Je n’avais pas encore prévenu Ywan de mon départ des légions fyros… Pourtant, c’est à lui que j’aurais aimé le dire en premier mais il était bien trop souvent absent ou trop occupé par son forage dans les primes racines pour m’accorder son attention.
Puisque je n’arrivais pas à le croiser, j’ai fini par lui envoyé un message par izam :
« oren pyr Ywan,
Je n’ai pas réussi à te croiser depuis plusieurs jours, aussi je te le dis dans ce message que j’accroche à la patte de cet izam même si j’aurai préféré te le dire de vive voix.
Peut-être le sais tu déjà? J’ai quitté les légions fyros. Je ne me sentais plus en accord avec les idéaux de la guilde. Après de longues lectures, à droite et à gauche, et une réflexion sur moi-même et sur ce que je voulais faire de ma vie d’homine, j’ai décidé de devenir Ranger.
Icus pense que c’est une lubie dû à mon jeune âge… peut-être… Mais toujours est il que je ne peux plus accepter que notre guilde attaque sans raison une tribu matis qui ne leur a rien fait ou qui ne se déplace pas pour défendre leurs terres des kitines.
C’est peut-être un doux rêve irréalisable mais je veux défendre les homins… tous les homins contre les kitines et j’aimerai qu’un jour toutes ses dissensions entre les peuples s’apaisent.
Pour l’instant, je ne suis d’aucune guilde. Je cherche à atteindre doucement l’idéal ranger et peut-être un jour en rencontrer un.
Je serais toujours là, si tu as besoin de quoique ce soit, je reste ton amie.
Que les kamis veillent sur ta graine de vie.
Shaakya. »
Quelques heures après avoir écrit cette lettre, Eeri m’a signalé que Ywan s’était inquiété de mon absence la veille. Ça m’a donné un peu de baume au coeur de savoir qu’il pensait toujours un peu à moi. Peut-être aurais-je bientôt de ses nouvelles?
Eeri m’a finalement rejoint sans que je lui demande quoique ce soit. Elle a déclaré qu’elle allait m’aider à devenir ranger. Nous avons écumé la région zoraï pour la vider de ses bandits qui attaquaient tous les homins s’approchant un peu trop de leur camp. Cette petite excursion m’a beaucoup aidée à me faire connaître du peuple zoraï mais ce n’était pas ce qui m’importait le plus. Le plus important, c’était qu’Eeri continuait à prendre soin de moi. D’ailleurs, elle s’inquiétait souvent de savoir si j’avais trouvé une guilde correspondant à mes idéaux et elle me répétait que je serais toujours la bienvenue parmi les légionnaires.
Quelques jours plus tard, j’ai senti la présence d’Ywan. Je l’ai contacté par le chant d’Atys. Il avait bien reçu mon message et était heureux que j’ai trouvé ma voie. Lui aussi s’est inquiété de me savoir sans guilde. Il affirmait que seule, j’aurai beaucoup de mal à survivre ici… J’étais surprise : n’était il donc pas possible d’être seule sur Atys? Mais pour le moment, je voulais prendre le temps de choisir et de bien choisir, pour ne pas me tromper. J’avais tout le temps.
Il m’a avoué que lui aussi, ces derniers temps, il ne se sentait plus vraiment en accord avec les dernières décisions concernant les légionnaires au niveau du culte. Je savais qu’Ywan était plutôt proche des kamis comme l’avait toujours été les légions fyros et actuellement la guilde s’orientait plutôt vers la neutralité ce qu’il n’appréciait pas. D’autant qu’il ne pouvait plus participer aux chasses des légionnaires qui étaient devenus des combattants hyper-entraînés et que lui avait négligé son entrainement de combattant pour se concentrer sur le forage. Depuis le début, nous nous étions sentis en décalage par rapport aux autres légionnaires. Mais plus le temps passait, plus le fossé qui nous séparaient d’eux s’élargissait. Pour ma part, j’avais fini par les quitter mais Ywan restait. J’avais l’impression que c’était plus par habitude qu’autre chose.
Il m’a finalement demandé ce que je faisais de mes journées. Je lui ai raconté que je travaillais pour les différents peuples d’Atys. Je lui ai expliqué que j’allais essayer de m’occuper des bandits à l’ouest de Fairhaven. J’espérais vaguement le faire venir. Mais, il a juste affirmé que je n’aurais pas de problème à m’en débarrasser puisqu’il suffisait de sauter dans l’eau pour leur échapper. Finalement, il m’a souhaité une bonne journée, mettant fin à notre conversation assez brutalement…
Cette discussion m’a laissée dans un état assez mélancolique comme si elle m’avait ouvert les yeux sur ma relation avec Ywan. J’avais cru à un moment que quelque chose aurait pu naître entre nous, autre que de l’amitié. Mes ses trop longues absences avaient fini par nous éloigner l’un de l’autre. Je n’arrivais plus à retrouver cette symbiose que nous avions connue quand nous étions sur Silan.
J’ai fini par lancer des paroles de dépit à Eeri : « Tu as raison, il ne vaut mieux pas s’attacher… ». Je faisais allusion à une conversation que nous avions eu à la taverne de Pyr lors d’une soirée de légionnaires. Mais elle n’a pas répondu. Elle avait à ce moment là d’autres yubos à fouetter. Les légionnaires avaient depuis quelques jours des altercations violentes avec les membres de la guilde de la Sève noire qui avaient élu domicile dans le même immeuble. Les choses s’envenimaient de jour en jour…
J’ai fini par aller me saouler seule à la taverne de Fairhaven, saluant au passage quelques habitués appartenant à la tribu Talodi. Je me suis endormie sur place dans une étrange torpeur mélancolique.