Je ne sais si je dois raconter cela. Mes mains tremblent encore de ce que j’ai pu faire. Je revois très bien la scène. Elle reste gravée dans mon esprit. Comment oublier ses yeux ? Baste ! Je ne puis oublier ce qu’il s’est passé. Le coucher sur l’écrit appaisera peut-être ma fièvre.
Naralik est une belle cité, mais tous les elfes qui y rôdent ne me sont pas forcémment acquis. J’ai certes réussi à solidifier ma position d’échevin, ma relation avec l’Ilharess, certains me regardent avec violence. Cette véhémence dans leurs yeux ne me dérange guère. Ils sont obligés au respect. Cela est bien comme cela est.
Toutefois, je n’ai peur que d’une chose, ce qu’il s’est passé chez moi. Je veux dire avant les Landes. Car si j’ai bien pu le cacher, l’expérience que je viens de vivre m’a prouvé que tout cela revient bien vite, sous peu qu’un de mes anciens camarades refait surface.
C’est sur le bateau que je le vis. Lui, l’infâme ! Il n’avait guère changé. Toujours les mêmes yeux injectés de sang.
Je crois qu’il m’a reconnu aussi. En voyant mon uniforme d’échevin il a souri et sifflé. « Mazette, Morax le banni, vous voilà bien accoutré… »
Je ne pouvais laisser passer cela. L’accepter. C’était du suicide.
J’ai vérifié qu’il n’y avait personne et me suis approché. Il avait sa dague fétiche dans les mains. Il a sûrement dû comprendre.
« Je te bats depuis toujours Morax, que veux-tu faire ? »
Je ne sais si ce sont les Landes qui m’ont endurci, ou la haine qui m’agita à ce moment. Je l’empoignai et le plongeai au sol d’un seul coup. Je frappai avec vigueur son crâne. Il se débattait mais avait dû lâcher son arme. Je le repoussai toujours plus.
Nous atteignâmes dans ce pugilat, l’eau de la mer. Il était sous moi, dans notre mêlée furieuse. Je profitai de ma position pour lui enfoncer le visage dans l’eau. Maintenir. Tenir. Jusqu’à ce que tout se relâche.
Ce me parut des heures.
J’ai bien mis deux minutes à le relever, même après qu’il soit mort. Ses yeux étaient révulsés. Ils ne me lâchaient pas. Je l’ai jeté à l’eau. Les requins s’en chargeront.

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