Jour 18 Elavrion – Fingelien 382
J’ai causé à la couturière sinane Llariarith. Depuis, qu’elle avait été bannie de son peuple, j’avais étrangement un peu plus confiance en elle. Je me disais qu’elle valait peut-être le coup finalement même si le petit bleu se méfiait de son goût de l’argent. Et puis j’en avais marre de me faire passer pour Khaena, alors, je lui ai dit qui j’étais. Après un moment d’incrédulité, où elle a cru que la petite était devenue folle, elle a fini par accepter cette étrangeté. Elle m’a interrogée sur les robes qu’elle avait réalisée pour savoir si leurs destinataires avaient apprécié. A vrai dire, à chaque fois que j’offrais une robe, je me faisais jeter peu de temps après. Elle a été surprise que ses robes provoquent ce genre de réactions. Mais, c’était vraiment ce qu’il s’était passé avec la douce et Kharya. Elle a d’ailleurs rapidement fait le rapprochement entre la robe que j’avais acheté et cette dernière qu’elle avait entendu se mettre en colère une fois contre le petit bleu parce qu’il ne l’avait pas prévenu de mon retour.
Puis, je me suis moquée avec elle des officiels sinans si stupides et de leur échevin dont la réaction ressemblait à celle d’un mâle éconduit, ce qu’elle m’a d’ailleurs confirmé. Elle racontait qu’il était tombé amoureux d’elle et que c’était idiot de tomber amoureux d’une fille de joie. J’ai répliqué que je ne lui jetais pas la pierre parce que j’avais tendance à tomber amoureuse de femelles qui n’étaient pas faites pour moi. Elle a répondu qu’il valait mieux que je l’évite alors. C’était dommage, elle était pourtant à mon goût. Elle disait qu’elle n’était pas contrariante tant que je ne tombais pas amoureuse. J’étais dubitative. J’en avais marre de souffrir à cause de femelles.
Et là, elle a commencé à me vexer quand elle a dit qu’elle trouvait que je ressemblais à un elfe de sa connaissance. J’ai préféré ne pas trop relever et j’ai continué à parler de choses et d’autres avec elle. Je lui expliquais que je n’étais vraiment pas une cliente pour elle parce que j’étais fauchée. Le seul travail que je faisais était la récolte parce que taper sur des cailloux avait tendance à me calmer. Elle, elle n’aimait pas du tout çà. Je lui ai donc proposé mes services si elle en avait besoin un jour. Et puis, j’ai ajouté en plaisantant que si la fille de joie avait besoin de câlins, j’étais là également.
C’est là qu’elle a affirmé que je ressemblais par certains côtés à la pâte molle de Toucan, le pâlot qui avait été l’amant de la petite, il y a bien longtemps. Ça m’a donné envie de vomir : être comparé à ce pâlot, m’a définitivement passé l’envie d’avoir la sinane dans mon lit. J’ai coupé court à la conversation que j’avais avec elle.
J’étais anéantie, dégoûtée… Comment avais je pu tomber si bas pour que cette fille de joie me compare à un pâlot aussi dégoulinant ? Où était passé la sombre que j’étais? Étais je vraiment devenue à ce point une pâte molle?
Elle avait peut-être raison après tout : ces derniers temps, je m’aplatissais devant Kharya acceptant tout : ses envies de me voir, ses rejets, ses reproches. Je m’accrochais à elle comme à une bouée de sauvetage.
Peut-être qu’à un moment donné, il faut accepter de lâcher prise et de se laisser couler? Il arrive parfois qu’en touchant le fond un dernier sursaut de survie permet de reprendre pied ailleurs…