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Oudline

C’est sur Silan que j’ai rencontré Oudline, un matis. Au début, j’ai surtout entendu les allusions que lui lançaient la plupart des aventuriers. Oudline semblait aimer les homines et était connu pour cette tendance à vouloir les charmer. D’ailleurs, à ce moment là, on le taquinait souvent parce qu’il passait son temps derrière les jupes de Judiine.

Toutefois, j’aimais assez son humour et malgré la méfiance que m’inspirait naturellement les matis, je sentais qu’il était différent des autres. Il n’était pas prétentieux et imbu de lui-même comme peuvent l’être les autres membres de son peuple et il y avait une douceur surprenante dans son regard émeraude.

Au début, j’ai été un peu vexée quand il m’a appelée pour la première fois « Kysh » rappelant ainsi, avec ce surnom, un plat que certains cuisinaient. Sur le moment, je n’ai pas vraiment su comment réagir puis j’ai trouvé ma petite vengeance. Puisqu’il me donnait un surnom ridicule, je lui en donnerais un moi aussi. Quand, je l’ai appelé pour la première fois « Doudouline » sur les ondes communes, beaucoup ont ri. Oudline quand à lui, l’a assez bien pris. Il m’a avoué par la suite qu’il ne m’avait affublée de ce surnom ridicule que pour attirer mon attention. Il avait réussi.

Les jours ont passé. Une drôle d’amitié a commencé à naître entre nous. Oudline était toujours présent. Il connaissait bien mieux Silan que moi et savait toujours comment me dépanner et m’aider. Je me doutais que lui ne voyait pas de l’amitié entre nous mais cherchait à me séduire. Mais le croyant avec Judiine, je ne répondais pas à ses avances. Et puis, j’étais réticente à vivre une nouvelle histoire d’amour avec quelqu’un après avoir vécu une série de liaisons qui s’étaient toutes terminées très mal…

Mais, un jour, il m’a annoncé son départ pour la ville. Je pensais qu’il allait se rendre à Yrkanis, la ville matis. Mais, il comptait aller vivre à Pyr, la ville fyros. J’étais stupéfaite : pourquoi un matis irait vivre parmi les fyros ? Il m’a avoué que la plupart de ces amis y étaient et surtout que sa cousine fyros, Naacre vivait là bas depuis longtemps. Comment un matis pouvait il avoir une cousine fyros? Ils s’étaient en fait découvert une lignée commune. Durant une guerre, leurs ancêtres communs avaient eu une liaison… Décidément Oudline était un matis très spécial…

Il m’a alors demandé si je voulais l’accompagner avec Judiine et un autre homin. Étonnée, j’ai préféré lui dire que je ne me sentais pas encore prête mais que je viendrais lui dire au revoir au téléporteur. Il semblait déçu et a tenté de trouver mille arguments pour me faire venir. Mais, c’est en fait Judiine qui m’a convaincue. Elle m’a affirmé que contrairement à ce que je pensais, elle n’était pas l’amante de Oudline. Mais surtout, il était bien plus facile de découvrir la ville si on y allait en groupe d’amis.

Je pensais à Kyam… Cela faisait plusieurs jours que je ne l’avais pas croisée. Nous avions parfois parlé de notre départ pour « la ville ». Il m’avait semblé à ce moment là, qu’elle aurait voulu que je vienne avec elle à Zora, la ville de son peuple. Mais ces derniers temps, elle était de plus en plus souvent avec Kalondu, un zoraï comme elle. J’osais de moins en moins m’immiscer entre eux, supposant peut-être à tord qu’ils avaient envie d’être seuls.

Je réfléchissais à tout çà tandis que Oudline retardait son départ pour avoir ma réponse. Il semblait énormément tenir à ma venue. Et Judiine insistait pour que je vienne, affirmant que Oudline tenait beaucoup à moi. J’ai finalement accepté de partir avec eux. J’ai vu le visage d’Oudline s’illuminer.

Tout s’est alors précipité, comme si il avait peur que je change d’avis. Nous sommes partis très vite pour Pyr. Naacre était là, semblant nous attendre. Elle a commencé à nous offrir de quoi survivre. Elle nous a donné des dappers que j’ai voulu refuser mais elle a insisté affirmant qu’elle était « riche ».

Une des premières choses que j’ai acheté est un mektoub de monte. Il avait l’avantage outre de pouvoir me transporter plus vite, de porter une partie des pauvres richesses que j’avais pu accumuler jusqu’ici. Je lui ai donné le nom de Ganesh. La première fois que je l’ai monté, le pauvre a du être surpris par mon inexpérience et il est parti au grand galop droit devant lui. J’entendais Oudline me crier des conseils que je ne comprenais pas, tandis que j’étais ballottée en tout sens, incapable de le maîtriser.

Accrochée comme je le pouvais à l’encolure de Ganesh, je voyais arriver le bord d’une falaise droit devant. J’ai fermé les yeux m’attendant au pire. Heureusement, Ganesh s’est arrêté juste à temps manquant de me faire basculer dans le vide. Oudline est arrivé en courant suivi de Naacre, le regard inquiet. Je tremblais de peur incapable de bouger. Ganesh était dans le même état. Nous n’osions plus faire un seul mouvement. Nous apercevions en contrebas des créatures des plus agressives, qui attendaient que nous tombions pour leur servir de steaks de mektoub et d’homine.

J’essayais de me calmer sentant que mon angoisse ne faisait que démultiplier celle de Ganesh. Oudline a bien compris la situation. Il a parlé calmement très doucement. Il m’a conseillé de descendre de mon mektoub, puis de lui demander de me suivre. J’ai eu du mal à descendre mais la voix de Oudline était rassurante. J’ai fini par y arriver. J’ai pris les rênes de Ganesh en le tirant très légèrement avec une voix douce. Il a obéi et nous avons fini par rejoindre Oudline qui a poussé un soupir de soulagement. Il nous avait sauvés. Je l’ai remercié et je suis finalement remontée sur Ganesh pour le conduire à l’étable, afin qu’il se remette de ses émotions.

Cet incident a commencé à provoquer un trouble chez moi… Oudline était sans doute bien plus que le simple charmeur d’homines que j’avais toujours cru qu’il était.

Et c’est après une journée épuisante d’entrainement que j’ai accepté de le suivre au jacuzzi de Pyr. Je savais bien ce qu’il allait se passer. Mais après tout, cela faisait longtemps que je n’avais pas eu droit au réconfort des bras de quelqu’un. Nous nous sommes lavés mutuellement. Puis, un massage qui s’est transformé en caresses sensuelles. Je me suis inquiétée, nous risquions d’être surpris. Le jacuzzi était un lieu public très apprécié dans le pays désertique fyros.

Oudline a alors demandé les clés de l’appartement de Naacre qui nous les a données avec un petit sourire aux lèvres. Les nuits qui ont suivi, ont été merveilleuses, à la fois torrides et pleines de tendresse, comme si nos corps s’attendaient depuis longtemps et s’étaient enfin trouvés.

Nouvelle expédition à Yrkanis

A peine éveillée, Eeri m’a proposée de la rejoindre pour faire le « tour des bandits » d’Oflovak comme elle l’appelait. J’ai accepté tout de suite même si j’avais la bouche pâteuse suite à la soirée de la veille. Ywan s’est alors réveillé en saluant la guilde. Eeri s’est alors montrée soupçonneuse : étrange comme nous nous réveillons ensemble Ywan et moi. J’ai pensé que j’aurais bien aimé passer la nuit avec lui mais en l’occurrence ce n’était pas le cas.

Elle m’a alors proposée d’inviter « mon beau blond » à nous suivre dans notre tour. Je me suis empressée de le faire. Il m’a répondu qu’il en avait marre d’attendre pour trouver des bandits. J’ai cru donc qu’il ne voulait pas venir. J’étais un peu déçue de sa réaction mais après tout c’était son choix. Eeri et moi, nous sommes donc partie toutes les deux à la chasse. Ce n’est que bien après que je me suis rendue compte que j’avais mal compris. Ywan avait voulu venir et n’avais pas parler des bandits d’Oflovak mais de ceux de Pyr… J’étais mortifiée et profondément déçue de ne pas avoir pu profiter de sa présence.

J’espérais le trouver pour le départ de l’expédition vers Yrkanis. Mais il n’était pas là m’indiquant qu’il nous rejoindrait « plus tard ». J’espérais qu’il n’était pas fâché contre moi… La troupe des légionnaires prêts à partir en expédition était impressionnante. J’avais rarement vu autant de monde rassemblé. D’ailleurs, la première partie du voyage vers Thesos s’est déroulée plutôt tranquillement sans véritablement d’attaques de la part de créatures, sans doute peu enclines à s’attaquer à un groupe tel que nous.

A Thesos, j’ai cherché Ywan du regard mais je ne l’ai pas vu. J’ai soudain entendu sa voix, il se moquait disant qu’il nous attendait depuis longtemps. J’ai souri en le saluant mais nous avons à peine eu le temps de nous parler que j’ai entendu le cri d’Icus : « Kralis non!!! ». Kralis s’était jeté droit devant dans un groupe de carnivores. J’aimais bien Kralis même si il était un peu « primaire ». Les rares mots qu’il prononçait étaient « Kralis content » ou « Kralis taper » ou encore « Kralis aime pas les minus » quand il parlait des trykers. Là, il avait décidé de n’en faire qu’à sa tête fonçant droit devant, sans doute tout heureux de pouvoir aller « taper » les vilaines bêtes.

Nous n’avions pas le choix, nous devions le suivre au risque de mettre en danger tout le groupe. La bataille a été acharnée : les varynx et les ocyx nous attaquant en nombre. Je suis tombée à plusieurs reprise mais relevée à chaque fois par mes camarades. J’ai bien cru à un moment que tout était perdu, tant il y avait de légionnaires à terre. Mais au dernier moment, la tendance s’est inversée : les prédateurs n’arrivaient plus. Et nous avons fini par être tous à nouveau debout. Mais il ne valait mieux pas rester dans le coin, nous nous sommes précipités vers le vortex nous permettant de rejoindre le désert matis.

Il y avait un téléporteur de la Karavane. Quand j’ai lu son nom « les sources cachées », je me suis souvenue des luciogrammes que Kyshala avait laissé dans son cube d’ambre. Je voulais moi aussi aller voir cet endroit alors j’ai acheté des pactes. J’ai entendu les remarques des légionnaires qui me reprochaient de commercer avec la Karavane. Je n’ai rien répondu. Mais même Ywan s’en est étonné. J’ai tenté de lui expliquer que je voulais découvrir les sources cachées mais je n’ai pas eu le temps pour des explications plus longues : nous étions déjà repartis.

Quelques minutes plus tard, nous étions dans les primes racines. Cette fois, Icus nous a laissé le temps d’apprécier le spectacle. J’ai même eu le temps de prendre un luciogramme.

Nous sommes repartis sans les traverser, c’était inutile pour aller à Yrkanis.

Nous étions bientôt arrivés quand nous avons croisé une tribu matis en plein déplacement. Je ne sais qui a commencé mais soudain nous étions en train de les combattre. Les matis se sont tous retrouvés à terre pendant que je me demandais pourquoi il nous avait attaqué. Mais c’est quand nous avons croisé le camp de la tribu des Graines vertes que j’ai compris.

Icus a lancé : « on va se faire les graines vertes ». J’ai cru à cet instant qu’il parlait des espèces de drôles de plantes en forme de cerveaux appelés psykoplas. Mais quand j’ai vu mes frères et soeurs légionnaires se jeter sur les membres de la tribu matis des Graines vertes qui nous avait laissé entrer sans méfiance dans leur camp, je suis resté interdite. Pourquoi faisaient ils çà ? Ces matis ne nous avaient rien fait… Je voulais bien répondre à une agression matis mais pas les attaquer volontairement et brutalement sans aucune raison. J’ai regardé les matis tomber les uns après les autres sous les coups des membres de ma guilde. Ils étaient déjà repartis loin devant quand je suis sortie de mon état de stupéfaction.

Je m’apprêtais à repartir quand j’ai vu une des nôtres qui était restée en arrière. J’ai eu l’impression qu’elle était blessée car elle ne réagissait pas aux coups que lui donnait un matis encore debout. J’ai appelé à l’aide. Les légionnaires sont revenus en force massacrant le pauvre matis. Mais de toutes évidences, j’avais fait une bourde… celle que j’avais cru en danger, avait voulu « se faire » seule le matis et je l’en avais empêchée en rameutant la troupe…

C’est l’esprit un peu perdu que je suis arrivée à Yrkanis. Une nouvelle fois, nous avons investi le trône du roi, prenant même un luciogramme de groupe.

Les autres sont repartis. Mais cette fois, je suis restée en arrière et je ne les ai pas suivi. J’avais peur qu’ils m’entraînent à nouveau dans des exactions contre les matis que je n’approuverais pas. Je me suis endormie dans un coin d’Yrkanis en espérant que si des gardes me trouvaient, ils ne me reprocheraient pas les attaques auxquelles j’avais participé bien malgré moi…

Bain avec un maraudeur

La journée avait bien commencé. Eeri avait réclamé ma venue parce qu’elle souhaitait me donner quelque chose. Je lui ai proposé de nous retrouver à Pyr où je voulais réaliser quelques missions contre les bandits pour les autorités fyros. Elle voulait m’accompagner.

Nous nous sommes retrouvées devant l’étable de Pyr. Elle m’a offert une parure de bijoux magiques et une paire de bottes et un casque tryker blancs. Elle a déclaré que ce n’était que des babioles qu’elle avait récupérées de ses missions et qu’ils ne lui serviraient pas. Je lui ai sauté au cou en l’embrassant sur la joue : qu’elle ait pensé à moi suffisait à me remplir de joie. Elle a eu un léger sourire comme à chaque fois que je lui faisais des démonstrations affectueuses de ce genre.

Nous étions sur le point de partir quand nous avons croisé Anyume. Je lui ai proposé de se joindre à nous. Elle a accepté en souriant. Tout cela a été assez rapide et amusant. Anyume et Eeri se découvraient. Je crois qu’elles se sont appréciées. Eeri a été appelée par les légionnaires pour une chasse aux kirostas. Elle nous a proposé de venir mais je n’étais pas particulièrement emballée par ce genre de chasse et Anyume non plus. Eeri nous a alors quitté.

Qu’allions nous faire maintenant? Anyume m’a regardée avec un petit sourire. Elle voulait me proposer une autre chasse : la chasse au maraud. Elle connaissait un maraudeur Alric qui la poursuivait de ces avances. Il lui disait régulièrement qu’elle était unique. Mais elle n’était pas dupe, elle savait qu’il voyait bien d’autres homines. C’était un homin à homines.

Elle avait envie de le piéger, de voir sa réaction si elle le surprenait en train de batifoler avec une autre homine. Est ce que je voulais être l’appât qu’elle mettrait sous le nez d’Alric? Je dois dire que ce petit jeu m’amusait. J’ai accepté même si je doutais de mes capacités de séduction. Mais après tout, avec un homin comme lui, n’importe qui ferait l’affaire à condition d’être du « beau » sexe.

Elle savait qu’il avait ses habitudes aux bains de Pyr. Il y emmenait régulièrement ses conquêtes. Mais cette fois là, il n’était pas là ou pas encore. Nous avons bu un verre pas loin à la taverne de Lydix en l’attendant. Elle a commandé un jus de fruits frais à Lydix qui lui a lancé un regard noir : il était plus habitué à servir de l’alcool. Pour ma part, j’ai commandé ma bière de shooki habituelle.

Anyume a commencé à goûter son jus et puis s’est mise à râler : « Saklarczzëdrin ! C’est quand même pas dur ! Des baies rouges et du poivre de sarina ! Un yubo pourrait le faire ! Même la barmen de Jen Laï y arrive, c’est dire… ». J’ai souri amusée : « Oui mais c’est une zoraï. Les fyros ne connaissent que l’alcool! ». Elle a répondu d’un ton péremptoire : « L’alcool affaiblit les réflexes ! ». Et j’ai répondu comme à moi même : « Mais il fait oublier bien des choses… ». Elle continuait sur son ton tranchant et droit : « Oublier, c’est prendre le risque de répéter les mêmes erreurs. ». Oui… elle avait sans doute raison… mais il y a des choses parfois si dures… que pour survivre, il est préférable d’oublier même si je savais qu’un jour, je devrais affronter mes démons. Elle a payé nos consommations malgré mes protestations. Elle voulait retourner voir, si Alric était arrivé.

Elle m’a accompagnée jusqu’à l’entrée en me précisant avec un air rêveur : « C’est un matis, les cheveux longs, couleur feuille de printemps… Musclé… Il a un petit tatouage sur le front… ». De toutes évidences, elle l’aimait bien. Elle a confirmé mes dires en soupirant : « Je crois que oui… C’est un salopard, mais il m’amuse beaucoup. ». J’avais du mal à comprendre… elle semblait si attachée à Na Djaï’tal. Quand j’ai prononcé ce nom, elle a souri largement : « Je l’adore lui ! C’est la personne la plus extraordinaire du monde ! C’est tout. ».

Je suis descendue jusqu’aux bains. Il y avait bien un matis mais il n’avait pas les cheveux verts et pas de petit tatouage sur le front… Pourtant, j’ai presque instinctivement su que c’était Alric, à la façon dont il m’a déshabillée du regard. Je l’ai salué et j’ai demandé si je pouvais moi aussi utiliser les bains. Il a répondu avec un petit sourire : « Si tu n’as pas peur que j’admire ton corps, je n’y vois pas de problèmes… ». J’étais dubitative : je ne trouvais pas mon corps particulièrement beau…

Son regard me brûlait et mon coeur s’est mis à battre plus vite comme apeuré. Je me suis cachée derrière un poteau pour me déshabiller. J’ai essayé ensuite de me plonger le plus vite possible dans le bain pour qu’il aperçoive le moins possible mon corps à moitié nu. Mais Alric n’a pas été dupe : « Vous n’avez pas à vous en faire… Je ne suis pas gêné. ». L’eau m’avait rassurée comme une enveloppe protectrice. J’ai donc continué le petit jeu sachant qu’Anyume avait du entendre les dernières paroles d’Alric. J’ai répliqué avec un air taquin : « Pourquoi c’est l’habitude pour vous d’être à moitié nu dans un bain avec une homine? ». Il a esquissé un sourire : « D’habitude l’homine ne s’assoit pas à l’opposé. ».

J’ai eu un instant de frayeur, je ne voulais pas qu’il s’approche. Alors, j’ai tenté vainement de lui faire peur : « Étonnant que les légionnaires laissent un matis prendre ses aises dans leurs bains… ». Il a répliqué avec ce regard de prédateur que je détestais : « Même cinq Légionnaires n’arriveraient pas à me déloger… alors je ne vais pas me priver d’une si belle vue ». J’ai fait semblant de ne pas prendre pour moi cet ébauche de compliment. J’ai regardé une des habituées du bain derrière moi : « c’est vrai qu’elle est mignonne la jolie blonde! ». Il a fait remarquer qu’elle était souvent là. J’ai rétorqué : « Et elle est imperturbable à votre charme? ». Il a supputé qu’elle préférait peut-être les homines, d’ailleurs elle me couvait du regard parait-il. Je crois qu’il cherchait à me choquer… Mais, je n’avais jamais été troublée par les relations de deux homines entre elles ou des homins entre eux. Kyshala avait d’ailleurs eu une relation passionnelle avec une homine avant de partir pour Silan.

Mais lui serait-il troublé si j’évoquais la même chose avec l’homin derrière lui? Sa réaction n’a pas tardé : « Il mourra s’il ose tendre la main vers moi. ». J’ai continué amusée par sa réaction : « Le pauvre… lui qui aurait juste voulu vous tâter un peu le corps ». Mais il ne perdait pas le nord reprenant ses tentatives d’approche : « Je laisse ça à des mains expertes… peut-être les vôtres ? ».

C’est le moment qu’a choisi Anyume pour faire son apparition. Elle en avait assez entendu je crois. Elle a tenté de faire comme si elle arrivait là par hasard. Mais Alric n’était pas dupe. Il sentait qu’il s’agissait d’un jeu et attendait le prochain coup. Anyume nous a rejoint dans l’eau pendant que je lui expliquais qu’Alric voulait de toute évidence un massage. Elle lui a demandé : « Est-ce que tu as vu en Shaakya une reine dès le premier coup d’oeil ? ». Puis pour moi : « Il prétend ne s’intéresser qu’aux homines exceptionnelles… Et tu l’es, Shaakya, mais en quelques minutes, l’as-t-il vu ? ». J’ai souri pendant que Anyume riait d’avoir pris en défaut le matis chasseur d’homines. Alric a rétorqué en me regardant effrontément : « Elle avait l’air…confiante en ses capacités au moins. Moins dans son charme corporel… ». Encore ce regard qui me brûlait et qui m’a fait monter le rouge aux joues… J’ai détourné la tête en haussant les épaules.

Comme le disait Anyume, c’était un collectionneur d’homines. Nous avons supposées en riant qu’il devait collectionner les différentes coiffures et que nous devions être des pièces rares. Alric a grogné que c’était « perturbant » qu’on parle de lui comme si il n’était pas là. Mais Anyume a déclaré que c’était encore plus malpoli de lui cacher nos réflexions. Ce à quoi j’ai ajouté avec ironie qu’on pouvait se mettre dans son dos si il préférait. J’ai vu une étincelle apparaître dans son oeil comme si il n’attendait que çà : « J’aurais des scrupules à vous demander à m’aider à apaiser la tension de mon dos ». Anyume a pris la balle au bond : « Pourquoi ? Deux homines ce serait trop ? Ou tu crains qu’on ne masse pas assez bien ? ».

Elle s’est alors approchée de moi et a commencé à me masser doucement. Ses mains étaient douces. J’appréciais leur contact. « Est-ce que je suis assez douce, Shaakya ? ». Je savais qu’elle cherchait à taquiner Alric, alors j’ai volontairement enfoncée le clou : « Tu es parfaite! J’adore tes mains ». Au début, Alric avait un regard rieur comprenant le jeu auquel nous jouions. Puis, il semblait de plus en plus agacé : « Est ce que c’est sensé m’impressionner Seraes ? ». J’ai soupiré de plaisir faisant comme si je ne l’avais pas entendu : « Hmmm… C’est vraiment très agréable… ». Anyume s’appliquait consciencieusement : « Tu as la peau si douce… C’est un vrai plaisir ! Je comprend mieux pourquoi les fyrettes ont autant de succès… Si elles sont toutes comme toi ! ». Je savais qu’elle disait çà pour rendre Alric jaloux mais je n’ai pas pu m’empêcher d’être touchée par son compliment et j’ai répondu avec sincérité : « Mais tu es bien mieux que moi tu sais… ».

J’ai alors proposé d’inverser les rôles. Elle a accepté avec joie tout en surveillant les réactions d’Alric du coin de l’oeil. J’ai commencé à la masser. Mes mains retrouvant instinctivement des gestes perdus depuis longtemps… J’oubliais presque que nous n’étions pas seules : « Toi aussi tu as la peau merveilleusement douce… ». Mes mains parcouraient son dos à la fois caressantes et plus fermes quand elles trouvaient une contracture. Je sentais Anyume se détendre petit à petit et pousser des soupirs de bien être. J’ai vu Alric se crisper. Il trouvait notre petit jeu de moins en moins drôle. Pourtant, il a dit dans un souffle : « Et bien… c’est un spectacle qui ravirait tout Homin ».

J’ai enfin arrêter mon massage dans un geste tendre en caressant ses épaules si douces : « Voilà ma belle… A moins que tu veuilles que je continue? ». Elle a répondu: « Nani, si tu fais plus, je n’arriverais plus à sortir de ce bain, je n’aurais plus de muscles ! ». Puis elle s’est doucement laisser aller contre moi, je l’ai serrée très tendrement en l’enveloppant de mes bras appréciant le contact de son corps contre le mien… çà faisait tellement longtemps que je n’avais pas pris quelqu’un dans mes bras… J’appréciais l’instant…

Et puis le regard d’Alric m’a sortie de mon état rêveur : un éclair de jalousie avait traversé ses yeux. Et puis, j’ai senti le soudain trouble d’Anyume. Était-elle troublée par mes bras ou par la jalousie d’Alric ? Mais je n’arrivais pas à me détacher d’elle et elle n’avait pas l’air de vouloir que je la libère de ma tendre étreinte. Elle a regardé Alric : « Tu as eu tort de douter de nos qualités de masseuses, je crois… ». J’ai ajouté doucement : « Les fyrettes peuvent être très douces… Mais… elles choisissent avec qui. ». Il m’a observée : « Manifestement An t’a adoptée. ». Je ne l’ai pas nié mais préférant dire que nous nous étions adoptés mutuellement.

Puis j’ai murmuré à l’oreille d’Anyume : « Tu veux peut-être que je te libère? ». Elle a répondu en chuchotant avec un sourire : « C’est bon… Mais je ne veux pas te gêner ». Elle ne me dérangeait pas. Je n’ai pas osé ajouter que je pourrais la garder contre moi toute la nuit si elle me laissait faire… Elle a ajouté : « Je ne pensais pas que ça tournerait comme ça… On en fait trop, peut-être ? ». Elle a regardé Alric en laissant échapper un petit rire joyeux.

J’avais à nouveau oublié sa présence à celui-là. Et, je me rendais compte qu’Anyume n’était dans mes bras que pour le rendre jaloux… J’ai eu comme un pincement au coeur. J’ai fini par répondre : « Peut-être… çà dépend si tu veux en faire ton amant ou non… ». Elle a soudain rougi : Alric était déjà son amant… J’ai encaissé sans montrer quoique ce soit comme acceptant la fatalité : « Donc si tu veux le garder, il vaut mieux que je te lâche… ». Je me suis fait violence pour la libérer de mes bras. Je lui ai murmuré en esquissant un sourire : « je vais te laisser tranquille avec lui! ».

J’étais sur le point de me lever pour les laisser quand Alric s’est mis à parler : « Anyume… Tu pourrais au moins me dire à quoi rime ce jeu malicieux. ». Elle a semblé réfléchir : « Je voulais juste… m’assurer que tu te conduisais de la même manière avec toutes les homines ! ». Soudain un tryker a sauté sur Alric pour l’attaquer violemment. Il s’est défendu. Tous deux virevoltaient de part et d’autres de la pièce. Puis, ils sont soudain sortis nous laissant seules.

Anyume a soudain éclaté de rire et j’ai ri avec elle. Quelle indécence! La laisser tomber pour un tryker! on aura tout vu! Mais apparemment le tryker était bien plus amoureux animé d’une passion violente! Usant de pratique barbare, sortant sa pique directement pour l’embrocher sans préliminaires! Nous nous tenions les côtes tellement nous riions.

Alric est finalement revenu accompagné d’un fyros aux cheveux en bataille. Nous avons à nouveau éclaté de rire quand celui-ci en voulant nous envoyer un baiser de la main a dirigé son geste malencontreusement vers Alric : « ils s’aiment entre eux!!! On devrait les laisser non ? « . Ce dernier a très peu apprécier et a lancé un regard glacial à son comparse.

Nous avons commencé à commenter les attributs physique du fyros : il était un peu maigrichon mais ses cheveux en bataille lui donnaient un air sauvage. Alric a fini par grogner : « Aucun Homin ne m’interesse et puis la plupart manquent d’attention! ». Anyume a pris la balle au bond : « Tu veux dire que les homines devraient rester entre elles ? ». Ce qui a eu le don de déclencher chez nous une nouvelle crise de fous rires incontrôlable.

Alric ne semblait pas du tout apprécier : « Vous aviez l’air de si bien vous entendre… ». Il avait l’air jaloux ce qui a surpris Anyume mais il a préféré nier l’évidence… Elle s’est alors approché de lui et lui a déposé un baiser sur la joue : « Est-ce que ça va mieux comme ça ? ». Le regard d’Alric est resté glacial. Il a soulevé le menton d’Anyume en lui susurrant à l’oreille : « Ça se paiera ma belle… ». Elle a souri amusée : « Du moment que tu ne me déclares pas la guerre… ». Mais le maraudeur a ajouté : « Ton amie en subira surement quelques conséquences aussi… ».

Anyume s’est glacée… comme si… elle avait plus peur pour moi que pour elle… Quand à moi, j’ai détesté qu’il tente de l’effrayer ainsi, je l’ai regardé avec des yeux méprisants. Anyume a tenté de le questionner : « Qu’est-ce que tu veux dire ? ». Il a eu un sourire mystérieux. « Alric… Si tu fais du mal à Shaakya, je te jure que je te le ferais payer au centuple… ». Je commençais à craindre que les maraudeurs deviennent violents : « Allons nous en Anyume, je ne sais pas ce que tu lui trouves… Il n’a rien d’un homin… ». Avec cette dernière pique, j’espérais détourner la rage d’Alric sur moi pour qu’il ne fasse aucun mal à Anyume. Mais il n’a pas relevé se préparant à partir en me lançant : « Eh bien… Jeune masseuse, on se reverra un jour surement. ». J’ai grogné : « c’est çà oui… dans tes rêves ».

Ils sont partis pour une chasse. Nous nous sommes rhabillées en silence perdues dans nos pensées. Anyume a proposé de boire un verre pour « nous remettre ». Nous sommes retournées à la taverne de Lydix. Elle s’en voulait de m’avoir mis en danger : « moi et mon sens des défis… ». J’ai essayé de lui dire de ne pas s’inquiéter. Elle a commandé à Lydix « un truc sans alcool pas trop immonde… ». J’ai souri et j’ai pris le shaker de Lydix. Je voulais lui faire plaisir. J’ai préparé sa boisson en faisant comme m’avait appris la mère de Kyshala. J’ai versé doucement dans son verre. Elle a goûté. Elle a visiblement apprécié.

Puis, elle s’est inquiétée : « J’espère qu’il ne te veux pas vraiment du mal et qu’il pensait plus à te séduire pour me faire rager… ». J’ai haussé les épaules, je craignais plus pour elle : « Il consomme de la sève noire non? ». C’était le cas comme tous ceux de son clan mais elle ne comprenait pas ce que çà pouvait leur apporter. J’ai répondu comme si je me parlais à moi même : « Au début… de se sentir bien et fort… invincible… après … la dépendance… la violence… ». J’ai vidé mon verre d’un trait et j’ai repris une bière de shooki… Anyume a rétorqué que de toutes façons, ils avaient la violence dans leur sève.

Elle m’a regardée boire s’inquiétant soudain : « Et si tu bois plus, est-ce que tu retrouvera ton appartement ? ». Mais je n’avais pas d’appartement ou de campement, je dormais là où mes pas me menaient. Elle m’a regardé : « je t’invite pour la nuit ? ». Je l’ai observée me demandant ce que cela signifiait. Elle a précisé : « Je n’ai pas encore d’appartement, mais avec mon frère on s’est installé un campement à Thesos. C’est calme… Et s’il est là, il nous protégera… ». Mais, peut-être que si Alric la rejoignait pour la nuit et qu’il me trouve à ses côtés, il en prendrait ombrage. Elle a balayé mon hésitation d’un geste : « Je ne lui ai pas donné l’adresse de ma tente ! ».

Nous nous sommes mises en route. J’étais étonnée : elle avait un frère? Elle a souri en précisant qu’il ne s’agissait pas d’un frère de sève mais de coeur. J’ai soudain compris : Na Djaï’tal n’était pas son amant mais un ami d’enfance. J’ai expliqué ma bévue à Anyume qui a ri. Mais, à vrai dire, je trouvais qu’ils allaient bien ensemble tous les deux et que parfois les amis d’enfance devenaient autre chose que des amis… Elle m’a regardée un peu perdue et troublée. J’ai souri tendrement comme pour la rassurer : « il n’y a pas de mal à çà… mais parfois… c’est mieux de rester ami… enfin… çà brûle moins… ». Elle a secoué la tête pour finalement déclarer : « Ho la la… je n’ai jamais rien compris à ces histoires, et j’ai l’impression que ça devient un peu plus compliqué chaque jour… ». J’ai ri.

Nous étions arrivées au campement. Na Djaï’tal n’était pas là. Elle s’est allongée sur une couche et a tapoté un endroit à côté d’elle pour que je m’installe moi aussi. Je l’ai regardée s’endormir. J’étais perdue… J’ai regardé les étoiles… Pourquoi avais je ressenti un tel trouble quand je l’avais eu entre mes bras? Et elle? Qu’avait elle ressenti? J’ai secoué la tête : il ne fallait pas que je m’attache… Elle avait un amant et un ami d’enfance qui deviendrait sans doute un jour aussi un amant… Et moi, je n’étais qu’une imbécile en manque de tendresse. Inutile de chercher plus loin!

Je me suis endormie d’un sommeil sans rêve me réveillant souvent. A chaque fois, je me rendais compte que j’étais collée à elle. Est-ce elle ou moi qui bougeait ainsi dans son sommeil pour rechercher la chaleur de l’autre? A chaque fois pourtant, je m’éloignais. Au matin, elle n’était plus là sans doute partie travailler… Je me suis rendormie, fuyant la réalité dans le sommeil.

La matisse des légionnaires

A mon réveil, Anyume n’était toujours pas là… j’ai commencé à m’inquiéter. Alric l’avait elle trouvée? Avait-il mis ses menaces à éxécution ? J’ai parcouru le désert à sa recherche. Mais le désert est immense… J’ai fini par retourner à Pyr espérant la trouver. J’ai regardé aux bains à tout hasard. Il n’y avait personne.
J’ai fini par retourner à la taverne de Lydix. J’allais l’attendre là… avec un peu de chance, elle y passerai réclamer son jus de baies rouges au poivre.

Je sirotais ma bière de shooki pensive quand une belle matisse m’a saluée. J’ai répondu à son salut mécaniquement toujours perdue dans mes pensées. Elle a commandé une infusion à Lydix. Je pensais à Anyume… Où pouvait elle être? La matisse a dit quelque chose et finalement est retournée au fond de la salle en grommelant quelque chose sur les fyros.

Je me rendais compte que j’avais été parfaitement impolie. Elle m’avait demandée si j’attendais quelqu’un et devant mon silence, était repartie en pestant contre les fyros et leur bavardage. Je me suis excusée en souriant : « Désolée… Vous ne me dérangez pas… j’étais juste pensive… Et vous, vous attendez quelqu’un? ». Elle a répondu : « Na mindala et vous ? ». Je ne savais pas ce que signifiait « Na mindala »… J’ai supposé que c’était le nom de quelqu’un. J’ai répondu un peu dépitée de ne pas voir Anyume : « moi?… ma prochaine bière… peut-être… ».

Elle semblait curieuse : « Et … ma présence ne vous gêne pas ? ». Je l’ai regardée un peu surprise : « Non… pourquoi me gênerait elle? vous êtes très discrète. ». Elle a alors précisée : « Je suis blanche comme la neige ! ». J’ai alors compris qu’elle faisait allusion au fait qu’elle était matis et moi fyros. J’ai répondu en souriant : « Et moi mate comme le sable des dunes… Est ce que çà doit faire de nous des ennemies? ». Je me suis approchée. Elle a souri visiblement amusée : « J’aime cette couleur mais la mienne ici n’est pas très aimée. ». Je n’ai pas osée lui dire que la couleur neige de sa peau lui allait particulièrement bien. Elle était très belle et délicate comme le sont les matis.

Elle a tapoté le sol à côté d’elle : « Je ne mord pas… ». J’ai ri en m’asseyant à ses côtés : « Si en plus les matis mordaient… ils seraient encore moins aimés! ». Nous nous sommes présentées. Elle se nommait Isyldia. J’ai demandé ce qu’elle buvait. C’était une infusion apaisante à base de plantes. J’étais surprise que Lydix serve ce genre de choses alors qu’il savait à peine servir un jus de fruit. Elle a souri : « Quand on demande gentiment et qu’on fréquente souvent les lieux on peut demander à laisser ses infusions ». Elle m’a proposée de goûter. J’ai hésité en l’observant, on m’avait souvent dit que les matis étaient des experts en poison et qu’il valait mieux éviter d’accepter quelque chose à boire ou à manger venant d’eux : « Je ne suis pas très… infusion… ». Puis, je me suis sentie stupide, au diable les à priori, elle était avant tout une homine et m’avait offert avec gentillesse de partager quelque chose avec moi. J’ai pris la tasse et j’ai bu une petite gorgée. Ce n’était pas désagréable. J’ai rendu la tasse à Isyldia.

Toujours aussi curieuse, je lui ai demandé ce qu’elle faisait à Pyr. Elle a baissé le regard : « Longue et Noire histoire… Mais je veux rester ici avec Na mindala… Pardon je parle Mateis… avec mon amour. ». Est ce que c’était un fyros ? Elle a acquiescé : « Un légionnaire même. Et ce n’est pas facile tous les jours. ». J’imaginais mal un légionnaire avec une matisse. De qui pouvait il bien s’agir? C’était Diwen. Je me souvenais de ce nom qu’Eeri avait prononcé au sujet d’une histoire avec une matisse. J’ai compris qu’il devait s’agir d’Isyldia. Je lui ai précisé alors que je connaissais bien les légionnaires pour en avoir été une. Elle aussi était curieuse : « Pourquoi ne plus en être une ? Si ce n’est pas indiscret … ». J’ai répondu en souriant : « Parce que justement, je les trouve trop… anti-matis… ». Elle s’est étouffée de rire : « Anti-Matis il a changé… Je l’ai retrouvé errant dans le désert, perdu et on s’est rapprochés ».

Elle m’a regardée en tapotant sa tasse : « Je peux vous demander quelque chose ? Pourquoi ne plus être une Légionnaire aujourd’hui ? ». J’étais étonnée qu’elle me pose à nouveau la même question. Sans doute, ma première réponse ne l’avait pas satisfaite, alors j’ai précisé : « J’ai l’espoir un jour de devenir ranger… je sais que certains pensent que c’est une lubie qui me passera…« . Je pensais à Icus et à ce qu’il m’avait dit sur la nouvelle orientation de ma vie. Puis j’ai ajouté : « Mais je garde de bons contacts avec tous les légionnaires! ».

Elle a eu un petit regard triste : « Je vous envie. Ils ne m’aiment pas beaucoup. Serae Eeri est une amie après certains me font même peur… ». Ça ne m’étonnait pas vraiment : certains étaient du genre à taper d’abord et discuter ensuite. Elle m’a regardée en acquiesçant : « Je me souviens avoir goûté de cet à priori… Une petite séance de dite « torture » quelques bleus et cicatrice rien de plus ». Je l’ai regardée effarée en me disant que j’étais heureuse de ne plus être légionnaire à cause de ce genre d’exactions qui me répugnaient. Elle a retrouvé le sourire en affirmant : « Ça n’a fait que nous rapprocher Diwen et moi. C’est loin maintenant vous savez! « . J’ai secoué la tête : comment des homins pouvaient être aussi stupides… Elle a posé sa main sur mon épaule : « Je ne suis pas aussi innocente qu’une fleur fraîchement sortie de terre non plus. ». J’ai souri : « Non les matis le sont rarement! ». Prononçant un de ces « à priori » que je reprochais aux autres. Ça l’a fait sourire.

Elle se demandait si j’attendais les légionnaires. J’ai répondu un peu tristement en pensant à Anyume : « J’espérais croiser une amie mais je crois qu’elle ne viendra plus… ». Soudain, Gunbra est arrivée en lançant un tonitruant « cal i selak » auquel j’ai répondu de façon toute aussi tonitruante. Isyldia a sursauté. Je me suis excusée de lui avoir fait peur pendant que Gunbra repartait aussi vite qu’elle était venue. Elle m’a expliquée qu’elle venait tout juste d’apprendre ce que cela signifiait : Force et gloire. C’était comme un cri de guerre ou de rassemblement pour se donner du courage. Sans doute que cela devait beaucoup plaire aux légionnaires de la voir sursauter à chaque fois, au moins ils avaient l’impression de faire peur au matis. Nous avons ri de concert.

J’ai raconté ma réaction lorsque j’avais vu pour la première fois un matis alors que j’étais encore enfant. Il avait la peau si blanche, que je l’avais cru mort comme une esprit presque transparent. Trouvait elle çà stupide? Elle m’a répondu simplement : « Non je ne trouve pas. Un enfant rêve même éveillé.. Puis elle a continué pensive : « Moi il venait de se faire avoir par… Brinn… ».

Icus est arrivé coupant court à notre conversation et s’installant près de nous. Il y a eu quelques minutes de silence. Isyldia pensait être de trop mais ce n’était pas le cas. Je me demandais juste ce qu’Icus faisait là. Puis, Gunbra et Diwen sont arrivés eux aussi. L’apparition de Diwen provoquant un beau sourire sur le visage d’Isyldia. Gunbra a demandé comment se passait ma vie de non-légionnaire. J’ai répondu amusée : « Je profite! Je n’ai pas à m’entraîner tous les jours, ni à nettoyer mon armure… ni à faire des kamipompes! ». Diwen a grogné : « La vie facile hein … ». Je n’ai pas répondu. Mais j’étais amère. Que croyait il? Que c’était facile de survivre seule ici? Ne se rendait il pas compte qu’au sein de la légion, il était protégé et mangeait tous les jours à sa faim ?

Gunbra m’a fait retrouver un peu le sourire quand elle a déclaré : « Oui mais tu ne te délectes pas à massacrer des Matis! ». J’ai répondu pourtant assez sérieusement sentant qu’Isyldia avait pu être blessée par la repartie de Gunbra : « Je n’ai jamais pris plaisir à maltraiter des homins uniquement parce qu’ils ont une peau plus blanche que la mienne. ». Gunbra a répliqué un peu obtuse comme à son habitude : « Mais ce ne sont pas des homins, ce sont des matis! ». Puis elle a regardé Isyldia : « oui bon certains ont peut-être un petit quelque chose de homins ». Isyldia l’a remerciée pour ce semblant de compliment.

J’ai fini mon verre. Je voulais m’en aller me sentant toujours blessée par la remarque de Diwen, je préférais partir pour continuer à chercher Anyume. Icus m’a retenue un instant en me demandant si j’avais participé à la réunion de la N’ASA. Je lui ai confirmé. Il voulait qu’on se retrouve à l’occasion pour en parler. J’ai accepté.

Je suis sortie en les saluant. J’ai cherché Anyume toute la nuit courant à droite et à gauche sans vraiment de stratégie. Ma recherche ressemblait plus à une fuite en avant. Qu’est ce que je fuyais? J’ai fini par me rouler en boule dans un coin trop épuisée pour continuer…

Un bain avec Icus

J’ai croisé Icus dans les rues de Pyr. Comme il me l’avait demandé, je lui ai proposé de parler de la N’ASA. Il m’a demandée si j’étais disponible immédiatement. J’avais encore quelques courses à faire. Où voulait il que nous nous retrouvions ? Il a répondu assez laconiquement : « Comme d’habitude! ». Pour confirmation, je lui ai demandé si il s’agissait de la taverne de Lydix. Il a répondu comme si il s’agissait d’une évidence : « Aux bains! On va pas aller si tôt au bar! ».

Aux bains? Je dois dire que je suis restée stupéfaite. Les bains de Pyr étaient connus pour être un lieu de rencontres plutôt intimes… Les homins donnaient généralement rendez-vous ici aux homines dont ils souhaitaient obtenir les faveurs. Qu’Icus me demande de le rejoindre aux bains pour parler de la N’ASA me paraissait aberrant. Pourquoi les bains? N’importe quels autres lieux auraient fait l’affaire…

Je suis arrivée aux bains avec toutes ses interrogations dans la tête. Icus était déjà là. Il s’est plongé dans l’eau à mon arrivée. Je l’ai salué à la manière légionnaire : « cal i selak! ». Il a répondu de la même façon. Comme avec Alric, je me sentais mal à l’aise de me déshabiller devant un homin. Je me suis cachée derrière un poteau et j’ai plongé dans l’eau très vite pour qu’il voit le moins possible mon corps à moitié nu. Mais Icus n’avait pas ce regard dérangeant que m’avait lancé Alric à plusieurs reprises.

Je lui ai alors fait remarquer qu’il s’agissait d’un drôle d’endroit pour parler de la N’ASA. Mais, il a répliqué qu’on était plus tranquille ici qu’à la taverne. J’étais surprise : avait-il des choses secrètes à me dire? Mais ce n’était pas çà, c’était juste une habitude. Et il a ajouté : « Et puis ça fait du bien un petit bain, non? On s’y détend, on relâche l’émotion non? ». Relâcher l’émotion? Je n’avais pas de très bons souvenirs de la dernière fois. Je me disais d’ailleurs qu’il se pourrait très bien qu’Alric vienne se baigner avec une de ses courtisanes. Je surveillais la porte d’entrée avec angoisse. Devant mon air peu convaincu, il a demandé : « Pourquoi, t’y fais autre chose ? ». J’ai préféré lui répondre par une question : « Moi? Que pourrais je y faire d’autres que me baigner? ». Il a déclaré : « On raconte que certains personnes y font autre chose… Mais bon, ce ne sont que des rumeurs, n’est ce pas ? ». Je l’ai regardé étonnée : « Les rendez vous galants? Ce ne sont pas des rumeurs je crois. ».

Il a alors préféré parler d’autre chose, en me posant des questions sur la N’ASA. Il n’avait pas pu venir à la première réunion et voulait s’y inscrire. Je l’ai regardé de travers comme si il disait une énormité : « Toi tu veux t’inscrire à la N’ASA? ». Puis, j’ai eu un air taquin : « Haaa…. c’est pour les études sur la fermentation? ». Mais il m’a répondu très sérieusement : « Je suis plus sur la téléportation, actuellement. Mais la fermentation c’est intéressant aussi, bien sûr. ». Je le regardais de plus en plus bizarrement, l’imaginant mal dans la peau d’un scientifique : « Tu fais des études sur la téléportation? ». Il disait avoir repris les travaux de Glorf. De ce que je savais de de ce dernier, l’imaginer en scientifique me paraissait encore plus abérrant. Je regardais Icus avec des yeux exorbités. Devant mon air, il a voulu ajouter : « Un fyros scientifique, ça n’a rien d’exceptionnel tu sais. ». Je me suis mise à rire : « Mais un légionnaire scientifique si! ». Il a souri : « Ah les préjugés… En même temps, personne ne vient nous emmerder là dessus! C’est une bonne couverture. ».

Il m’a ensuite demandé : « Enfin, je me posais des questions… Au niveau des travaux, tout ça… Ya t-il des limites ? Je veux dire, la goo les interrogatoires musclés, tout ça ? ». Je ne comprennais pas très bien, où il voulait en venir : « heu… je crois qu’ils vont former une sorte de comité d’éthique pour éviter les dérives. Pour l’instant, il est composé d’une zoraï Fey-lin et d’une matis Mindae ». Il a précisé : « Je suis sur la téléportation maraudeur là. Alors bon, c’est pas toujours très… éthique. ».

Il a poursuivi en demandant si l’inscription était ouverte à tout le monde et quand était la prochaine réunion. Je lui ai dit ce que je savais : l’inscription était bien ouverte à tous et que nous serions prévenus de la prochaine réunion. Il semblait surpris s’attendant sans doute à des démarches administratives lourdes. J’ai souri : « C’est très ouvert! ». Il a répondu : « C’est important l’ouverture d’esprit! ». Venant d’un légionnaire, je lui ai fait remarqué que ces paroles étaient plutôt amusantes. Il a eu un petit sourire : « Il ne faut pas refuser les nouvelles expériences ». J’ai pouffé en faisant allusion à Isyldia: « Comme de se prendre d’amitié pour une matisse? ». Il continuait à sourire : « Là tu commences à dire des bêtises! ». Je voulais le titiller un peu : « ho? vraiment? parce que tu n’es pas ami avec elle ou parce que tu n’as jamais refusé l’idée d’être ami avec une matisse? ». J’avais l’espoir avec la discussion que nous venions d’avoir que je découvrirais un Icus pas aussi étroit d’esprit au sujet des matis que je le pensais mais j’ai été déçue. Il a répondu laconiquement : « Je n’ai pas d’amis matis, voyons… ».

Il s’est alors levé s’apprêtant à partir : « Enfin, je vais te laisser apprécier l’endroit ». J’étais surprise, il ne voulait savoir que çà ? Il a acquiescé. Ce qui semblait le déranger le plus pour la N’ASA, c’était la présence de Fey-Lin. D’après lui, elle était « une langue de vipère dans un emballage de religion et de fausse douceur ». Il a ajouté : « Un parfait produit zoraï. Une éveillé… Enfin plutôt, une illuminée qui sous son masque de gentillesse est capable des pires exactions. C’est la pire espèce des gens dangereux car on ne s’en méfie pas. En plus, elle fraie trop avec les maraudeurs pour être totalement intègre ». J’étais dubitative. Fey-Lin ne m’avait pas semblé particulièrement dangereuse.

Il s’est rhabillé. Puis s’est éloigné après m’avoir saluée : « oren fyraï ! Et fais attention à toi! Il y a des gens horribles qui traînent aux bains ». Savait-il qu’Alric étaient souvent ici? Je n’ai pas su, il était déjà parti. Du coup, je suis sortie rapidement des bains préférant éviter de prendre le risque d’y croiser Alric.

Le soir quand j’ai retrouvé Anyume au camp de Thesos, je lui ai parlé de l’étrange rendez-vous d’Icus aux bains pour parler de la N’ASA. Elle s’est mise à rire : « On a vu des prétextes moins bancales pour voir une homine en petite tenue ! ». Je l’ai regardé stupéfaite : « Tu crois? ». Elle m’a fait un clin d’oeil : « Non, je n’en sais rien… Les bains ne sont pas qu’un lieu de débauche. C’est agréable de tremper au chaud. Et c’est un bon endroit pour papoter. ».

Du coup, je ne savais plus que penser… Icus n’avait-il voulu que parler de la N’ASA ou avait il cherché à me faire comprendre à sa façon qu’il avait de l’intérêt pour moi?

Sève noire et souvenirs

Je cherchais Anyume comme souvent désormais : juste pour l’embrasser et savoir si elle allait bien. Je ne voulais pas lui imposer ma présence continuelle d’homine en mal d’affection et qu’elle finisse par la trouver pesante. Elle n’avait pourtant jamais montré aucune signe dans ce sens souriant et m’enlaçant à chaque fois que je me présentais devant elle. Mais, j’avais tellement peur de lui déplaire que je restreignais parfois mes élans, n’osant lui pas lui proposer de la suivre dans ses activités.

Ce soir là, elle n’était pas à notre camp de Thesos… Je suis retournée à Pyr la cherchant à la taverne puis aux bains. J’ai fait le tour des deux marchés mais rien… Puis, j’ai pensé à cet endroit où elle aimait forer parfois : derrière l’étable de la porte de Ceraklos près de la tour de guet. Mais, elle n’était pas là. Je suis revenue sur mes pas, la tête basse pensant qu’elle avait sans doute du encore partir je ne sais où et que je n’allais pas la voir pendant plusieurs jours.

Et puis j’ai entendu des voix. Je me suis approchée. Au début, je n’ai vu qu’Alric… Puis, je me suis rendu compte qu’il tenait quelqu’un serré contre lui… Anyume… elle était si petite en face de ce matis… J’ai vu son geste d’amant : sa main qui descendait le long du bassin d’Anyume. Celle-ci lui disait : « Heureuse… ce n’est pas le mot que j’utiliserais… Mais j’apprends des choses, oui… Et je m’amuse parfois. ». J’ai reculé doucement pour ne pas qu’ils me surprennent, pendant que tout se bousculait dans ma tête : Anyume n’était pas heureuse? avec Na Djaï’tal et moi ou avec Alric? Et que faisait-elle avec le maraudeur alors qu’il y a encore quelques jours elle semblait le craindre?

Soudain, Anyume s’est tournée vers moi, sentant sans doute ma présence. Elle s’est dégagée de l’étreinte d’Alric : « Shaakya! ». Je ne pouvais plus reculer alors je me suis approchée d’eux. Anyume avait le regard qui se tournait alternativement de moi à lui. Le plus surprenant a été de voir Alric rougir subitement.

J’ai continué à m’approcher. Anyume semblait gênée alors qu’Alric reprenait contenance en arborant un petit sourire. J’ai enlacé ma fyros contre moi et je l’ai embrassé tendrement sur la joue : « Je peux partir… si tu veux… J’étais juste venue voir si tu allais bien… ». Elle m’a rendue mon étreinte mais j’avais comme un pincement au coeur supposant qu’elle passerai la nuit avec le maraudeur. Peut-être a-t-elle sentie ma déception : « Je serais là ce soir… Ne t’inquiète pas. ». J’ai souri en lui caressant la joue faisant comme si Alric n’était pas là : « J’espère… Tu me manques quand tu n’es pas là! ». Anyume m’a lancée un regard d’avertissement. Il est vrai que j’étais volontairement provocante envers le maraudeur comme si je voulais le rendre jaloux et le blesser de m’avoir pris Anyume. Est ce que j’étais jalouse de leur relation d’amants?

Alric a tenté de m’adresser la parole : « Bonsoir Shaakya, ainsi c’est ton nom… ». Je l’ai ignoré volontairement en souriant à Anyume : « A ce soir alors! ». Celle-ci souhaitait que je parte, j’avais l’impression qu’elle avait peur pour moi : « A ce soir… File ! ». Le maraudeur a grogné : « Anyume, laisse la se présenter au moins! ». J’ai continué à m’éloigner préférant soulager Anyume de ma présence. Mais j’entendais les provocations d’Alric : « Aurait elle peur ? Je ne savais pas qu’une Fyros était craintive… ». Je me suis arrêtée un instant pour lui dire que ce n’était pas le cas. Mais il a continué : « On dirait pourtant. Tu obéis très vite pour m’éviter! Ce serait plutot poli de te présenter… ». J’ai répondu plutôt agressivement : « Tu m’as déjà croisée non? ».

Anyume ne disait plus rien et cela m’inquiétait. Est ce qu’il était vraiment opportun pour moi de partir et de la laisser seule avec le maraudeur? « Cà va Anyume? tu es sûre? ». J’ai vu Alric poser un doigt sur les lévres d’Anyume et puis soudain lui déboutonner son haut : « Je le sais mais le sait-elle ? ». Elle lui a écarté la main rattrapant son haut avant qu’il ne tombe. J’ai couru vers elle le coeur battant la chamade, les souvenirs tentant de remonter par vague… non.. non… pas comme Elia… J’ai crié d’une voix tremblante : « Fous lui la paix toi!!! ». Le maraudeur rigolait et Anyume fermait les yeux semblant craindre le pire. Je lui ai attrapé la main. Je tremblais tentant de ne pas laisser échapper les souvenirs. Alric s’amusait : « Ah, enfin la nature Fyros se réveille! Très impressionnant Shaakya… ».

Anyume me serrait la main tentant de m’apaiser, sentant sans doute mes tremblements. Ma main libre se serrait, mes ongles s’enfonçant dans la chaire de mes paumes. Il a commencé à s’approcher sans gestes brusques. Je reculais en essayant d’entraîner Anyume avec moi. Elle s’est alors interposée. Il parlait d’une voix calme : « Allons… Je ne lui faisais rien du tout tu sais ? Je ne t’ai pas promis que je ne ferais rien à tes amis ? ». Elle a répliqué : « Non, tu n’a pas vraiment promis… ».

Et puis soudain, j’ai senti cette odeur sur lui… la sève noire… La terreur m’a envahie… je reconnaissais cette odeur pour l’avoir sentie une fois… Les souvenirs se bousculaient… Je revoyais ses silhouettes qui s’approchaient de moi et d’Elia… et puis les coups… Anyume me tirait en arrière me serrant doucement la main. J’entendais Alric comme dans un bourdonnement : « Pourrais-je au moins lui dire au revoir ? ». Il s’approchait de moi… Je voulais fuir loin… mais je ne voulais pas laisser Anyume. Elle a crié : « Ne l’approche pas ! ». J’étais comme un animal pris au piège.

Il a avancé sa main vers moi paume en avant. Non pas cette fois… pas cette fois… je ne me laisserai pas faire. J’ai sorti ma dague en menaçant Alric. Anyume semblait fascinée mais soudain elle a crié : « Ça suffit ! Shaakya, on retourne à Pyr. Range cette arme ! ». Mais Alric a susurré : « Je ne lui ferai rien, je veux juste lui faire un très élégant baisemain pour la rassurer… ». J’ai crispé les mâchoires, les jointures de la main qui tenaient la dague sont devenues blanches : « Ne t’approche pas de moi ou d’Anyume ». Anyume semblait comprendre qu’un seul geste pouvait provoquer une attaque désespérée de ma part : « Pas maintenant Alric… Une autre fois peut-être. ». Mais celui-ci protestait : « Pourquoi je ne m’en approcherais pas ? Je n’ai pas l’intention de lui donner de la Sève Noire tu sais… ». Dans l’état où j’étais, j’avais l’impression que ses paroles étaient des menaces voilées. Mais peut-être que c’était le cas?

Je reculais toujours aussi paniquée. Anyume me tenait la main m’entrainant elle aussi : « Tout va bien Shaakya… ». Puis soudain, Alric s’est amusé et a poussé un « bouh! » qui m’a fait sursauter. Il a commencé à s’avancer à nouveau à petit pas. J’ai fait demi-tour complètement terrorisée lâchant la main d’Anyume et courant loin d’Alric droit devant moi.

Le mur des remparts de Pyr a arrêté ma course effrénée. Je le regardais comme ne semblant pas comprendre ce qui me bloquait. Anyume est arrivée : « Shaakya, à Pyr ! ». Je lui ai obéi instinctivement. Une fois dans Pyr, je me suis écroulée contre un mur prise de tremblement en me mettant à sangloter. Anyume m’a prise dans ses bras : « Là, on est en sécurité ici… Les gardes interviendront s’il vient… ». Je me blottissais contre elle en sanglotant incapable de parler. Elle me câlinait en me berçant doucement : « On va aller au bar, d’accord ? On sera plus loin de l’entrée. Il ne va pas venir… « . Elle m’a entraîné en me tenant par la main.

Nous sommes arrivée à la taverne de Lydix. J’avais toujours ma dague à la main. Anyume continuait de me parler toujours rassurante : « Les légionnaires passent régulièrement, on est au centre de Pyr… C’est bon, c’est finit… ». Elle m’a pris dans ses bras en fredonnant doucement la mélopée zoraï de Na Djaï’tal. Je me suis calmée petit à petit.

J’ai réussi à lui dire que j’étais désolée malgré mes sanglots. Elle a inspiré un grand coup comme semblant avoir du mal à prononcer : « Je suis… désolée… Je suis désolée Shaakya… Je n’avais pas compris qu’il te ferait aussi peur… ». Je ne comprenais pas, elle n’y était pour rien, j’étais seule responsable de ma réaction stupide de panique : « Ce… ce… n’est pas vraiment lui… ». Elle a compris intuitivement : « C’est ce qu’il te rappelle… ». J’essayais désespérément de lui expliquer mais mes mots restaient coincés dans ma gorge.

Puis, j’ai commencé à réussir à sortir quelques brides de mes souvenirs si noirs en me plantant les ongles dans la paume de mes mains : « La sève noire… Elia… et moi… les autres… avec de la sève noire… ». Mon discours était décousu mais elle essayait de m’aider à m’exprimer : « Elia était ton amie ? ». Je continuais difficilement : « mon amie oui… la soeur d’Elias… des matis… les autres… les autres… d’autres adolescents perdus… violents… Elia et moi… ils… ». J’essayais d’expulser ce que j’avais au fond de moi depuis si longtemps. Anyume me caressait tendrement la joue mais du sang commençait à suinter de mes paumes serrées : « ils nous ont trouvées… les garçons n’étaient pas là… on était toutes seules… ». Anyume me caressait doucement les bras pour apaiser ma tension : « Ils avaient l’odeur de la Sève ? ».

« Shooki fraîche et ploderos Lydix ». Icus venait d’entrer. Je me suis refermée comme une huître alors que j’étais sur le point de tout dire à Anyume. Icus s’est installé non loin de nous : « Ah, bonjour vous deux! « . Puis comprenant que nous étions sans doute en train d’avoir une conversation privée : « Si je dérange, je peux partir! ». Je voulais lui crier de partir, loin très loin… Je ne voulais pas qu’un homin s’approche de moi mais Anyume lui a dit que ce n’était pas le cas.

Avec son accord, il s’est assis près de nous : « Vous racontez quoi de beau ? ». Puis voyant le sang perler de mes mains : « Hum ça c’est pas beau! Tu t’es fait ça comment ? ». Je le regardais avec des yeux vides sans vraiment le comprendre alors il a préféré préciser : « Je parle pas de toi et d’elle, mais de tes mains… ».. Je comprenais qu’il plaisantait alors j’ai tenté un pauvre sourire. Anyume a rit doucement puis m’a demandée d’ouvrir doucement mes mains. Elle a grimacé quand elle a vu dans quel état elles étaient. Icus a demandé curieux en engloutissant son entrecôte de ploderos : « Il s’est passé quoi ? ». Anyume a préféré répondre qu’il s’agissait d’une bêtise qui avait mal tournée. Il a jeté un oeil sur mes mains : « Tu me laisses regarder ? ». Anyume m’a doucement relâchée mais j’hésitais à tendre mes mains, je regardais Icus avec méfiance pour la première fois.

Je regardais ma dague à côté de moi prête à la prendre. Puis Anyume a eu une voix rassurante : « Je ne laisserais personne te faire de mal Shaakya… Et je crois que tu n’a rien à craindre d’Icus ce soir : il n’a pas encore fini son entrecôte. ». Icus a préféré précisé : « Ni les autres soirs d’ailleurs ». J’ai essayé de sourire et je lui ai montré mes mains. Ce n’était pas grave mais il se demandait qui m’avait fait çà. J’ai répondu pas très sûre de moi : « moi je crois… ». Il a semblé surpris : « Comment tu as fait ça ? ». J’ai tenté d’expliquer : « J’ai serré les poings ». Il n’était pas convaincu : « Et le sang est apparu comme ça ? ». J’avais l’impression d’être prise en faute et j’ai regardé Anyume recherchant son aide. Elle est intervenue : « Je n’ai pas compris à temps que je devais la protéger, Icus… ». Icus a continué ses question cherchant à savoir ce qu’il s’était passé : « Protéger contre quoi ? ». Anyume a répondu en marmonant : « Un Maraudeur… Et elle a du affronter des vieux démons à cause de ça… Il ne nous voulait pas « vraiment » du mal. ». Icus était suspicieux : « Il a « juste » fait des trous dans les mains de Shaakya ».

Je voyais qu’Anyume était mal à l’aise et je ne voulais pas qu’Icus lui reproche quoique ce soit alors j’ai crié soudainement : « C’est moi! ». Elle a posé sa main sur mon bras : « Nani, ça suffit ! Je n’aurais pas du le laisser te provoquer !Il n’attendait qu’une occasion pour attaquer… ». Je me suis remise à trembler. « Shaakya, arrête, tu n’y es pour rien ! Je n’aurais jamais du te mêler à ça… ». Icus grognait : « Mais à quoi ?! ». Mais nous continuions sans lui répondre. Je disais : « tu n’y es pour rien… ». Elle a répondu un peu rageusement : « Si ! C’est moi qui décide de continuer ! j’aurais pu le tuer à de nombreuses reprises ! ». J’ai commencé à reprendre mes esprits, je ne voulais pas qu’Anyume se sente coupable de quoique ce soit : « J’ai paniqué stupidement… Tu n’y es pour rien… ». J’ai caressé doucement sa joue du bout des doigts tentant de calmer la fureur que je sentais en elle.

Icus est intervenu : « Personne ne va tuer personne! ». Puis, il a sorti une seringue de sa poche : « Et la prochaine qui s’énerve, c’est injection directe! ». Nous avons sursauté toutes les deux puis nous avons eu le même geste en posant notre main sur notre arme. Pourquoi avait-il une seringue comme les maraudeurs? Il a vu notre geste sur nos armes : « Et vous vous dites ranger ? ». Et puis il nous a fait la morale : « Première leçon. Et la seule que je connais, d’ailleurs. Glorf disait souvent : « tu vois Icus, nous on répond par la violence à l’aggression. Et pas les rangers, c’est pour ça qu’ils sont chiants. Mais bon, paraît que c’est pratique parfois ». Enfin l’idée, c’est on tape pas sur les gens parce qu’ils vous énervent quoi … Ça me semble un poil idiot m’enfin! ». Anyume a grogné : « Ne pas agresser d’accord, mais se laisser faire, certainement pas ! ». J’étais d’accord avec elle. Puis, Anyume a reposé ses yeux sur la seringue suspicieuse : « C’est quoi ta seringue ? ». Il a répondu laconiquement : « Monnaie d’échange avec certaines personnes pas très recommandables ». Elle a râlé : « Ouais… Visiblement on est pas les seules à avoir de mauvaises fréquentations. ».

J’ai tenté une nouvelle fois d’expliquer à Icus ce qu’il s’était passé : « J’ai paniqué bêtement à cause de mauvais souvenirs. Mais c’est fini! Aucun coup n’a été porté par personne ». Icus était insistant : « Quels mauvais souvenirs ? ». Anyume est venue à mon secours : « Icus, là je crois que tu vas trop loin… ». J’ai serré à nouveau les poings tentant de contenir l’afflux de souvenirs. Mais Il continuait : « Pour vaincre les démons de son passé, il faut les affronter! ». Anyume continuait à me défendre : « Mais on ne les affrontent que quand on a trouvé les armes pour les vaincre. ». Puis elle a posé ses mains sur les miennes : « Desserre… ça ne sert à rien de te faire du mal. Je suis là, tout va bien… C’est vieux. ». Icus a repris : « Pour avoir les armes, il faut nommer les démons du passés ». Elle a hoché doucement la tête : « Mais pour les évoquer, il faut être sûr qu’ils sont loin et ne peuvent pas revenir. ». Je secouais la tête sur le point de craquer à nouveau malgré les douces caresses d’Anyume sur mes poignets : « Ils ne peuvent pas revenir, ils ne peuvent pas revenir… ». Ils se sont alors mis à me rassurer de concert : « Non, ils ne peuvent pas… Il ne peut rien t’arriver ici… Tu es en sécurité. L’un des endroits les plus sécurisés d’Atys. Anyume est là, il ne peut pas y avoir de soucis pour toi ».

C’est vrai Anyume était là. Je suis retournée me blottir dans ses bras. Alors, j’ai essayé à nouveau de raconter pendant qu’elle me berçait doucement : « Ils nous ont détruit Elia et moi… mais Elia encore plus… et les garçons… ils ont voulu nous venger… et… ». Des sanglots m’ont à nouveau submergée. Anyume a passé la main dans mes cheveux coupés ras. J’ai repris d’une voix saccadée : « Ils sont morts, ils sont tous morts… Elia, Elias, Kyro… Noedjal ». Icus a sursauté sans que j’en comprenne la raison et Anyume a dit doucement : « Tu as survécu… ».

J’avais réussi à exprimer en partie mes souvenirs sombres. J’ai repris une respiration plus normale et je me suis redressée me sentant un peu mieux. Icus a commenté : « Cela a été dur pour tout le monde! ». J’ai vu au regard d’Anyume qu’elle se posait encore plein de questions sur ce qu’il m’était arrivé mais finalement elle a déclaré : « Shaakya, ce qui compte c’est que tu as survécu… Et maintenant, pour eux, tu dois vivre. Pour que ce ne soit pas inutile. ». Elle avait raison, je lui ai murmuré à l’oreille : « J’essaierai de t’en reparler une autre fois… ». Elle a hoché la tête. Icus a recommencé à me faire la leçon : « Le passé est derrière nous maintenant. Il faut savoir canaliser ses émotions ».

Anyume s’est alors mise à regarder Icus avec un air qui n’avait rien de rassurant : « Les Rangers pensent quoi de la vengeance ? ». Icus ne savait pas. Et Anyume a ajouté : « Ça va être dur de ne pas en faire payer certains… ». La leçon de morale a continué : « La vengeance pure et dure est l’apanage des animaux. Au mieux, des maraudeurs. Il faut faire la justice. Mais nous ne sommes pas fait pour rendre la justice ». Mais elle a répliqué : « Mosï, si la justice ne suffit pas, j’invoquerais ma nature. ». J’ai tenté de l’apaiser en lui prenant la main et elle m’a repris dans ses bras dans un geste protecteur. Il a continué a affirmant que de nombreuses personnes étaient mortes en recherchant la vengeance. Mais elle disait qu’il fallait rétablir l’équilibre : « Icus, si j’avais tout pouvoir, je crois que ça m’aurais plu de détruire un clan maraudeur et de ressusciter les morts… Mais ce n’est pas en mon pouvoir. Donc plutôt qu’une vendetta idiote, je vais les détruire en montrant un autre chemin à l’hominité : celui des rangers! Avec Shaakya! ». Il a fini par approuver : « Et bien, peut-être est-ce là une forme de justice… La punition pour des êtres assoiffés de sang : la paix. ». Anyume a souri : « Ce qu’ils craignent le plus, les yubos plus forts qu’eux… ». Icus a plaisanté : « Vous êtes bien grandes pour deux yubos quand même! ». Anyume et moi, nous nous sommes mises à rire en nous imaginant en yubo. Nous nous imaginions en train de faire pipi sur les bottes des maraudeurs, repartant de plus belle dans un nouveau fou rire. Icus est reparti en voyant que nous allions mieux.

J’ai embrassé tendrement Anyume sur la joue en la remerciant et je lui ai caressé doucement la joue du bout des doigts. Elle m’a regardé très tendrement : « Shaakya… cela ne fait pas si longtemps qu’on se connait, mais je ressens avec toi quelque chose qui est proche de ce que je ressens pour Nad Jaï’tal. ». J’étais pour elle comme une « soeur de coeur » et « plus importante que tous les maraudeurs du monde ». Je l’ai serrée contre moi pour cacher mon émotion, je ne voulais pas me mettre à pleurer à nouveau. Elle a continué : « Si Alric était là tout à l’heure… C’est parce que je l’avais envoyé paître avant. Il voulait que je ne sois qu’à lui et menaçait de tuer tout ceux que j’aimerais… Or, à choisir entre lui et vous, il n’y a pas de doute. C’est vous que je choisis. S’il vous arrivait malheur… Je ne pourrais pas survivre sans vous. Ce que j’éviterais de dire au matis ». Je l’ai serrée fort contre moi : « Si il t’arrivait malheur, je n’arriverai plus à survivre. J’ai eu trop de pertes… Je n’arriverais plus à lutter… ». Elle m’a rendu mon étreinte :« Moi aussi… et en plus, ce que j’ai trouvé avec toi et mon grand bleu… C’est unique… ». Je lui ai embrassé tendrement le front : « Unique oui… Personne ne nous séparera… ». Elle a approuvé : « Non personne! ».

Nous étions épuisées. Anyume a demandé une chambre à Lydix. Nous nous sommes blotties l’une contre l’autre. Je savais que ce soir, je n’aurais jamais pu dormir sans elle et je crois qu’elle le savait aussi. Plusieurs fois dans la nuit, je me suis réveillée en sursaut les yeux exorbités par la peur, dégoulinant d’une sueur glacée, le coeur battant la chamade. Si elle n’avait pas été là j’aurais sans doute fui dans la nuit, courir dans les dunes comme un animal fuyant un prédateur. Mais Anyume était là rassurante, caressante. Je retournais entre ses bras, recherchant sa douceur en me laissant bercer par les battements de son coeur pour me rendormir.

Les dunes d’Anyume

A mon réveil, Anyume était déjà repartie. Cette fois, je lui ai envoyé un izam : « Où as tu encore disparue? tu me manques et j’aimerais te voir… si tu veux bien? ». La réponse n’a pas tardé : « Bien sûr que je veux ! Je suis de retour à Thesos; on se donne rendez-vous en haut de la tour? ». Mon coeur a bondi de joie et j’ai renvoyé un dernier izam : « J’arriiiiive! ». J’ai failli déchirer un mauvais pacte de téléportation sous le coup de l’émotion.

J’ai couru jusqu’à la tour de Thesos montant tout en haut. Elle était assise par terre dans une petite pièce retirée. Elle m’a sautée au cou : « Ça me fait plaisir de te voir ! ». Je l’ai serrée contre moi : « Et moi donc… ». Si elle seulement elle savait à quel point son absence m’était douloureuse… J’ai goûté à la peau de son cou avec délectation. Elle s’est écartée doucement de moi pour regarder ma tenue : « Hem, je comprends mieux les réflexions d’Eeri sur les bottes… ». Je me suis regardée sans comprendre : « quoi? ». J’avais mon habituel haut et bas d’une armure rouge tryker : pas de chaussures, pas de gants, pas d’épaulières… Elle a : « Encore les gants, ça peut aller ! Mais… Il va falloir qu’on te trouve un couturier digne de ce nom ! Mais les trucs à plumes des zorais en vert avec ta tenue rouge… hem hem… ». Mais de quoi parlait elle? je ne portais rien de vert sur moi, je n’aimais pas cette couleur et j’aimais encore moi les trucs à plumes des zoraïs… Est ce moi ou elle qui avait des problèmes de perceptions?

J’ai haussé les épaules. De toutes façons, la mode ne m’avait jamais intéressée. Je me suis assise en face d’elle en regardant autour de moi : « C’est de cet endroit dont tu parlais avec Na Djaï’tal ? ». Je faisais allusion à la pièce qu’ils avait évoqué pour mon « futur » bar. Elle a acquiescé : « C’est sympa comme endroit, mais c’est vrai qu’à ciel ouvert ce serait mieux. Je voulais un peu voir ce que ça donnait. ». Je l’ai regardée l’air taquin : « Tu veux ouvrir un bar? ». Elle a répondu avec un petit sourire aux lèvres : « Je me demandais oui… Mais un bar où on sert seulement des jus de fruits ! ». Nous avons éclaté de rire. Puis, j’ai ajouté en riant : « En pays fyros c’est osé! Tu aurais plus de chance chez les zoraïs, je crois! ». Elle a soupiré : « Bon, oublions ça. C’est trop renfermé pour servir : les gens ne viendront pas. ».

J’entendais des pas dans la tour alors je n’ai pas osé aborder le point qui me turlupinait. Je lui ai alors parlé d’Eeri : « Tu as vu Eeri? Elle ne t’a pas paru changé? ». Elle a réfléchi : « Je ne la connais pas beaucoup, ce n’est pas simple de savoir… Qu’est-ce qui se passe ? ». J’ai tenté d’expliquer : « Elle semble… s’ouvrir un peu… comme si la carapace qu’elle s’était forgée pour oublier tous les morts de l’exode commençait à se fissurer. C’est… troublant… ». Elle a demandé : « C’est une bonne chose ? ». Il me semblait que c’était le cas, oui : « Elle n’a jamais parlé autant que ces derniers temps… ». Elle a souri : « Alors c’est bien… ».

Je n’entendais plus de pas dans la tour, personne ne pouvait plus nous entendre. Il fallait que je sache : « Dis moi… Tu regrettes ce qu’il s’est passé? Je veux dire… quand… nous nous sommes embrassées? ». J’avais peur de la réponse. Elle a ouvert des yeux surpris : « Ho… je… j’ai fait n’importe quoi, c’est ça ? ». J’ai essayé de préciser : « Non… Tu as disparue plusieurs jours sans un mot après çà… ». Elle a pris ma main : « Ça n’avait pas de rapport… Je ne suis pas du genre à … à laisser des mots, j’oublie ce genre de choses. ». Je me suis penchée vers elle le coeur battant. Elle a souri puis m’a embrassée très doucement. J’ai répondu à son doux baiser. Elle était tendre : « Shaakya, tout va bien… ». Je me sentais soudain stupide : « Oui… pardonne moi… je suis sans doute trop angoissée… à l’idée… ». Elle m’a coupé avec une voix douce : « Tu ne vas pas me perdre. Je suis là, je reviendrais ! Toujours… ». Elle m’a serrée dans ses bras. J’étais émue mais j’ai plaisanté pour tenter de cacher mon émotion : « Tu as intérêt!!! sinon j’irais te chercher jusqu’au milieu de la kitinière si il le faut! ». Elle a ri doucement… Comme j’aimais entendre son rire. Je l’ai serrée contre moi. Elle m’a prévenue en souriant : « Évite de faire des bêtises quand même ! J’aimerais bien revenir vers une Shaakya en vie et en bonne santé ! ». Je l’ai regardée d’un air taquin : « D’accord je mangerais ma soupe tous les soirs! ». Elle a ri encore une fois faisant battre un peu plus mon coeur. J’ai entrecroisé mes doigts dans les siens d’un geste tendre.

Pourtant, quelque chose me tracassait : « J’ai eu un izam de Na Djaï’tal… Il dit qu’il voudrait me parler… Tu lui as dit pour nous? ». Elle a paru soudain triste : « Nani… Je le croise peu ces temps-ci… On a tous les deux des projets qui nous éloignent. Il étudie avec les matis, moi je cours sur Atys pour les transporteurs… ». Je l’ai serrée contre moi en embrassant doucement son front : « Je suis désolée que tu ne puisses pas le voir plus souvent… Il me manque à moi aussi… Je l’aime beaucoup. Il sait toujours dédramatiser une situation. Et j’adore son humour. ». Elle a approuvé : « Oi, il a une grande force intérieure… tranquille, rassurante. ».

J’ai alors exprimé ce qui me turlupinait : « Peut-être qu’il se doute des sentiments que nous avons l’une pour l’autre? ». Elle a eu soudain un air inquiet : « Tu crois que ça va le gêner ? ». Je ne savais pas vraiment : « J’espère que non… si… si… Je ne veux pas être un obstacle entre vous… ». Elle s’est écartée en me regardant d’un air triste : « Shaakya… ». J’ai tenté d’expliquer : « C’est bien plus facile une relation entre un homin et une homine qu’entre deux homines… ». Je le savais pour avoir vu les problèmes qu’avait eu Kyshala avec son amante. Cette dernière n’avait finalement pas supporté la pression exercée par les « on-dit ». Elle avait laissé tomber ma cousine pour avoir une relation plus « normale » avec un homin dont je n’étais même pas sûre qu’elle l’aimait autant que celle qu’elle avait quitté.

Anyume secouait la tête un peu perdue : « Je fais n’importe quoi… je ne veux faire souffrir aucun de vous deux, et je prend exactement le mauvais chemin, hein ? ». J’ai dit doucement : « Il n’y a pas de mauvais chemin… et puis tu peux toujours revenir sur tes pas… ». Elle a serré les poings : « Shaakya… je t’aime. Je ne veux pas que ce qu’on commence à vivre s’arrête. Je ne veux pas non plus que ça m’éloigne de Na Djaï’tal… « . Je lui ai murmuré : « Je t’aime aussi… comme je n’ai encore jamais aimé… ». Je l’ai repris contre moi me penchant vers son visage. Elle m’a serrée m’embrassant avec passion. J’ai prolongé longuement notre baiser, je n’arrivais plus à quitter ses lèvres…

Des bruits de pas dans la tour, nous ont écartées l’une de l’autre. J’avais le regard perdu, mes mains tremblaient. J’ai compris que je la désirais. Elle avait l’air dans le même état que moi, sa respiration était saccadée : « Shaakya… si on se trouvait un endroit plus calme ? Je connais un coin dans les dunes de Pyr où la sciure reste chaude toute la nuit… Je vais te montrer ! ». J’ai pris sa main douce dans la mienne et nous sommes parties loin de tout dans les dunes.

Elle a souri : « La vue est belle, entourée par les falaises, dans le soleil couchant… ». Je ne pouvais qu’approuver : « Oui… c’est magnifique! ». Elle me regardait avec tendresse… Elle était tellement belle… J’ai caressé doucement ses lèvres avant de l’embrasser. Je l’ai sentie frissonner entre mes bras. Comment lui dire le trouble que je ressentais? J’ai rougi légèrement : « Je n’ai jamais… Tu es la première homine qui me fait cet effet… ». J’ai goûté à nouveau ses lèvres si douces… Elle s’est écartée puis s’est mise à rire doucement : « Moi aussi, c’est une première ! Et on est toutes les deux aussi inexpérimentées, donc ! ». Je suis restée subjuguée entendant à peine ses paroles : « Tu es tellement belle… quand tu ris… ». Elle a ri doucement avant de m’embrasser d’abord tendrement… Puis, la passion et le désir nous ont emportées.

Comment retranscrire avec des mots, ce flux d’émotions qui nous as traversé toutes les deux cette nuit là. Je me souviens… du soleil couchant s’enfonçant dans les dunes… de mes gestes si gauches et maladroits d’amante inexpérimentée qui pourtant la faisait tout de même frissonner… de son regard si épanoui qui savourait le plaisir que je lui offrais… de ses gestes plus assurées et bien moins malhabiles que les miens… de ma soudaine angoisse qu’elle a su apaiser avec des gestes et des paroles douces… de nos corps enlacés… de ce cri de plaisir que j’ai laissé échappé…

Je me suis mise à pleurer de bonheur… J’avais pensé que jamais plus je n’arriverais à avoir de relation physique avec qui que ce soit après ce que j’avais vécu. Mais Anyume m’avait offert ce que je n’espérais plus. Je restais blottie entre ses bras pendant qu’elle me caressait tendrement… me cajolant… Je me suis rallongée, l’attirant contre moi, je ne voulais pas quitter ce lieu : « On peut dormir là tu crois? ». Elle avait un petit air perdu. Je me suis inquiétée : « Çà va? ». Elle a rougi légèrement : « Oï Shaakya ! je ne pensais pas… enfin… C’est tout nouveau ! Je ne savais pas que j’allais réussir à te rendre heureuse. ». Ça l’était pour moi aussi. J’ai secoué la tête : « J’ai du être terriblement maladroite… ». Elle a ri doucement : « nani, pas du tout… Si tu savais comme j’en avais besoin… Pouvoir m’abandonner comme ça… ».

Je lui ai alors offert une caresse très tendre d’amante qui l’a fait soupirer de ravissement. J’ai murmuré à son oreille : « Je te promets d’être un peu plus douée la prochaine fois ». Elle a protesté doucement : « Shaakya… c’est de ta tendresse et de ta gentillesse que j’ai envie, pas d’une quelconque expertise. Ce que j’ai envie de partager avec toi c’est de l’amour, pas de la technique… ». Elle a grimacé : « Pour ça, ça ira! ». Je me suis doutée qu’elle devait parler d’Alric. Je lui ai caressé la joue. Elle a poursuivi : « Mais de pouvoir savourer chacune de tes caresses, sans devoir être aux aguets, de pouvoir me laisser aller entièrement avec toi, parce que je peux avoir confiance… Ça, ma douce fyrette, ça n’a pas de prix… ». Elle s’est blottie contre moi pendant que je lui murmurais : « Je te promets alors de te donner toutes ces caresses et cette douceur que personne ne te donne.. Elle souriait heureuse sous mes caresses d’amante. Je l’ai bercée et cajolée tendrement contre moi, jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Je me suis endormie contre elle le coeur gonflé de bonheur entre ses bras qui ne me lâchaient plus.

Je savais que ces moments intimes resteraient gravés à jamais dans ma mémoire. Je ne pourrais plus revenir ici sans repenser à ce que nous y avions vécu elle et moi. Cet endroit s’appelleraient désormais pour moi : les dunes d’Anyume.

L’apprenti brasseur

J’étais en train de négocier la vente de matières premières quand un fyros m’a saluée. Je n’ai pas fait attention à vrai dire, trop occupée à discuter les prix de mes objets. Quelques minutes plus tard, pourtant le fyros s’est à nouveau approché de moi avec un grand sourire aux lèvres : « oren pyyr! ».

Je l’ai regardé intriguée. Il portait une de ces armures de débutant faites de morceaux d’écorce et de végétaux d’où ressortait par endroit son ventre bedonnant. Ses cheveux blonds étaient hirsutes mais son regard bleu était franc et jovial. Je l’ai salué à mon tour. Il semblait heureux que je prête attention à lui : « Pouvez m’aider? je cherche un braasseur! ». Il avait une drôle de façon de parler semblant accentuer certaines syllabes. Je n’étais pas sûre de quoi il voulait parler : « Un brasseur? le bar de Lydix? ». Il s’est gratté le ventre : « Un bar? ». J’ai acquiescé : « Oui une taverne quoi! ». Il a eu un drôle de ton comme pour s’excuser : « Je viens d’arriver… j’ai entendu que la bière ici est la meilleure? ». J’ai approuvé : « C’est vrai! Même si les trykers ne se débrouillent pas trop mal non plus. Vous voulez que je vous montre? ». Il a semblé surpris : « Oui, c’est possible? ». J’ai acquiescé en souriant et je l’ai amené jusqu’à la taverne de Lydix.

Il a regardé la taverne avec les yeux d’un enfant émerveillé poussant des cris de ravissement. Je souriais amusé par son attitude. Il a commandé une grande bière de shooki à Lydix : « oren pyr Lydix, une grande bière pour un voyageur assoiffé! ». Il a commencé à goûter : « Mon papa et ma maman m’ont toujours parlé de la bière de shooki de Pyr! ». Puis il a bu une grande rasade et a fini en rotant. J’ai souri : « Elle est bonne hein? ». Il a hoché la tête avec enthousiasme : « Autrement meilleure que les affreux breuvages de Silan. ». J’ai approuvé me souvenant de l’absence totale de tavernes là bas.

Il m’a demandé : « Ça fait looongtemps que z’êtes à pyr? ». J’ai acquiescé : « Hmm… un peu oui… Depuis que les homins sont revenus après le deuxième grand essaim. Et vous vous venez d’arriver? ». Je me suis retenue de rire en le voyant compter sur ses doigts en se mordant la langue. Il a fini par répondre : « Oui! ». Puis, il a expliqué : « Je cherche un brasseur, un grand guerrier. ». Je savais que Geyos avait été un grand guerrier et qu’il avait créé récemment une guilde de brasseurs. Est ce que çà pouvait-être lui ? J’ai demandé : « Geyos? ». Il a ouvert de grand yeux : « Je ne sais pas… J’en ai entendu par des histoires qu’on racontait quand j’étais petit. «  J’ai soupiré : « Ça ne va pas être simple… Je crois que Geyos a créé une guilde de brasseurs… Enfin… il me semble… C’est un grand guerrier et il a survécu au deuxième grand essaim… Je peux lui envoyer un izam si vous le souhaitez? ».

Le fyros m’a regardé avec de grand yeux : « Vous le connaissez? ». J’ai envoyé un izam à Geyos pendant que je répondais : « Je le connais vaguement mais mon amie Eeri le connait très bien. ». A nouveau, il me regardait avec un air éberlué : « Votre amie Eeri? ». Et puis, il s’est repris : « Enfin, non, je vais peut-être attendre un peu pour le reeencontrer. Z’êtes bien geentille… Les gens sont pas geentils avec moi d’habituude! ». Mais, c’était trop tard Geyos m’avait renvoyé un izam pour me dire qu’il venait. Je l’ai regardé surprise, il n’avait pas l’air de pouvoir faire de mal à une mouche : « Pourquoi pas gentil avec vous? ». Je l’ai vu qui tentait de se retenir de roter et çà m’a fait rire : « Vous pouvez roter! Lydix considérera que vous aimez sa bière! ». Il a souri soulagé : « Ah? C’est possible? ». Il a alors roté bruyamment.

Je l’ai alors prévenu de l’arrivée imminente de Geyos. Étrangement, il a grimacé : « Geyos va venir? ». Je l’ai regardé étonnée qu’il semble soudain réticent : « Bein oui… Pourquoi? ». Il m’a déclaré : « Je ne peux pas le rencontrer dans cette tenue! ». J’ai eu une petite moue ayant connu Geyos tout crasseux sortant de chez les fraiders : « Oh vous savez… il n’en prendra pas ombrage… ». Je n’ai pas pu poursuivre, Geyos venait d’apparaître : « oren pyr ! ».

Le fyros blond a sursauté : « oren pyyr… iiil est lààà… ». J’ai salué Geyos. Il avait une drôle de coiffure avec deux pointes de cheveux hirsutes sur la tête et une partie du crâne dégarni : « Tu as perdu des cheveux Geyos? ». Il a grogné : « Non, je suis passé au coiffeur! ». Je me suis tourné vers le fyros : « Geyos voici… heu je ne sais pas votre nom ? ». Il regardait Geyos avec de grands yeux : « Shukbrau… ». J’ai fait les présentations : « Shukbrau voici Geyos, Geyos voici Shukbrau! ». Geyos a grogné un « Enchanté » tandis que Shukbrau le regardait toujours avec de grands yeux : « Je suis trèès hoonoré de vous reencontrer monsieur Geyos! ».

Geyos a continué sur un ton abrupte : « Vous désirez quelque chose ? ». Shukbrau tentait d’expliquer : « Quand j’étais tout petit mon papa et ma maman m’ont parlé d’un grand guerrier et j’ai entendu qu’il était brasseur maintenant. Je suis à sa recherche. ». Geyos était de tout évidence pas prêt à avouer beaucoup de choses : « Hum … doit p’tet y avoir erreur sur la personne. J’ai jamais été guerrier, moi. Qui étaient tes parents ? ». Shukbrau s’est gratté le ventre : « Je sais plus j’étais petit. C’était mes parents. ». Je trouvais qu’il était de plus en plus bizarre et je commençais à me demander si je n’avais pas fait venir Geyos pour rien. Ce dernier a demandé : « Et ils t’ont dit quoi sur moi ? ». Shukbrau a répondu : « Que vous étiez connu pour votre amoour de la bière de shooki et que vous étiez un graand guerrier! un kenak! ». Je ne connaissais pas le dernier terme : « Akenak plutôt non? ». Geyos a grogné : « ney en effet. Mais je n’ai jamais été tout cela. Je suis un simple brasseur! Je fais ça depuis mon adolescence. Je ne me suis jamais impliqué dans les affaires des nations. Tant que je peux vendre ma bière vous savez… ». J’ai secoué la tête dépitée, je savais qu’il ne disait pas toute la vérité mais après tout, il préférait sans doute cette version de son histoire.

En tout cas, le regard de Shukbrau s’est éclairé : « Vous faites de la bière? ». Geyos a répondu fièrement : « De la bière? Je fais la meilleure bière de tout Atys! ». Shukbrau a vidé son premier verre avec empressement : « Je peux la goouter? ». Geyos a lancé : « Lydix! Une cuvée 2570 pour le jeune homme! ». Shukbrau a souri de toutes ses dents et attrapé le verre pendant que Geyos poursuivait : « Enfin, je ne fais pas que de la bière… Je fabrique à peu près toutes les sortes d’alcools que l’on peut trouver sur l’écorce! ». Shukbrau a goûté la bière et a roté : « J’aiime la bière! ». Geyos a affirmé : « C’est pour ça que tu as trouvé Shaakya alors! ». J’ai rigolé en protestant : « Il m’a trouvée au marché pour une fois je ne buvais pas de la bière! ».

Shukbrau s’est gratté le menton : « Et comment fait-on pour devenir brasseur? ». Geyos a répondu comme si c’était une évidence : « Et bien … Déjà il faut savoir brasser! ». Shukbrau a eu un regard de bodoc assommé : « Ah? ». J’ai essayé de ne pas rire. Il s’est alors repris en buvant une grande lampée de bière : « Je veux appreeendre à brasser alors! ». Geyos le regardait d’un œil évaluateur : « Je n’accepte pas n’importe qui après! Tu as quel âge? ». Shukbrau a répondu : « Pas beaucoup d’âge mais je parais très grand! C’est pour ça que les autres ils se moquent toujours de moi. ». Je n’ai pas pu m’empêcher de pouffer devant l’air inquiet de Geyos. Celui-ci a demandé : « Tu es majeur au moins ? ». Shukbrau a commencé à compter sur ses doigts : « Oui… Je crois… Puis ils disent que je suis bête en plus… alors je sais plus… ».

Geyos m’a regardée avec un air grognon : « fyrak ! Où tu l’as trouvé celui là Shaakya ? ». J’ai haussé les épaules en souriant : « Au marché je te l’ai dit! Il semblait un peu perdu… ». Geyos s’est alors tourné à nouveau vers Shukbrau : « Tu sais lire, écrire et compter au moins ? Je n’ai pas le temps de te donner une éducation complète! ». Celui-ci a pris un air fautif : « Un peu… Je crois… mais je sais, mais si je sais lire… et compter aussi… ». Geyos a grogné : « Tu ne m’as pas l’air très convaincu… ni très convainquant! ». Je voulais aider Shukbrau alors je l’ai défendu : « Je suis sûre qu’il sait lire un menu où il y a des bières! Et qu’il sait compter les verres de bières! N’est ce pas Shukbrau? ». Il a hoché la tête pour confirmer avec un petit sourire.

Geyos a fini par dire : « Bon déjà… Avant d’être un brasseur, il faut être débrouillard. Je ne suis pas tout le temps là. Je veux que les membres de ma guilde puissent se débrouiller par eux-même. Pour commencer, tu vas te débrouiller pour trouver la recette de la marquisette d’anichio, le tryk bai dhad’al et du lait de capryni de Lydix. ». Shukbrau a ouvert de grands yeux pendant que je me demandais si Geyos n’inventait pas des boissons pour s’en débarrasser : « Çà existe çà ? Depuis quand il fait du lait Lydix? ». Geyos a affirmé : « Depuis toujours Shaakya, depuis toujours… ». J’étais dubitative. Shukbrau s’est frotté la tête puis gratté le ventre : « Je vais essayer… ». Geyos a continué : « Ensuite … on passera à la pratique une fois que tu auras les recettes… Je m’occuperai de ramener le nécessaire. Envoie moi un izam quand tu auras trouvé ou si tu as des questions. ». Shukbrau se répétait à lui même comme pour ne pas oublier : « Lait de capriny de Lydix, marquise d’état nichio tric baye quedale, lait de Lydix, marquise… ».

Geyos l’a regardé de bas en haut : « Et trouve toi une armure ! Ce n’est pas parce que tu traînes avec Shaakya que tu dois adopter ses habitudes vestimentaires! ». J’ai éclaté de rire : « Il a des chaussures lui! ». Mais Shukbrau a pris l’air d’un yubo battu : « Je… je n’ai que ça à me mettre mais je vais trouver… je vais trouver… en plus ça gratte cette tenue. ». J’ai souri : « Je vais t’aider à trouver le nécessaire Shukbrau ne t’inquiète pas. ». Shukbrau a fait un grand sourire avec le menton en avant. Geyos est parti. Il avait des affaires à traiter. J’ai proposé à Shukbrau de lui acheter une nouvelle armure en cadeau de bienvenue mais il a refusé en rougissant : « Je dois peut-être me débrouiller seul comme l’a dit le brasseur. ». Je l’ai reconduit au marché pour éviter qu’il ne se perde dans la ville et je l’ai laissé à ses occupations après qu’il m’ait remerciée. J’étais persuadée qu’il ne trouverait jamais les recettes demandées par Geyos ou qu’il mettrait énormément de temps pour y parvenir.

Le soir même, j’ai parlé à Eeri de ce drôle d’individu que j’avais croisé et du test de Geyos. Elle a secoué la tête en riant : « Le bougre de Geyos! Il y va fort! J’essaierai de le rencontrer ce buveur de shooki… peut-être que je tomberai amoureuse…? ». J’ai pouffé : « Heu… franchement… non! ». J’imaginais très mal ma belle chauve entre les bras Shukbrau même si je le trouvais sympathique. Elle a ri : « A ce point? ». J’ai acquiescé. Si un jour, elle devait avoir un amant, j’imaginais un homin beaucoup plus… mâle… Shukbrau me faisait l’effet d’un enfant dans un corps d’homin.

Quelques jours plus tard, j’ai eu la surprise de recevoir un izam de la part de Shukbrau m’annonçant qu’il avait découvert toutes les recettes. Il avait acheté un mektoub et voulait rejoindre Thesos. J’ai tenté de l’en dissuader craignant pour sa santé. Mais, il était déjà en route. J’ai croisé les doigts espérant qu’il ne croiserait pas trop de bestioles agressives. Mais apparemment, la chance était avec lui… à moins que ce ne soit pas de la chance. Peut-être était il moins benêt qu’il en avait l’air… Il a grogné un peu sur les varynx qui lui avaient mordu les fesses mais il était entier.

J’ai envoyé un izam à Geyos pendant que je conduisais Shukbrau à la taverne de Thesos. Il avait les yeux émerveillés d’un enfant devant les tonneaux de bières qu’entreposaient Pecus. Shukbrau a commencé à me réciter les recettes qu’il avait retenu quand je l’ai soudain vu s’incliner plus bas que le bar : « oreen pyr maître Geyos! ». Geyos était là en train de traîner des tonneaux. Je l’ai salué : « Shukbrau voulait vous voir! ». Il a gromellé : « Ha oui, c’est vrai… Avec l’âge, j’deviens un peu gaga. ».

Shukbrau trépignait : « J’ai… J’ai tout appriis!! La marquisotte d’anichié… euuuhh marquisette d’anichio. ». J’ai demandé avec un petit sourire taquin aux lèvres : « Anichio ou anichiotte? ». Geyos a grondé comme si je disais une énormité : « Anichio! ». Pendant ce temps, Shukbrau continuait sur sa lancée : « Le Tryyk bai dadal… ». Je me moquais gentiment : « Tybadada badadabadam ». Geyos a soupiré blasé : « Et ben… z’avez l’air d’avoir bien bu ! Et donc, qu’y a t-il dans ces boissons ? ». Shukbrau a énoncé fièrement un à un les ingrédients de chaque boisson. Je secouais la tête dégoûtée par certains en me jurant de ne jamais commander de marquisette anichiotte et du trikbadada. Geyos en voyant mes grimaces a commenté : « C’est très bon pourtant! ».

Quand Shukbrau a fini d’énoncer les ingrédients, Geyos est resté stupéfait : « Et ben… Je sais pas où t’es allé chercher tout ça mais tout est bon! ». Shukbrau a indiqué : « J’ai rencontré une fyrette qui m’a tout appriis… au baar… Je ne saiis plus son nom mais elle n’avaiit pas de cheveux non pluus! ». J’ai compris tout de suite : « Eeri!!! ». J’ai rigolé et Geyos a souri. Shukbrau s’est gratté le ventre : « Ah ouii… Eeriii! Quel droole de nom! C’est Lydiix qui m’a diit qu’elle pourrait m’aiider. ».

Geyos a soupiré : « Bon bon bon… Je propose de s’atteler à la création de la shooki! ». Le visage de Shukbrau s’est illuminé : « Je vais devenir brasseur? ». Geyos a grogné : « Apprenti brasseur d’abord! C’est qu’on devient pas brasseur du jour au lendemain… ». Shukbrau a sauté de joie : « Ouaiiiiiis!!!! Oui, j’ai tout à appreendre et fauut que je me souvieene de tout. Paar quoi je commeence? ». Son enthousiasme faisait plaisir à voir et j’ai même cru discerner un petit sourire sur le visage de Geyos.

Ils sont partis pour Pyr en discutant de tonneaux et de la nécessité d’être sobre pour brasser. Je les ai laissés, heureuse d’avoir pu contribuer à aider un nouvel arrivant de Silan et d’avoir sorti un peu Geyos de sa solitude d’ours mal léché.

La route de l’eau

Quand je me suis réveillée, Jalindra n’était plus à mes côtés. Elle m’avait laissée un petit mot : elle était partie à Fairhaven et revenait très vite. Je l’ai attendue sur la plage. Quand elle est arrivée, elle m’a serrée dans ses bras : « Bonjour mon amour… tu me manquais. ». Je l’ai prise par la taille en goûtant ses lèvres : « Toi aussi ma belle… ».

Elle a souri : « On va essayer de ne pas être en retard hein ? ». C’était le jour de la Route de l’eau et j’avais rêvé d’y participer depuis que j’avais lu les histoires s’en rapportant dans le cube d’ambre de Kyshala. J’ai eu un sourire amusé : « Ha? Tu crois? ». J’ai commencé à lui offrir des caresses sensuelles. Elle a ajouté : « C’est ton rêve après tout… Promis, demain, je serais encore là! ». Je lui ai pris le visage pour l’embrasser sensuellement. Elle a souri : « Non, je ne dirais pas que ça ne me fait rien, ce coup-ci! De toutes façons, tu n’as rien à faire… juste à être là… ». Je l’ai, à nouveau, embrassée avec envie.

C’est alors que j’ai entendu des pas derrière moi. J’ai sursauté et Jalindra a rougi. Na Djaï’tal était là en train de nous saluer. Qu’avait-il vu ? Il restait un peu en retrait semblant se demander si il nous avait dérangé. Jalindra l’a vite compris et elle a dit en souriant : « Approche ! on ne mord pas! ». Il a demandé : « Je ne vous dérange pas, au moins ? ». Elle a secoué la tête : « Non pas de soucis! ». J’ai failli éclaté de rire.

Il avait les yeux un peu dans le vague comme souvent désormais. J’ai demandé comment il allait. Il me regardait toujours de la même manière : « Moi ? Heuu, oui, ça va… ». Il n’était pas très convaincant. Alors j’ai voulu lui annoncer la bonne nouvelle du retour d’Anyume : « Tu n’as pas croisé quelqu’un aujourd’hui? ». Il a haussé les épaules : « J’ai croisé plein de gens, si, pourquoi ? ». J’ai précisé en souriant : « Quelqu’un que tu aimes beaucoup? Et qui t’aimes beaucoup? ». Il fronçait le masque l’air un peu désarçonné. J’ai caressé le dos de Jalindra comme pour la rassurer, je me rendais compte que je n’avais même pas eu le temps de la prévenir. Devant son air, j’ai ajouté : « Quelqu’un qui est partie il y a longtemps…? ». Il avait l’air de plus en plus perdu. J’ai continué mon petit jeu de devinette : « Une fyros qui ne boit que du jus de bais au poivre… ? ». Il a écarquillé les yeux comprenant enfin : « Ho… Tu… tu l’as vue ? ». Il a soudain paru affolé. J’observais sa réaction en souriant : « Oui… elle était là où tu te tiens il y a quelques heures à peine. Elle est repartie pour te chercher. ». Na Djaï’tal a regardé autour de lui : « Tu l’as vue… ici ? ». J’ai acquiescé.

J’ai senti soudain que Jalindra se crispait. Je l’ai prise par la taille tendrement en expliquant : « Anyume est revenue. ». Elle semblait toujours aussi nouée : « J’en avais déduis ça oui… ». Je lui ai murmuré d’un air un peu contrit : « Je n’ai pas eu le temps de te le dire… ». Mais je sentais qu’elle était toujours aussi tendue. Pensait-elle que j’avais voulu lui cacher le retour d’Anyume? Je l’ai caressée doucement : « Hééé… ma belle… Qu’est ce qu’il se passe? ». Elle a répondu un peu froidement : « Ça va! Ne t’inquiète pas! On va être en retard… ».

Na Djaï’tal est soudain revenu à lui nous voyant un peu crispées : « Désolé… Je… ». Mais celle qui m’inquiétait, c’était Jalindra : le retour de mon ancienne amante la perturbait sans doute plus que ce à quoi elle s’attendait. Je me mettais à sa place et je comprenais ce sentiment trouble qui devait être le sien : l’angoisse de me perdre un peu, la jalousie de m’imaginer dans des bras autres que les siens… J’ai embrassé son front tendrement puis j’ai caressé sa joue : « Oui… allons-y! ». C’est alors que Na Djaï’tal a demandé : « Vous allez où? ». Nous lui avons expliqué que nous nous allions suivre la route de l’eau. Il a demandé si il pouvait venir avec nous. Nous avons bien sûr accepté.

Nous sommes allés à Fairhaven, où il y avait déjà un grand rassemblement d’homins, attendant la répartition des différentes équipes. Jalindra n’avait pas desserré les dents. Je ne savais pas comment la rassurer. Je lui ai pris la main en lui murmurant : « Il ne s’est rien passé avec elle tu sais… ». Elle avait la gorge nouée : « Je… si tu as envie de… je comprendrais… ». J’ai serré sa main : « Non… Je n’en ai pas eu envie… Je l’ai serrée dans mes bras et c’est tout… ». Elle a secoué la tête : « Je suis désolée… Je ne veux pas… ». Je l’ai prise contre moi et je lui ai murmuré à l’oreille : « Je t’aime… ». Elle s’est blottie dans mes bras, se dénouant enfin. Je caressais son dos tendrement : « Je n’ai pas eu envie d’elle et je lui ai parlé de toi… ». Pourtant, elle avait toujours du mal à exprimer son mal-être : « Je ne veux pas t’empêcher… ». J’ai secoué la tête : « Tu ne m’as pas empêcher à quoique ce soit… ». Elle a demandé : « Et elle… a réagi comment? ». J’ai haussé les épaules : « Elle était heureuse pour moi… Elle n’a jamais été jalouse. ». Jalindra a eu l’air embêtée pour moi: « Désolée… ». J’ai souri : « Désolée pourquoi ma belle? Je préfère ta réaction à la sienne… au moins j’ai l’impression que tu tiens à moi. ». Elle a souri : « Ce n’est pas une impression çà tu sais! ». Je lui ai caressé la joue en souriant : « Je le sais mon amour… ».

Na Djaï’tal qui était perdu dans ses pensées, a semblé émergé : « Et on va faire quoi exactement ? ». J’ai failli éclater de rire. Na Djaï’tal nous suivait apparement juste pour être à nos côtés sans même connaître les éventuels dangers. Je lui ai expliqué que nous nous rendions à Pyr et que nous risquions de croiser la route de bandits ou de maraudeurs mais çà ne l’a pas fait fuir. Sans doute, espérait-il trouver Anyume sur la route. Nous avons constitué une équipe avec Zo’ro Argh, Hann, Midolado et Lyouna. Cette dernière avait raté le départ mais elle a fini par réussir à nous rejoindre avec l’aide de Zo’ro Argh, toujours prêt à venir en aide à une jolie petite trykette.

Le convois s’est élancé. Je ne cessais de suivre Jalindra du regard : « Dans cette foule, je n’ai pas envie de te perdre… ». Elle est venue tout près de moi : « Je regarde regulierement où t’es… et puis, j’arriverais toujours à te retrouver. ». Je me suis retenue de la serrer dans mes bras en public : « Je n’ai pas l’intention de te perdre. ». Dans les lagons de la Loria, il y a une petite pause. Une tribu zoraï inconnue avait proposé son aide mais méfiant les responsables du convoi ont préféré décliner l’offre. Na Djaï’tal en a profité pour se changer et enfiler sa jolie armure de combat bleue. Je n’ai pas pu m’empêcher de le complimenter en lui murmurant : « Tu es toujours aussi beau dans cet armure! ». La sève lui ai monté au masque : « akep, ma reine! ». Puis, il a souri : « Je te trouve aussi particulièrement belle ce soir, avec cette tenue! ». Je portais ma nouvelle tenue fyros de soin que m’avait conseillée Eeri juste avant son départ. J’ai alors voulu lui faire comprendre la relation qui me liait désormais à Jalindra : « Jalindra la trouve jolie aussi! ». Mais de toutes évidences, il n’était pas dupe. Il m’a souri : « J’ai cru comprendre! ».

Nous sommes arrivés en pays matis par le sud. J’étais étonnée : passer par ici signifiait que nous allions passer tout près du camp des maraudeurs. La stratégie était osée. Les maraudeurs avaient du entendre parler de la route de l’eau et avait sans doute décidé de l’attaquer. Mais, ils avaient sans doute supposé que la caravane n’oserait jamais passer si près de leur camp. En tout cas, le roi matis Stevano était là pour aider la caravane de l’eau à traverser son pays. Nous avons commencé à traverser le labyrinthe du sud. Malheureusement, une première attaque de maraudeurs a eu lieu, sans doute des éclaireurs. Si ceux-ci avaient eu le temps de prévenir les autres, nous serions attendus à coup sûr dans le désert matis du nord. Mais il était trop tard pour faire demi-tour.

Nous sommes arrivés au nord du pays Matis sans rencontrer un seul problème. Et puis l’embuscade a eu lieu violente brutale parmi les créatures agressives et les yelks qui mourraient en rejetant leur gaz empoisonné. La troupe était désorganisée. Je ne savais plus qui suivre. Je tentais de recharger du mieux que je pouvais Jalindra. Puis, j’ai commencé à prendre des coups, j’ai fui droit devant tentant de rejoindre le gros de la troupe, traînant Lyouna derrière moi qui était blessée, elle aussi. Jalindra me criait de ne plus bouger pour pouvoir me soigner mais je voulais mettre Lyouna à l’abri des coups. Soudain, tout est redevenu plus calme l’alliance de la route de l’eau reprenait le dessus repoussant les assaillants et les poursuivant même pour récupérer les mektoubs qu’ils avaient volés.

Puis, nous avons passé le vortex qui mène au pays fyros. Plus d’attaques, à part celles des créatures agressives. A un moment donné, je suis restée en arrêt, subjuguée, devant un kirosta rouge qui venait d’être tué : « Le kirosta rouge… ». Jalindra m’a pris la main surprenant mon trouble : « Viens ma belle… ». Nous avons continué la route.

Nous sommes arrivés à Pyr sans encombre. Nous nous attendions à un accueil de la population fyros, mais il n’y avait personne. Zo’ro Argh m’a fait rire quand il a lancé faisant allusion aux attaques que nous avions subies : « C’est vrai ça… on n’est pas aussi bien accueilli que par les Matis! ». La troupe s’est dispersée. Na Djaï’tal est reparti. Je suppose à la recherche d’Anyume.

J’ai vu Jalindra bailler dormant presque debout. Je lui ai proposé d’aller dormir sous les branches de « Frère arbre » qu’elle ne connaissait pas. Arrivée près de lui, j’ai caressé son écorce : « Souvent quand j’étais seule… je venais écrire mon journal ici. ». Elle a regardé autour d’elle : « C’est un bel endroit… ». J’ai acquiescé : « Oui une vue magnifique du désert. ». Je l’ai prise par la taille en venant chercher ses lèvres. Elle a répondu tendrement à mon baiser. Puis je l’ai sentie vaciller contre moi. Elle était épuisée. J’ai posé une couverture au sol avant de la porter doucement pour l’allonger dessus. Elle a eu la force de dire d’une voix ensommeillée : « Et tes pieds çà va? Toute cette route avec les bottes… ». J’ai murmuré comme pour ne pas la réveiller en lui caressant la joue : « Ça ira ne t’inquiète pas… Tu as besoin de dormir mon amour. On verra çà demain. ». Elle a essayé de protester sans pouvoir retenir un bâillement : « Je peux… mettre de la crème. ». J’ai posé très doucement sa tête sur mon épaule : « Viens là… Tu es épuisée… ». J’ai commencé à la bercer doucement pendant qu’elle se blottissait tout contre moi en fermant les yeux. Elle a chuchoté dans un demi-sommeil : « Je t’aime. ». J’ai murmuré avant de l’embrasser très délicatement : « Moi aussi mon amour… je t’aime… ». Je l’ai regardée s’endormir avant de plonger moi aussi dans le sommeil.

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