Le bleu m’a donné de nouveau quelques instants. Cet emmurement commence à me peser, d’autant plus que je ne le comprends pas. J’étais encore face à l’arbre de l’éternité, je sentais une présence derrière moi. Je savais que c’était Killya. Quand je me suis retourné, je l’ai vu avec une autre femelle à ses côtés. En regardant Killya j’ai rapidement compris qu’il s’agissait de sa femelle. Je me demandais ce qu’il se passait pour qu’elle soit là. Je me suis incliné et je me suis assis face à elles comme l’Ilharess me le proposait.

L’Ilharess semblait tendue alors que Killya plutôt calme et fière de me présenter sa femelle. Je voyais dans son attitude et ses gestes tout l’amour qu’elle avait pour cette sombre. Ca m’a rassuré d’une part de constater que tout allait bien de nouveau entres elles et de savoir qu’une personne pouvait s’occuper d’elle. J’étais son mâle mais réduit à plus que de l’impuissance depuis quelques temps. Je n’arrivais même plus à interférer dans les rêves. Je ne voyais plus vraiment ce que je pouvais apporter à Killya.

En discutant un peu du bleu j’appris que Killya et lui avait de nouveau mêlés leur corps. J’ai ris, mais cela ne semblait pas convenir à la matriarche, je n’ai pas bien compris pourquoi, ce n’était qu’un mâle, bleu de surcroit, étrange. Cela convenait bien à Killya, elle y trouvait son compte voire presque un équilibre. J’ai souris, me demandant combien d’autres bras elle aimerait avoir pour que l’équilibre soit parfait.

L’Ilharess semblait trouver aussi que cette situation n’était pas encore très équilibrée. Alors que Killya redoublait d’attention pour elle en ayant des gestes tendre, je voyais la matriarche fermée, imperméable à un quelconque sentiment. Elle ne parlait pas beaucoup. Malgré sa position et la mienne, je me suis permis de lui demander ce qu’elle voulait savoir de moi. Elle n’avait pas de question précise, j’ai compris au fur et à mesure qu’elle cherchait plutôt à comprendre qu’elle était sa place dans cette situation qu’elle trouve particulière. Et j’ai cru comprendre aussi qu’il lui était difficile de voir Killya dans les bras du bleu, non par jalousie mais moralement, c’était le mâle de Khaena, la fille de Killya. Il est étrange de constater les différences qui existent au sein même d’un peuple. Il suffit de quelques distances géographiques pour que les moeurs soient différentes.

Si j’avais un quelconque pouvoir sur le bleu, je pourrais sûrement y mettre un terme, mais serait-ce rendre service à Killya, voire même à la matriarche et à leur relation à toutes deux ? Killya a besoin de tellement d’affection.

Je me permettais de poser des questions à la matriarche pour essayer de comprendre. Finalement j’ai été surpris d’entendre que l’élément perturbateur c’était moi. En même temps la solution m’apparaissait simple. J’ai rappelé à la matriarche ma position de mâle d’une part et d’autre part d’esprit sans préciser plus, ça me semblait suffisant pour lever le flou.

Elle semblait réfléchir. Je n’ai rien rajouté, le temps fera son oeuvre. Je leur ai demandé ensuite de me laisser. J’aurais aimé passé un peu de temps avec Killya, mais il me semblait important de confirmer par les actes, ce que je venais de dire. Killya devait rester avec sa femelle. Et puis je voulais profiter de cet instant pour essayer moi aussi de reprendre un peu de place dans ce corps qui réduisait mon espace spirituel.

L’Ilharess avant de partir m’a offert des bagues, Killya m’expliquait qu’elle avait eu les mêmes et qu’elles permettaient de se téléporter ici à Trassian depuis n’importe quel endroit de Séridia ou d’Irilion. J’ai accepté les présents comme une preuve d’acceptation de ma place aussi auprès de Killya. Je me suis senti reconnu comme le mâle de Killya et comme un membre de son clan. Même si je n’étais qu’un esprit, je n’étais plus apatride.

Evidemment au moment de partir, Killya m’a embrassé avec fougue comme à son habitude. Je l’ai sermonnée, lui disant qu’elle n’avait aucune considération pour l’Ilharess. Après la discussion que nous venions d’avoir !

Femelle indomptable.

Elles sont parties, apparemment dans un endroit chaud. Comme j’aimerai pouvoir moi aussi découvrir ces contrées.

A peine parties, je sentais que le bleu reprenait le contrôle, j’ai essayé de garder une parcelle d’espace, mais j’ai senti de nouveau l’obscurité m’envahir.

De nouveau plus rien.

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