Jour 12 Ullitavar – Fingelien 382
La douce m’a contactée. J’ai proposé de venir la voir mais elle a répondu que nous nous étions déjà trop vu ces derniers temps… J’ai compris toute suite ce que çà voulait dire. J’ai caparaçonné mon coeur pour ne pas que la pointe de glace qu’elle m’envoyait m’atteigne. Je ne ressentais plus rien.
Alors je lui ai demandé ses raisons. Elle disait qu’elle voulait que j’avance et que je cesse d’entretenir de faux espoirs avec elle. Une image a commencé à se superposer. Je l’imaginais comme une des prêtresses de mon école me faisant la leçon.

Je lui ai répondu que je n’allais pas avancer et que j’allais m’éteindre à petit feu. Et là, je me suis rendue compte de l’abîme d’incompréhension qui existait entre nous. Elle me reprochait de vouloir la culpabiliser alors que j’étais incapable de telles arrières pensées… Je revoyais le visage d’une prêtresse qui me reprochait de ne pas être une vraie sombre. J’essayais d’expliquer à la douce que quand on est perdue et qu’on ne sait plus quel chemin prendre, on finit par mourir.

Elle avait une fausse image de moi. Elle croyais continuellement que je jouais alors que ce n’était pas le cas. Elle disait que mes sentiments étaient réels mais que je ne savais pas les exprimer. Elle me reprochait la façon dont je lui avait offert les roses… Je revoyais la prêtresse qui me traitait de sombre stupide qui ne savait rien faire…

Et soudain, Kharya m’a appelée alors que çà faisait des jours qu’elle ne me parlait plus. Elle était froide et distante. Elle me rappelait Kriss qui venait me soustraire à la cruelle punition que certaines prêtresses prenaient plaisir à me donner. Kriss détestait être obligée de faire çà car elle remettait en cause l’autorité des prêtresses et provoquait des tensions au sein du peuple. Mais elle le faisait car elle savait que certaines étaient capable de tuer leurs élèves sous les coups et qu’elle avait promis de me protéger à ma mère. J’ai coupé court à la discussion stérile que j’avais avec la douce qui cette fois était aussi dure que de la glace.
Je savais que plus jamais je ne verrais en elle celle qui m’avait séduite. J’aurais toujours l’image des prêtresses donneuses de leçon qui m’avaient blessée cruellement à de nombreuses reprises.

J’ai donc rejoint Kharya. Pourtant, je sentais que ce qu’elle allait me dire n’allait pas me plaire. J’étais persuadée qu’elle allait me quitter. Mais, j’y suis allée comme un animal va à l’abattoir, sans espoir, mon coeur toujours caparaçonné .
Étrangement, ma belle sombre était douce. Elle disait qu’elle sentait qu’on s’éloignait l’une de l’autre. Elle n’osait plus me contacter, parce qu’elle avait l’impression de me déranger. Il est vrai que je n’avais pas été des plus aimables ces derniers temps. Mais à vrai dire, je n’étais aimable avec personne… Elle disait qu’elle savait qu’elle n’était pas capable de m’apporter ce que je voulais, que j’avais besoin de quelqu’un qui soit tout le temps là pour moi, qu’elle était trop indépendante et ne pouvait pas changer. Elle a ajouté qu’elle ne voulait plus faire de promesses qu’elle ne pourrait pas tenir.

Je lui ai demandé si çà signifiait qu’elle ne voulait plus me voir. Elle ne savait pas mais elle voulait être franche. Je me rendais compte que je lui en demandais trop, bien plus qu’elle n’était capable de me donner. J’ai essayé de plaisanter : « Voilà ce que c’est d’être une sombre élevée par sa mère… après on a besoin d’affection tout le temps… ». Mais elle n’a pas réagit. J’attendais la sentence mais elle ne venait pas. Alors, j’ai tenté de la provoquer en lui demandant ce que nous devions faire maintenant. Elle n’en savait rien. Et j’ai vu son regard. Ma belle était aussi perdue que moi… Elle m’a terriblement émue. Je me suis approchée d’elle en lui disant que j’étais désolée d’être aussi dépendante et j’ai goûté ses lèvres tendrement. Elle a répondu au baiser.

J’ai voulu l’entraîner sur le lit pour la serrer dans mes bras mais elle a refusé : ce n’était pas raisonnable de continuer alors que nous ne trouvions pas chez l’autre ce que nous recherchions. Je me suis soudain rendue compte que je ne lui convenais pas autant que je le pensais. Elle a ajouté que d’ici un mois je recommencerai à souffrir et qu’elle inventera de fausses excuses pour ne pas que je me vexe quand elle voulait être seule. Et elle ne voulait plus mentir et surtout pas à moi. Je lui ai répondu que j’avais compris une chose ces derniers temps : je préférais qu’elle me dise quand elle voulait être seule et je préférais çà plutôt que d’être à côté d’elle et la sentir absente. C’est pour cette raison que je ne la contactais plus parce que je sentais qu’elle n’osait plus me dire non et que je savais que quand c’est elle qui me contactait, elle était disponible pour moi. Elle a semblé se détendre un peu. Elle se sentait coupable et incapable de changer. Je l’ai prise dans mes bras et je l’ai cajolée tendrement en lui disant que moi non plus je n’arrivais pas à changer. Elle s’est blottie contre mon cou.

Elle m’a avouée être partagée entre le soulagement et l’inquiétude. Elle avait peur que tout recommence, qu’à nouveau le gouffre s’agrandisse entre nous. A vrai dire, moi même, je n’étais sûre de rien mais elle avait été franche avec moi, il fallait que je le sois avec elle. Je lui ai parlé de la douce, dont j’étais tombée amoureuse mais que c’était désormais fini. Je lui ai expliqué que j’avais eu besoin de combler un vide et qu’elle avait été là pour moi alors qu’elle, ma femelle, s’éloignait de moi. J’ai ajouté que la douce avait été une des raisons qui faisaient que je ne savais plus où aller.

Je lui ai avoué avoir voulu disparaître et que Keros mon mâle m’était apparu. Il m’avait prévenue que je ne pouvais disparaître sans faire disparaître Khaena. Je lui ai expliqué à quel point çà me faisait mal de sentir la présence de Keros et de ne pouvoir le toucher. Elle a répondu que c’était compliqué mais tout était compliqué avec moi en ce moment.

Et cette fois, c’est elle qui m’a entraîné sur le lit. Elle m’a demandé si j’avais des choses à clarifier avec elle. Je lui ai posé la question qui me brûlait les lèvres. Pourquoi ne m’avait elle pas rejoint dans la hutte à Morcraven ? Elle a répondu qu’elle ne savait pas où j’étais partie. Je lui avais dit pourtant… Elle n’avait pas fait attention. J’ai demandé si elle avait rejoint son mâle sinan mais il n’en était rien. J’ai senti soudain que la chape de plomb qui oppressait mon coeur depuis ce jour, se levait enfin et me libérait. Je me suis effondrée en sanglot devant ma belle. Elle m’a pris dans ses bras et m’a bercée doucement. J’avais eu tellement mal à cause d’une incompréhension… Elle m’a embrassée le front tendrement en expliquant que c’était pour cette raison qu’elle voulait de la franchise entre nous. J’ai souri en lui répliquant qu’il était difficile pour des sombres d’être franches. Elle a fait un petit sourire en coin en demandant si c’était le cas pour des dégénérées! Je me suis redressée en souriant. Elle n’était pas une dégénérée contrairement à moi. Elle m’a regardé en fronçant les sourcils. Elle n’aimait pas que je dise çà. Je me suis soudain jetée sur elle pour l’embrasser avec passion. Elle s’est laissé emporter par ma ferveur.

Puis, je l’ai regardée subjuguée… Je l’ai allongée près de moi, je me suis installée contre son dos en l’enveloppant de mes bras. Je lui ai embrassé la nuque en lui disant qu’elle m’avait manqué. Elle m’a murmuré qu’elle avait vraiment cru me perdre. Quand à moi, je m’étais crue perdue et j’avais cru l’avoir perdue. Elle m’a embrassée chaque main en me disant qu’elle était là. Je me suis endormie contre elle, apaisée.

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