J’arrive à la fin des récits de mon relativement long passé sur les îlots centraux. C’est un exercice introspectif intéressant. Malheureusement, tous ces souvenirs me rappellent à quel point certains me manquent et à quel point ma charge me fatigue. Tant de fingeliens pour arriver à voir émerger une cité pour les miens, si modeste soit-elle. Tant de fingeliens à patiemment subir les critiques, les railleries et les provocations de toutes part, à brider les instincts violents de quelques uns des miens.

Pourtant, il y a des choses qui me retiennent. Les Sombres n’ont jamais été aussi solides. Je redoute cela dit que mon départ ne les ébranlent. A moins de trouver une sœur pour me succéder. Une fraîcheur pour porter ce peuple parfois dissipé auquel il faut sans cesse rappeler que leur impulsivité est un danger pour leur avenir. La politique attire peu. Rares sont celles qui ont envie de se confronter aux médisants publiques. Même si elles en ont les capacités et que seules la volonté et l’assurance leur font défaut.

Et il y a mes femelles Killya et Khaena. Je me sens sereine à leurs côtés. Je sais que mon départ leur causerait une douleur énorme. Je n’ai pas envie de les blesser. Je suis sure qu’elles pourraient se charger du peuple. Cela me soulagerait tellement. J’ai confiance en elles. J’ai besoin de me libérer du poids du Matriarcat, ne plus avoir à décider. Je pense que si elles acceptaient de s’en charger, je resterai près d’elles pour les conseiller. Mais je doute d’arriver à les convaincre.

J’ai guidé si longtemps mon peuple que je crains qu’il ne se perde si je disparais. Tant que je suis là, personne n’imagine l’avenir des nôtres sans moi. Personne n’a voulu prendre ma tête pour prendre mon titre. Personne ne montre l’envie de me succéder. Devrais-je faire comme Sathia et les précipiter dans l’abîme pour les réveiller ? Devrais-je laisser la succession à un mâle malgré nos si chères traditions ? Ou abandonner notre système pour entrer dans le moule séridien ?

Lith, quel avenir pour les miens ?

*Le journal s’arrête ici*