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Kyshala

Je me nomme Kyshala. Je suis une Fyros.

Mon peuple s’était réfugié dans les profondeurs d’Atys à la suite de ce que l’on a appelé le Grand Essaim. Il s’agissait d’une invasion de kitins, de gros insectes géants, qui détruisaient tout sur leur passage. Les quatre peuples homins qui vivaient jusque là séparés, les Fyros, les Zoraïs, les Trykers et les Matis, ont du apprendre à vivre ensemble dans les terres anciennes.

Les années ont passé et petit à petit les premiers courageux ont rejoint la surface. Ils ont commencé à sécuriser certains territoires. Mais tout était à refaire et à reconstruire : les villes, les routes. Enfant, je regardais avec envie, les plus aventureux partir vers le nouveau monde. Tous savaient que même si les territoires étaient « sécurisés », le danger était toujours présent.

Devenue adulte, je me suis décidée à rejoindre moi aussi la surface. J’avais besoin de voir autre chose et de réaliser mon rêve d’enfance.

J’ai préparé mon sac. Puis, j’ai embrassé mes parents et ma petite cousine Shaakya. Je savais que je ne les reverrais pas avant longtemps et peut-être même jamais…

Je suis partie le coeur à la fois douloureux et en même temps empressée de découvrir ce nouveau monde qui m’avait tant fait rêvé.

Shaakya

Je me nomme Shaakya. Je suis une fyros.

J’ai été élevée par les parents de ma cousine Kyshala quand les miens sont morts dans un accident. Ils étaient mineurs comme ceux à qui on a reproché d’avoir déclenché le Grand Essaim. Le travail était dangereux, ils le savaient. Mais les risques pris étaient compensés par la qualité de l’ambre découvert. Mais cette fois là, la racine qu’ils tentaient de retenir a cédé, les tuant sur le coup. Mon oncle, mineur lui aussi, m’a ramené dans sa famille.

Au début, j’étais une petite enfant sauvage, rebelle et douloureuse. Kyshala plus âgée que moi a su m’apaiser et m’apprivoiser. Je lui en ai voulu quand elle est partie à la surface. Mais, je savais que la vie dans les profondeurs lui pesait. Elle avait besoin de sortir de ce sentiment d’enfermement et de découvrir autre chose.

Les années se sont écoulées. Elle m’envoyait régulièrement des messages. Et puis, des incidents ont commencé à se produire. De plus en plus souvent, même dans les profondeurs, il arrivait de croiser des Kitines. Le père de Kyshala s’est fait tué par un de ces éclaireurs isolés. Et puis, il y a huit ans maintenant, les aventuriers sont revenus délaissant les nouvelles terres à la voracité des kitines… Du moins ce qu’il en restait. Ils avaient dû fuir empruntant un arc-en-ciel, la plupart était horriblement mutilés, très peu étaient indemnes.

La mère de Kyshala était une soigneuse. Elle soignait continuellement les nouveaux arrivants jusqu’à la limite de l’épuisement. Je passais mon temps à surveiller l’arrivée de Kyshala mais comme tant d’autres, elle n’est jamais revenue. Le flot des arrivants s’est tari plus personne ne venait. L’arc-en-ciel s’est refermé. Kyshala n’était pas là…

Sa mère a fini par retrouver une rescapée des légions Fyros : Eeri. Celle-ci était dans un état terrible. Quand on lui a demandé si elle connaissait Kyshala, elle a eu une expression douloureuse. Elle nous a expliqué que quand elle s’était rendue compte que son amie ne l’avait pas suivie dans l’abri de l’oasis secrète des Kamis, elle était retournée au delà de la barrière de protection. Elle n’a pas retrouvé son corps sans doute dévoré par les kitines. Il ne restait d’elle que son cube d’ambre.

Adolescente en rebellion continuelle, j’étais furieuse et pleine de rage, j’ai du traiter Eeri de tous les noms, lui reprochant de ne pas avoir sauvé ma cousine. La mère de Kyshala m’a giflé, me faisant taire. Je l’ai regardé stupéfaite. C’était la première fois qu’elle le faisait. J’ai vu la douleur sur son visage qui ressemblait tellement à la mienne. Mais, je n’ai pas voulu pleurer devant Eeri et je me suis enfuie.

J’ai fugué pendant des semaines, refusant de retourner auprès de celle qui m’avait élevée comme sa propre fille. Quand je me suis décidée, à revenir. C’était trop tard… Ma mère adoptive était morte d’épuisement d’avoir tant soigner les siens et sans doute, parce qu’elle n’avait plus envie de lutter. J’ai vu son corps qu’on emmenait au bûcher. Je crispais les mâchoires refusant de me laisser aller.

Et puis j’ai senti qu’on m’observait. C’était Eeri. Je lui ai lancé un regard haineux. Elle m’a fait signe de la rejoindre. Je me suis enfuie refusant la main qu’elle me tendait. Connaissant parfaitement, les recoins secrets des racines, je n’ai eu aucun mal à lui échapper malgrè ses tentatives pour m’attraper.

J’ai erré pendant plusieurs mois avec les gamins des rues : des orphelins comme moi dont on ne savait plus quoi faire. Ils étaient si nombreux, il y avait eu tellement de pertes homines. L’adolescente que j’étais, était heureuse d’être libre sans contrainte même si la faim me tenaillait parfois. Pourtant le soir, il m’arrivait de pleurer : le manque de chaleur homine, l’indifférence de certains, la violence et la cruauté des autres étaient une souffrance quotidienne.

Je regardais certains de mes compagnons d’infortune tentés par l’appel de la Goo… Les yeux émerveillés qu’ils avaient… Tout semblait plus facile avec cette substance. J’ai voulu essayer moi aussi. J’avais ma première boulette de Shooki gavée de Goo entre les mains. Je la regardais en me demandant si j’allais y goûter ou pas… Je savais qu’elle rendait dépendant mais je voulais juste ressentir un peu de bonheur même artificiel…

Une gifle monumentale m’a sortie de mon indécision, balançant au loin la boulette mauve. Eeri était là devant moi, pleine de rage contenue : « Kyshala ne serait pas fière de toi! ». Qu’est ce qu’elle en savait d’abord? Je me suis jetée sur elle pour la frapper. Mais que peut faire une adolescente face à une légionnaire aussi expérimentée. Elle m’a pris par le col me traînant jusqu’à une taverne, me jetant presque sur un tabouret et me mettant une choppe de bière de Shooki sous le nez : « Bois! ». Je l’ai regardé avec défi et j’ai bu d’un trait la choppe. Elle m’en a resservi une… ou plusieurs… je ne sais plus…

Je ne me souviens plus grand chose de cette soirée. Je suppose que j’ai du déverser toute ma rancoeur contre elle et tous ses légionnaires qui m’avaient pris ma cousine. Je crois aussi que j’ai beaucoup pleuré : la douleur de toutes les pertes que j’avais subi s’exprimant enfin. Le lendemain, un seau d’eau glacée m’a réveillée en sursaut : « Debout! ». J’ai regardé Eeri, éberluée par ce traitement qu’elle m’infligeait : « J’ai besoin d’une partenaire d’entrainement, et tu feras l’affaire, à défaut d’autres… ». Je la fixais incapable de comprendre, la tête dans un étau et la bouche pâteuse. Nous avons couru longtemps, jusqu’à mon épuisement complet. Je pensais que ce serait tout mais après çà a été l’entrainement au combat. Je suis retombée sur ma couche le soir exténuée sans même avoir mangé.

Le lendemain, çà a recommencé encore et encore. Je ne cherchais plus à lutter. J’encaissais ce qu’elle me faisait subir. Je savais qu’elle le faisait uniquement pour me sortir de mon état dépressif : la douleur du corps faisant oublier la douleur de l’âme. Mais, je suppose que cela lui faisait du bien à elle aussi qui avait perdu la plupart de ses amis légionnaires.

Les années ont passé. J’étais devenu adulte et bien plus apaisée que je n’avais été durant mon adolescence tourmentée. Eeri et moi étions devenues des amies. J’avais même adopté sa coiffure : les cheveux coupés au ras du crâne. Mais j’avais opté pour un tatouage couleur sang comme une marque des souffrances que j’avais subies.

Eeri ne m’avait jamais cachée qu’elle souhaitait faire renaître la Légion Fyros et reconquérir les terres perdues. Elle allait retourner à la surface. Elle m’a observée : « tu veux venir? ». Evidemment que je voulais venir : Eeri était devenue ma seule famille et je voulais suivre les pas de Kyshala. Et si je pouvais tuer quelques Kitines pour la venger, ce serait encore mieux. Eeri a eu un petit sourire.

Nous avons fait notre paquetage contenant nos maigres richesses et nous nous sommes mises en route.

A la recherche de Kyshala

Je me suis réveillée la tête dans le sable, sur la plage nord de la ville. Les brumes de l’alcool de la veille avait du mal à se dissiper. Je me suis relevée péniblement époussetant le sable collé à mes joues et mon front et j’ai regardé autour de moi. Ce pays était vraiment magnifique… Je comprenais pourquoi Kyshala l’avait tant aimé. Si elle était encore vivante, elle devait être là quelques parts. C’était décidé j’allais parcourir le pays tryker pour tenter de la retrouver.

Mais d’abord, j’avais envie de me baigner. Je me suis relevée et j’ai directement plongé dans l’eau. J’ai soupiré de plaisir : quel bonheur de nager dans cette eau transparente! Dans le désert, les points d’eau étaient rares et souvent trop sombres ou trop boueux pour en distinguer le fond. Là, je voyais les algues et les plantes lacustres flotter au grès des courants et les poissons multicolores venaient me chatouiller les pieds.

J’avais entendu parler de cette compagnie « Vers de Nouveaux Horizons » qui proposait aux homins de livrer des colis dans différentes villes de chaque région. Le but de ces livraisons était de mettre en place un système de transport rapide entre les villes remplaçant ainsi les téléporteurs kamis ou de la karavane. Ceci était bien sûr rémunéré et très bien d’ailleurs. J’allais profiter donc de ma visite du pays tryker pour livrer ces colis et me faire quelques dappers.

Mais pour çà, il fallait que je trouve leur représentant. Après une première recherche infructueuse, j’ai demandé sur le canal de la légion fyros si quelqu’un savait où le trouver à Fairhaven. Icus a répondu d’un ton bourru que je ferais mieux de le faire dans le désert ardent et n’a pas répondu à ma question. J’ai râler intérieurement : qu’est ce que çà pouvait lui faire d’abord? Si j’avais envie de livrer des colis au pays tryker, je le ferais avec son assentiment ou non! J’ai redoublé d’effort et j’ai fini par le découvrir dans une petite île au sud-est de Fairhaven.

Quand le représentant m’a donné le paquet, j’étais estomaquée : il pesait une tonne!!! Il a fallu que j’aille vider mon sac pour réussir à le porter. Le représentant m’a alors précisé que je gagnerai mes dappers une fois le colis livré et la rémunération était fonction de la difficulté à atteindre la ville. Ça tombait bien, je comptais aller le plus loin possible. Par contre, il fallait faire vite et arriver dans le temps imparti.

Ne connaissant pas très bien la région, je me suis dit que j’allais commencé doucement. Fairhaven était trop près et ne rapporterait sans doute pas grand chose : ma première destination serait Crystabell, une ville située un peu plus loin au nord. Cela me permettrait de vérifier ma capacité à sillonner la région. L’avantage du pays des lacs, c’est la présence d’eau partout qui offrait la possibilité de se réfugier en cas d’attaques. Ça m’allait très bien! J’adorais nager en regardant sous l’eau.

J’ai regardé la carte et j’ai trouvé un passage. J’espérais juste arriver à temps pour le colis. Mais à vrai dire, je n’ai pas vraiment eu de problème. Et, je suis tombée nez à nez avec le responsable des « Nouveaux horizons » de Crystabell dès mon arrivée. La récompense était intéressante mais pas autant que je m’y attendais. Sans doute que Crystabell n’était pas assez éloignée. J’ai fait un tour de la ville cherchant sans grand espoir Kyshala. J’ai posé des questions autour de moi en montrant un luciogramme de ma cousine : quelqu’un avait il vu cette fyrette?. On me répondait toujours par la négative. Un des pontons de Crystabell était relié à une petite île. De loin, j’ai vu qu’elle était envahie par un nid de kitines. Kyshala était elle là? Je me suis approchée à la fois terrifiée et fascinée par les insectes géants : est ce eux qui avait traîné le corps de Kyshala dans les entrailles de leur nid? Ma curiosité a eu raison de moi. Des soldats kitines m’ont pris en chasse. Malgré l’intervention de quelques gardes, je n’ai pas survécu à l’attaque.

Après une demande de résurrection aux kamis, j’étais de retour à Fairhaven. J’ai continué mes recherches toujours en emportant un colis avec moi. J’ai visité Avendale puis Windermeer, laissant à chaque fois un colis aux représentants des « Nouveaux horizons ». Personne n’avait vu Kyshala. Je m’y étais attendu mais la déception était grande.

Pourtant, j’ai continué, nageant longtemps visitant de long en large le pays tryker. J’ai fini par croiser une tribu tryker qui semblait déambulait comme moi à travers tout le pays. Je les ai suivi. Ils m’ont conduit à leur camp. J’ai été accueilli simplement, un énorme kami était là.

Étrange tribu, les trykers étaient plutôt des fervents de la Karavan, hors ceux-ci accueillaient sur leur petite île un ambassadeur kami. Ils m’ont dit qu’ils se nommaient les Corsaires. Apparemment, les autorités trykers les laissaient en paix car ils étaient des guerriers redoutables mais que surtout, ils étaient toujours là lors des guerres pour défendre la région des lacs. A eux aussi, j’ai demandé si ils avaient croisé Kyshala. Un de leur ancien guerrier l’a reconnue me redonnant espoir. Mais d’après ses dires, il l’avait vue bien avant le deuxième grand essaim…

Me voyant déprimée, ils m’ont invité à passer la soirée avec eux. L’alcool a coulé à flot. Je me suis endormie dans leur camp. A mon réveil, au moment de partir, ils m’ont promis de garder les yeux ouverts et de me prévenir si ils voyaient quelqu’un qui pourrait ressembler à Kyshala. Je leur ai laissé un luciogramme d’elle. Je suis repartie avec le sourire : si eux pensaient qu’elle était encore vivante, il y avait encore de l’espoir.

Une rencontre dans le désert

Je m’étais finalement endormie aux côtés d’Eeri. A mon réveil, elle était là semblant veiller sur moi. Je me suis redressée en lui souriant. Elle m’a directement demandée : « Ça te dit d’aller à Thesos? Je t’emmène voir quelqu’un! « . Je l’ai suivie jusqu’à Thesos puis jusqu’à un endroit isolé pas très loin de la ville.

Il y avait là un fyros plus très jeune et bedonnant : c’était Glorf. Elle m’a présentée. Il semblait vaguement se souvenir de qui j’étais. J’ai alors précisé : « Je suis la cousine de Kyshala… ». Puis, j’ai demandé d’une voix hésitante : « Je voulais vous voir parce que… je me demandais… si vous l’aviez… avant… avant… qu’elle disparaisse? ». Je voulais lui demander si il l’avait vu mais j’avais oublié un mot dans ma demande et avec son humour de légionnaire en dessous de la ceinture, il a alors répondu : « Non, je n’ai jamais … avec elle avant qu’elle disparaisse! ». Ça a fait bondir Eeri choquée qu’il profite de ce moment pour plaisanter. Glorf a eu un petit sourire amusé : « L’humour fyros, tu sais bien… ». Elle a secoué la tête : « Je te reconnais bien là… ».

Il m’a finalement répondu : « ney, je l’ai vu de nombreuses fois. Elle te ressemblait un peu. Enfin… Elle avait des cheveux elle. Et mieux habillée aussi. ». J’ai regardé mes habits, j’avais juste le haut et le bas d’une armure lourde tryker. J’étais pied nus. Depuis quelques temps, j’avais en effet retrouvé mes habitudes de la rue : les chaussures ou les bottes m’agaçant plutôt qu’autre chose. « Ils ont quoi mes habits? ». Glorf a répondu : « C’est très hétéroclite! ». Mais Eeri m’a rassurée : « Ça te va bien, ne t’inquiète pas, Glorf te taquine, voilà tout! ».

Puis Glorf s’est finalement décidé à répondre à ma question : « J’ai connu ta cousine oui. Mais c’était avant que je meurs. ». Je l’ai regardé perplexe en me demandant si le désert ou les fraiders ne l’avaient pas ramolli du ciboulot : « Avant que vous mourriez? ». Puis il a continué sans vraiment sembler m’entendre : « Glorf est mort il y a 8 ans. Quoi que tu crois entendre, quoi que tu crois voir : il est mort. Mais les fantômes reviennent parfois. Et il ne faut pas parler des fantômes… À personne, pas même à son journal! ». Je me grattais la tête sans vraiment comprendre : il devait être un peu fou quand même…

Puis il a soudain déclaré : « J’ai vu Kyshala oui! ». J’ai repris espoir l’espace d’un bref instant. Mais il a précisé : « La dernière fois c’était pendant l’exode, vers le milieu du couloir… Ensuite, tout n’est plus qu’ombre. Je ne me souviens que du désespoir. ». J’ai baissé la tête, déçue. Puis j’ai eu une soudaine idée : « Et Morandy? vous l’avez vu après l’exode ? ». Il a répondu en grognant : « Je te l’ai déjà dit! Je suis mort il y a de cela 8 ans! L’exode m’a tué. ».

Pourtant, j’ai insisté : « Vous voulez dire que vous ne vous souvenez de rien… de ce qu’il s’est passé depuis 8 ans? ». Il a répondu simplement : « Je n’ai vu personne pendant 8 ans. ». J’ai soupiré. J’avais l’impression de parler à un mur. Mais soudain, il a dit : « Peut-être … peut-être qu’Icus l’a vu? ». Je l’ai regardé de travers me demandant à nouveau si il n’était pas fou : « Mais il n’était pas à l’exode… ». Il a affirmé : « Il était dans le camp. Je l’ai accompagné moi même avant l’exode. ». J’étais surprise : « Qu’est ce qu’il faisait là ? ». Là, c’est lui qui m’a regardée comme si j’étais un mektoub de bat : « Il fuyait, quelle question! Je m’étais assuré que lui et sa mère y seraient en vie. Il n’y avait que les fous pour rester malgré l’exode. ».

Je l’ai regardé : effectivement, lui était resté et il était fou. J’ai dit alors un peu rageusement en pensant à Kyshala : « ou les blessés ? ». Il a affirmé : « On avait transporté beaucoup de blessés! ». J’ai grogné amèrement : « Et pourquoi pas Kyshala? ». Il a avoué : « Je ne sais pas ce qui lui est arrivé. ». J’ai vu Eeri serrer les poings. Je me suis mise soudain à crier : « Pourquoi personne n’a rien fait pour elle!!! ». Des larmes ont commencé à couler le long de mes joues. Je serrais les poings en m’enfonçant les ongles dans les paumes. Eeri s’est approché de moi en posant sa main sur mon épaule : « Tu sais… Elle a été très courageuse. ». Glorf a dit dans un souffle : « Nous n’avons rien pu faire… pour personne… ».

Mes larmes coulaient sans discontinuer. Eeri a passé doucement une main sur ma joue. J’ai frémi sous la caresse si rare qu’elle m’offrait et je me suis blottie contre elle. Elle m’a serrée dans ses bras : « Certains sont passés, et certains autres se sont sacrifiés… J’aurais aimé que les choses soient différentes… ». Glorf a déclaré en s’approchant de moi : « Mais on ne peut changer le passé! Il faut que tu ailles de l’avant maintenant. Oublie le passé! ». Eeri a protesté : « Non, on ne peut pas l’oublier, le passé… On est forcé de vivre avec, il faut l’accepter. Le passé peut être une force. Le passé est une force. ». Mais Glorf a déclaré : « J’ai préféré l’oublier! ». Elle lui a répondu : « Tu n’as pas tout oublié… Un homin sans passé est un homin sans futur. ». Mais il n’en démordait pas : « À quoi bon le futur ? je préfère vivre au jour le jour. ». Elle était un peu agacée : « C’est ton choix! Je te l’ai déjà dit, je respecte ton choix, mais… Je me demande comment tu trouveras la force pour avancer. ». Il a montré ses pieds : « Et un peu de shooki! ».

Elle a laissé sa conversation avec Glorf pour s’occuper de moi : « Tu sais, un jour tes cauchemars se transformeront en rêves. Quand tu seras prête à les recevoir comme tels. ». Je l’ai regardée pas très convaincue : « Si déjà ils pouvaient ne plus être là… ». Elle a continué cherchant à me persuader : « Quand tu sauras garder du passé et de ton histoire ce qui fait ta force, ce dont tu viens… Et écarter tout le reste qui finalement n’est pas si… important… Après, je n’ai pas la méthode pour y arriver encore… « . J’ai souri, elle avait sans doute raison.

Je me suis relevée. J’étais épuisée. J’ai commencé à remercier Glorf pour avoir essayer de répondre à mes questions. C’est à ce moment qu’on a entendu un cri au détour du dune : « Shookiiiiiiiiiii!!! ». C’était Icus, il était complètement saoul. De ce qu’on a compris de ces baragouinages, il avait joué à un jeu à boire avec Gunbra à la taverne de Thesos. Eeri m’a chuchoté à l’oreille : « Je crois qu’il a un faible pour Gunbra… ». Icus se mettait à moitié à chouiner : « Eeeri!!!! Icus perduuu. Maison? ». Eeri a soupiré : « J’avais bien besoin de ça… ». Pour ma part, je n’avais qu’une envie aller dormir, la journée avait été trop riche en émotion. J’ai remercié une nouvelle fois Glorf. Il m’a baragouiné quelque chose : « kun fyrk bel dèdèchur Shaakya ! ». Devant mon air ahuri, il a traduit en langage commun : « Que le grand incendiaire te protège! ».

Icus s’est accroché à la jambe d’Eeri : « Aideriiicuuus!!! ». Elle a tenté de dégager sa jambe en me glissant à l’oreille : « Si tu veux, je t’invite pour ce soir, comme ça je raccompagne Icus. ». Je lui ai répondu en plaisantant : « Çà c’est pour que je t’aide à le porter en fait? ». Glorf a eu pitié de nous et nous a aidé à soulever son neveu qui pesait autant qu’un « arma » ou un ploderos. Eeri m’a glissée à l’oreille en grognant : « Je le ramène à sa porte et il se débrouille… ou à la porte de Gunbra… ».

Après avoir réussi, à le porter difficilement jusqu’à chez lui, Glorf nous a quitté. Je l’ai regardé s’éloigner dans la nuit. Je n’étais pas sûre que je le reverrais un jour… Eeri m’a conduit jusqu’à chez elle. Je me suis allongée tout contre elle. J’étais épuisée mais j’ai réussi à la remercier dans un murmure. Elle a souri : « C’est normal… dors maintenant ». J’ai plongé dans le sommeil.

Un dernier adieu à Kyshala

Ce jour là, je m’étais réveillée avec une idée en tête : retrouver l’endroit où Kyshala avait disparue. J’étais seule. Je savais qu’Eeri aurait de toutes façons du mal à supporter de revenir à l’endroit où elle avait perdue son amie. La dernière fois que nous étions passées pas loin, elle avait plutôt fui qu’autre chose. Et Je ne voulais pas mettre en danger Anyume ou Na Djaï’tal avec cette expédition dangereuse.

En fait, je ne me suis pas trop mal débrouillée me déplaçant furtivement entre les kitines et les bandits jusqu’à ce qu’un matis lâche le kipucka qui le poursuivait sur moi. Heureusement, il est revenu peu après pour me soigner mais çà ne m’a pas empêché de grogner.

J’ai finalement retrouvé l’entrée de l’oasis secrète des kamis. J’ai cherché des traces de Kyshala. Mais après plus de dix années, que pouvais je trouver? Il n’y avait rien aucune trace du drame qu’avait vécu des milliers d’homins ici. J’ai cherché longtemps… espérant trouver un objet, un morceau de tissu ayant appartenu à Kyshala. Mais je n’ai rien trouvé. Même si je m’y attendais, le choc a été rude comme si je l’avais définitivement perdue. Après avoir laissé couler mes larmes, J’ai déposé quelques fleurs près de l’entrée de l’oasis comme un dernier adieu à ma cousine.

Je suis repartie de l’endroit en longeant la falaise. C’est là que j’ai croisé quelques légionnaires en plein entrainement. Eeri était là. Elle a eu un regard surpris mais n’a pas fait de commentaires sur mon apparition soudaine dans cet endroit dangereux. Elle s’est approchée de moi pour me déposer un baiser discret dans le cou qui m’a fait frémir. Je n’ai pas osé lui rendre la pareil devant les autres.

Il y avait Gunbra, Icus et un nouveau légionnaire que je n’avais jamais croisé jusqu’alors : Takin. J’ai regardé Gunbra un peu surprise par sa nouvelle coiffure : on aurait dit qu’elle avait des piques sur la tête. Je suppose qu’Icus avait surpris mon regard interloqué alors qu’il couvait Gunbra du regard. Il avait l’air de dire que son homine avait bien plus de charme que moi. Quand à Eeri et moi, nous nous regardions d’un air entendu trouvant que la coiffure de Gunbra n’avait pas beaucoup d’attraits. Ils m’ont pourtant laissée participer à leur chasse aux tyranchas.

A un moment, Icus s’est mis à embrasser Gunbra avec un petit air de défi. Comme si il voulait nous faire comprendre : « Vous avez vu Gunbra est mon homine! ». Je ne savais pas bien pourquoi il faisait çà. Je connaissais depuis longtemps la liaison qui existait entre eux. C’est alors qu’Eeri m’a embrassée devant tous les autres. Je suis restée un instant stupéfaite surprise par ce geste que nous gardions habituellement dans l’intimité pour ne choquer personne. Puis, j’ai souri. J’avais l’impression qu’elle officialisait ainsi notre relation aux yeux des autres avec ce geste d’amante. Le plus étrange, c’est que cela n’a suscité aucune réaction, ni d’approbation ou de rejet. Comme si tout ceci était normal… Gunbra a passé sa main dans la chevelure d’Icus. Alors en réponse j’ai frotté tendrement le crâne d’Eeri. Icus a continué ses petits gestes de défi en essayant de passer sa main dans les espèces de piques qu’étaient devenus les cheveux de Gunbra, ce qui nous a bien fait rire Eeri et moi.

La chasse s’est poursuivie. Au bout de quelques temps Icus a annoncé que Gunbra et lui allait partir : « On va vous laisser là… On a des … trucs à faire. ». Eeri s’est mise à rigoler : « Vous allez fabriquer un tryker? ». J’ai éclaté de rire avec elle. Ils sont finalement parties tous les deux sans nous répondre. Suite à çà, nous n’avions pas très envie de continuer la chasse. Takin a fini par nous laisser lui aussi pour notre plus grand soulagement. Nous étions enfin seules.

Eeri m’a serrée contre elle et m’a embrassée. J’ai répondu au baiser subjuguée, commençant à la caresser sensuellement. A nouveau, elle a goûté mes lèvres semblant oublier où nous étions. Elle a chuchoté : « Est-ce bien le lieu…? ». J’ai soupiré regardant les cutters et les tyranchas autour de nous : « Non pas vraiment… ». Mais plutôt que de s’écarter, elle s’est serrée un peu plus contre moi : « Raison de plus! ». J’ai souri amusée et j’ai pris son visage entre mes mains en goûtant ses lèvres avec délectation. J’ai murmuré m’écartant à peine de sa bouche : « On est vraiment folle… ». Elle m’a serrée encore plus fermement contre elle glissant sa jambe entre mes cuisses. Je lui ai chuchoté en souriant : « Ton toub va être choqué, si on fait des choses devant lui… ». Elle m’a à nouveau embrassé : « Ou ça va lui donner des idées… au pire il se sauvera pour trouver l’âme sœur… ». J’ai éclaté de rire. Mais ma belle était soudain avide de mon corps, elle n’a pas mis longtemps à m’enflammer et m’emporter dans le plaisir. Je suis retombée encore tremblante tandis qu’elle se lovait contre moi pour me protéger d’un timari un peu trop curieux.

Malheureusement, nous n’avions pas attiré qu’un timari. Un cutter s’est invité dans notre corps à corps, voulant lui aussi goûter à la peau d’une fyrette. Eeri a réussi à le mettre en pièce mais il avait eu le temps de me blesser assez sérieusement. Elle m’a pris dans ses bras et m’a serrée contre elle d’un air inquiet : « Tu devrais rentrer à Thesos. ». Mais je n’avais pas très envie de la laisser seule ici. Elle a insisté en déclarant qu’elle me rejoindrait là bas à dos de mektoub. Je savais qu’elle était aussi têtue qu’un mektoub de bât et qu’elle ne partirait pas d’ici tant que je n’aurais pas déchirer un pacte de téléportation. Je lui ai finalement obéi.

Elle n’a pas mis longtemps à me rejoindre et après avoir laissé son mektoub à l’étable, elle a chuchoté : « Je t’invite chez moi ce soir? ». Je ne voulais que çà : passer la nuit entre ses bras… Je lui ai souri : « Oui… si tu veux bien de moi! ». Elle m’a conduit jusqu’à chez elle. A peine passées le seuil de la porte de son appartement, je l’ai soulevée pour la porter jusqu’au lit. Elle m’a susurrée à l’oreille d’un ton légèrement surpris : « Shaakya… Tu as encore de l’énergie!! ». J’ai goûté sa peau en répondant : « Non! ». Puis, je me suis mise à rire doucement en continuant de me délecter de son corps. Elle a vaguement protesté tout en se laissant totalement faire : « Mais je sens l’armure lourde et le mektoub! ». J’ai profité de l’occasion pour la prendre à nouveau dans mes bras et la porter jusqu’à sa douche : « On va prendre une douche alors! ». J’ai fait couler l’eau et je l’ai dénudée. Elle se laissait toujours faire. Je l’ai portée jusque sous l’eau me glissant derrière elle. Elle a ri doucement : « On est mieux là que dans le couloir hein… ». J’ai commencé à la savonner doucement en embrassant sa nuque : « Bien mieux… ». Elle me caressait en même temps tandis que je sentais ses frémissements de plaisir. Le temps s’est suspendu tandis que cette fois, c’est moi qui ait tenté de lui offrir autant de plaisir qu’elle m’en avait offert quelques instants auparavant.

Alors qu’elle était encore frémissante des caresses que je lui avais données, je l’ai attirée doucement hors de la douche pour la sécher délicatement avec une serviette. Je l’ai reprise dans mes bras pour la porter jusque dans le lit. Je me suis allongée contre son dos l’enveloppant de mes bras. Elle a chuchoté : « Shaakya… Où m’as tu emmenée… ». Je lui ai murmuré à l’oreille : « Là où les chauves qui s’aiment finissent toujours… dans un océan de plaisirs et d’amour… ». Elle a eu du mal à articuler : « C’est beau… ». Je lui ai murmuré : « Je t’aime tellement… ». Elle s’est retournée vers moi pour me serrer contre elle. Nous étions en train de nous endormir quand elle m’a demandé d’une voix ensommeillée : « Demain tu m’expliqueras ce que tu faisais dans le couloir? ». J’ai souri en lui caressant tendrement le visage : « Oui mon amour… ». Elle a murmuré en se rendormant : « Je devrais te gronder… ». J’ai souri en m’endormant contre elle.

Le lendemain, alors que je m’apprêtais à grogner de ne pas la trouver près de moi. Ses lèvres m’ont fait taire. Puis, elle m’a demandée en me caressant doucement : « Tu ne m’as pas dit… Ce que tu faisais dans le couloir toute seule… ». J’ai expliqué alors que j’étais partie à la recherche d’un signe de Kyshala. Elle a soupiré : « Shaakya… C’est un endroit très dangereux, tu le sais, mais je ne vais pas te faire la morale… La prochaine fois, sois sûre que tu auras intérêt à te faire accompagner sinon tu vas recevoir un coup de pied aux fesses! ». Elle a montré ses bottes en souriant. Mais, je n’avais pas vraiment envie de rire, l’émotion m’avait soudain submergée. Ma belle chauve m’a serrée contre elle, embrassant mes larmes : « Je passe tellement souvent dans ce couloir, je sais qu’elle n’est pas là… ». Elle a posé sa main sur ma poitrine : « Elle est là, dans ton cœur et dans le mien. Elle ne serait pas contente de te voir prendre tant de risques… La prochaine fois, dépose une fleur à un endroit qu’elle aimait. ». J’ai pensé à son île. Elle a acquiescé : « La fleur sera mieux là bas… ». Nous nous sommes serrées l’une contre l’autre submergée toutes les deux par les souvenirs que nous avions de Kyshala. Le sommeil a fini par nous emporter une nouvelle fois alors que nous étions toujours enlacées.

Akabaho-Ban, la cérémonie du souvenir

J’ai longuement hésité avant de participer à la cérémonie du souvenir des disparus ou l’Akabaho-Ban comme l’appelait les zoraïs. La cérémonie ne semblait être ouverte qu’aux résidents de Jen-Laï qui avait perdu un « éveillé » ou un « initié » zoraï durant le deuxième grand essaim. Je ne connaissais aucun éveillé ni initié et je n’étais pas résidente de Jen-Laï… mais j’avais perdu Kyshala, ma cousine… C’est en me disant qu’elle avait dû permettre à certains éveillés de survivre au grand essaim que je me suis dit qu’elle avait autant le droit que les autres à ce que quelqu’un se souvienne d’elle. Et puis, d’abord qu’est ce que c’était cette restriction réservée aux éveillés et intiés disparus ? Les non-éveillés étaient ils des sous-homins pour les zoraïs? Je trouvais que c’était une drôle de mentalité.

Je suis allée sur place, prête à gronder si on me faisait remarquer que ma présence n’était pas souhaitée. Mais personne ne m’a rien dit. Un grand silence régnait déjà, chacun semblait déjà perdu dans ses souvenirs. J’ai remarqué la présence d’un membre de la sève noire. Il m’a semblé reconnaître celui qui avait agressé Pephosse Aerus lors des élections des akenos de Thesos. Après tout lui aussi devait avoir perdu des proches durant le grand essaim. Je ne trouvais rien à redire à sa présence tant qu’il n’agressait personne et puis l’éveillée Fey-Lin, l’organisatrice de la cérémonie semblait tolérer sa présence. J’ai même entendu quelqu’un chuchoter : « L’Eveillée Fey-Lin Liang tente de ramener cet homin sur la Voie. ».

Le sage Supplice est alors arrivé. Il regardait le ciel semblant attendre quelque chose. Fey-Lin lui a demandé : « Attendons nous quelqu’un d’autre, Tseu-ito ? ». Il a répondu doucement : « Oui… les esprits… ceux des Kamis, ceux de nos souvenirs… ». Puis, il nous a regardé : « J’ai compris… Cette cérémonie requiert que nous nous déchaussions, même les non zoraï. ». Pour ma part, par habitude, j’étais déjà pieds nus malgré la neige. Mais, j’ai vu certains homins commençaient à frissonner. Le sage Supplice qui avait disparu, est réapparu avec des fioles qu’il a tendu à Fey-Lin : « Boissons pour l’intérieur et potions pour masser les pieds ». Les fioles ont été distribuées aux plus frileux.

Puis nous nous sommes rendus à pied jusqu’à l’autel construit pour l’occasion en suivant Fey-Lin : « Comme les réfugiés du Second essaim, nous quittons notre cité… ». Nous sommes arrivés devant une magnifique statue brillante d’homin. Les izams rouges l’entouraient. Nous nous sommes repartis tout autour.

Fey-Lin a expliqué comment la cérémonie allait se dérouler : « Je vais à présent réciter des prières, Laï-Poko vous en donnera la traduction. ». Le sage Supplice était resté en retrait semblant méditer. Fey-Lin a alors entamé la prière en taki :
« Kami, talaozu’o kai-ho, (Kami, protecteur de la jungle,)
Kami, liu’o fuuho’o kya-ho, (Kami, guide de notre peuple,)
Kyo wang liu’o mayu-zi akaba : (Le vide est entré en nos cœurs : )
Boo, aka kitin’i (Peur, à cause des kitins)
Déna oko aribini’i, akaba ké (Tristesse pour les amis qui ne sont plus)
Kai’bini, wang-sek liu. (S’il te plaît, viens à nous)
Nékyo liu’o mayu-zi o an y hai. (Emplis notre cœur de paix et d’harmonie.)
Ochi kami no. (Telle soit la volonté des Kami.) »
.

Certains ont répété « Ochi kami no. ». D’autres sont restés silencieux respectueusement ou trop ému comme moi pour dire quoique ce soit. Mindae, l’amazone Jenaïste a prononcé doucement : « Ochi kami & Jena ». Un kami est apparu juste à côté de la statue. Et Fey-Lin a repris : « Il est temps à présent de prier pour nos disparus :
Liu aribini’i akaba, (Vous étiez amis,)
Liu hozu’i akaba, (Vous étiez parents,)
Liu akaba ké. (Vous n’êtes plus à présent.)
Liu’o qi-zi wang o Ma’Qi-Zi, (Votre sève a rejoint la Sève,)
Liu’o shi wang o Ma-Duk, (Votre énergie vitale a rejoint Ma-Duk,)
Ma-Duk wang o Ma’Tal akaba. (Ma-Duk qui s’est fondu en Atys.)
Niu hiro-gan Ma-duk, niu hiro-gan liu no. (Nous vous honorons comme nous honorons Ma-Duk.)
Niu zo’kai Ma’Tal, niu zo’kai liu ayumé no. (Nous vous protégerons en protégeant Atys.)
Liu’o zhongyum hya o niu, (Votre souvenir est avec nous,)
Kéwangé niu wang o liu ayumé. (Jusqu’à ce que nous vous rejoignions.)
Ochi Kami no. (Telle soit la volonté des Kami.) »
.

Certains se sont mis à pleurer. J’étais de ceux-là… Je me souvenais de Kyshala, de son courage, de sa gentillesse… Pourquoi était elle tombée? Fey-Lin, elle aussi semblait prise par l’émotion. Elle inspirait profondément. Puis, elle a repris : « A présent évoquons le souvenir des disparus de Jen-Laï. Un à un, vous pourrez venir, et prononcer un hommage si vous le souhaitez. ». Une homine que je ne connaissais pas s’est approchée. Elle était de toute évidence Jénaïste d’après la prière qu’elle a prononcé :
« Jena Laï’o Mi (Jena, mère de la Lumière)
Waki, niu’o hozu’i (Nos proches sont éloignés)
Kami Gan-sek niu (Kami ressent nous !)

Jena Hai’o Mi (Jena, mère de l’Harmonie)
Jula’i taki roku (Les larmes chantent)
Kami Liang-sek niu (Kami écoute nous !)

Ô Ma’Tal’o Mi (Ô mère de l’Ecorce)
Niu li’sen réh’kéan (Nous méditons en cet hivers)
Kami Kai-sek niu (Kami regarde nous !) »

J’ai appris par la suite qu’elle se nommait Paolen. Elle a déposé alors un livre sur l’autel puis a laissé sa place. Des perles de lumières s’élevaient vers le ciel. Le matis Riditch a pris la parole : « Deles silam Homins. Je ne vais pas faire de prière… que ce soit à Jena ou aux Kamis. Juste évoquer le souvenirs d’homins qui ont disparus trop tôt. Ici, dans la jungle, j’ai également connus des homins qui m’ont été très chers… L’Éveillée Ki’atal et sa famille… L’éveillé Kaikyo… un homin plein de bon sens et de sagesse. Kiriga…. complètement perdu par sa folie… Tant d’autres Zorais que j’ai pu connaitre et qui ont disparus sous les hordes de Kitins. Mais je souhaiterai aussi aborder le souvenir des membres de la Maison Aquilon qui ont donné leur vie pour sauver celles des autres. Celle du Sharukos… aussi étonnant que cela puisse paraître… il était un homin d’honneur. Ce fut un honneur de combattre à ses cotés… Mais aussi… celle de mon Karan… rappelé trop tôt auprès de la déesse… Sans oublier la légende vivante qu’était Radamanthe… J’en oublie encore plein d’autres et qui sont loin d’avoir démérité… puissions nous nous souvenirs d’eux… Homins Aiye ! ». L’écho semblait répéter à l’infini: « Ki’atal… Kaikyo…Kiriga… sharükos…Karan… Radamanthe… ». Fey-Lin s’est serrée les mains à l’évocation de Kaikyo. Quand au maraudeur de la sève noire, il avait sursauté en entendant le nom de Kiriga. Riditch a laissé sa place.

Une zoraï Denayko, s’est avancé en tremblant et pleurant, et a posé un bouquet au pied de l’autel : « Je prie pour le repos de ceux qui n’ont pas pu partir à temps, et surtout pour mes parents, qui sont restés à Jen-Laï… ». L’émotion lui a coupé la voix et elle est retournée parmi nous. J’entendais certains homins éclater en sanglots, d’autres marmoner quelques paroles comme à eux mêmes. Et je dois dire que je tentais de calmer mon émotion en prenant de grandes inspirations. Le Kami a murmuré quelque chose qui semblait nous toucher directement le cœur : « Avec Kamis, toujours… ».

Puis Fey-Lin s’est avancée : « Taunwe, Ki’atal Lae Lia… Vous n’avez pas pu partir à temps, nul ne sait réellement ce qu’il est advenu de vous. Paï je crois qu’avec votre fille adoptive, Be’Tsy, vous êtes parties toutes trois en homines libres. ». L’écho répétait inlassablement : « Ki’atal… Kaikyo… Kiriga… sharükos… Karan… Radamanthe… parents… Taunwe… Be’Tsy… ». Fey-Lin a essuyé quelques larmes avant de continuer : « Kaikyo, mayumé… Pendant longtemps, j’ai pleuré sans comprendre… Aujourd’hui, quand je repense au dernier sourire que tu m’as adressé, j’ai foi… Un jour nous serons réunis. ». Elle s’est alors retourné et à rejoint les rangs. Une douce chaleur a semblé nous envelopper, atténuant nos douleurs.

C’est alors que j’ai aperçu Zo’ro Argh. Il était presque entièrement caché derrière la butte en contre bas. Je lui ai souri un peu tristement. Il m’a répondu d’un signe de tête un peu attristé. Puis, l’amazone Mindae s’est avancée presque hésitante :
« J’ai entendu des voix
celles de guerriers et de guerrières
qui ont combattu pour qu’un jour l’écorce refleurisse.

J’ai entendu des voix,
Celles de ceux qui ne croyaient plus en un monde nouveaux
qui ont préféré être emportées par l’essaim.

J’ai entendu des voix,
Celles de survivants qui n’ont pu supporter de voir ce qu’on était devenus.

Et puis il y a cette voix, qui me parle… maintenant
cette voix qui me dit de rêver… »
.

Mindae s’est retiré en silence pendant que l’écho répétait : « rêver… rêver… rêver… ». Le kami a ajouté semblant parler une nouvelle fois à notre cœur : « Avec Kamis ils sont… toujours… ». L’écho a semblé ajouter : « Avec vous ils sont… toujours… avec vous… toujours… Ki’atal… Kaikyo… Kiriga… sharükos… Karan… Radamanthe… parents… Taunwe… Be’Tsy… guerriers… ». Je n’ai pas osé prendre la parole pour parler de Kyshala mais Mindae avait tout dit : « J’ai entendu des voix celles de guerriers et de guerrières qui ont combattu pour qu’un jour l’écorce refleurisse. ». Ses paroles résonnaient en moi comme un hommage à Kyshala.

Le sage Supplice a ramassé un peu du sol à ses pieds. Il a porté la motte mouillée par le neige fondue devant son masque. Je l’ai vu sourire quand une lumière a semblé s’en échapper : « Kamis… toujours. ». A nouveau, une douce chaleur nous a enveloppé, caressant nos joues et séchant nos larmes. Fey-Lin s’est avancée, et s’est tournée solennellement vers nous : « Nous qui sommes survivants, il est temps de regagner notre Cité avec le Souvenir de nos Disparus. ». Elle a fermé un instant les yeux puis s’est mise en marche. Nous avons commencé à la suivre.

Je suis restée un peu en arrière quand j’ai vu le maraudeur interpeller Riditch : « J’ai besoin de te parler, matis. Tu as prononcer le nom de « Kiriga », tout à l’heure. Que sais-tu de lui, mais surtout, que sais-tu de sa mort, si il est réellement mort ? ». Riditch a paru surpris : « Je suis surpris que le souvenir des vôtres vous importe… mais oui… j’ai bien prononcé le nom de Kiriga… et j’aurai pu aussi l’appeler Kiyume. Il fut… pour ainsi dire… mon meilleur ennemi… Et par là même, je lui devais bien un hommage. ». Le maraudeur s’est répété : « Que sais-tu de sa mort ? ». Il ne semblait pas agressif alors je les ai laissé parler ne voulant pas me mêler de leur conversation privée.

J’ai suivi les autres. J’ai fait un petit signe à Gunbra quand je l’ai reconnue parmi nous. Elle m’a regardé en souriant : « Tiens! Tu as trouvé une nouvelle famille? ». J’étais en train de penser à Kyshala et à sa disparition à l’entrée de l’oasis secrète des kamis. Je n’ai pas compris ce qu’elle me disait : « Famille? ». Parlait-elle de Kyshala? Elle a montré mon insigne : « Les hoodo… ». J’ai enfin compris et j’ai souri en acquiesçant.

Nous sommes arrivés à Jen-Laï et Fey-Lin a repris la parole : « Il est temps de fêter le Retour, car il ne fut possible que grâce à la bravoure de ceux qui ont laissé leur vie. Nous devons aux disparus de vivre pleinement. ». Ils avaient préparé un petit spectacle théâtral. Alors qu’il se mettait en place, j’ai murmuré à Mindae : « akep pour votre hommage. C’était très beau… ». Elle a répondu doucement : « Fila, mais c’est surtout à eux que je pense. ». J’ai acquiescé d’un signe de tête. Zo’ro Argh s’est alors approché de moi : « J’étais venu pour apporter mon soutien à tous mes amis… mais je dois partir. Tu salueras Fey-Lin de ma part? ». J’ai acquiescé et il s’est éloigné.

Le spectacle a commencé. C’était à la fois amusant et émouvant : amusant de voir Mindae et Kiwalie mimer un kipesta et un kirosta et émouvant de voir reconstituer le deuxième grand essaim et l’exode. Fey-Lin racontait : « La vie suivait son cours dans les cités de l’Intuition. Mais l’inquiétude gagna : des kitins s’agitaient jusqu’aux portes des Cités. Les autorités rassurèrent les habitants, et les regroupèrent dans la capitale. Les kitins se massaient, toujours plus nombreux. Les homins prirent alors le chemin de Pyr, abandonnant leurs cités. Mais les kitins n’étaient pas venus pour de l’écorce ou de l’ambre, ils partirent à la poursuite des homins. A Pyr, un plan de fuite allait être appliqué, les homins iraient rejoindre une oasis secrète des Kamis, d’où ils partiraient à l’abri. Les kitins tendirent de nombreuses embuscades sur le chemin. Tous ceux qui maniaient les armes ou la magie défendirent les réfugiés. Les Kipestas crachèrent le feu, les Kirostas aspergèrent leur venin. Nombreux périrent ce jour là, mais leur sacrifice permit à leurs proches de survivre. ». Le spectacle s’est terminé par ces mots : « A présent, il nous appartient à nous, survivants, de toujours honorer le courage de ceux à qui nous devons la vie. Ochi Kami no. ». L’émotion m’avait prise à la gorge en pensant au sacrifice de Kyshala et mes larmes avaient coulés silencieusement. Nous avons tous applaudi.

Puis Fey-Lin a déclaré : « Il est temps d’alléger nos cœurs. Si vous le souhaitez, nous pouvons nous rendre au bar, plutôt que rester ici. ». Elle a regardé Mindae et Kiwalie en souriant : « Par contre, je ne suis pas sûre que les kitins soient acceptés. ». Mais les deux homines ont continué à mimer les kitins pour notre plus grand amusement. Au bar, je ne savais pas bien quoi prendre. J’étais assez méfiante des boissons zoraïs. Je m’attendais à être obligée de l’eau chaude aromatisée à de drôles d’herbes comme ce qu’avait tenté de me faire boire Na Djaï’tal. Mais Fey-Lin a expliqué : « Hiai-Kang a toutes les spécialités locales à disposition : thé, slaveni-ka (alcool de slaveni), jus de cratcha, bamboo-ka (liqueur de bamboo). Et pour celles et ceux qui souhaitent essayer de nouvelles choses, du Pe’Psy-coka, ou du LSD… ». J’ai demandé en chuchotant à Gunbra : « Y a quoi comme alcool buvable ici? ». Elle a haussé les épaules : « Bah je n’y connais rien à ces spécialités exotiques ». Mindae qui nous avait entendu m’a suggéré : « Du thé aux champignons ». Je n’étais pas vraiment emballée à l’idée de boire du thé alors j’ai opté pour le bamboo-ka parce que je trouvais le nom rigolo. Gunbra a pris la même chose que moi et a bu son verre d’un trait : « Pfiouu au moins sa débouche! ». La boisson n’était pas trop mauvaise au final.

Fey-Lin a reconnu l’écusson des Hoodo sur moi : « Oh, mais c’est l’arbre de Hoodo que je vois sur tes vêtements? ». Je lui ai expliqué en souriant fièrement : « Oui! La guilde Hoodo vient de renaître. ». Elle a hoché la tête : « Lao’lor ! C’est une chose difficile en ces temps troublés. Paï toute naissance est une bonne nouvelle. ». Nous n’avons pas pu poursuivre la conversation. Kiwalie et Mindae qui mimaient toujours le kirosta et le kipesta, l’avaient mordue aux mollets, provoquant l’hilarité de tous les présents. Puis, Kiwalie a alors semblé s’intéresser à moi. J’ai appelé Gunbra à l’aide : « Gunbra!!!! y a un kirosta qui veut me manger!!! ». Elle a sorti aussitôt sa grosse retch menaçante. Mais, j’ai quand même été mordu au mollet. Et finallement, c’est Gunbra qui s’est fait croquer les bras. Nous avons beaucoup ri.

Ensuite, j’ai beaucoup moins suivi la soirée sans doute prise par l’ivresse du Bamboo-ka. Je me souviens de la course poursuite de Gunbra derrière Osquallo et je crois que j’ai tenté de l’aider mais je ne sais plus pourquoi. Je me souviens de la danse de Fey-lin qui m’avait surprise, pensant que les éveillées étaient tous des homins très sérieux. Tous le monde ensuite s’est dispersé.

J’ai hésité à me saouler jusqu’à tomber comme les fyros savent si bien faire mais j’ai pensé à Anyume… Elle n’aurait pas apprécié que je me laisser aller ainsi à l’ivresse. Pourtant, l’alcool avait parfois l’avantage de faire oublier un instant les douleurs de l’âme. Un frisson m’a parcourue. J’aurais bien été me blottir dans les bras d’Eeri ou de Na Djaï’tal ce soir… mais ils étaient tous deux très occupés. J’ai soupiré : quitte à être seule ce soir, autant que j’aille dans un lieu que j’aimais et qu’avait aimé Kyshala. Je suis allée sur son île.

J’ai commencé à relire certains passages de son journal, souriant par moment, prenant un air plus grave à d’autres. La dernière page, celle qu’elle avait écrite aux portes de l’oasis secrète des kamis, m’avait arraché des larmes comme à chaque fois…

Mais, je ne voulais plus pleurer, j’avait assez versé de larmes pour aujourd’hui. J’ai cherché le luciogramme où Kyshala portait la dernière armure que lui avait offerte Morandy. Elle semblait si fière et si belle sur son mektoub Ganesh.

Je me suis endormie en regardant le luciogramme, la dernière image que j’avais de ma cousine légionnaire Kyshala.

Effondrement

Cela faisait des jours que je n’avais vu ni Na Djaï’tal, ni Eeri… Enfin, pas tout à fait, j’avais croisé un bref instant Eeri un matin : elle avait eu le temps de voir mon écusson des Hoodo et elle m’avait offert une magnifique armure moyenne bleue et rouge zoraï. Ça m’avait énormément touchée. L’armure ressemblait à celle qu’elle m’avait offerte il y a longtemps mais que j’avais perdue dans la kitinière. Mais çà avait été tellement court, j’avais à peine pu la remercier. Elle était déjà repartie…

J’avais énormément de mal aussi à croiser Xenargos et les débuts de la guilde Hoodo étaient vraiment hésitants. La mission que m’avait confié Xenargos d’intégrer Dyren semblait vouée à l’échec. Le fyros n’avait pas répondu à mon message. Et comme, je n’avais pas vu revenir l’izam chargé de son transport, je me doutais qu’il ne l’avait pas trouvé… Je me sentais découragée.

Et puis la cérémonie du souvenir, avait tellement fait remonter le manque provoqué par l’absence de Kyshala… Cela me faisait repenser à tous ces abandons que j’avais déjà vécus : la mort de mes parents, la mort de ceux qui avaient tenté de les remplacer, mon oncle et ma tante, la disparition de Kyshala, la mort de mes amis des rues Elia, Elias, Kyro et Noedjal, le départ d’Anyume

C’est dans cet état d’esprit douloureux que j’ai croisé Eeri à son appartement. Elle s’apprêtait à sortir. Je lui ai parlé de la rencontre amusante que je venais d’avoir avec Gunbra. Elle m’avait vu avec la nouvelle armure que m’avait offerte Eeri et elle avait commenté : « Mmmh ta mise est très… eeriesque! ».. J’ai souri en confirmant qu’il s’agissait d’un cadeau de ma belle chauve mais je lui ai demandé comment elle avait deviné. Elle a semblé hésité et devant mon insistance a fini par dire : « Mmh le côté… non… Bah, des habits pour aller faire le tapin dans les bars du désert quoi… ». J’avais secoué la tête. Alors, elle s’est reprise : « Mais ça ne rend pas pareil sur toi… c’est plus élégant! ». Je l’ai remerciée ne sachant pas bien si je devais prendre çà pour un compliment ou non. Puis, nous avons parlé bottes et elle a fini par se mettre pieds nus comme moi. Je lui ai lancé : « Il ne reste plus qu’à te raser le crâne pour être la mode complète Shaakya! ». Elle n’avait pas eu l’air convaincu : « Euuuh… Nan ça jamais! La eeriakya attitude très peu pour moi! ». Je riais en racontant tout çà à Eeri. Elle a souri : « Elle n’est pas prête de se tondre. ».

Et alors que je m’apprêtais à profiter enfin un peu d’elle. Elle m’a annoncé tout de suite qu’elle allait rejoindre Gunbra pour chasser aux mines de sciures. De toutes évidences, elle ne m’avait pas inclue dans son projet. J’ai demandé un peu amèrement : « Je suppose que tu n’as pas besoin de ta chauve dans les pattes ? ». Elle n’a pas compris mon amertume ou n’a pas voulu l’entendre : « Ben, on va courir dans tous les sens en se disant nos missions et en tapant sur ce qu’il faut… ». J’ai pris mes affaires puis je me suis dirigée vers la porte en grognant : « D’accord… j’ai compris… ». Elle a paru surprise : « Comment ça? ». J’ai haussé les épaules : « Bein tu préfères courir avec Gunbra… ». Elle a déclaré : « Oui… pour ensuite pouvoir te préparer de la bonne viande… ». Elle n’était absolument pas convaincante… Je suis sortie de chez elle sans prononcer une parole… j’étais de toutes façons incapable de dire quoique ce soit, j’avais la gorge nouée.

Je me suis téléportée à Fairhaven et j’ai nagé jusqu’à l’île de Kyshala. Je me suis à mise à sangloter comme une enfant. J’avais l’impression que quelque chose s’était effondré. Eeri, mon pilier depuis tant d’années me faisait soudain défaut alors que j’avais tellement besoin d’elle. Allait-elle m’abandonner elle aussi? L’angoisse m’étreignait… je tremblais…

J’avais ce souvenir de Kyshala qui me traversait soudain l’esprit. Cette fois où pour la première et dernière fois, elle m’avait lancée : « Arrête de me coller tout le temps!!! Va-t-en!!! ». J’étais encore une enfant et elle venait de se séparer de son zoraï qui avait perdu l’esprit… Elle pleurait et j’avais voulu avec ma maladresse d’enfant la consoler… mais… ses paroles m’avaient glacée… J’étais partie en courant loin… j’avais fugué… Elle ne m’avait retrouvée que quelques jours plus tard, complètement perdue, amorphe. Je me souviens de ses bras qui m’avaient serrée, de ses pleurs, de ses excuses…

J’avais l’impression d’avoir vécu la même chose aujourd’hui avec Eeri. Mes pleurs n’ont cessé qu’avec mon épuisement. Je suis tombée dans un sommeil engourdissant sans rêve.

Deux vœux exaucés

Le lendemain Jalindra n’est pas partie pour son voyage. Un petit contre-temps dont elle n’a pas voulu me parler l’en a empêché. Du coup, elle est venue avec moi à la réunion de la N’ASA. La pauvre, comme toutes les réunions, celle-ci était assez ennuyeuse. Je la voyais piquer du nez. Je lui ai proposé plusieurs fois d’aller se coucher et que je la rejoindrai sur l’île de Kyshala mais elle refusait de me laisser seule, elle voulais m’entendre parler. Je devais faire part des mon enquête sur les termitières. Mais la réunion durait pendant des heures et Jalindra a fini par poser sa tête sur mon épaule. Je la retenais contre moi appréciant son contact. La réunion s’est terminée sans que j’ai à prendre la parole.

Nous nous sommes allongées sous mon écorce sur l’île de Kyshala. Elle s’est blottie contre moi. Elle m’a remerciée de lui avoir fait rencontré Na Djaï’tal : « Je voulais te remercier de m’avoir présenté ton ami hier. Il a l’air très doux et assez exceptionnel. Vous semblez très liés tous les trois avec Anyume. Ça me touche d’autant plus que tu me l’ais présenté. ». Je lui ai embrassé la joue tendrement. Elle m’a parlé ensuite de son voyage en me rappelant de ne pas m’inquiéter. J’ai dit en plaisantant que j’irais me saouler dans une taverne en attendant son retour mais çà l’a inquiété : « Fais juste attention, dans les tavernes, y’a pas toujours du beau monde! ». Je lui ai rappelé que j’avais été légionnaire et que les tavernes je connaissais. Je lui ai caressé tendrement le dos : « Mais je ferais attention… promis. C’est moi qui vais m’inquiéter pour toi… ». Elle a souri : « Mais non, il n’y a aucune raison… je fais juste le tour d’Atys et je reviens! ». Je pensais à Anyume et Eeri qui étaient partie et ne donnaient plus aucune nouvelle, ni l’une ni l’autre : « Non… aucune raison… ». J’ai soupiré. Elle avait vu mon changement d’humeur : « Je ne suis pas Ayume ou Eeri… si un jour je parts très loin, je t’emmènerais! Les souffrances ne sont pas vouées à recommencer éternellement! Je suis incapable de laisser des gens derrière moi.. je suis toujours la dernière à partir. ». Je l’ai regardée troublée par sa déclaration. J’ai pris sa main et je l’ai portée à mes lèvres : « Merci… ». Mais, j’ai eu peur que mon geste tendre provoque sa désapprobation alors je me suis blottie dans son cou pour ne pas voir son regard. Elle m’a dit doucement : « Ne te cache pas… Si un jour tu as un geste maladroit, je t’en parlerais… mais je ne te jugerais jamais. ». Je me suis redressée pour la regarder. Elle m’a souri : « Allez il est temps de dormir ma belle! ». Je lui ai murmuré : « Que ta nuit soit peuplée de doux rêves et que l’écorce soit douce sous tes pas lors de ton voyage! ». Elle m’a pris dans ses bras en me berçant doucement. Je me suis endormie très vite contre elle.

Le lendemain, elle était partie. Comme elle me l’avais promis, elle m’a envoyé un izam : « Coucou ma belle, Juste pour te dire que je me mets en route, je n’ai pas voulu te réveiller. Tu trouveras tes pactes sous un caillou sous la 2ième racine. Essaye de me pas t’enfuir la nuit prochaine! Fais attention à toi. Je reviens vite. Jali. ».

Quelques jours plus tard, elle était de retour. J’étais à ce moment là en pleine discussion avec Kaaon et Zo’ro Argh sur la possibilité pour les Hoodos de devenir ou plutôt redevenir Talalochi d’Avendale. A peine arrivée, elle m’a serrée dans ses bras provoquant un emballement de mon cœur. Je lui ai rendu son étreinte troublée devant cette démonstration d’affection en public. Elle semblait enjouée et disait avoir une surprise pour moi mais elle ne voulait rien dire devant les deux homins. Nous avons donc trouvé une excuse pour nous éclipser et nous retrouver sur l’île de Kyshala.

Nous nous sommes installées sur la butte. Il y avait un magnifique coucher de soleil : « C’est beau… ces couleurs… çà mérite qu’on boive un verre pour fêter çà! « . J’ai sorti une bouteille de bière de shooki que je gardais toujours au frais dans l’eau des lacs et j’ai commencé à nous servir : « Bière de Shooki! Ça te dit? ». Elle avait toujours son magnifique sourire : « Oui parfait! Y’a beaucoup à fêter ce soir! ». Je l’ai regardé amusée de la voir si enjouée : « Ha bon? Il faut que je ramène d’autres bouteilles? ». Elle souriait toujours semblant ronger son frein : « Pour l’instant ça ira… une à la fois! ». J’ai bu doucement mon verre sans cesser de la regarder, ne pouvant pas m’empêcher de la trouver magnifique : « Alors? Qu’est ce qui rend si lumineuse ma belle brune? ».

Elle a posé son verre et m’a serrée contre elle en regardant le ciel : « Tu te souviens quand on a fait un vœu? ». Je l’ai regardée me souvenant de ce moment où nous regardions les étoiles filantes main dans la main : « Oui… moi aussi j’en ai fait un ce soir là… ». Je voulais que ma jolie brune retrouve l’amour. Elle me souriait : « Peut-être était-ce le même… En tout cas… le mien s’est réalisé! ». Je suis restée un instant perplexe : avait elle vraiment trouvé l’amour durant son voyage ? ou peut-être que Na Djaï’tal et elle s’étaient retrouvés? C’est alors que j’ai vu une larme d’émotion couler le long de sa joue alors qu’elle arborait un magnifique sourire. J’ai essuyé tendrement la larme avec un doigt caressant : « Hééééé… ». Elle a fouillé dans son sac : « Mais il n’était pas pour moi ce vœu… j’ai quelque chose pour toi… c’est un lucio pris hier sur Silan… ». Elle m’a tendu le luciogramme. Je l’ai regardé sans comprendre où elle voulait en venir.

Et puis j’ai compris… la surprise m’a fait sursauter. Au milieu du luciogramme, on voyait Kyshala… J’ai secoué la tête : « Mais… c’est impossible… Eeri m’a dit qu’elle était morte… ». Sa voix était douce comme pour tenter d’apaiser le tourbillon d’émotions dans lequel j’étais plongée : « Elle l’a surement cru aussi… Je suis partie pour mettre des avis de recherche partout sur l’écorce, je ne voulais pas t’en parler car je n’y croyais pas vraiment… Ta cousine est pas mal secouée… mais elle est vivante. ». Je n’osais pas y croire, je me disais que peut-être quelqu’un avait trouvé un vieux luciogramme juste pour avoir une récompense : « Tu es sûre que le lucio a été pris hier? ». Elle semblait si sûre d’elle, je suppose qu’elle avait déjà fait toutes les vérifications pour ne pas me donner de faux espoirs : « Oui, c’est une réfugiée de Silan qui me l’a envoyé. ».

Et puis, le torrent d’émotions m’a emportée, j’ai suffoqué avant d’éclater en sanglots. Elle m’a pris dans ses bras, me berçant doucement prononçant des mots apaisants tandis que je me blottissais contre elle : « Ça va aller… laisse tes émotions sortir tu en as besoin… ». J’essayais de m’arrêter mais mes pleurs ne cessaient de reprendre de plus belle. Elle essuyait mes larmes en me serrant contre elle. J’ai fini par dire d’une voix saccadée par les sanglots : « Mais… comment? Et pourquoi elle ne m’a pas dit qu’elle était vivante? ». Elle m’a expliquée d’une voix douce : « Elle est en état de choc.. elle ne se souvient pas vraiment… Apparemment sa graine de vie a été perdue. Elle est revenu il n’y a que quelques jours… ». Je ne comprenais pas : « Perdue? Quelques jours? Mais çà fait presque dix ans… « . Elle continuait de m’expliquer : « Je pense que cela mettra encore du temps avant d’avoir toutes les réponses… Elle se rappelle de toi.. quand tu avais une dizaine d’années… ». J’écarquillais les yeux tandis que des larmes silencieuses continuaient de couler le long de mes joues : « Elle a perdu la mémoire? ». Elle a haussé les épaules : « Oui, je pense surtout qu’elle a peur de se souvenir… de l’exode… Mais, Steena et Moharii, ceux qui l’ont trouvée veillent sur elle. Elle s’est rappelé d’un homin… des kittins… ». Je l’ai regardée surprise : « Un homin? Qui ? ». Elle a recherché dans ses messages : « Je ne suis plus sûre du nom… Morandy? ». A nouveau, j’ai écarquillé les yeux : « Oui… C’est çà… Alors c’est vraiment elle… ». Personne n’aurait pu inventer ce nom sans connaître la vie intime de ma cousine. C’était elle, le doute n’était plus permis. Je me suis remise à pleurer.

Elle m’a serrée très fort contre elle : « Comme quoi l’espoir… ce n’est pas toujours mauvais… ». Elle s’est mise à rire doucement : « Je suis désolée, je ne voulais pas te faire pleurer! ». Je riais et je pleurais en même temps. Elle a déposé un baiser sur mon front. J’ai embrassé sa joue puis l’autre, puis son front très délicatement puis je l’ai serrée contre moi. Elle a demandé : « C’était ton vœu? ». J’ai caressé tendrement sa joue : « Non… mon vœu te concerne toi ma belle… et j’espère qu’il se réalisera parce que tu le mérites. ». Elle a souri : « Pour l’instant, j’ai tout ce que je souhaite… ». J’ai demandé doucement : « Vraiment tout? ». Elle m’a regardée : « Oh.. y’en à toujours à rajouter! mais là, je suis heureuse d’avoir pu te rendre heureuse. Je n’aurais jamais espéré pouvoir t’apporter une telle nouvelle. ».

Je suis restée un instant dans mes pensées… Tout se bousculait dans ma tête : je devais aller voir Kyshala mais est ce qu’elle me reconnaîtrait? Elle avait quitté une petite fille presque adolescente et depuis j’étais devenue adulte. Est ce qu’elle m’aimerait toujours? Cette dernière interrogation a fait rire Jalindra : « Comme si elle pouvait ne pas t’aimer! tu es trop attachante pour ça! Tu sais, je ne fais pas ce genre de voyage fou pour tout le monde ! ». Je l’ai regardée surprise et troublée par ses paroles : « Pourquoi l’as tu fait pour moi ma belle brune? pourquoi as tu pris ce risque? ». Je plongeais mes yeux dans les siens : est ce qu’elle ressentait autre chose que de l’amitié pour moi ? Elle a répondu simplement : « Parce qu’il y avait un infime espoir que ça marche et que ce qui te rend heureuse me rend heureuse! ». Puis, elle s’est mise à rire : « Et le risque majeur était d’attraper des ampoules! ». J’avais l’impression qu’elle ne me disait pas tout mais j’ai préféré plaisanter avec elle : « Je sens que je vais devoir te masser les pieds du coup ? ». Elle a ri : « Je te passerais ma crème! ».

J’étais à nouveau prise par l’émotion et je me suis blottie contre elle comme une enfant. Elle m’a enlacée : « Je suis juste désolée qu’Eeri ne soit pas avec toi pour ce moment. ». J’étais perturbée : elle soufflait à la fois le chaud et le froid. Elle avait des gestes et des paroles bien plus tendres que ceux que pourraient avoir une simple amie, puis l’instant d’après elle me rappelait que j’avais déjà une amante. Nous avons donc parler d’Eeri et sur la façon de la prévenir de la découverte de Kyshala. A vrai dire, je ne savais pas vraiment comment lui dire : lui écrire un izam me paraissait trop impersonnel mais en même temps elle était loin et sans doute pas près de revenir.

J’ai secoué la tête : « On se connait depuis tellement peu… Et déjà, tu apaises une de mes plus grande douleur. ». Elle a souri : « Y’a une fyrette qui m’a dit un jour.. quand on se comprend, c’est tout de suite ou jamais! ». C’était moi qui lui avait dit ces paroles. Elle a ajouté : « Et puis, je n’y suis pas vraiment pour grand chose… on a eu énormément de chance… ». Je lui ai pris la main et je l’ai serré doucement : « Elle doit être bien cette fyrette, tu me la présenteras? ». Elle a continué amusée : « C’est la meilleure! ». J’ai souri : « Impossible… Tu parles d’Eeri alors? ou de toi ? ». Elle a pris mon visage entre ses mains : « Tu sais que tu as le droit d’être aimée et respectée autant que les autres, hein? ». Je plongeais mes yeux dans les siens, troublée : « Toi aussi… ». Elle a souri : « Je n’ai pas été déçue par des personnes moi… ». Je cherchais à comprendre ce qu’elle me disait : « Tu parles d’Anyume et d’Eeri ? Tu crois qu’elles m’ont déçue? ». Elle a secoué la tête : « Je ne sais pas… mais tu te sous-estimes je trouve. Tu as peur de ne pas être aimée… ». J’ai acquiescé : « Oui… c’est vrai… et surtout… d’être abandonnée… ». Elle m’a serrée dans ses bras : « Je pense qu’on a déjà du te le dire, mais je ne sais pas comment le dire autrement… Je serais là! ». Je me laissais aller dans ses bras réconfortants : « Tu es là… On ne s’est pratiquement pas quitter depuis qu’on se connait… Et à chaque fois tu me préviens de tes absences. Tu ne peux pas savoir à quel point c’est rassurant… rassurant pour moi, la petite Shaa aux pieds nus. ». Elle a dit doucement : « Je ne veux pas te faire de mal. Et puis, tu me manques quand tu n’es pas là! Tu sais je ne suis pas si altruiste… Si je suis là, c’est que ça me fait du bien! ».. J’ai murmuré : « Toi aussi… tu me manques… et moi j’aimerai tellement te rendre ce que tu me donnes chaque jour… et ce que tu m’as offert aujourd’hui… ». Elle a chuchoté : « Tu m’apportes beaucoup aussi… ».

J’ai caressé tendrement son dos avec un petit air taquin : « Alors comme çà je te manque quand je ne suis pas là ? ». Elle a haussé les épaules : « Bah oui… tu en doutais? Ma carapace est si épaisse? ». J’ai fait mine de regarder son dos : « T’as pas de carapace! ». Elle a ri : « Beta! ». J’ai ri avec elle. Puis, elle a repris plus sérieusement : « Je sais que je ne suis pas énormément démonstrative… ». J’ai poursuivi sa phrase : « Et moi… sans doute trop parfois… ». Elle a secoué la tête en souriant : « Je ne trouve pas. Ça rajoute à ton charme. ». J’ai eu un petit air taquin : « Mon charme? ». Elle a souri amusée : « Oui, tu sais, avec le côté attachante! ». Je me souvenais des paroles qu’avait eu une fois à mon propos mon grand bleu : « Na Djaï’tal m’a dit une fois que j’étais charmeuse mais que je ne m’en rendais pas compte… enfin je suis charmante avec certaines personnes… et je peux être une peste avec d’autre… ». Elle a approuvé : « Ha mais charmante ne veut pas dire naïve! Tu es spontanée je dirais moi. Et moi aussi je peux être dure comme une carapace de kitines. ». Je l’ai regardé : « Encore nos ressemblances… Il y a des homins à qui je donnerai tout pour qu’ils soient heureux et d’autres pour lesquels, je ne lèverais pas le petit doigt. Et toi… tu fais partie de la première catégorie ». Elle a rougi. Je lui ai caressé la joue attendrie par sa réaction.

Elle a eu un regard plus dur : « Si un jour quelqu’un te cherche des noises… tu verras mon autre facette ! ». Je l’ai regardé un peu surprise : « Le seul être dangereux qui m’ait menacée… c’est Alric… un sève noire. Un des amants d’Anyume… ». Elle a froncé les sourcils : « Humm… elle avait des fréquentations douteuses… Je ne peux pas dire qu’elle ait mauvais gout puisqu’elle t’avait choisi mais bon… ». Et voilà… elle avait une fois de plus provoquer un emballement de mon cœur. Je me suis mise à rougir et çà l’a fait rire : « T’es mignonne quand tu rougis! Je vais te faire rougir souvent moi, j’adore! ». J’ai râlé : « D’abord toi aussi tu as rougi tout à l’heure… et toi aussi… tu es très belle quand tu rougis! ». Elle a secoué la tête : « Tu veux faire un concours? ». J’ai levé les bras au ciel en signe de victoire : « J’ai gagné mon tatouage est rouge! ». Elle a râlé : « Je vais aller voir le tatoueur moi… ».

J’ai passé un doigt caressant sur son tatouage en forme de larme : « Tu sais qu’Eeri avait le même tatouage que toi avant? comme un tatouage qui pleure… et puis elle l’a changé. Elle se refusait à aimer quelqu’un… ». Elle a demandé : « On se ressemble un peu aussi ? ». Il est vrai qu’elles avaient certains points communs : « Eeri et toi? Oui, vous vous ressemblez… mais… tu as plus de cheveux! ». Nous avons ri ensembles. Elle a ajouté : « Et c’est normal le coté protecteur, c’est que l’on tient toutes les deux à toi! Tu es une guérisseuse de cœur… ». Je lui ai caressé tendrement le dos : « J’essaie juste… de rendre heureux ceux auxquels je tiens avec mes petits moyens de fyrette perturbée! ». Elle a souri : « Tu as réussi a faire revenir une ermite endurcie dans la civilisation. ». J’ai protesté en l’attirant doucement contre moi : « Çà tu l’as fait seule… c’est toi qui est venue à la guilde Hoodo. ». Elle s’est blottie dans mes bras : « Oui mais si je ne t’avais pas croisée… je sais que j’aurais fini par repartir… J’ai déjà essayé de revenir… mais tout était si vain… J’ai même rejoint une guilde… mais ils ne pensaient qu’à chasser… La chasse, c’était ma survie dans le désert… ». Je l’ai caressé tendrement : « Au moins je sers un peu à quelque chose… Je suis tellement heureuse d’avoir réussi à te retenir même involontairement… ». Elle a continué : « J’ai même failli abandonner avant de postuler… ». J’ai déposé un baiser tendre sur son front en lui caressant la joue : « Quelle perte pour Atys, les hoodos… et pour moi… heureusement que tu ne l’as pas fait… ».

Elle a souri : « Si tu avais été avec moi dans le désert, je ne serais peut-être jamais revenue ! ». Je l’ai fixée un peu déstabilisée me demandant ce que je devais penser de cette déclaration. J’ai fini par lui murmurer : « Et … si je t’avais trouvée dans le désert… je n’aurais eu qu’une envie rester avec toi… ». Elle a rougi et je me suis moquée doucement : « Tu vois, toi aussi tu rougis… ». Elle s’est cachée dans mon cou : « Bah oui mais.. hein! ». Je lui ai chuchoté à l’oreille : « Tu es tellement… je ne trouve même pas les mots… ». J’ai soupiré en la serrant fort contre moi. Elle a murmuré : « Je vais virer à l’écarlate… ». J’ai souri : « Tu n’en seras que plus belle… ». Elle a râlé : « Mais… ». J’ai souri : « Mais quoi ? ». Elle semblait perdue : « Je ne sais pas… ». Je l’ai caressée doucement : « N’ai pas peur… ». Elle a murmuré : « Moi qui ne voulait plus m’attacher… ». J’ai souri un peu tristement : « J’ai essayé çà… çà ne marche pas… ».

Elle a soupiré : « Je ne sais pas quoi dire non plus. ». J’ai embrassé sa joue très délicatement : « Tu n’as rien à dire… juste profiter des caresses tendres de ta petite Shaaky. ». Elle semblait toujours aussi perdue : « Je ne veux pas te faire de mal… ». Je la tenais toujours serrée contre moi : « Oui… je sais… tu préfères les homins… ». Elle a dit dans un souffle : « Oui, je crois… ». J’ai soupiré : « Çà n’empêche pas d’avoir droit à des câlins d’une petite chauve. ». Elle a souri : « Je m’y habitue tellement vite… ». Je l’ai bercé doucement : « Profite, elle en a plein à donner… et gratuitement en plus. ». Elle était troublée : « Toute cette tendresse que tu donnes spontanément… ». J’ai desserré les bras : « Je peux arrêter si çà te trouble trop… ». Elle a secoué la tête : « Non, je suis une droguée maintenant… ». J’ai ri en resserrant mes bras autour d’elle. Elle a murmuré : « C’est juste… incroyable. ». Je voulais la taquiner un peu pour détendre l’atmosphère : « Tu ne pensais pas trouver çà agréable venant d’une homine? ou tu trouves incroyable que je sois capable de tendresse? ». Mais elle est restée sérieuse : « Non, je trouve incroyable que ce soit aussi fort… ». J’en ai été troublée : « Oui… c’est très fort… ».

Elle semblait émue : « Il y a peu j’étais dans le désert… et j’ai l’impression d’une autre vie. Je vais devoir enlever mon tatouage ». J’ai passé un doigt caressant sur son tatouage en forme de larme : « Il est beau pourtant ce tatouage… comme un rappel qu’on a souffert. ». Elle a souri : « Je ne pense pas l’oublier un jour. Mais il faut apprendre à vivre avec le passé. Et là… je n’ai pas envie de pleurer. Cette nouvelle vie me plait plus que je n’aurais pu l’imaginer. ». Je l’ai serrée contre moi et j’ai murmuré : « Et moi… je dois dire… que tu embellis la mienne… plus que tu ne peux l’imaginer. ».

J’ai embrassé son front. Elle semblait ne plus savoir où elle était : « Je suis perdue… ». J’ai demandé en souriant : « Pourquoi ma belle? J’ai des petits cailloux pour retrouver ta route si tu veux? ». Elle a ri : « J’ai pas de route moi… C’est un tourbillon d’émotions… Je ne sais pas… ». J’ai souri : « Si c’est un tourbillon, je peux essayer de t’apprendre à nager. ». Elle a alors fait mine de boire la tasse. J’ai ri en lui demandant, si elle cherchait à ce que je lui fasse du bouche à bouche. C’était une plaisanterie mais en même temps, j’espérais que sa réaction aller m’éclairer sur ce qu’elle voulait réellement. Elle a ri : « hmm faudrait que je ne m’étouffe pas pour ça! ». J’ai pris sa réponse pour un « non »… J’ai encaissé. Pourtant, J’ai continué à plaisanter : « Ha oui ? Donc il faut que je te prenne par les pieds et que je te vide de ton eau ». Je l’ai prise par les pieds et j’ai commencé à la soulever. Elle a grogné : « Heyy! Je vais vomir. ». Je l’ai reposée en riant : « Alors il faut te mettre en position latérale de sécurité… il parait que çà s’appelle comme çà! ». Je l’ai allongée sur le côté et je me suis mise tout contre son dos : « Çà va mieux? ». Elle a hésité à répondre alors j’ai embrassé son épaule puis très délicatement sa nuque : « Et là? c’est mieux? ». Elle ne m’avait pas repoussée ou montrée un quelconque signe de rejet.

Elle a même fermé les yeux semblant apprécier ses tendres baisers : « Oui… un peu… ». J’ai fait mine de râler : « Un peu seulement? ». Elle a répondu pendant que je la tournais doucement vers moi : « T’as du me casser une côte en me soulevant. ». J’ai haussé les sourcils en passant une main douce sur ses côtes : « Là? ». Elle a acquiescé : « Oui… j’ai mal! ». J’ai commencé à la caresser. Je la sentais frissonner contre moi. Elle avait l’air soudain intimidée.

Je lui ai murmuré : « Comment veux tu que je ne succombe pas… si tu m’encourages… ». Elle a essayé de reprendre son ton de plaisanterie : « Je ne le fais pas exprès… Je le jure! ». Mais je sentais qu’elle était bien plus troublée qu’elle ne le laissait paraître. J’ai déposé un léger baiser dans son cou. Elle ne me repoussait toujours pas…

Je me suis enhardie un peu et j’ai embrassé sa joue tout près du coin de ses lèvres. Je suis partie à la recherche de son regard : allait-elle me dire d’arrêter? Elle m’a enlacée presque hésitante en me murmurant : « Je ne contrôle plus rien… ». Ma respiration était devenue saccadée : « Et moi plus grand chose… ». J’ai approché doucement mes lèvres des siennes, lui laissant la possibilité de détourner son visage, si elle ne voulait pas que j’aille plus loin… Mais elle m’a attirée un peu plus contre elle. J’ai goûté ses lèvres délicatement dans un doux baiser.

Je me suis écartée très vite ayant peur d’être allée trop loin. Mais, elle s’est approchée de moi venant chercher mes lèvres. Je ne me suis pas faite prier pour les lui offrir, l’emportant dans un baiser bien plus sensuel que le premier.

Je me suis écartée légèrement posant mon front sur le sien. Je n’ai pas pu m’empêcher de murmurer : « Wahou… ». Elle a murmuré : « Je suis un peu… maladroite, je suis désolée… ». Je l’ai regardée éberluée : « Mais non… tu es parfaite… tu es… ». J’ai, à nouveau, embrassé ses lèvres. Elle a souri en me caressant la joue : « Finalement pas si intéressée par les homins? ». J’ai souri : « On dirait… Dire que je retiens mes gestes depuis des jours… parce que j’avais peur… de te troubler. ». Elle semblait toujours un peu perdue : « Je suis perdue depuis des jours aussi… c’est tellement… comment tu dis? Wahou! ». J’ai ri en la serrant contre moi : « Oui… Wahou! ». Elle m’a caressée le dos : « Une guérisseuse.. quand je le dis… ».

Puis, je me suis souvenue : « Ha… au fait… mon vœu s’est réalisé! Je voulais que tu retrouves quelqu’un qui t’aime et que tu aimes… Je ne m’imaginais pas que çà aurait pu être moi… ». Elle m’a regardée un peu surprise et attendrie : « C’est la journée des miracles… ». J’ai approuvé : « Oui des vœux exaucés. ». Elle a souri : « Tu es trop attachante… ». Je me suis blottie dans son cou : « Toi aussi… trop… ».

Elle a soudain demandé : « Mais… Eeri… ça ne va pas…? ». Je n’ai pas bougé de son cou : « Je ne sais pas… ». Elle semblait inquiète : « Je ne veux pas que ça vous fasse du mal… mais je ne veux pas arrêter. ». J’ai secoué la tête : « Tu lui ressembles vraiment… Elle m’a dit la même chose à propos d’Anyume… mais toi… tu as… un petit quelque chose en plus… ». Je me suis arrêtée un instant avec un sourire taquin aux lèvres : « Des cheveux!!! ». Elle a éclaté de rire.

La nuit était déjà bien avancée alors j’ai demandé : « Je crois qu’on devrait dormir un peu non? La journée… a été très riche en émotion… ». Elle a souri : « Oui, bizarrement, je n’ai pas vu le temps passer… Je me demande pourquoi… ». J’ai ri. Puis, je me suis penchée sur elle pour goûter ses lèvres en la caressant tendrement. Elle m’a serrée fort dans ses bras : « Cette nuit tu ne t’échapperas pas. ». J’ai souri en me blottissant tout contre elle : « Je n’en ai pas l’intention… Par contre, j’ai bien l’intention de rester prisonnière de tes bras longtemps… ». Elle a fermé les yeux se laissant bercer par ma respiration. Je lui ai murmuré : « Dors bien ma belle… ». Elle a répondu dans un chuchotement : « Bonne nuit ma fée… si douce… ». Je me suis endormie en la serrant dans mes bras avec un sourire aux lèvres.

Le Voyage

Eeri était repartie. Elle avait rencontrée Jalindra un peu par hasard au début, à moins qu’elle avait cherché à me rejoindre au pays des lacs. Jalindra avait du subir un interrogatoire et çà m’avait agacée. J’avais l’impression qu’Eeri surveillait toujours mes fréquentions comme une mère ou une grande sœur l’aurait fait. J’avais la désagréable impression d’être infantilisée comme si je ne savais pas faire mes propres choix. Du coup, je crois que j’ai été particulièrement rude avec elle, en lui faisant comprendre sans diplomatie que ce qu’il se passait entre Jalindra n’avait aucune commune mesure avec ce que j’avais vécu avant : en sous entendant donc, que ce que j’avais vécu avec elle était beaucoup moins fort. Elle ne m’en a pas voulu. Avant de partir, elle m’a même offert une hache magnifique avec sa signature.

La nuit qui a suivi son départ, j’ai fait un nouveau cauchemar au kirosta rouge et j’ai failli échapper à Jalindra. Il devenait évident qu’il fallait que je tente de soigner mon mal. J’ai écrit un izam un peu en catastrophe à Na Djaï’tal :
« Mon petit arbre bleu,

Je ne sais pas si Jalindra t’en a parlé mais j’ai encore visité la kitinière. J’ai bien cru que j’allais y rester cette fois là. Et cette nuit, j’ai encore eu un cauchemar violent où j’ai failli échappé à Jalindra. Je suppose qu’il a été provoqué par le départ d’Eeri.

Je ne sais quand tu pourrais être disponible pour ta petite reine d’ambre aux pieds nus mais je crois qu’il devient urgent que nous entreprenions ce Voyage avant qu’il ne m’arrive quelque chose…

Dis moi quand tu pourrais être là.

Shaakya. »

Heureusement il m’a répondu très vite :
« oren pyr ma reine,
je me sens désormais plus vaillant pour ce Voyage, et il ne me reste qu’une chose à faire avant de pouvoir l’organiser. Jalindra m’a parlé de ton escapade, et c’est en effet bien inquiétant que cela te reprenne alors même que tout devrait aller mieux.
Dès que tout est prêt, je te préviens.
Prends soin de toi ma reine,
Na Djaï’Ta.l »

Le soir même, nous étions tous réunis pour le Voyage à Dyron : Jalindra, Anyume, Na Djaï’tal et moi. Na Djaï’tal nous a conduit dans un lac de sève pure dans les sources interdites. Anyume s’est installée sur une butte au dessus de nous armée jusqu’aux dents pour surveiller les alentours pendant notre Voyage. Jalindra, Na Djaï’tal et moi nous étions plongés dans la sève du lac. Il nous a donné à boire une petite potion au goût âcre. Il a pris nos mains en commençant à psalmodier une mélodie entêtante.

J’ai eu l’impression de tomber mais je sentais que les mains de Jalindra et Na Djaï’tal me retenaient. J’ai plissé le nez : il y avait une drôle d’odeur de pourriture. Et en même temps, j’étais émerveillée par les lucioles et les pollens lumineux qui volaient autour de nous. Puis, il y a un bruissement sourd au loin comme le bruit du vent dans des feuilles.

Na Djaï’tal a murmuré doucement de nous répandre la sève qu’il nous avait donné sur le corps. Nous lui avons obéi sans poser de questions étant déjà un peu ailleurs. Cette fois, la chute a été brutale mais s’est arrêté aussi soudainement qu’elle avait commencé. J’ai senti la fraîcheur du vent sur ma tête et j’entendais des oiseaux pépier autour de moi. Mon corps me semblait terriblement lourd mais çà ne me faisait pas peur : j’étais bien… Et puis soudain, je me suis rendu compte que je n’étais plus une homine mais un arbre, un grand arbre élancé qui gratte la canopée… D’autres frères arbres étaient là m’assurant de leur présence amie et silencieuse. J’essayais de toucher les feuilles de l’arbre qu’était devenu Jalindra. Celle-ci semblait parler en langage de sève, tandis que je voyais des oiseaux en train de faire leur nid dans les branches de Na Djaï’tal.

J’ai senti sa main me serrer doucement comme pour me rappeler à lui sans briser le Voyage. A nouveau, il nous a tendu des fioles avec lesquelles nous nous sommes aspergées. J’ai senti soudain qu’un vent violent m’emportait pour se calmer légèrement avant de me déposer sur le sol. J’ai senti le sable jaillir sous mes sabots. Je ne voyais rien mais je savais que des amis étaient là près de moi. Il y avait de drôles d’odeur : des homins, des cloppers, des gingos, des kipees, mais surtout mes compagnons autour de moi, qui me protégeaient et m’accompagnaient dans ma course. Il y avait une odeur de prédateurs mais trop éloignée pour être inquiétante. J’ai entendu Na Djaï’tal pousser un cri de rassemblement. J’étais parmi mes amis messabs, j’étais bien. Je galopais autour d’eux pour exprimer ma joie. J’ai reniflé le museau de Jalindra pendant Na Djaï’tal fouaillait du museau dans mon flanc. Jalindra nous donnait de petits coups de museaux tour à tour. J’ai posé ma tête sur sa croupe. Soudain, Na Djaï’tal est parti au grand galop dans le vent nous invitant à le suivre sur le sable des lacs. Nous l’avons suivi joyeusement.

Nos mains se sont serrées, de nouvelles fioles de sèves sont apparues pour nous asperger. Notre galop s’est fait plus lourd. Na Djaï’tal louchait sur la trompe qui lui était apparu au milieu du visage. Quand à moi, je n’avais plus de sabots mais des énormes mains griffues à la place. Je m’amusais à balancer ma trompe en tout sens. Na Djaï’tal s’est mis à barrir amusé du bruit qu’il faisait. J’ai pris de l’eau avec ma trompe pour l’asperger. Anyume nous a raconté qu’à ce moment étaient arrivés quelques homins qui nous ont regardés nous éclabousser de sève un peu surpris. J’ai entremêlé ma trompe dans celle de Jalindra dans un geste tendre de deux mektoubs entre eux. Puis à nouveau, nous sommes partis dans un galop joyeux.

De nouvelles fioles ont été distribuées et nous nous sommes aspergés avec. Notre galop lourd s’est transformé en course. Je sentais une bonne odeur, une odeur de proies autour de moi. Je sentais la puissance dans chacun de mes muscles, la terreur autour de nous parmi les créatures que nous chassions. J’ai poussé un feulement tandis que je sentais le vent sur ma peau beige et noir, tachetée. Mon odorat était impressionnant, je sentais Atys autour de moi palpitante de vie : des odeurs lointaines, des homins sans intérêt, des mektoubs si tendres… Nous sommes partis en meute à la chasse. Je sentais la force de l’Écorce qui montait dans mes pattes, dans mes membres, dans mes crocs… Nous courrions dans les dunes de sciures avec mes frères varynx, les proies étaient là droit devant, j’avais envie de planter mes crocs dans leur chaire tendre et me délecter de leur sève…

De nouvelles fioles… A nouveaux, nous nous sommes aspergés. Les mouvements de ma course devenait moins gracieux presque patauds et mes pattes faisaient un drôle de bruit sur le sol. Elles étaient griffues. J’étais lente très lente et une bouche remplie de dents. Autour de moi, d’autre tyranchas. Des proies, passe non loin de là mais je suis trop lente alors j’attendrais qu’une autre soit plus près pour la dévorer…

A nouveau d’autres fioles. Des petites cette fois, pour Jalindra et moi et une grande pour Na Djaï’tal. J’ai senti mes membres se raidir, devenir dur comme de l’écorce, encore plus même… J’ai regardé autour de moi : des kitines!!! J’étais une kitine!!! Puis Na Djaï’tal a repris une fiole. Et je me suis sentie rétrécir aux côtés de Jalindra : nous étions redevenues nous même. Mais en face de nous un kitin grandissait, un kirosta rouge!!! J’ai hurlé : « Non!!! Non!!! ». Jalindra me serrait la main. Le kirosta devenait géant et je me suis sentie devenir toute petite.

Je me retrouvais enfant avec les cheveux longs en bataille. Je jouais à la poupée avec une larve de kitine. Je l’avais trouvée là et trouvait rigolo cette chose qui gigotait en tout sens, sans savoir ce que c’était. Mes parents étaient au plafond retenus par des lianes en train d’écarter l’écorce pour faire un tunnel et s’enfoncer plus profond. Ils étaient mineurs et cherchaient des matières premières de qualité. Kyshala était là aussi, elle n’était qu’une jeune adolescente. Elle a froncé les sourcils en me voyant jouer avec la drôle de chose : « Qu’est ce que… ». Et puis, un bruit de craquement, la poussière… J’ai toussé… J’ai regardé au plafond, il y avait un énorme trou… Dans un coin, un corps désarticulé… J’ai été voir… « Papa! ». Le kirosta rouge énorme s’approchait de ma mère blessée allongée sur le sol. Je voulais aller la voir mais elle me faisait signe de ne pas m’approcher… et soudain, le kirosta qui la transperçait de son dard. Je voyais le regard de ma mère se perdre et sa peau devenir blanche. Le kirosta a commencé à l’emmener en la traînant. J’ai couru pour lui donner des coups de pieds avec ma colère d’enfant. Le kirosta s’est tourné vers moi prêt à me transpercer mais il n’a finalement rien fait… l’odeur de la larve sur moi sans doute… Il est retourné sur sa proie, entraînant ma mère dans le noir.

J’essayais de les suivre mais quelqu’un me retenait. Je hurlais : « Maman, maman… ne me laisse pas… ». Quelqu’un me tenait fermement dans ses bras et m’emportant à l’abri : Kyshala. J’ai tenté de lui dire : « Je veux voir maman… ». Mais elle continuait de m’éloigner. J’ai demandé en sanglotant : « Où est maman? Elle va revenir hein? ». Kyshala ou Jalindra, je ne sais plus, me disait : « Elle est partie… ». Je ne comprenais pas : « Si elle est partie… elle va revenir? ».

J’entendais une drôle de mélopée mais çà m’agaçait, comme le bruit gênant d’un insecte. Kyshala a dit doucement en me serrant contre elle : « Non… elle ne reviendra pas… Il faut partir… ». De grosses larmes de douleurs coulaient le long de mes joues puis je me suis mise à crier : « Tu mens!!! Elle va revenir!!! Elle va revenir… ». Je serrais mes poings de petite fille plein de rage, me plantant les ongles dans les paumes. Je voulais retourner là bas… Jalindra ou… Kyshala ? me regardait dans les yeux : « Reviens avec moi… avec ta bek-i-bemaï… ».

Je ne la voyais pas vraiment. J’ai froncé les sourcils : « bek-i-bemaï » ? Je connaissais ce mot… mais… ce n’était pas un mot que me disait Kyshala… Qui m’appelait comme çà ? La mélopée se faisait plus forte, je reconnaissais deux voix mais… je ne me souvenais pas de qui… qui me fredonnait cette chanson pour m’endormir ? Je regardais la personne en face de moi. Elle me murmurait encore quelque chose en me serrant contre elle : « Reviens… je t’en prie… à jamais réunies… ».

Et soudain, je l’ai reconnue : Jalindra, ma bek-ibemaï! Je n’étais plus une enfant depuis longtemps, j’ai émergé enfin de mon état hypnotique et je lui ai murmuré : « Pour toujours… à jamais réunies ma bek-i-bemaï. ». Je me suis blottie contre elle. Elle me serrait dans ses bras en tremblant. Na Djaï’tal et Anyume ont cessé de psalmodier comprenant que j’étais enfin revenue.

Je tentais de retenir mes larmes. Anyume me regardait inquiète : « Est-ce que… ? ». Jalindra me regardait elle aussi avec angoisse : « Tu es là ? ». J’ai caressé sa joue : « Je suis là… ». J’ai posé mon front sur le sien en répétant : « Je suis là… ». Elle tremblait toujours quand elle s’est tournée vers Na Djaï’tal et Anyume : « On a faillit la perdre non? ». J’ai caressé son dos tendrement pour la rassurer. Na Djaï’tal a soupiré : « C’est pour ça que je voulais vous faire voyager partout sur l’Écorce avant, pour vous rassurer. Il fallait que vous le fassiez sans savoir pourquoi, car c’est difficile à comprendre vu de l’extérieur. J’ai essayé de prévoir ça progressif… ».

Jalindra a dit doucement : « En tout cas, on a la réponse… ». Il a froncé le masque : « La réponse ? Je n’étais pas là, je n’ai pas vu… J’étais… j’étais autre chose à la fin. ». C’est alors qu’Anyume a demandé avec angoisse : « Est-ce que que… c’est fini ? ». Na Djaï’tal a caressé sa joue avec tendresse : « Yui, c’est fini. ». Elle a demandé : « Shaakya ne va plus faire de cauchemar ? ». Jalindra a dit doucement : « C’est à Shaakya d’en parler maintenant… ».

Alors, j’ai expliqué, ce que j’avais compris : mon cauchemar récurent était en fait le souvenir de la mort de mes parents, un souvenir que j’avait enfoui au fond de moi pour me protéger. Tout s’éclairait soudain : mes fuites continuelles dans la kitinière, les coups de pieds que je donnais au kirosta rouge, cette fascination pour les trous au plafond et ce réflexe de survie que j’avais en me frottant aux larves… Kyshala m’avait sauvée la vie à l’époque, c’est elle qui m’avait emportée loin du kirosta alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Il y a quelques jours, Jalindra avait déjà presque intuitivement trouvé que le lieu que je voyais dans mon cauchemar était un véritable lieu. Nous avions même recherché avec Anyume, des endroits sur l’écorce qui pourraient y ressembler…

J’ai serré Na Djaï’tal contre moi en le remerciant. Il m’a rendu mon étreinte : « Je suis heureux que ça t’ait aidé, ma reine. Tu sais que tu n’es pas seule, maintenant, face aux Kitins. Ce sont les Kitins qui sont seuls… ». J’ai remercié aussi Anyume pour sa présence, elle avait veillé sur nous tout le long de notre voyage, vérifiant qu’aucune créature ne vienne nous croquer. Et pour finir, j’ai embrassé le front de Jalindra en la serrant contre moi : « Merci ma bek-i-bemaï! ». Elle m’a murmuré : « Je serais toujours là… ». J’ai caressé sa joue : « Moi aussi… ».

Nous nous sommes ensuite tous retrouvés sur l’île de Kyshala. Na Djaï’tal était arrivé en premier et nous attendait sur la plage faisant mine d’être arrivé depuis longtemps : « J’ai failli vous attendre! ». J’ai couru sous l’écorce et j’ai crié : « J’ai gagné!!! ». Il a protesté en souriant : « Ah né, c’était sur l’île! ». Jalindra a ri : « Il ne passe pas sous l’écorce… ». J’ai ri aussi : « Justement! C’est pour être sûre de gagner! ». Nous avons tous éclaté de rire.

Na Djaï’tal et Anyume se sont installés sous la deuxième écorce et Jalindra et moi sous notre écorce habituelle. Elle a préféré quand même prendre mes pactes et attacher la petite liane entre nos deux poignets, au cas où. Pendant la nuit, Jalindra a eu le sommeil particulièrement agité semblant parfois rugir, barrir, s’étirer, tout ceci ponctué de mouvements saccadés. Elle a murmuré dans son sommeil : « Viens avec moi, ne reste pas là bas… Ne suis pas ton passé, suis ton avenir… ». Elle s’est mis soudain à crier : « Non! Ne la suis pas! ». Elle a semblé ensuite courir après quelque chose. Je l’ai serrée contre moi en la berçant doucement : « Je suis là mon amour… Je suis revenue près de toi… A jamais réunies ma bek-i-bemaï. ». Elle a ouvert des yeux hagards en se cramponnant à moi. Elle s’est calmée petit à petit pour finalement me demander comment j’allais. Je l’ai rassurée, m’inquiétant plutôt pour elle. Elle m’a caressée tendrement le dos : « Ça va… Je pense que le moment où j’ai senti que tu te perdais dans l’autre monde m’a perturbée… Mais j’ai réussi à te ramener… Donc ça va aller… Je t’aime… ». J’ai répondu à son baiser aussi tendrement qu’elle puis je lui ai murmuré : « Je t’aime ma bek-i-bemaï… C’est grâce à toi que je suis revenue… quand j’ai entendu le mot « bek-i-bemaï » et « à jamais réunies »… J’ai su que je n’étais pas dans un monde réel et qu’il fallait que je te rejoigne… ».

J’ai posé mon front sur le sien me perdant dans ses yeux. J’ai fini par venir goûter ses lèvres avec sensualité. Nous nous sommes serrées l’une contre l’autre pour nous rendormir d’un sommeil plus apaisé.

Retrouvailles avec Kyshala

Mes cauchemars avaient cessé après notre Voyage. Mais, Jalindra avait des nuits plus agitées. La peur d’avoir cru me perdre, lui avait rappelé cruellement la mort de son homin Shab. Comme elle l’avait fait de nombreuses fois pour moi lors de mes cauchemars, je faisais de mon mieux pour apaiser ses peurs quand elle se réveillait en sursaut. C’était moi désormais qui veillait sur son sommeil.

Nous avions prévu depuis longtemps de nous séparer lorsque j’irais rendre visite à Kyshala sur Silan… Jalindra devait rester pour la guilde et pour représenter les hoodos aux réunions rangers. Mais la date de mon départ arrivait, et plus elle se rapprochait, plus nous souffrions à l’idée d’être loin l’une de l’autre. L’angoisse nous étreignait de plus en plus. Jalindra avait peur que mes cauchemars reviennent malgré le Voyage et moi, je m’inquiétais de son sommeil qui était beaucoup plus agité qu’avant. Mais surtout, nous ne pourrions plus nous offrir cette tendresse continuelle dont nous étions devenus dépendantes.

C’est Jalindra qui la veille du départ a finalement décidé de m’accompagner pour ma plus grande joie. Tant pis pour la guilde! Si les hoodo-jins avaient besoin d’elle, elle ferait le voyage en sens inverse mais en attendant nous serions ensembles. Nous avons fait nos bagages joyeusement, rejoignant l’expédition en partance pour Silan. La caravane s’est lancée sur la route. Elle était composée de marchands, de ceux qui voulaient retourner à l’abri dans les profondeurs trouvant la vie à la surface bien trop aventureuse et dangereuse et ceux qui comme moi partaient retrouver des amis ou des membres de leur famille.

Souvent sur la route, Jalindra et moi, nous nous tenions par la main, incapables de rester trop longtemps sans être au contact de l’autre. Parfois même, nous nous écartions un peu du chemin pour nous offrir des caresses et des baisers enflammés à l’abri de la vue de nos compagnons de voyages. Les premiers soirs du voyage, nous n’osions pas nous toucher devant eux, de peur de provoquer de la gêne. Mais, le manque de câlins tendres a eu raison de moi. Un soir, j’ai fini par m’installer derrière Jalindra, me collant contre son dos l’enveloppant de mes bras alors que comme tous les soirs, le groupe était réuni devant un feu se racontant des histoires d’expéditions heureuses ou malheureuses. J’avais gardé les yeux fixés sur le feu préférant éviter de croiser des regards désapprobateurs, respirant l’odeur de ma belle. Celle-ci avait d’ailleurs sentie mon angoisse et avait déposé un léger baiser sur ma joue, caressant mes mains tendrement. Mais, il n’y avait eu aucune remarque désobligeante aussi tous les soirs nous avions fini par adopter cette position tendre.

Au fur et à mesure, du trajet, Jalindra osait de plus en plus m’offrir des gestes caressants. Durant la marche, elle me gardait constamment contre elle et m’embrassait discrètement à chaque halte, surprenant parfois des regards amicaux posés sur nous et faisant abstraction de ceux qui l’étaient moins. Mais la constante présence d’autres homins à nos côtés avaient quand même tendance à nous frustrer l’une de l’autre. Heureusement, les nuits étaient à nous. Sous notre petite tente, nous nous offrions toutes les caresses que nous n’avions pas pu nous offrir pendant la journée. Silan n’était pas loin et bientôt nous pourrions enfin retrouver un peu d’intimité.

Mais je commençais aussi à être angoissée à l’idée de ma rencontre avec Kyshala. Est ce que ma cousine allait me reconnaître? Est ce qu’elle accepterait Jalindra? Je savais que Kyshala avait déjà eu une relation avec une homine, il y a bien longtemps… Donc cet aspect de ma relation avec Jalindra ne m’inquiétait pas. Mais peut-être qu’elles ne s’entendraient pas? Mais que pourrais-je faire? Jalindra était mon homine et que Kyshala l’accepte ou non, elle resterait mon homine. J’avais cette angoisse commune à tous les homins qui présentent pour la première fois l’élu(e) de leur cœur à leur famille. Le camp de réfugiés était devant nous, le groupe se séparait. L’expédition était terminée. J’allais savoir.

Jalindra avait senti mon inquiétude et elle avait multiplié les gestes tendres pour me rassurer. Nous avons cherché Kyshala dans le camps de réfugiés mais elle était introuvable. En demandant autour de nous, nous avons fini par apprendre que Kyshala passait la plupart de son temps près des groupes de yubos qu’on trouvait autour du camp. Nous l’avons aperçue effectivement non loin de là en train de les nourrir.

Je me suis approchée, Jalindra préférant rester en retrait. Kyshala s’est levée brutalement en entendant des pas près d’elle, menaçante prête à défendre les yubos. Puis, elle m’a vu. Elle a froncé les sourcils semblant me reconnaître sans toutefois être capable de mettre un nom sur mon visage. J’ai fait un petit sourire timide : « C’est moi… Shaakya… ». Kyshala m’a regardée sans un sourire : « Oui… je reconnais tes yeux… ». Elle m’a caressé doucement le crâne : « Qu’as tu fait de tes jolis cheveux blonds? ». Elle a passé un doigt sur mon tatouage : « Et pourquoi ce tatouage sanglant? ».

J’étais incapable de répondre et je me suis jetée dans ses bras en pleurant. Celle-ci a été un peu surprise d’avoir dans les bras une adulte mais plus la petite fille qu’elle avait laissée quand elle était partie à la découverte de la surface. Elle a fini par me serrer un peu gauchement dans ses bras. Elle a aperçu alors Jalindra en retrait qui nous regardait : « Qui est ce? ». J’ai quitté ses bras en tendant la main à Jalindra : « C’est Jalindra! C’est grâce à elle que je t’ai retrouvée. C’est… mon homine… ». J’ai caressé tendrement la joue de Jalindra et déposé un léger baiser sur ses lèvres, en la prenant contre moi. Kyshala l’a regardée intriguée, semblant étonnée que je préfère les homines mais elle n’a rien dit, ne semblant ni approuver, ni désapprouver…

Jalindra me serrait contre elle visiblement émue de me voir heureuse. Mais le regard insistant de ma cousine et le silence qui s’installait, la mettaient mal à l’aise. Elle a fini par rompre le silence d’une voix douce : « C’est moi qui t’ait recherchée… et je suis heureuse de vous voir réunies aujourd’hui, c’est la plus belle des récompenses. ». Elle s’est tournée vers moi en me caressant tendrement la joue : « Je vais vous laisser vous retrouver si tu veux, je serais juste dans le camp, vous devez avoir plein de choses à vous dire… ».

J’ai serré Jalindra contre moi, un peu angoissée : « Non reste, s’il te plait… ». Nous avons fini par nous installer au camp de Silan autour d’un feu pour manger un peu. Kyshala restait un peu éteinte malgré mes tentatives pour la faire parler. Plusieurs fois, j’ai évoqué le nom de légionnaires qu’elle avait connu : Glorf, Eeri, Morandy… Mais celle-ci semblait vouloir détourner la conversation à chaque fois. Elle a fini par dire un peu agacée : « Je ne veux pas savoir qui est mort et qui est vivant… Je suis fatiguée… je vais dormir. ». J’ai soupiré : « Oui… on va dormir nous aussi… On va aller au lac étincelant. On se retrouve demain. ». Je l’ai embrassée sur le front et j’ai entraîné Jalindra jusqu’au lac.

Nous nous sommes installées pour la nuit. J’étais silencieuse mais Jalindra savait bien que ce silence cachait ma détresse. Je suis venue me blottir tout contre elle, comme une enfant, recherchant sa douceur et sa tendresse. J’ai fini par murmurer : « Elle n’est plus la même… Elle a l’air éteinte… brisée… Il n’y a plus aucun éclair de joie dans ses yeux… ». J’ai commencé à pleurer silencieusement dans ses bras. Jalindra m’a serré tendrement contre elle, me berçant en me disant d’une voix douce : « C’est normal… il lui faut du temps, elle a vécu un grand traumatisme… J’ai mis dix ans à revenir à la vie… si tu m’avait connue à ce moment…« . Elle a secoué la tête. Elle m’a gardée contre elle silencieusement, me caressant tendrement le dos, m’entourant de son amour. Je me suis endormie ainsi, apaisée par sa tendresse.

Les jours avaient passé et Jalindra avait du se rendre à la réunion Rangers pour représenter les Hoodos. Cela avait été décidé dés le début mais le moment de la séparation avait été douloureux. Je n’arrivais pas à me détacher de ma bek-i-bemaï pourtant j’avais fini par la laisser partir. Mais, il ne s’était pas passé une heure que j’avais fait mes bagages pour la rejoindre, incapable de me passer d’elle. J’ai couru derrière elle sans jamais réussir à la rattraper. Nous avons fini par nous retrouver après la réunion Rangers sur l’île de Kyshala, nous câlinant, nous embrassant, nous murmurant à quel point nous nous étions manquées, alors que nous n’avions été séparées que quelques heures… Le lendemain, nous sommes reparties pour Silan main dans la main profitant de notre intimité retrouvée, connaissant désormais le chemin. Nous sommes arrivées un soir signalant notre retour à Kyshala qui était sur le point d’aller dormir et l’invitant pour le lendemain au petit-déjeuner. Nous nous sommes endormies enlacées l’une contre l’autre au bord du lac étincelant.

Notre bain quotidien matinal a eu tendance à dériver en des caresses plus intimes pour nous offrir des plaisirs à la fois intenses et doux. Nous étions encore enlacées, en train de nous embrasser sensuellement quand nous avons été surprises par des pas qui approchaient. Kyshala était là me regardant un peu étonnée de me surprendre, moi sa petite cousine, dans une telle intimité avec mon amante. Elle s’est retournée : « Je suis désolée… je reviendrais plus tard. ». Je serrais toujours Jalindra contre moi tentant de cacher au maximum sa nudité : « Non, attends… Le feu est juste là derrière la butte. L’eau chauffe déjà. On arrive. ». Kyshala s’est éloignée en suivant mes indications. Jalindra et moi nous nous sommes regardées et avons étouffé un fou rire avant de courir sur la plage pour nous rhabiller. Nous sommes arrivées la main dans la main auprès de Kyshala, nous asseyant à ses côtés. Celle-ci nous observaient mais ne disaient pas grand chose. Elle a fini par réclamer un peu de lait pour ajouter dans son infusion. Je me suis levée d’un bond : « Ha oui!!! j’avais oublié que tu aimais rajouter du lait. Je reviens! Je vais en chercher au camp. ». J’ai déposé un tendre baiser sur les lèvres de Jalindra avant de partir en courant.

C’est Jalindra qui m’a racontée ensuite ce qu’il s’était passé. Kyshala avait continué de l’observer. Elle avait soudain demandé : « Shaakya n’est elle pas trop jeune pour toi? ». Profitant que Jalindra soit restée interloquée devant cette question abrupte, elle a continué : « Shaakya est très jeune… mais elle a déjà largement eu son compte de malheur dans sa vie… Je ne voudrais pas que tu la prennes pour un agréable petit animal de compagnie en attendant de retrouver les bras d’un homin. ». Elle a eu une grimace de douleur, repensant à sa propre douleur quand son amante l’avait laissée tomber pour un homin préférant une relation plus « normale ». Jalindra a essayé de se reprendre, encore interloquée par les remarques de Kyshala. Elle l’a regardée doucement, sentant sa douleur, en cherchant ses mots : « Rencontrer Shaakya a été la plus belle chose qui me soit arrivée depuis longtemps… Je ne pourrais plus vivre sans elle, et lui faire du mal est la dernière chose que je voudrais… J’essaie au contraire d’apaiser ses souffrances et de lui apporter ce qu’elle n’a jamais connu avant… et pour mon âge, oui, sans doute que je suis trop vieille pour elle… ». Elle a soupiré avant de continuer : « Mais c’est sans doute ce qui me permet d’apprécier l’immense chance que j’ai aujourd’hui… Elle m’a permis de revivre… et d’apprivoiser mes douleurs. ». Elle a regardé Kyshala, sentant leur souffrance commune, n’ajoutant plus un mot, restant pensive.

Kyshala l’a regardée puis a secoué la tête : « Je suis désolée… je… sans doute que ce que j’ai vécu avec l’homine qui avait partagé ma vie… reste comme un échec cuisant… pour ne pas l’avoir vu venir… ». Elle a eu un soupir tremblant : « C’est cette douleur qui m’a fait venir à la surface… et pourquoi? revivre à nouveau la douleur de perdre des êtres chers… Je ne veux pas que Shaakya vive çà… ». Jalindra l’a regardée, pleine de compassion : « Je ne lui ferais jamais vivre ça tant que je pourrais l’éviter… Je connais trop cette souffrance… ce que tu vis maintenant, je l’ai vécu il y a 10 ans… et sans Shaakya, je serais encore exilée, j’aurais surement succombé à la folie de la solitude… ». Elle lui a pris doucement la main, très légèrement pour ne pas la brusquer : « C’est surement encore trop tôt pour toi… mais ne ferme pas la porte à l’espoir… Un jour, tu ne seras plus submergée par la douleur, elle ne te quittera jamais, mais tu l’apprivoiseras… ». Elle a retiré doucement sa main, ayant peur d’avoir été trop loin.

Kyshala a eu un petit sourire triste et a serré doucement la main de Jalindra : « Shaakya a aussi de la chance d’avoir trouvé son âme sœur avec toi… Je sais qu’elle a subi des souffrances dont elle ne veut pas me parler pour ne pas me faire encore plus de mal… C’est elle qui me protège maintenant… J’ai tendance à la prendre encore pour une enfant alors qu’elle a grandi et est devenue une adulte sans moi… Je pense que désormais elle sait ce qui est bon pour elle. Je devrais lui faire plus confiance… ». Jalindra a eu un petit sourire amusé : « C’est dur de s’empêcher de la protéger! « . Elle a continué plus sérieusement : « Effectivement, elle est grande maintenant… mais elle à toujours besoin de toi… et ne rejette pas l’aide qu’elle peut t’offrir… rester seule n’est pas la solution, je le sais maintenant… ». Kyshala a souri plus franchement : « Il me faudra du temps je pense avant de réussir à me lier à quelqu’un à nouveau… Mais, au moins, j’ai l’esprit plus serein de savoir que ma petite cousine est heureuse et qu’elle a trouvé quelqu’un qui l’aime réellement. Akep pour çà Jalindra. ».

Je suis arrivée à ce moment là, courant comme une dératée avec ma bouteille de lait à la main. J’ai dérapé pour m’arrêter en arrivant près d’elles soulevant le sable en présentant fièrement ma bouteille avec un grand sourire : « Le lait est prêt!!! ». Jalindra a ri devant mon arrivée en fanfare. Elle s’est tournée vers Kyshala avec un sourire taquin : « Au moins, elle a gardé son âme d’enfant! ». Elle m’a serrée tendrement contre elle.

Je souriais toujours aussi largement quand je l’ai prise contre moi avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Kyshala souriait amusée et attendrie. Je me suis tournée vers elle tout en gardant Jalindra tout contre moi. J’ai pris un air taquin avant d’éclater de rire : « Je vois que vous avez du dire plein de mal de moi pendant mon absence et que çà vous a rapproché! Je devrais peut-être aller chercher plus souvent du lait. ». Jalindra souriait. Elle m’a pris tendrement la main : « Non, on n’a rien dit de mal. Mais j’allais justement demander quelle chipie tu étais quand tu étais encore une petite fyrette bouclée! ». Elle s’est tournée vers Kyshala : « Je suis sûre qu’elle faisait plein de bêtises? ». Kyshala a souri : « Oui plein… toujours à courir partout et pas du tout obéissante. J’étais constamment obligée de la rattraper dans des endroits improbables. Il faut dire que nous avions tendance à la couver mes parents et moi. Alors, je suppose qu’elle profitait de la moindre occasion pour filer. Mais je vois que l’âge l’a assagie un peu… à moins que tu la mènes à la baguette Jalindra? ». J’ai protesté : « Hééé… mais non… j’étais très sage!!! ». Puis, j’ai pris un petit air taquin : « Enfin… parfois… « . Jalindra a éclaté de rire : « J’ai aussi du la rattraper quelques fois… mais je ne crois pas que ce soit une question de sagesse mais plutôt qu’elle n’a plus vraiment envie de filer… sauf quand elle dort… Et non je ne mène personne… J’offre tout ce que je peux, et si j’arrive à apporter du bonheur, j’ai ma récompense!« . Je l’ai serrée dans mes bras tendrement : « Non, je n’ai plus envie de filer… ou alors seulement avec toi ma bek-i-bemaï… Et tu m’apportes énormément de bonheur… ». Je suis venue chercher ses lèvres pour l’embrasser amoureusement. Puis, je me suis tournée vers Kyshala : « Nous allons devoir repartir tu sais… Nous faisons partis d’une guilde les Hoodo et nous voulons devenir Rangers comme ceux de Silan! ». Elle m’a souri : « Ça ne m’étonne pas que tu ais choisi cette voix ma petite yubette! Tu as toujours eu bon cœur malgré toutes tes bêtises. Je suis fière de toi ! Et Jalindra, je compte sur toi pour prendre soin d’elle, désormais! ». Jalindra m’a caressé tendrement le dos en souriant à Kyshala : « Ne t’inquiète pas, je ne la lâche pas, et je ne laisserais rien lui arriver… et j’espère que l’on te reverra bientôt… Fais attention à toi, et ne laisse pas la douleur gagner. Si tu a besoin… je cours très vite! ».

Après avoir déposer un tendre baiser sur mes lèvres et fait un signe à ma cousine, elle s’est levée et s’est éloignée pour préparer nos bagages, nous laissant nous dire au revoir. Je l’ai laissée partir en la suivant des yeux amoureusement. Kyshala m’a regardée : « Tu es très amoureuse n’est ce pas? ». Je me suis retournée vers elle : « Oui… très… c’est tellement… ». J’ai soupiré de bonheur reposant mon regard sur Jalindra : « C’est tellement fort ce qu’il existe entre nous deux… je ne savais pas que c’était possible un tel amour… Nous sommes liées… ». Kyshala m’observait toujours et a eu un regard légèrement inquiet : « Tu sais la passion çà peut être dévorant… et brûler cruellement… ». Je me suis retournée à nouveau vers elle et j’ai caressé sa joue tendrement : « Je sais tout çà ma grande cousine! Jalindra n’est pas ma première amante… Mais c’est la seule qui a su m’apporter ce dont j’avais besoin. Cette passion ne nous brûle pas, elle nous réchauffe. Elle ne nous dévore pas, elle nous rend plus fortes pour affronter la vie. Jalindra est ma bek-i-bemaï! ».

Kyshala me regardait toujours : « Je suis heureuse pour toi alors! Mais si jamais… si jamais un jour çà se passait mal… Promets moi de venir me voir avant de faire une bêtise! ». J’ai souri : « Je ne vois pas comment, çà pourrait se passer mal un jour mais… je promets que je viendrais te voir si jamais çà arrivait. ». Je l’ai serrée dans mes bras : « Et toi promets moi de faire des efforts pour aller à la rencontre des gens et de ne plus passer ton temps avec des yubos ou des mektoubs! ». Kyshala m’a regardée un peu interloquée : « Quoi? Ils sont très bien mais yubos et mes mektoubs… mais oui… je promets… « . Puis, elle m’a serrée fort : « Prends soin de toi ma petite yubette et prends soin de ton amour, ne le laisse pas se flétrir, soit attentive à la moindre tracasserie, ne laisse jamais de mal-entendu entre vous… ». Je lui ai rendu sa tendre étreinte : « Oui, je ferais tout çà! Ne t’inquiète pas et je te demanderais conseils si jamais çà arrivait. ». Je l’ai embrassée tendrement sur la joue : « Oren fyraï ma grande cousine! ». Kyshala a déposé un baiser sur ma joue et m’a laissée m’échapper.

J’ai rejoint Jalindra. J’avais des larmes aux yeux quand je lui ai pris la main : « Allons y mon amour… ». Jalindra m’a serrée tendrement la main, entrecroisant ses doigts dans les miens. Elle a jeté le sac sur ses épaules et nous nous sommes mises en route, nous tenant toujours la main. Elle est restée silencieuse, sachant que j’étais triste de quitter sa cousine. Elle s’arrêtait de temps en temps pour me serrer dans ses bras avant de repartir, m’entourant de son amour. Elles avons marché d’un bon pas, pressées d’arriver et de pouvoir nous retrouver sur l’île qui était désormais notre foyer, l’île qui portait le nom de ma cousine : l’île de Kyshala.

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