20 Ullitavar 382

Mes cauchemars s’estompent. J’avais la sensation de maîtriser la situation. Mais j’ai senti un moment que je m’enfonçais dans le sol. Aspiré par un tourbillon. Il prenait ma place. J’ai lutté, une bataille d’esprit peut être aussi douloureuse qu’un combat physique. On ne le pense pas, on ne peut tellement pas l’imaginer d’ailleurs. J’ai gagné et pourtant je sais depuis le début que son esprit est plus fort que le mien. Sinon je ne serais ni forgeron, et encore moins nécromant. Cela dit je ne serais plus vivant non plus … Il s’est comme retiré. Pourquoi cet essai que j’ai vécu comme une tentative de prise de pouvoir ?

J’ai réfléchi. Khaena et encore plus Killya parle de Keros comme d’un elfe sage, à les écouter il serait de nature humaine. J’ai sollicité Killya, je ne sais plus pourquoi c’était elle qui était avec moi plutôt que Khaena. Je voulais en savoir plus sur Keros, je lui ai demandé de me parler de lui. J’ai vu qu’elle était émue, peinée aussi. Je devinais bien qu’il lui manquait. Si je ne voyais plus Khaena, je ressentirai la même chose. Elle m’a parlé de lui, pas très longtemps, j’aurais aimé qu’elle m’en dise plus, mais elle n’est pas douée Killya pour exprimer les ressentis, les sentiments.

Killya a dû vivre une période assez difficile. J’ai peu vu Khaena pendant une période. J’ai mis à profit pour me rendre au temple de la terre, non pour discuter avec le prêtre, j’étais bien loin de pouvoir lui parler de tout cela. Mais j’avais besoin d’un endroit propice à la méditation et à la réflexion.

Les jours sont passés assez vite. J’ai senti la présence de Keros. J’essayais d’affiner ce lien qui nous unissait. Il m’a offert la connaissance du rituel. Je sais comment il est arrivé là. Je sais aussi que tant que je resterais ici, dans les Landes, il ne pourra pas en repartir. Que la seule solution pour lui est que j’engendre une progéniture. J’ai vu l’étendue de son pouvoir. J’ai su alors que sans pour autant me faire disparaitre, il pouvait me neutraliser complètement. Il ne l’a pas fait, pourquoi ?

Je discernais que le pouvoir ne l’intéressait pas. Pour lui c’était une aventure qui ne prenait tout son sens que dans la coopération qui pouvait naitre de deux esprits. Défi d’autant plus grand que les deux esprits étaient de race différente. J’avais l’impression qu’il répondait à toutes mes interrogations non formulées. A celle qui me taraudait le plus, ma rencontre avec Khaena, il sut rappeler le souvenir que Killya elle même ne savait plus qui elle était quand j’ai rencontré Khaena. Donc il n’y était pour rien, il ne se doutait d’ailleurs même pas que Killya était morte. Le hasard fait parfois bien les choses.

Toutes ses questions si longtemps sans réponse.

Et la dernière, celle qui intéressait Killya et certainement Keros lui-même. Etait-il possible de lui offrir plus qu’une coopération d’esprit ? Ce n’était pas sans risque, j’ai senti son désarroi, partagé entre l’envie de pouvoir toucher Killya, lui parler et le risque qu’il me faisait prendre. Mais c’était possible, il fallait s’entourer de précaution, mais il ne savait pas encore lesquelles et moi encore moins.

La réponse est venue d’elle même quelques jours après, alors que nous combattions ensemble Khaena et moi dans les catacombes de Naralik. Il y avait un autel, encore utilisé apparemment. Khaena m’apprit que c’était un ancien temple ici. J’ai senti la présence de Keros muée d’une énergie particulière. Nous étions proches, presque à ne former qu’un. Un début d’idée germait dans nos esprits. Khaena y pensait aussi, je le voyais dans ses yeux. Nous avons combattu encore un moment puis je me suis senti prêt.

Au dépôt de Morcraven, nous nous sommes équipés en tentant de tout prévoir : surtout des potions anti-poison, mais toutes les autres potions évidemment faisaient parties de notre paquetage. Des essences aussi. Moi de mon côté j’ai pris ce qu’il fallait pour pratiquer l’art de Keros. J’ai vu la panique sur le visage de Khaena l’espace d’un instant. Fermement je lui ai dit que j’avais besoin d’elle. Elle s’est reprise, puis nous nous sommes dirigés vers le temple de Lith, celui de tarsengaard, là où je n’étais plus tout à fait moi-même quand j’y allais.

Notre intuition fut la bonne, cela a fonctionné. Je n’en garde aucun souvenir si ce n’est un grand froid corporel et une lassitude importante. Quand j’ai pu enfin me lever et marcher j’avais encore terriblement froid, j’ai émis le souhait de me rendre au campement pour me baigner dans l’oasis tiède. Les bains de Nargraw sud auraient été parfaits, mais ils étaient trop loin. Nous sommes donc allés au campement et Khaena voulait quelques fruits frais. Je l’accompagnais au jardin, nous avancions doucement, et là … oui, pourquoi n’y avais-je pas pensé ! La magie du jardin de Galein’th Aseyis. Je m’y suis installé et j’ai récupéré toutes mes forces en une demi-journée.

J’avais réussi, j’étais un peu grisé de ce pouvoir sur la vie et la mort.