Jour 24 Kamarien – Fingelien 383
Quand j’ai vu le capitaine du bateau se diriger vers l’endroit que celui que je connaissais évitait soigneusement. Je me suis dit que nous allions droit à la catastrophe. J’ai tenté de lui dire de ne pas aller par là. Il m’a regardé d’un air méprisant, affirmant qu’il s’avait ce qu’il faisait. J’ai insisté mais son regard devenait haineux. Il détestait les sombres. C’était trop tard, j’en avais trop dit.

Il a demandé à ses marins de me jeter par dessus bord. Ma mère a bien tenté de nous sortir de là en envoyant plusieurs au tapis mais ils étaient trop nombreux. Je me suis retrouvée dans l’eau, regardant le bateau s’éloigner. Le petit mousse avec lequel j’avais un peu discuté et joué pendant le voyage me regardait par dessus le bastingage d’un air apeuré. J’ai soudain eu peur pour lui. C’était son premier voyage sur un navire et il allait faire naufrage. Il était si jeune, à peine une dizaine d’années. J’ai suivi le bateau à la nage. Il allait percuter le récif.

Un horrible bruit s’est fait entendre. La coque du navire se fendait sur toute la longueur. Le bateau n’a mis que quelques secondes à couler. Je me précipitais cherchant le petit mousse. Comme la plupart des marins, il ne savait pas nager. J’ai cherché sous l’eau. Il était en train de couler. Je l’ai remonté à la surface. Il a craché de l’eau : il était vivant. Mais nous n’étions pas sortis d’affaire.

J’ai commencé à rassembler différentes planches pour les lier ensemble. Sur ce radeau de fortune, j’ai voulu rejoindre le continent. Mais ma mère disait que c’était trop risqué, que nous allions mourir et qu’il fallait prendre la direction des îlots. Je ne voulais pas. Je sentais qu’il fallait que je rejoigne Bahar et vite. Et puis, cet enfant humain sur le radeau, quelle serait sa vie sur les îlots? condamné à vivre éternellement à l’état d’enfant? Mais je savais que ma mère ne fera pas grand cas de lui. Elle voulait me sauver, nous sauver. Et je savais que je n’arriverai pas à lutter si elle décidait de prendre le contrôle.

Mais je savais comment la faire fléchir. Je lui ai reproché de ne pas s’inquiéter pour Bahar, de ne pas l’aimer. Son sang n’a fait qu’un tour, elle s’est mise en colère et a pris le contrôle du corps pour pagayer furieusement en direction du continent. J’étais assez contente de l’avoir manipulée aussi facilement mais en même temps je savais qu’elle était aussi inquiète que moi à propos de Bahar mais qu’elle avait voulu en premier lieu me sauver.

Sa rage nous a ramené jusqu’au continent. Le petit bonhomme était heureux. Je l’ai reconduit jusqu’à sa maison. Sa mère était heureuse de le retrouver. Elle a voulu m’offrir un repas mais j’ai refusé. Je voulais rejoindre Bahar au plus vite.

« »