Jour 4 Archeno – Fingelien 385
Je suis revenue sur les îlots. Shaael était restée introuvable et comme je n’avais pas de réponse de Kharya, je craignais que le peuple sombre ne soit plus dirigé par personne.
Mais à mon arrivée, Kharya était là et depuis longtemps semble-t-il… Elle n’a exprimé aucun sentiment à mon retour et ne m’a rien demandée… Comme si çà lui était indifférent… J’avais pourtant espéré… enfin, je ne sais pas ce que j’espérais… Elle ne m’aime plus. Quand je repense à cette soirée sous les étoiles où elle m’avait avouée son amour, je me demande encore comment nous en sommes arrivées là…

J’avais l’horrible sensation d’avoir perdu ma femelle chat à jamais pour venir en aide à mon ancienne amante Kharya, espérant sans doute que je retrouverais son amour… Au final, je les avais perdues toutes les deux.

J’ai salué Fharath dont j’avais senti la présence, juste par habitude sans vraiment penser à lui faire la conversation, en me demandant juste si elle avait remarqué mon absence. Quand bien même, j’étais persuadée qu’elle ne daignerait pas montrer qu’elle s’en était rendu compte. Mais, une fois de plus, elle m’a prise à contre-pied. Après m’avoir saluée, la première chose qu’elle m’a dite c’est que cela faisait longtemps qu’elle m’avait entendu… J’ai répondu par l’ironie en lui demandant si je lui avais manqué. Evidemment, elle a répondu par la négative : elle n’avait jamais eu besoin de personne… Mais elle m’a retournée la question, affirmant que nous connaissions toutes les deux la réponse…

Je ne sais pas à quelle réponse, elle s’attendait… Mais en réfléchissant, je me suis rendu compte que oui, étrangement, Fharath m’avait manqué. J’aimais nos conversations parfois acerbes qui me faisaient oublier mon désespoir. J’aimais essayer de la comprendre. Alors, je lui ai avoué de façon un peu amère et ironique qu’effectivement, elle m’avait manquée, sans doutes à cause de mes travers trop humains…

Je crois qu’elle a senti que j’allais mal, très mal. Elle s’en ai même presque inquiété me demandant ce que j’avais. Mais comment expliquer la douleur que je ressentais au fond moi à quelqu’un qui ne sait pas ce qu’est l’amour? Elle a semblé agacée ou a fait semblant de l’être, je ne saurais dire, déclarant qu’effectivement les sombres étaient trop stupides pour comprendre ce genre de choses. Mais, je n’avais pas parlé des « sombres » mais d’elle uniquement d’elle. Je m’attendais à une réplique cinglante mais elle a accepté affirmant qu’elle ne savait pas ou avait oublié comment « tendre la main ».

Elle m’a même demandé de lui expliquer ce qu’était l’amour pour moi… Étrange discussion… Pour elle, une relation avec un mâle n’était qu’une histoire de domination et de soumission. Son but était de faire du mâle sa « chose » et qu’il atteigne le « fond de sa déchéance ». Une fois arrivée à ce stade, elle délaissait le mâle n’ayant plus rien à lui apprendre. J’ai tenté de savoir ce qu’elle ressentait quand elle dominait un mâle. Elle m’avoua ne ressentir qu’une « indifférence froide ».

J’ai alors tenté de lui expliquer ce qu’était l’amour pour moi : un échange, un partage, des liens indéfectibles, des émotions intenses… Mais elle ne semblait pas comprendre. Alors j’ai tenté d’utiliser son langage. L’amour était une soumission mutuelle consentie, un asservissement parfois… Elle a semblé satisfaite de ces explications qui entraient dans un cadre qu’elle comprenait, reprenant un ton doctoral comme si c’était elle au final qui me faisait la leçon.

Il est vrai que parfois, je ne savais plus de qui nous parlions d’elle ou de moi… Sans doute qu’elle entretenait volontairement ce flou. Elle cherchait une nouvelle fois à m’amener dans la direction qu’elle souhaitait. Je lui ai donc fait part de ce que je ressentais : l’impression qu’elle cherchait à me modeler à gommer mes « aspérités » trop humaine. Elle a réfuté cela, déclarant que c’était uniquement moi qui ressentais « un rituel de changement en mon fort intérieur » ou peut-être était ce « un acte de soumission » ?

Un acte de soumission? Voulait elle que je me soumette à elle ? J’ai souri tristement : aurait elle de l’affection pour moi ? Elle n’a bien sûr pas répondu préférant éluder la question en affirmant « aimer les sombres à sa façon ». Quand je lui ai fait remarquer sa façon élégante de ne pas répondre. Elle a déclaré ne pas vouloir me laisser de fausses impressions par un « siyo » ou un « nau ».

Elle était une énigme pour moi, parfois je croyais la comprendre et parfois j’avais l’impression d’être à des milliers de lieux d’elle… Il m’a semblé soudain que son humeur basculait un peu vers la tristesse et l’amerturme. Elle disait que « ceux qui cherchaient à lire en elle n’avaient qu’à l’ouvrir, ils ne verrait qu’une âme vide ». J’ai tenté de lui dire que je pourrais la remplir mais elle affirmait que c’était impossible que tout s’évaporait avant. Mais peut-être que je pouvais y arriver si je la remplissais plus vite qu’elle ne s’évaporait. Elle semblait amère : « pour vivre une déception plus tard? ». On ne peut jamais savoir si on s’est trompé si on a pas essayé… même si çà fait mal… Et si on ne tente pas, on reste un objet sans âme.

Après un instant de silence, elle a affirmé que j’avais raison… J’attendais la suite pensant qu’elle allait poursuivre par une remarque cinglante mais rien n’est venu. J’avais tout dit d’après elle. Pensait elle que je la considérais comme une « objet sans âme »? J’ai tenté de lui dire qu’il devait être possible de ranimer un objet sans âme. Mais, elle a déclaré que « les objets sans âme restaient à vie sans âme ».

Je suis partie me coucher ce soir là avec de drôles de sentiments… des sentiments contradictoires envers elle. Parfois, je la détestais pour sa méprisante arrogance et parfois elle me semblait fragile au point que j’avais envie de la serrer dans mes bras. Je ne sais ce qu’elle ressent pour moi? peut-être que je ne suis qu’un jeu amusant pour elle? un nouvel être à soumettre? mais peut-être pas… peut-être qu’elle se cherche à travers moi?

Je ne sais si mon coeur en lambeau pourrait supporter, une nouvelle déconvenue. Pourtant, je le sens qu’il palpite plus vite quand elle est là, et qu’il lui manque quelque chose quand elle n’est pas là. Pourquoi suis je fascinée à ce point par elle? Peut-être que je cherche à m’entailler profondément et définitivement le coeur pour ne plus souffrir? Comme un papillon de nuit qui tourne autour de la flamme d’une bougie et fini par y brûler ses ailes?

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