Chacun avait reprit sa place sous le verbe de la Veuve Noire. Setch, le conseiller. Sauruk, le Garde divin. Mais la Lune avait perdu son éclat protecteur. Son amant injustement accusé lui manquait. Sa mélancolie lui fit oublier sa vigilance et peu à peu Noctys sombra de nouveau dans la folie. Les morts revinrent traquer les vivants nuit après nuit.
La Veuve Noire voyait son empire s’écrouler petit à petit. Setch ne cessait de lui recommander de conjurer le sort qui avait scellé la conscience de la Déesse-Mère. Ssin’el par fierté ne voulait pas l’entendre. Elle s’obstina à garder le pouvoir. Son aura provoqua partout chez les Ylithen l’ambition et le désir de dominer ses sœurs et frères à tout prix et sans discernement. Ces temps troubles profitèrent aux créatures des Tuvars qui, usant de magie, tentèrent de rendre les Ylithen à leur image, pervertissant leur sang. Beaucoup furent perdus.
Le Serpent s’en alla alors trouver la Lune dont la Sagesse ferait peut être plier Ssin’el. Elle s’entretint avec elle longuement, patiemment et avec ténacité jusqu’à ce que l’Héritière cède face à l’évidence : son pouvoir était une chimère si elle n’avait plus personne à gouverner. Elle confia alors à la Lune le Rituel de Régénération. Il nécessiterait la présence de tous les dieux. Khala devait faire revenir Fenryos.
Khala chercha Fenryos longtemps, ce dernier maître dans l’art de la traque savait échapper à ses poursuivants. Quand elle le retrouva enfin, elle l’informa de la situation et il accepta de revenir.
Il lui fallut ensuite amadouer Noctys, il y avait besoin de tous pour réussir le rituel de régénération.
Ssin’el était là pour officier le rituel, bras droit et fille héritière de Lith, elle avait une partie de son pouvoir et maîtrisait parfaitement les drogues nécessaires au rituel.
Setch, amant de Lith, apportait sa fidélité et la fertilité.
Sauruk, le Gardien apportait le dévouement et la discipline.
La détermination de Fenryos, fils de Lith.
L’apaisement et la sagesse de Khala.
Et la puissance de Noctys sur l’âme des défunts.
Ils furent les premiers éléments nécessaires à réunir autour de Lith pour conjurer le sort de trahison.
Ssin’el avait travaillé des nuits et des jours durant sur une potion que chacun dû boire, entrant dans une même transe. Elle psalmodiait, versant la première le sang de sa créature et le sien dans un calice pour en abreuver la Déesse-Mère, qui commença à réagir au contact de ce mélange dans sa bouche. La conscience de Lith s’ouvrit faiblement à cette étincelle de vie. Trop peu pour laisser sa puissance la relever.
Chacun leur tour, les cinq autres divinités mineures levèrent la plus puissante créature qu’ils pouvaient et la sacrifièrent immédiatement à la gloire de Lith. Sang du serviteur et sang divin furent mêlés comme l’avait montré Ssin’el, qui se chargea de les porter aux lèvres de la Déesse Mère.
A chaque offrande des cinq, Lith reprenait plus de force, aspirant la vie autour d’elle, liant les âmes divines à la sienne le temps de la déglutition de leur fluide vital. Révélant alors la nature profonde de chacune à cet instant fugace.
Quand le dernier eut fait le sacrifice, Lith fut complètement désenvoûtée du sort de trahison.
Elle se leva regardant froidement les six divinités présentes. Leurs secrets étaient révélés, sauf ceux de le Veuve Noire.