassant sa nuque par petites touches. Je suis venus chercher ses lèvres pour l’embrasser tendrement. J’ai caressé son visage, les yeux emplis d’amour. Puis, je l’ai portée pour la sortir de l’eau et l’allonger sur un matelas recouvert de serviettes très douces à la bonne odeur de propre. Je l’ai essuyé tendrement. Elle est venue chercher mes lèvres les yeux brillants de bonheur. Elle me regardait et j’avais l’impression d’être magnifique dans ses yeux où luisaient la douce lueur des bougies. Elle nous a recouvertes de serviettes, en me serrant contre elle tandis qu’elle m’essuyait avec beaucoup de douceur. J’ai goûté à nouveau ses lèvres, ne me lassant jamais de leur douceur. J’ai attrapé une petite bouteille d’huile parfumée sans quitter ses bras. J’ai imprégné mes mains de l’huile parfumée et je les ai passé doucement sur le corps de ma belle avec des gestes caressants. J’ai plongé à nouveau dans ses yeux, me perdant dans mon rêve éveillé. Elle fermait les yeux sous mes caresses, savourant la sensation de mes mains glissant sur sa peau. Elle a murmuré doucement : « Je suis la plus heureuse des mariées… tu es vraiment mon rêve mayumé… ». Elle a rouvert les yeux pour attraper l’huile et a commencé à masser doucement mon dos. Je me suis laissée aller sous ses mains en fermant les yeux. J’ai murmuré en soupirant de bonheur : « Tu es le mien mayumé… je ne peux rêver mieux que toi mon amour… ». J’ai fini par m’endormir contre elle sous ses douces caresses.

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