Categorie: Journal perdu de kharya


Premières lignes.

Tenir un journal. Depuis que Killya m’en a parlé cette idée me trottait dans la tête. Elle a dit que cela devait me paraître idiot. Pourtant, à bien y réfléchir, il y a bien des souvenirs que je veux garder. Si jamais la mémoire m’échappe un jour, j’aimerai pouvoir relire ces moments importants.

J’ai vécu tant de choses sur Séridia et Irilion. Bastian m’a dit un jour qu’il aimait m’entendre les raconter lors de nos promenades, qu’il apprenait plein de choses sur ces terres grâce à moi. Je ne sais pas si c’est l’histoire des îlots que je veux raconter sur ces pages. Il y a bien des écrits dans les bibliothèques là dessus et dans les archives des dépêches.

Peut être devrais-je me concentrer sur ces gens qui ont partagé mes moments de joies et de peines. Il y en a tellement qui ont disparu et dont personne ne se souvient. Oui, voilà, c’est cela que je vais raconter. Rendre hommage à leur mémoire et que leur souvenir ne meure pas.

Oscarhamel, mon sombre.

Oscarhamel fut mon premier mâle sur les ilots. Il est arrivé à peu près au même moment que moi. Nous nous sommes très vite rapprochés grâce a des récoltes intensives de coton. A cette époque mon projet de devenir forgeronne était la seule chose qui m’occupait l’esprit et j’avais donc besoin de fil pour m’entrainer à la minutie de ce métier. Etant peu fortunée, filer le coton était la meilleure option.

C’est dans les plants de coton de Corren qu’il m’a embrassé la première fois. Je ne m’y attendais pas du tout. C’était doux, agréable, je n’ai pas pu m’empêcher de lui sourire quand il éloigna ses lèvres des miennes.

Nous ne nous quittions plus, et il me fit découvrir les plaisirs charnels dans les souterrains du Val d’Alganiel. C’était le chez nous que nous avions choisit. Il était tendre et moi sous le charme. Ces temps étaient heureux, insouciants.

Il fut mon principal soutien quand Sathia prit la décision de dissoudre le peuple. J’ai refusé d’accepter ce dernier ordre de la première Matriarche des ilots. Voyant que personne ne semblait vraiment s’en soucier, j’ai décidé de tout faire pour réunir le peuple autour de valeurs qui nous sont propres pour ne pas retomber sous la coupe des pâles.

Oscarhamel, ma sœur Oniri, le noble Choubaba et le Patrouilleur Mirolas, à la double personnalité, sont ceux grâce à qui j’ai réussit cette tâche.

Oscarhamel était arrivé sur les îlots après avoir fuit son clan avec son fils, pâle de peau. Ce jeune elfe devait être sacrifié à la naissance à cause de cela. Oscarhamel, dans un élan paternel, refusa de voir son enfant mourir et s’enfuit avec lui. Il fut traqué pendant des dizaines de fingéliens jusqu’à arriver sur les ilots.

Oscarhamel se pensait maudit à cause de cette naissance. Il refusait dorénavant d’enfanter et me confia un jour qu’il avait mis au point une mixture pour se rendre infertile. J’étais choquée de sa décision, prise sans m’en parler. Moi qui l’aimait tant, qui voulait passer ma vie à ses côtés, sans pour autant envisager une Union, il m’avouait qu’il ne m’offrirait aucun enfant.

Le choc laissa place à la colère et, comme une elfette trop gâtée, je décidai de trouver un reproducteur qui me donnerait l’enfant que j’élèverai avec Oscarhamel. Celui que je choisis fut Nalekh.

Oscarhamel devint de plus en plus absent, ne me prévenant pas quand il disparaissait. J’étais désespérée. Je finis par le tromper de nombreuses fois, avec Nalekh d’abord, puis un Eldorian nommé Eskrok. Mais dès qu’il revenait je me jetais dans ses bras, il comptais plus que tout et j’étais tout pour lui. A tel point, qu’il me confia un médaillon lunaire, lié à sa vie. Il me dit ce jour là que si je jetais ce médaillon, il en mourrait. Mais malgré cela, il continua de s’absenter.

Quelques temps après l’une de ses réapparitions, je me rendis compte d’un changement en moi. J’étais enceinte. Ne fréquentant à ce moment là plus que l’Eldorian, l’espoir d’un cadeau d’Oscarhamel m’étreignit le cœur. J’ai immédiatement rédigé des affiches que je placardais un peu partout pour demander si quelqu’un avait vu mon sombre. Un galdur vint un jour me voir pour me dire qu’il le connaissait et qu’il l’avait vu dans son village sur le continent. Le galdur accepta de lui transmettre un message en essayant de quitter les ilots. Oscarhamel revint me chercher pour m’emmener donner la vie hors de ces terres inhospitalières.

Je mis au monde un fils, Arahda, à la peau d’ébène, ce qui rassura Oscarhamel. Il regrettais de ne pas m’avoir donné de fille. Mais j’étais contente, peu m’importait son sexe. Arahda a les cheveux blancs de son père et mes yeux. J’espère le revoir un jour. Il doit avoir bien grandit.

Je suis restée avec eux sur le continent le temps de rejoindre le clan d’un des sombres arrivés en Séridia dont la grand mère était Matriarche. Arahda n’avait que trois mois quand je du le laisser aux soins d’une nourrice. Oscarhamel resta avec lui. Je devais partir reprendre ma place à la tête des elfes noirs des ilots. Ma fille adoptive, Ange_Noir, en avait la gérance mais je la savais trop peu expérimentée pour tenir les sœurs et frères assoiffés de sang inférieur. Même avec le soutien de son mâle MageInvok. Tout ce que j’avais bâti risquait d’être bien vite détruit.

Depuis ce départ du continent, je n’ai plus revu Oscarhamel ni mon fils. Ni eu la moindre nouvelle.

Nalekh.

Nalekh était un sombre relativement discret, je ne saurais dire s’il était arrivé avant ou après moi. Quand Oscarhamel me fit cette confidence sur sa volonté de ne plus avoir d’enfant, je m’étais mise à tête de trouver un reproducteur pour le remplacer.

Je ne sais plus très bien à quelle occasion cela s’est passé mais je me souviens avoir commencé à faire des avances à Nalekh par un massage au dépôt de Starenlith. Je lui ai bien vite signalé mon envie d’aller plus loin avec lui. Il était gêné de cette proposition. Tout le monde savait qu’Oscarhamel était mon mâle. Nalekh ne voulait pas tromper la confiance d’un frère. Mon massage, de plus en plus sensuel, finit par le convaincre qu’Oscarhamel n’en saurait rien. Nous avons passé notre première nuit d’amants dans la maison d’Enna, au Bourg Thylion. Nalekh m’a laissé faire de lui mon jouet. Je ne lui avais bien entendu pas parlé de cette recherche d’un reproducteur.

J’avais franchit le cap de l’infidélité. Et je ne me suis pas arrêtée à Nalekh.

Nalekh voulait bien être mon amant, mais il voulait être le seul dans ce cas. Quand il apprit que je fréquentais un autre mâle, Eldorian qui plus est, il s’est vexé et a tout de suite mit fin à notre relation. Je continuais malgré tout à avoir cette insolente attitude de séductrice envers lui. Je n’en suis pas sure, mais il me semble bien que c’est à partir de ce moment là qu’il a commencé à être de plus en plus incontrôlable au sein du peuple. Cela m’amusait au début d’aller le taquiner et lui faire des avances. Puis, je me suis lassée.

Autant j’arrivais à prendre ses remarques de plus en plus agressives et rebelles à la légère, autant ma fille Ange_noir, en mon absence n’y parvenait pas du tout. A mon retour du continent après avoir mis au monde mon fils, Nalekh avait été tellement odieux avec elle que je le déclarais bannit des nôtres immédiatement. De plus, sa réputation de bandit était devenue pire qu’à mon départ et il devenait dangereux pour l’image des elfes noirs, nous qui avions obtenu la reconnaissance officielle de Luxin peu de temps avant.

Nalekh sembla regretter ses actes et souffrir un peu de l’isolement qu’il subissait par cette sentence. En effet, la plupart des sombres le traitait avec mépris. Voyant cela, je décidai de le réintégrer sous conditions mais en maintenant les autres peuples persuadés qu’il n’était toujours plus des nôtres. Nalekh devait nous servir d’espion et s’occuper des basses oeuvres. L’élimination en zone de non droit des ennemis du peuple l’enchantait. Quoi qu’il en soit, il ne retrouva jamais une réelle place dans le peuple. Plus tard, la Coterie fit son apparition et le lien de Nalekh avec ce groupe intriguant n’arrangea pas les choses.

Nalekh est très peu présent maintenant, je crois bien ne pas l’avoir revu depuis au moins un fingélien si ce n’est plus.

Eskrok, mon écarlate.

Eskrok était un Eldorian charmant, qui s’est approché de moi progressivement. Je me doutais bien qu’il envisageait de devenir mon amant. Oscarhamel était absent souvent. J’avais Nalekh bien sur, mais qui ne me montrait pas réellement de tendresse. Eskrok était attentionné et en cela, il comblait mes manques affectifs.

Je ne m’étais pas tant cachée de cette relation et elle ne semblait pas poser de soucis pour les elfes noirs, sauf pour la jalousie de Nalekh. Os’ a été blessé quand il l’a appris mais m’a vite pardonné sachant qu’il n’était pas là pour moi. Je passais beaucoup de temps avec lui, nous nous disputions souvent car il avait parfois des attitudes envers moi qui m’énervaient. Cela ne durait pas longtemps et nous nous réconcilions bien vite.

C’était un amant performant, insatiable et de fait, coureur de femelle. J’avais beaucoup d’affection pour lui, je pense l’avoir même aimé, sans pour autant qu’il parvienne à remplacer Oscarhamel. Il m’a rendu jalouse à cause d’une femme bleue Volesprit. Celle-ci était éprise de lui, et lui ne semblait pas savoir laquelle de nous deux choisir. Le bleue le rendait doux alors qu’avec moi, je sentais une force obscure s’emparer de lui, faisant ses yeux prendre un éclat rouge vif, d’où le surnom que je lui donnais : mon écarlate.

Quelques temps avant que je n’apprenne sa relation avec Volesprit, j’avais, à je ne sais plus quelle occasion, sûrement une blessure grave, insuffler de mon sang à Eskrok. Il était en quelque sorte lié à moi, si bien que j’avais en fin de compte un avantage sur le bleue. L’Eldorian revenait plus facilement vers moi que vers elle. Elle était jalouse aussi et me considérait comme un danger pour lui à cause de la violence qui bouillait parfois dans ses veines à mes côtés. Elle voulait le sauver de moi et l’attirer à elle. Pour ce faire, elle utilisa un rituel bleu mêlant magie du chant et tatouage. Elle pensait avoir réussit mais une résonance de ce tatouage apparut également sur moi, au dessus du coeur. Je pense que c’est a cause du sang que j’avais donné à Eskrok. Il représente une bleusienne mêlée à des entrelacs de symboles tribaux. Cependant, il ne me fallut pas longtemps pour que l’enchantement qu’il avait subit ne cède et qu’il revienne dans mes bras.

Ce conflit entre femelles avait duré des mois. Elle m’avait envoyé des poèmes de menace et je lui répondais par missive tout aussi peu aimable mais avec des phrases à double sens. Cela m’amusait beaucoup. Je n’étais plus vraiment jalouse. A ce moment là, elle m’intéressait même plus que l’Edorian. Une rivale douée. J’ai regretté quand elle a abandonné la partie après l’échec du rituel.

Eskrok faisait des projets pour nous, il voulait lui aussi devenir forgeron et travaillait ce métier plus que moi. J’étais bonne alchimiste aussi voulait il que nous ouvrions notre forge tous les deux. Je n’ai jamais accepté. Il faut dire que cette proposition arrivait à la fin de notre relation, je devais repartir accoucher pour le continent et j’avais rencontré un sinan que je comptais mettre dans mon lit, Magazran.

Peu avant mon départ, Eskrok me raconta des bribes de son passé, me demandant de l’écrire pour lui. Il n’eut pas le temps de tout me dire à ce moment là. Mon affection pour lui me fit choisir son prénom d’origine pour mon fils : Arahda. Mon écarlate pensait me raconter le reste des événements de son passé à mon retour, mais il devint de moins en moins présent, ce qui me fit aller de plus en plus vers le Sinan. Et Eskrok disparu.

MageInvok de Norhen Dagha.

MageInvok a son arrivée était un mâle discret. Je ne sais pas comment ma fille en est venue à s’attacher à lui. Quoi qu’il en soit, il était très travailleur. Ils avaient même ouvert une boutiques tous les deux à Naralik. Je n’avais aucun argument contre lui mais j’étais malgré tout réticente à ce que ma fille s’unisse à lui. Je dois bien avouer que pour n’importe quel mâle j’aurais tenté de la décourager.

Polgarath dirigea le rituel d’Union, en tant que Haute Pretresse. Moi, j’étais là pour m’assurer qu’il se montre digne d’Ange_noir. Tout commenca à Illumen par une chasse à l’ours. Il devait ramener trois cœurs frais. Avec du mal, il accomplit sa tache. Il n’était pas encore un bon guerrier. Cependant, j’avoue a cette époque avoir été surprise qu’il puisse achever un seul de ces plantigrades.

Sa seconde épreuve était d’affronter le champion désignée par Ange_noir. Elle avait choisit le meilleur frère de l’époque, Tosh. Bien évidemment MageInvok succomba. Mais il s’était vaillamment battu, ne reculant pas devant la fin qui l’attendait. Honteux, il se présenta devant moi en revenant de l’Acheron, toujours déterminé à devenir le mâle de ma fille. J’ai toujours été trop tendre avec Ange_noir, si bien que je l’ai autorisé à continuer le rituel, en lui faisant promettre sur l’essence vitale enrichie symbolique dont il me fit présent, qu’il défierait Tosh plus tard pour confirmer qu’il méritait bien de s’unir à la Dalharess du peuple. Il faut dire que prétendre venir à bout de Tosh était un défi que je savais dès le début bien trop hardu.

Il ne restait plus qu’une épreuve. Polgarath avait choisit la chapelle dans les Catacombes de Naralik. Je ne sais si ce sont les Landes qui voyaient d’un mauvais œil ce rituel ou si Lith elle même voulait mettre à l’épreuve les deux amants, mais le chemin pour atteindre cette salle fut parsemé de hordes d’orques de toutes sortes. J’ai du me réfugier dans la cave à émeraude en attendant une escorte pour pouvoir rejoindre la chapelle. Ces attaques passées, le rituel pu s’achever normalement.

Cette dernière épreuve était celle de nécromancie. MageInvok devait se montrer digne des talents de nécromant qu’il revendiquait. Il parvient à créer un léopard des neiges superbe. Il valide ainsi la dernière épreuve. Polgarath peut ainsi achever le rituel à l’aide des invocations de Tosh. Ange_noir et MageInvok mélangent leurs sangs, unis dans l’éternité. MageInvok devient dès lors un Norhen Dagha. En présent, je lui offris un bouclier en titane, symbolisant le rempart protecteur qu’il devra toujours être entre ma fille et ses ennemis.

MageInvok n’a jamais affronté Tosh par la suite. Mais il s’est montré digne de ma fille et de notre Maison. Il a toujours été attentifs aux désirs de ma fille et du peuple. Travaillant sans relâche pour l’un et l’autre. Fidèle en toute circonstance. Je ne regrette pas qu’il soit devenu mon fils. Je l’ai honnoré du titre de Valuk quand le besoin d’un bras droit se fit sentir. Il y avait peu de femelles à l’époque, il y avait donc la place pour un mâle dirigeant.

Il s’est acquitté de sa tache jusqu’à ce qu’il disparaisse avec ma fille pendant plusieurs fingeliens. A son retour, il a repris sa place et ne m’a pas déçue. Mais sa légitimité fut maintes fois remise en cause car de nouvelles femelles étaient arrivées, plus dures, plus traditionnalistes. Il s’est accroché au mieux qu’il a pu. Toujours en suivant l’étiquette, courbant l’échine, restant poli malgré leurs railleries et insultes. Il a finit par craquer, malheureusement, quand Fharath osa lui attribuer une relation charnelle avec une sinane. Il la gifla. Bien que je comprenais son geste et que j’étais outrée par l’attitude de cette sœur, MageInvok ne pouvait plus rester Valuk. Aucune matriarche ne pouvait laisser passer cet acte sans appliquer de sanction si elle ne veut pas voir se lever contre elle toutes ses sœurs. Depuis que son titre lui a été retiré, MageInvok est de moins en moins présent parmi nous. Je sens sa présence mais il ne communique que rarement.

Comme il est difficile de concilier ses sentiments et son devoir…

Quazar, ‘zar’ssin.

J’ai rencontré Quazar lors de la seconde disparition de Magazran. Je pensais qu’il était un nouvel arrivant mais apparemment il était dans l’ombre et le silence depuis un certains temps déjà. Je me suis intéressée à lui. C’est au cours d’un marché organisé par la Confrérie d’Illumen dans la cité de Pierre Blanche que notre relation a réellement débutée.

Nous faisions le tour des étals, de nombreux aventuriers s’étaient déplacés. Je me suis arrêtée à celui d’un bijoutier. Je crois qu’il s’agissait du pâle Zurin. Il nous montra un médaillon en argent gravé d’une araignée. Quazar, voyant mon intérêt pour cet ouvrage finement travaillé, l’acheta et me l’offrit. Appréciant beaucoup ce présent, je l’ai entraîné à la taverne la plus proche, nous sommes monté dans une chambre et je l’ai remercié à ma manière. Il est rare que je sois aussi directe mais il faut croire que l’absence de Magazran déréglait mes principes.

Nous étions devenus amants depuis ce jour. Il était mon ‘zar’ssin et j’étais sa ‘rya’ssin. Nous passions beaucoup de temps ensemble à discuter de lui, son passé, ce qu’il avait perdu et ce qu’il comptait retrouver. J’avais envie de l’aider à redevenir le grand guerrier qu’il avait été avant d’être dépossédé de ses moyens sur les îlots. Je lui fournissais ce qu’il voulait quand il le demandait. Je le soutenais moralement, l’encourageais.

En retour, il s’est beaucoup investit dans le peuple quelque peu fragilisé par le départ des plus anciens de mes sœurs et frères. Il a impulsé le retour à la réflexion sur la rénovation de Naralik. Pour mener à bien sa mission, il me demanda de lui donner un titre de Lig’Ylith pour avoir suffisamment de légitimité pour conduire le projet. Il traça des plans ambitieux et magnifiques et organisa des séances de travail en commun pour le financement.

Je commençais à peine à me rendre compte de l’ambition dévorante dont il souffrait. Ce sont les réflexions de certains sombres qui me fit réaliser mon erreur, notamment celles acerbes d’Elzeberith. Elle me reprochait de l’avoir promu juste parce qu’il était mon amant. Je m’en défendais mais avec le recul, finalement, j’ai cédé à sa demande alors qu’il n’avait pas encore fait ses preuves comme les autres Lig’Ylith. Et je lui ai laissé trop de marge de manœuvre, j’avais trop confiance en lui.

Mon manque de discernement ne tarda pas à porter ses mauvais fruits. Quazar était un sombre obstiné, voulant toujours avoir raison. Ses plans posaient problème au service d’architectes du Palais mais il ne voulait vraisemblablement pas écouter leurs critiques. Si bien qu’il me fallut l’écarter du projet sous peine de voir réduit à néant nos espoirs de reconstruction.

La fierté du sombre en prit un coup, il n’a jamais supporté d’être écarté comme un déchet. Il est vrai que je n’ai pas pris des pincettes mais j’étais furieuse. Il s’est exilé de lui même disparaissant pendant longtemps. Nul besoin de préciser que notre relation était terminée dès lors que je l’avais dessaisit du projet.

J’ai attendu espérant qu’il se calme et qu’il prenne conscience des risques qu’il nous avait fait prendre. Mais il ne revint que plein de rancœur avec l’envie de me voir tomber en bas de mon trône. De nombreuses rumeurs couraient sur sa volonté de former un groupe de rebelles au sein des Elfes Noirs pour arriver à ses fins et prendre le pouvoir pour lui même. Soit les rumeurs étaient infondées, soit il n’acquit jamais la puissance nécessaire, car je suis toujours en place sans qu’il ne m’aie jamais inquiétée de près ou de loin. Constatant qu’il ne changeait pas de position, je pris la décision de lui ôter tous ses titres et responsabilités au sein du peuple. Il n’a pas été bannit car les rumeurs n’ont pas été avérées par des preuves.

Il me sembla pourtant s’être calmé en entrant dans la Confrérie d’Illumen. Il retrouvait un nouveau groupe pour se plaindre de moi et vanter ses mérites d’antant. Il eut la chance que la Gilde marchande traverse une crise dans ses instances dirigeante. Il accéda au rang de Maître. Il avait enfin du « pouvoir ». En tant que tel, il se permit de m’inviter dans leur bâtiment de Gilde pour demander mon autorisation de prendre des guerriers sombres comme gardes de la Confrérie. Je l’ai fais argumenter encore et encore, juste pour l’agacer et le voir perdre le contrôle devant moi. Il resta courtois malgré tout, comme s’il était un sombre solitaire mais respectueux de sa Matriarche et des traditions.

Quelques mois plus tard, il fut remplacé à la tête de la Gilde par VinceHood et n’arbora plus leur insigne. Je me suis toujours demandée s’il avait été jeté dehors pour ses décisions aberrantes pour une Gilde de marchands ou s’il était parti vexé de se faire encore rabaisser par sa nouvelle famille.

Les quelques mois qui suivirent, il s’engagea chez les Patrouilleurs. Il se fit plus discret. Bien qu’il ne ratait pas une occasion de se mettre en avant lors d’invasions, même s’il ne pouvait y participer car trop faible, ou quand les Natifs demandait de l’aide.

Cela fait maintenant plusieurs mois que je n’entends plus parler de lui. Je ne le regrette pas. Je regrette juste de m’être laissée séduire si facilement, d’avoir eu si peu de recul. J’ai appris une bonne leçon grâce à lui. Ne jamais laisser un amant croire qu’il devient mon second parce qu’il est dans mon lit, ne jamais laisser croire aux sombres que cela peut être le cas. Les enseignements que j’ai reçu dans mon enfance prennent leur sens maintenant. Je regrette de ne pas avoir davantage cru en mes tutrices dans le clan Norhen Dagha. Depuis cette histoire pénible, je ne prends plus d’amants officiels, j’évite d’en prendre chez les sombres, je garde le flou sur mes relations privées. Je n’en reçois pas moins de critiques mais la hiérarchie reste en place.

Du jour où j’ai rencontré Quazar au jour de son départ, il ne redevint jamais le grand guerrier invincible dont il me parla à l’époque. Il n’était même toujours pas aussi fort que moi. Il avait besoin d’être admiré, mais comme il n’était pas capable de ses ambitions, il ne vivait que dans le passé mettant en avant un temps révolu qui ne reviendrai jamais. Les Landes mettent à l’épreuve. Il a échoué.

Argonn, l’assassin.

Dans les quelques mois troubles après les problèmes causés par Quazar, un Sinan a la réputation plus que maléfique refit son apparition sur les îlots. Il s’agissait d’Argonn, l’assassin du héros kultar Morumi, défunt époux de la vieille et regrettée gardienne de la Magie Atekel. Je dois bien avouer qu’une telle aura, un tel charisme ne pouvait garder mon intérêt loin de lui. Il m’attirait un peu comme son illustre frère Sinan Grenouille à une époque.

Je l’ai approché progressivement, profitant de quelques dîners en tête à tête, entamant des discussions avec certains doubles sens tout en posant sur lui un regard des plus charmeurs. Il fallut tout de même du temps pour qu’il cède à mes avances. La première tentative a bien faillit être la seule et unique car il disparut du jour au lendemain sans prévenir.

Il revint au bout de quelques mois comme si de rien n’était. J’étais quelque peu contrariée, mais tenant à le mettre dans mon lit, j’ai laissé de côté ma fierté. Un dîner plus tard, il tomba dans ma toile. Un plaisir malheureusement éphémère puisqu’il repartit pour le continent, sans depuis revenir.

WandraLL, mon mystérieux.

WandraLL était un jeune sombre turbulent. Les premiers temps de son arrivée, il n’avait de cese de semer le chaos pour son plus grand amusement. Malheureusement pour lui, j’ai toujours veillé à ce que les sombres restent discrets dans leurs exactions. Il y a eu des avertissements plus ou moins menaçant qui furent insuffisants. Je l’ai donc punis à cette époque dans les catacombes de Naralik. Je l’ai attaché face contre une grille, torse nu et je l’ai torturé à la dague pour qu’il apprenne qu’on ne joue pas avec ma très longue patience. Il se calma quelques temps. Mais il trouva finalement le moyen de commettre un acte que je dû me résoudre à condamner publiquement malgré ma répugnance à léser un des miens pour son instinct. WandraLL fut bannit après avoir trahie une pâle, Loumea, qui le considérait comme un ami fidèle.

Il se passa de longs mois avant que WandraLL ne se rendent compte de son erreur et ne commence à la regretter. Il revint donc me voir et demander ma clémence pour sa réintégration. Je la lui ai accordée en échange d’une période de mise à l’épreuve. Je n’ai pas eu à me plaindre de son attitude quasi exemplaire par la suite. Il avait même réussit à se faire pardonner par cette pâle.

Notre relation intime commença dans les thermes de Nagraw Sud. Encore une fois, je ne me souviens plus des raisons pour lesquelles je l’y avais fait convoquer. Peut être avais-je seulement envie d’un massage pour me délasser. Il était apeuré, impressionné par ma présence comme le sont souvent les jeunes sombres, d’autant plus, je pense, qu’il savait a quel point je pouvais être redoutable quand j’étais contrariée. Il craignait de mal faire et de me déplaire mais ses mains s’en sortirent plutôt bien sur mon dos. Pour le mettre en confiance, j’ai essayer de lancer la conversation sur des banalités, puis sur lui, ce qu’il faisait en ce moment, et finalement s’il avait une femelle en vue. Pour toutes les questions personnelles, il répondait dans le vague et n’en révélait pas plus malgré mon insistance. Tout ce mystère mêlé de crainte et combiné à cette eau tiède et savoureuse qui déclenche toujours en moi des envies exacerba mon instinct de chasseuse de mâle. Le massage que je lui rendis après qu’il eu terminé se transforma en caresses irrésistibles et nous nous sommes étreints avec fougue. A ce moment là, il n’était encore qu’un jouet.

Nous nous sommes revus régulièrement. J’essayais a chaque fois de percer les secrets qu’il refusait de révéler sans pour autant le menacer ou lui ordonner de parler. J’ai toujours aimé les mâles mystérieux qui me font languir et me laisse être dévorée de curiosité. Grâce à cela, j’en appris plus sur cette pâle a qui il était attaché. Il disait qu’elle était une sœur mais je le soupçonnais de ressentir d’avantage pour elle et qu’il s’en était convaincu parce qu’elle avait déjà un fiancé. J’étais un peu jalouse et je craignais qu’il ne se confie à elle. Une pâle. Pourrait-il me trahir ? Cette jalousie me mena a accroître mon influence sur lui, pour essayer de la lui faire oublier. Par simple égo ? A cette époque, j’aurais sûrement dit oui. Savoir que mes amants vont voir ailleurs est un échec personnel. Mais à force de le savoir en si bonne entente avec elle, alors qu’avec moi, il retenait ses confidences, me blessait le cœur sans que je veuille l’admettre. Il ne devait être qu’un jouet. Je ne voulais plus de relation sérieuse.

Il fallait pourtant que je me rende à l’évidence. Nos moments intimes étaient de plus en plus tendres et je me sentais apaisée contre lui. Je lui parlais sans retenue de mes craintes et il écoutait, me rassurait. Et quand il a osé révéler ses sentiments pour moi, j’ai pris le fuite. Il ne comprit pas pourquoi, me chercha partout, me demanda des explications. J’étais paniquée mais je le laissai me rejoindre à Illumen. Je lui ai alors parlé de mes expériences passées, que chaque mâle auquel j’avais tenu avait disparu. Que je pensais être maudite, et que s’il m’aimait, il finirait comme tous les autres. Comme LeBarBaR quelques mois avant, il fit le brave en disant que cela ne lui arriverait jamais et qu’il serait toujours là pour moi. Je lui répliquais qu’il n’était pas le seul à m’avoir fait cette promesse. Mais il maintint fermement qu’il ne disparaîtrait pas. C’était la première fois que je le voyais si déterminé. Et je me suis laissée rassurer.

Nous avons filé ensuite une relation parfaitement épanouie sans pour autant l’exposer aux yeux des tous. J’avais toujours en tête la désastreuse période Quazar. WandraLL prenait de l’assurance dans le peuple et obtint le titre d’Ac’Ylith pour ses actes et fut pardonné par les pâles avec le soutien de Loumea. Mais vint le moment où mon instinct de séductrice fut réveillé par un sinan entreprenant, Bastian. J’ai réussis à cacher cet amant à WandraLL quelques temps. Mais il n’était pas dupe et se rendit compte que quelque chose n’allait pas. Il était devenu jaloux et suspicieux, m’interrogeant sur ce que j’avais fais, avec qui j’étais mais sans parvenir à me faire parler. Un jour, je le vis porter une nouvelle tenue magnifique qu’il avait fait faire soit disant par le natif teinturier de Tarsengaard. Je trouvais ce travail trop finement ouvragé pour les grosses pattes du Galdurs. Mystérieusement, il était tout sourires et son air interrogateur sur mes actes n’était plus là. Une hypothèse se forma dans mon esprit et il fallait que je la vérifie. Je suis donc allée au dépôt de la Cité du Port, espérant y trouver la sinane aventurière réputée pour ses bons soins à la gente masculine. En discutant de tout et de rien, elle en vint à me montrer ses carnets de croquis pour les commandes vestimentaires qui lui étaient passées. Le style était reconnaissable. Pour ne pas éveiller les soupçons de la sinane, je lui demandais de me faire une tenue sur mesure. J’étais maintenant sure que WandraLL avait fait faire sa tenue par elle et qu’il en avait profité pour faire appel à ses autres talents. Je bouillais intérieurement. Cependant, je me suis retenue d’écorcher Llariarith ou d’aller punir mon mâle. Je savais bien que j’étais la cause de cet écart. Je l’avais mérité.

A partir de ce jour, WandraLL devint de moins en moins présent, de plus en plus distant. J’essayais de le récupérer mais il était trop tard. Je m’en voulais sans pouvoir pour autant abandonner mon amant sinan et pire encore augmentant mon harem. Peut être parce que je sentais la fin de notre relation venir. Ce fut Nevros qui porta indirectement le coup de grâce à notre couple. Il avait attaqué la Cité du Port et clamait qu’il ne mettrait fin à l’invasion que si des Aventuriers lui vendait des objets intéressants. WandraLL se dévoua pour sauver les natifs de nos alliés et vendit discrètement sa dague de lumière. L’attaque cessa mais fut remplacée par une offensive sur Naralik. Nevros alla même jusqu’à me narguer par télépathie en me disant que je devais cet assaut à l’un des miens. Une fois les troups ennemies abattues, WandraLL m’avoua cette vente. J’étais folle de rage mais je me suis contentée d’être froide avec lui.

J’ai dans les jours suivant réunit le Conseil Matriarcal et exposé le cas de WandraLL pour déterminer quelle punition lui asséner pour vente au Véreux ayant entraîné une attaque sur notre terre. Le Conseil s’accorda que cette affaire ne serait pas diffusée en dehors des personnes présentes et qu’une sanction discrète serait préférable pour l’image du peuple. Je savais déjà laquelle. J’ai convoqué WandraLL dans les catacombes, à l’endroit même où je l’avais punis pour la première fois. Je lui ai expliqué la raison de sa présence ici. Il a explosé de colère quand il a su que je n’avais pas gardé le secret sur sa confidence de vente. J’ai eu beau lui argumenter qu’un tel acte ne pouvait rester impunis, il en voulait rien entendre et commença à partir. Je l’ai rattrapé et l’ai habilement mis face contre terre. J’ai immédiatement déchiré sa chemise et d’un geste habile lui ai planté une aiguille dans le nerf sortant de la onzième vertèbre. D’un ton froid et cérémonieux, j’ai dit que cette douleur serait brève mais le marquerait dans l’âme. Dès que j’eus finis de triturer le nerf, je me suis levée et j’ai quitté les lieux sans me retourner pour qu’il ne puisse pas voir mes larmes. Je ne pense pas qu’il aurait pu comprendre le dilemme qui m’agitait entre mon devoir et mon amour pour lui. Bien entendu, il ne me parla pas pendant des semaines.

Cela ne fit qu’accroître ma culpabilité. Je pensais qu’il comprendrait ma décision vu les faits. Mais quand nous avons repris contact, ce n’était pas la punition qui l’avait blessé dans son cœur. C’était que je me sois permise d’en parler au Conseil sans l’avertir, alors qu’il était persuadé que je lui avais promis de le garder pour moi. Je n’avais rien promis. Cependant, il est vrai que j’aurais dû l’avertir avant d’en parler. Je ne voulais pas me passer de lui alors j’ai ravalé ma fierté. J’ai présenté des excuses et lui ai dit qu’il pouvait faire ce qu’il voulait de moi pour qu’il me pardonne. Il a accepté de me voir. Il m’a fait m’agenouiller devant lui. J’ai serré les mâchoires mais j’ai obéis. Il m’a fait promettre de ne plus jamais parler de ses confidences à autrui. J’ai promis. Il m’a invité à me relever mais j’ai vu dans ses yeux que ses sentiments pour moi n’étaient plus les mêmes. Il n’était plus en colère. Il n’était plus amoureux. Il a quitté les îlots de plus en plus fréquemment et de plus en plus longtemps. Je n’ai plus de nouvelles.

Je suis une Veuve Noire, ma Malédiction a une fois encore dévoré un mâle qui s’était approché de trop près du cœur de ma toile.

Bastian, mon chasseur.

J’avais rejoins le Dispensaire créé par un Kultar mais bien vite le petit groupe de départ avait éclaté et j’avais pris les rênes par défaut. J’ai relancé des recrutements et c’est à cette occasion qu’à commencé mon idylle avec Bastian.

Je l’avais rencontré pour la première fois lors d’un conflit qu’il avait eu avec un sombre, Karaz. La raison de cette dispute n’est plus très claire dans mon esprit mais il me semble que Bastian avait fait des réflexions peu aimables à propos de la vieille Atekel et Karaz en voulant faire du zèle en public était allé le menacer. Je me suis rendue sur place, amusée par cette situation. Le sinan était peu connu et disparu ensuite pendant plusieurs mois.

A son retour, j’avais de nouveau échangé quelques mots avec lui. Parlant de tout et de rien d’abord, puis lui donnant quelques conseils sur l’entraînement à la magie. J’ai du finir par lui parler du Dispensaire et il eu l’air intéressé. Il a voulu en savoir plus et m’invita a la taverne de la Cité du Port pour parler tranquillement.

J’ai commencé mon discours de recrutement habituel mais je voyais bien que mes mots seuls n’étaient pas son plus grand centre d’intérêt. Il me faisait du charme et je me suis dis que, finalement, cet entretien n’avait peut être été pour lui qu’un prétexte pour m’approcher davantage. Je l’ai laissé m’embrasser. C’était délicieux.

Comme souvent, j’ai cédé assez vite à mes pulsions malgré le mâle qui partageait déjà mon lit et mon cœur. Bastian avait quelque chose de différent, une sorte d’aura qui me fascinait. Quand ses mains se posaient sur ma taille, je sentais des frissons de désir m’envahir. Il fut direct dès le début de notre relation. Il ne voulait rien de sérieux, aucun attachement affectif, juste passer du bon temps avec une jolie dame. Je n’étais pas contre, mais je savais que j’avais tendance à être possessive. Je ne lui en ai rien dit, pour le garder dans ma toile. C’était un amant fantastique.

Cependant, nous ne partagions pas uniquement des étreintes. Nous avions pris l’habitude d’explorer Irilion. Je n’ai jamais été une grande exploratrice, cette activité m’ennuyant bien vite seule. Mais à deux c’est différent. Il était amusant de le voir fouiller tous les meubles et embarquer discrètement les quelques lumens qu’il pouvait y trouver. Il appréciait aussi ces petites ballades car il arrivait que je lui raconte certains faits historiques s’y étant déroulés. Il m’écoutait fasciné par ma mémoire.

A part les menus larcins, il aimait chasser, ce qui lui valut de ma part le surnom de chasseur. Il pratiquait aussi le métier de récolteur et faisait un peu de nécromancie. Il avait par contre un défaut : il était avare. Terriblement proche de ses lumens. C’était amusant de l’entendre se plaindre des prix et d’en reporter la faute sur les kultars systématiquement. Il était bien tombé avec moi, je lui offrais assez souvent ce qu’il voulait acquérir. Il savait très bien comment me remercier, et je n’avais jamais a payer mes matières premières.

Les promenades en Irilion étaient l’occasion de trouver de beaux lieux pour nos rendez vous discrets. Et à force de passer du temps ensemble, son attitude à mon égard changea sensiblement. Nos baisers et nos étreintes avaient toujours été passionnées, enflammées par un désir mutuel intense. Mais un soir, il m’embrassa avec plus de tendresse. Je n’ai rien fait remarquer, me disant que je me faisais sûrement des idées. J’ai attendu d’autres signes plus concrets.

C’est une réunion du Dispensaire qui me donna l’occasion de confirmer son attachement à moi. Nous étions en train d’explorer Arius. Meynaf appela les membres sur les ondes télépathiques. Nous n’avions jamais affiché notre relation devant qui que ce soit, même devant eux. J’avais prévu ce jour là de lui offrir une cape rouge. Il en cherchait une mais, comme souvent, en trouvait le prix trop élevé. Je lui ai demandé de fermer les yeux. Je lui ai mis la cape sur les épaules. Quand il a vu l’étoffe, il n’en revenait pas. Il m’embrassa avidement et me demanda à ce que nous ne répondions pas au Capitaine. J’ai refusé, par devoir. Il m’a dit que j’étais bien cruelle avec lui. Avec un sourire mutin, je l’ai défié en lui disant que j’étais capable d’être plus cruelle encore. Il avait le goût du jeu, et demandait à voir.

Nous avons rejoint la taverne d’Idaloran avec quelques minutes d’intervalle. Meynaf, Atwenas, Bagnar et Eryann étaient déjà arrivés. Il ne restait qu’une place à la table où ils s’étaient assis. Au culot, j’ai demandé au Capitaine de m’asseoir sur ses genoux. A ma grande et agréable surprise, il a accepté. Meynaf avait été mon amant plusieurs fingeliens plus tôt mais il avait depuis refusé mes avances. Bastian regardait mon petit manège et je n’hésitais pas à avoir des sous entendus assez évidant avec l’elfe. Cela faisait jaser l’assemblée et m’amusait autant que lui. Le sinan, lui, était amer. Comme jaloux, sans vouloir l’avouer. Il me fit remarquer par télépathie qu’en effet je pouvais être bien plus cruelle. J’étais ravie, j’avais remportée mon pari. Mais plus encore, je savais maintenant qu’il s’était pris les pieds dans ma toile. Mon égo adorait le savoir à ma merci.

Nous avions une relation sereine. Aucune de dispute. Il cachait toujours son attachement si bien que ma frayeur face aux sentiment était apaisée. Je pensais pouvoir ne pas m’attacher. Un leurre. Cela faisait déjà un moment que ce n’était plus seulement la passion de nos corps qui nous réunissait. Pourtant, cela ne m’a pas empêché d’entretenir à cette période de nombreuses relations parallèles. Il y avait déjà WandraLL, puis vint Meynaf suite à cette comédie dans la taverne. Ensuite toucan. Et Killya. Mais Bastian avait toujours une place particulière. Je pouvais abandonner n’importe lequel de mes amants pour lui. Surtout depuis qu’il avait finit par m’avouer ses sentiments pour moi.

Cela arriva suite à une invasion de la Cité du Port. Nous nous étions déployés lui et moi en tant que phalange du Dispensaire. Il s’était pris un coup mortel mais la plaie n’arrivait pas à cicatriser à la sortie de l’Achéron. Les combats finis, je l’ai entraîné à la taverne dans une chambre de l’étage pour le recoudre. Comme je savais que ce serait douloureux, j’avais prévu de nombreuses bouteilles de vin à lui faire boire. Il grommela de devoir boire en si peu de temps cette boisson qu’il préférait apprécier à petite dose avec un rituel bien précis pour en révéler tous les arômes.

Une fois bien saoul, je l’ai fais allonger et j’ai commencer à exercer mes talents de guérisseuse. Ce fut malgré tout douloureux. Mais une fois fini, il commença a parler. Beaucoup. Sa langue se délia et il m’a dit qu’il m’aimait. Et qu’il savait que je l’aimais aussi. Je suis restée figée un instant réalisant ce que j’avais voulu me cacher à moi-même. Je l’ai endormi doucement, il avait besoin de repos avec cette blessure. Je l’ai veillé, assise sur une chaise à côté. Il fit des cauchemars en délirant a propos de Kultars et de choses qu’il hurlait n’avoir pas commises. Il s’est réveillé en sursaut et je suis venue le rassurer. Quand il a repris ses esprits, il s’est rendu compte qu’il en avait trop dit la veille. Il m’a regardé un peu gêné. S’excusant de son état déplorable. Il n’aimait pas abuser d’alcool quand il était en plaisante compagnie. Je lui ai répondu des banalités. Il voyait bien que j’étais malgré tout un peu troublée. Je lui ai ordonné de garder le lit quelques jours.

Durant cette convalescence, je suis restée distante. Cela a finit par l’agacer et il est venu me demander la raison de ce silence et de la froideur de mon accueil quand il venait me parler. N’arrivant à rien avec moi, il a quitté les îlots, me laissant une lettre pour m’en avertir laissant planer le doute sur son retour. Il disait avoir besoin de faire le point. Je m’en suis voulu d’être aussi stupide mais j’avais peur. L’amour n’est pas fait pour moi, il détruit ceux qui m’approchent.

A mon grand soulagement, il est revenu au bout d’une dizaine de jours. Je n’ai pas hésité et je l’ai rejoins immédiatement, lui sautant dans les bras. J’ai oublié ma retenue, oublié mes frayeurs. Je me suis réfugiée contre lui en disant a quel point il m’avait manqué et a quel point j’avais regretté. Je lui ai fais part des inquiétudes qui m’avaient poussées à le rejeter. Il m’a rassurée et les choses ont repris leur cours.

Je n’avais pas pour autant mis fin à mes autres relations. Je ne le cachais pas à Bastian, restant même toujours aussi séductrice vis à vis de Meynaf en sa présence. Mais mon chasseur l’acceptait, me disant lui même que s’il croisait une belle femme, il n’était pas impossible qu’il aille plus loin que de simples compliments. Cependant, il préférait ignorer le nom de mes amants. Tout comme il gardait pour lui ceux de ses conquêtes. Mais j’étais moins disponible pour lui, ma femelle prenant de plus en plus d’importance et réclamant bien plus d’attention que tous les amants que j’avais eu jusque là.

Mais arriva ce qui arrive toujours. Des absences répétées de plus en plus longues. La première fois que cela arriva, à son retour, je me suis une nouvelle fois précipitée à sa rencontre. Nous avons exploré Thelinor brièvement, jusqu’à ce que je ne tienne plus et profite de la visite d’une maison pour le pousser vers le lit. Quand nous en eûmes terminé, je lui ai demandé s’il serait d’accord pour partager un lit à trois avec une autre femelle. D’abord surpris, il a ensuite été séduit par l’idée. Il s’inquiéta cependant du fait de toujours pouvoir me voir seul à seul et ne pas avoir à me partager à chaque moment intime. Il voulait aussi rencontrer la femelle en question et faire connaissance avant d’envisager d’aller plus loin.

Je lui ai donc parlé de Killya et de la particularité de sa situation. Il fut plutôt désappointé mais essaya de comprendre. Ma femelle n’avait pas non plus l’air contre quand je lui en ai parlé sur le moment. Pourtant, quand ils se croisèrent en ma présence pour la première fois, l’air devint glacial. Il faut dire que je venais d’avoir une discussion difficile avec ma femelle concernant mon passé d’apprentie en salle de torture. Elle toisa le sinan, le saluant à peine. Bastian n’a pas voulu s’imposer plus longtemps. Je me suis dis que je pouvais faire une croix sur ce fantasme de mettre mes deux favoris dans le même lit.

Cela ne fit pas rester mon chasseur bien longtemps. Il m’avait promis de revenir vite et qu’il resterait plus longtemps la prochaine fois. Mais il ne revint qu’une journée par ci par là. Jusqu’à ne plus réapparaître du tout. Etait-ce dû à la souffrance de ne pas me voir consacrée qu’à lui ?

Meynaf, mon Capitaine.

Magazran avait disparu sans m’avertir. J’étais à la fois désespérée et furieuse. Dans un élan d’égoïsme, j’ai voulu lui trouver un remplaçant. L’occasion se présenta à moi en demandant sur les ondes les services d’un masseur. Un palôt blond arrivé assez récemment accepta en échange d’un cours sur le langage sombre. Il se nommait Meynaf. Je lui ai dis de me rejoindre aux termes de Nagraw Sud. Je l’ai invité à se baigner avec moi pendant que je lui enseignais les mots usuels de la langue sombre la plus répandue, sachant que certains clans pouvaient avoir un dialecte propre dû à l’isolement vis à vis des autres.

Quand je n’eus plus rien à lui apprendre, je suis sortie de l’eau pour rejoindre la serviette que j’avais posée près d’un panier de pommes. Je sentais son regard sur moi et j’en étais ravie. Je me suis allongée sur le ventre et il m’a rejoint pour s’acquitter de sa part du marché. A cette époque là, je ne me souviens pas s’il m’avait déjà parlé de sa vocation de guérisseur. Ses mains étaient douces mais la prise ferme, le massage était vraiment excellent. Puis, je me suis tournée, j’ai plongé mon regard chargé de désir sur lui et je lui ai offert un moment mémorable et fort agréable.

Peu de temps après, Magazran revint et j’oubliai mon écart avec Meynaf. Il prit assez mal ce silence mais je n’en su rien avant plusieurs mois. Un jour qu’il m’accompagna à al taverne, après un Haut Conseil, il me semble, et que j’en profitai pour tenter une approche, il m’avoua directement qu’il ne voulait pas recommencer cette expérience car il ne voulait pas être un jouet. Je n’ai pas vraiment apprécié mais je suis restée calme et polie. Cependant, je suis restée par la suite très distante, ayant pris cette déclaration comme un rejet total de ma personne.

Mais le temps atténua en moi cette sensation et nous retrouvâmes des relations amicales. J’ai toujours apprécié discuter avec lui. Il est sage, intelligent et attentionné. Il s’est souvent chargé de soigner mes blessures physiques et d’écouter mes plaintes quand mon rôle me pesait trop. Sans bien sur que je ne lui révèle tout le fond des problèmes. Il reste un pâle et un fervent partisan de l’Union.

Ce n’est qu’avec la création du Dispensaire et l’arrivée de Meynaf dans ses rangs que je pu comprendre qu’en réalité il n’avait jamais oublié cette soirée aux thermes. Au début, il ne s’agissait que de politesses et de petits sourires amicaux. Il avait encore des responsabilités au sein des Hauts Elfes et ne voulait pas s’investir dans autre chose avant d’avoir finit son mandat. Une fois libre, il pu entrer au Dispensaire sereinement et se laisser aller à avoir une image moins strictement sérieuse. Je découvrais alors un Meynaf aux mots flatteurs et un soupçon séducteur que je ne prenais alors que comme jeu et plaisanteries aimables.

Le Dispensaire nous rapprocha et il m’arrivait plus souvent de me confier à lui. Une fois je suis allé le voir, tellement lassée de mes responsabilités de Matriarche, que je lui demandai de me changer les idées. Il me proposa de le suivre dans une maison de Corren où nous fîmes semblant d’être un couple d’humains. Le mari rentrant du travail des champs et son épouse ayant préparé le dîner. C’était amusant de le voir jouer ce rôle. Nous avions l’air si idiots dans cette ambiance de mièvreries. Je me suis demandée s’il en profiterai pour me voler un baiser mais il ne fut que sur la joue. J’ai été un peu déçue sur le moment mais je n’en ai rien fait paraître.

Quelques mois plus tard, je fis entrer Bastian au Dispensaire. Je voulu le rendre jaloux pour me donner la preuve qu’il était plus attaché à moi qu’il ne l’était de ses autres amantes. C’est Meynaf qui me servit pour remplir cet objectif. Lors d’une réunion des membres à la taverne d’Idaloran, j’allai m’installer sur ses genoux prétextant qu’il manquait un siège. A ma grande surprise, il accepta sans broncher et même plus étonnant, cela semblait le ravir. Il me tenait d’un bras passé derrière ma taille et avait posé son autre main sur ma cuisse, comme si la situation était parfaitement naturelle. Cela fit jaser entre les membres, c’était très amusant. Nous en restâmes pourtant là pour la soirée. Je rejoignais ensuite mon chasseur jaloux et pressé de me retrouver pour lui seul.

Cette situation fit évoluer les choses et je me retrouvai bientôt en tête à tête avec Meynaf à Yrsis pour une petite balade. Je sentais ce qu’il espérait de ce moment mais il semblait aussi le redouter, si bien que je n’osais rien faire d’autre que lui sourire. Etant donné les mots qu’il avait eu plusieurs fingeliens plus tôt, je craignais de me faire des idées et je préférai le voir faire le pas qui nous séparait encore. Nous avons rejoint la petite île au large avec l’étrange portail. Là, à l’ombre d’un palmier, il posa ses mains sur ma taille, plongea son regard dans le mien et m’attira à lui. Il m’avoua craindre d’être repoussé. Souriante, je lui répondis que je croyais qu’il ne voulait plus de moi depuis longtemps. Il me répliqua que ce n’était pas le cas mais que c’est parce qu’il ne voulait pas être traité comme un objet et être utilisé seulement par défaut. Je l’ai rassuré. Il m’a embrassé. Nous nous sommes retrouvés.

Nous n’avons pas pu profiter d’une relation à temps plein comme il l’espérait. Lui comme moi sommes des personnes des plus occupée mais je ne lui refusais jamais une occasion de me voir. Sauf cas majeur bien sur. Cela dit, il n’était pas envahissant pour autant à chaque fois qu’il était éveillé. Un équilibre qui me convenait parfaitement étant donné le nombre élevé d’amants que je collectionnais à cette époque : Bastian, Toucan et Killya.

Meynaf est un romantique, et cela, je ne m’en doutais pas. Un jour, il composa un poème pour moi. La première fois qu’un de mes amants m’offrait ce genre de cadeau. C’était très naïf et empli de bons sentiments mais j’étais ravie. Je n’ai pas eu le loisir de le récompenser comme je l’aurais voulu car il dû s’absenter. Il m’appelait souvent « Ma Dame » avec ce ton si particulier qui fait que l’on se sent indispensable à son cœur.

Ce souvenir m’emplie de tristesse maintenant qu’il ne réapparrait que très rarement. La dernière fois était lors d’une invasion de Nord Thyl. Il était éveillé et est venu combattre à mes côtés. Nous n’eûmes pas le temps de nous voir plus longtemps que cette bataille. Il n’est pas resté après la levée de l’alerte. Une de ses phrases raisonne encore et me pique le cœur car je crains qu’il n’ai pas eu le temps d’entendre ma réponse avant de partir.

« Mais vous m’avez sûrement oublié ».

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