Magazran avait disparu sans m’avertir. J’étais à la fois désespérée et furieuse. Dans un élan d’égoïsme, j’ai voulu lui trouver un remplaçant. L’occasion se présenta à moi en demandant sur les ondes les services d’un masseur. Un palôt blond arrivé assez récemment accepta en échange d’un cours sur le langage sombre. Il se nommait Meynaf. Je lui ai dis de me rejoindre aux termes de Nagraw Sud. Je l’ai invité à se baigner avec moi pendant que je lui enseignais les mots usuels de la langue sombre la plus répandue, sachant que certains clans pouvaient avoir un dialecte propre dû à l’isolement vis à vis des autres.
Quand je n’eus plus rien à lui apprendre, je suis sortie de l’eau pour rejoindre la serviette que j’avais posée près d’un panier de pommes. Je sentais son regard sur moi et j’en étais ravie. Je me suis allongée sur le ventre et il m’a rejoint pour s’acquitter de sa part du marché. A cette époque là, je ne me souviens pas s’il m’avait déjà parlé de sa vocation de guérisseur. Ses mains étaient douces mais la prise ferme, le massage était vraiment excellent. Puis, je me suis tournée, j’ai plongé mon regard chargé de désir sur lui et je lui ai offert un moment mémorable et fort agréable.
Peu de temps après, Magazran revint et j’oubliai mon écart avec Meynaf. Il prit assez mal ce silence mais je n’en su rien avant plusieurs mois. Un jour qu’il m’accompagna à al taverne, après un Haut Conseil, il me semble, et que j’en profitai pour tenter une approche, il m’avoua directement qu’il ne voulait pas recommencer cette expérience car il ne voulait pas être un jouet. Je n’ai pas vraiment apprécié mais je suis restée calme et polie. Cependant, je suis restée par la suite très distante, ayant pris cette déclaration comme un rejet total de ma personne.
Mais le temps atténua en moi cette sensation et nous retrouvâmes des relations amicales. J’ai toujours apprécié discuter avec lui. Il est sage, intelligent et attentionné. Il s’est souvent chargé de soigner mes blessures physiques et d’écouter mes plaintes quand mon rôle me pesait trop. Sans bien sur que je ne lui révèle tout le fond des problèmes. Il reste un pâle et un fervent partisan de l’Union.
Ce n’est qu’avec la création du Dispensaire et l’arrivée de Meynaf dans ses rangs que je pu comprendre qu’en réalité il n’avait jamais oublié cette soirée aux thermes. Au début, il ne s’agissait que de politesses et de petits sourires amicaux. Il avait encore des responsabilités au sein des Hauts Elfes et ne voulait pas s’investir dans autre chose avant d’avoir finit son mandat. Une fois libre, il pu entrer au Dispensaire sereinement et se laisser aller à avoir une image moins strictement sérieuse. Je découvrais alors un Meynaf aux mots flatteurs et un soupçon séducteur que je ne prenais alors que comme jeu et plaisanteries aimables.
Le Dispensaire nous rapprocha et il m’arrivait plus souvent de me confier à lui. Une fois je suis allé le voir, tellement lassée de mes responsabilités de Matriarche, que je lui demandai de me changer les idées. Il me proposa de le suivre dans une maison de Corren où nous fîmes semblant d’être un couple d’humains. Le mari rentrant du travail des champs et son épouse ayant préparé le dîner. C’était amusant de le voir jouer ce rôle. Nous avions l’air si idiots dans cette ambiance de mièvreries. Je me suis demandée s’il en profiterai pour me voler un baiser mais il ne fut que sur la joue. J’ai été un peu déçue sur le moment mais je n’en ai rien fait paraître.
Quelques mois plus tard, je fis entrer Bastian au Dispensaire. Je voulu le rendre jaloux pour me donner la preuve qu’il était plus attaché à moi qu’il ne l’était de ses autres amantes. C’est Meynaf qui me servit pour remplir cet objectif. Lors d’une réunion des membres à la taverne d’Idaloran, j’allai m’installer sur ses genoux prétextant qu’il manquait un siège. A ma grande surprise, il accepta sans broncher et même plus étonnant, cela semblait le ravir. Il me tenait d’un bras passé derrière ma taille et avait posé son autre main sur ma cuisse, comme si la situation était parfaitement naturelle. Cela fit jaser entre les membres, c’était très amusant. Nous en restâmes pourtant là pour la soirée. Je rejoignais ensuite mon chasseur jaloux et pressé de me retrouver pour lui seul.
Cette situation fit évoluer les choses et je me retrouvai bientôt en tête à tête avec Meynaf à Yrsis pour une petite balade. Je sentais ce qu’il espérait de ce moment mais il semblait aussi le redouter, si bien que je n’osais rien faire d’autre que lui sourire. Etant donné les mots qu’il avait eu plusieurs fingeliens plus tôt, je craignais de me faire des idées et je préférai le voir faire le pas qui nous séparait encore. Nous avons rejoint la petite île au large avec l’étrange portail. Là, à l’ombre d’un palmier, il posa ses mains sur ma taille, plongea son regard dans le mien et m’attira à lui. Il m’avoua craindre d’être repoussé. Souriante, je lui répondis que je croyais qu’il ne voulait plus de moi depuis longtemps. Il me répliqua que ce n’était pas le cas mais que c’est parce qu’il ne voulait pas être traité comme un objet et être utilisé seulement par défaut. Je l’ai rassuré. Il m’a embrassé. Nous nous sommes retrouvés.
Nous n’avons pas pu profiter d’une relation à temps plein comme il l’espérait. Lui comme moi sommes des personnes des plus occupée mais je ne lui refusais jamais une occasion de me voir. Sauf cas majeur bien sur. Cela dit, il n’était pas envahissant pour autant à chaque fois qu’il était éveillé. Un équilibre qui me convenait parfaitement étant donné le nombre élevé d’amants que je collectionnais à cette époque : Bastian, Toucan et Killya.
Meynaf est un romantique, et cela, je ne m’en doutais pas. Un jour, il composa un poème pour moi. La première fois qu’un de mes amants m’offrait ce genre de cadeau. C’était très naïf et empli de bons sentiments mais j’étais ravie. Je n’ai pas eu le loisir de le récompenser comme je l’aurais voulu car il dû s’absenter. Il m’appelait souvent « Ma Dame » avec ce ton si particulier qui fait que l’on se sent indispensable à son cœur.
Ce souvenir m’emplie de tristesse maintenant qu’il ne réapparrait que très rarement. La dernière fois était lors d’une invasion de Nord Thyl. Il était éveillé et est venu combattre à mes côtés. Nous n’eûmes pas le temps de nous voir plus longtemps que cette bataille. Il n’est pas resté après la levée de l’alerte. Une de ses phrases raisonne encore et me pique le cœur car je crains qu’il n’ai pas eu le temps d’entendre ma réponse avant de partir.
« Mais vous m’avez sûrement oublié ».