Jour 6 Elouenien – Fingelien 382
J’étais avec Kharya. Nous discutions des cultures de nos peuples respectifs en dehors des îlots. Elle racontait que dans le sien, les relations entre mâles et femelles étaient très réglementées. Un mâle et une femelle étaient réunis pour leur aptitude à engendrer des petits sombres et surement pas pour leur attirance mutuelle.
Dans mon peuple, ce n’était pas le cas. Peut-être que Kriss en tant qu’Ilharess avait imposé sa façon libre d’avoir des relations ce qui ne devait sans doute pas être au goût des prêtresses. Mais toujours est-il que chacun pouvait avoir les amants et les amantes qu’il souhaitait. Je me souvenais de Kriss en souriant et de ses nombreuses conquêtes. Soudain, une idée m’a traversée l’esprit : ma mère et Kriss n’avaient elles été réellement que des amies?

Kharya semblait persuadée qu’elles avaient été amantes. J’ai eu l’impression qu’elle venait de trouver la clé du tiroir où été enfouis des souvenirs que j’avais refoulé jusqu’à aujourd’hui. Les images se bousculaient en moi. Je ré-entendais ces murmures et ces rires étouffés alors que, enfant dans la chambre de ma mère, j’étais dans un demi-sommeil. Je revoyais cette silhouette de femelle qui s’éloignait furtivement alors que je me réveillais.

Je revivais la violence dont Kriss avait fait preuve envers la prêtresse quand elle avait découvert ma mère mourante sur la table de torture. Elle avait failli l’égorger directement mais ma mère lui avait demandé de ne pas la tuer mais de la bannir. La violence était toujours dans ses yeux et plutôt d’appliquer une seule fois le fer rouge de la marque des bannis sur son front, elle a appliqué à de nombreuses reprises sur tout le corps de la prêtresse qui hurlait de douleur. Petite sombre, je n’étais pas préparée à çà : je me suis blottie en boule contre ma mère tentant de me boucher les oreilles pour ne plus entendre ses cris. Me voyant ainsi, ma mère a demandé d’une voix faible mais presque autoritaire à Kriss de cesser cette torture devant moi. Puis elle s’est évanouie.

Kriss a beuglé à ses gardes de « jeter ce déchet dehors » en parlant de la prêtresse. Elle s’est ensuite précipitée vers ma mère la portant elle même jusque dans son lit. Puis, elle a renvoyé tout le monde sauf moi. Ma mère a ouvert les yeux. Elle s’est moquée de Kriss : « il faut donc que je meurs pour avoir droit à l’honneur d’être dans ton lit ». Le souvenir de cette simple phrase me faisait réaliser qu’elles avaient eu une liaison cachée : une Ilharess ne pouvant avoir pour amante, une femelle dont on avait retiré ses titres pour faute grave. Je revoyais le dernier baiser tendre qu’elles s’étaient échangés et la douleur dans les yeux de Kriss quand ma mère s’est éteinte dans ses bras. Je revoyais ses pleurs, si semblables aux miens… Puis sa façon de se redresser et d’afficher un masque impassible quand elle a appelé sa garde pour qu’on enlève le corps.

Je me souviens de son regard qui me fuyait quand elle me voyait, tentant de retenir les douloureux souvenirs de la mort de son amante que je lui rappelai par ma simple présence.

Son refus de me prendre dans son lit s’expliquait soudain. Je n’avais jamais compris jusqu’alors pourquoi j’avais eu droit à ce régime d’exception alors qu’elle avait eu des liaisons avec des femelles aussi jeunes que moi. Le problème venait donc de sa gène d’avoir eu avant moi ma mère pour amante.

Ma discussion avec Kharya m’avait permis de découvrir une partie de mon passé que je refoulais. Ma belle sombre ouvrait des pans entiers de ma mémoire douloureuse rien que par quelques paroles et confidences échangées. Grâce à elle, je commençais tout juste à comprendre qui j’étais.

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