Les jours passaient et je m’éloignais irrémédiablement de Amahya. La plupart de mes nuits, je les passais en compagnie de Kendza. Mais parfois, elle choisissait un autre élève, ce qui avait le don de m’irriter profondément. Du coup, je me cherchais une autre femelle pour la nuit. Quand j’y repense maintenant, je me demande si elle ne le faisait pas exprès…

Un soir, où elle m’avait demandé de la rejoindre. Je l’ai trouvée dans les bras d’une autre femelle : Khalara. C’était une guerrière, une grande guerrière de notre clan. Elle partait souvent pendant de long mois. Elle revenait auréolée de gloire pour avoir décimé un clan ennemi avec ses troupes. Mais apparemment, cela lui était égale. Elle considérait qu’elle n’avait fait que son « travail ».

Quand je les ai surprise dans les bras l’une de l’autre. Khalara s’est tournée vers moi : « C’est qui ce morpion? ». Kendza a souri en disant que j’étais un de ses élève « plutôt doué ». Khalara m’a regardé d’un air peu amène. Elle n’avait de toute évidence pas envie que je reste. Kendza m’a alors renvoyé vertement en m’appelant elle aussi « morpion » : elle préférait rester seule avec son amante. J’étais dépité : comment pouvait elle me préférer une femelle? Que pouvait elle bien lui apporter de plus que moi?

C’est Amahya qui m’a fait comprendre. Il n’y avait pas sans doute pas entre Kendza et Khalara que des relations charnelles, il y avait sans doute aussi quelque chose de plus fort : elles s’aimaient. J’ai haussé les épaules en récitant la leçon que l’on m’avait rabâchée : « L’affection pour quelqu’un est dangereuse. Elle n’apporte que des problèmes de dépendance et des émotions dangereuses pour le clan! ». Amahya secouait la tête : « ce n’est pas que cela… ». Elle a dit çà en me jetant un drôle de regard qu’elle a ensuite détourné. Je n’ai pas compris ce jour là, ce qu’elle essayait de me dire. J’était trop obnubilé par ma frustration de me rendre compte que je n’étais pas le favori de Kendza comme je le croyais. Je ne me suis pas non plus rendu compte que le corps de Amahya avait changé. Il s’arrondissait. Elle était enceinte et sans doute de moi puisque je ne lui connaissais pas d’autres mâles.

Quelques jours plus tard, Kendza m’a réclamé pour la nuit. Je me suis empressé de venir. Khalara était là… Je suis resté un instant interdit. Qu’attendaient elles de moi ? La voix autoritaire de Khalara m’a sorti de mon état de stupéfaction : « Déshabille toi morpion! ». Ce petit surnom qu’elles m’avaient donné les amusaient beaucoup. Quand à moi, je n’avais pas mon mot à dire mais je prenais plutôt çà comme une marque d’intérêt que comme une insulte.

Les nuits qui ont suivi, je les ai passées avec elles. Elles semblaient apprécier mes « compétences » même si je ne me faisais pas d’illusion. Je n’étais qu’un simple outil au service de leurs plaisirs. Mais je dois dire que je me délectais de ces nuits passées en leur compagnie. J’observais, j’apprenais comment les femelles se donnaient du plaisir entre elles, ajoutant ainsi quelques cordes à mon arc de servant.

Les jours passaient. J’étais toujours le meilleur élève de Kendza. On m’envoyait déjà en « mission » : séparer une jeune adolescente sombre d’un mâle pas assez bien pour elle, en réconforter une autre qui ne semblait plus vouloir continuer à vivre, donner le goût des mâles à certaines femelles… Il y avait en effet un tel mépris des mâles dans la culture sombre ou du moins de notre clan que certaines femelles n’envisageaient même pas d’éprouver du plaisir avec l’un de nous. Ceci pouvait devenir problématique, si nous voulions que notre peuple prospère et devienne influant. D’autant qu’il était extrêmement difficile pour les femelles sombres d’engendrer sans complication. Dans notre clan, il était de toutes façons obligatoire pour une femelle de donner au moins un enfant au peuple.

Un jour en plein cours, une femelle de l’infirmerie est entrée et s’est mise à parler à l’oreille de Kendza. J’ai vu le regard de celle-ci se tourner vers moi puis elle a fait un geste d’acquiescement. La femelle m’a dit d’un ton péremptoire : « Suis moi! ». Je la suivais en me demandant bien ce qu’on me voulait. Puis la sombre s’est mise à m’expliquer pendant que nous parcourions les couloirs en direction de l’infirmerie : « Amahya? tu connais? ». J’ai acquiescé. « Elle accouche et çà se passe mal… çà fait des heures et des heures… l’enfant est coincé… et elle ne veut plus rien faire tant que tu n’es pas là… ». Elle a levé les yeux au ciel comme si c’était une aberration : « si çà continue, on va perdre les deux : la mère et l’enfant ». Elle secouait la tête. Ce n’était pas de la pitié. Elle était furieuse car on lui reprocherait de ne pas avoir su garder en vie l’un des deux.

Je suis arrivée dans la pièce où on l’avait mise. Amahya était incroyablement pâle et faible mais elle m’a souri en me voyant arriver. Je me suis placé près d’elle n’osant avoir de gestes trop intimes sous le regard des autres femelles sombres. Amahya m’a pris la main. Elle l’a soudain serrée violemment en poussant un cri de douleur. Je ne savais pas trop quoi faire me sentant impuissant. Les femelles sombres à ses côtés lui ordonnaient sans ménagement de « pousser ». Amahya avait semble-t-il repris courage avec mon arrivée. Je crois qu’elle a tout donné… Mais rien n’y faisait. Je voyais Amahya devenir de plus en plus pâle, sa respiration été saccadée. Je voyais les femelles autour d’elles avoir un air entendu. L’une d’elles s’est placé au dessus d’elle et a appuyé brutalement sur son ventre, encore et encore… le sang… le sang giclait… La main d’Amahya ne me serrait plus qu’à peine. Elle n’était plus capable de faire quoique ce soit. Elle me regardait mais j’avais l’impression qu’elle ne me voyait plus.

Et soudain, il y a eu un cri. Le bébé était enfin sorti. C’était une femelle. La main d’Amahya s’est serrée. Je me suis retournée pour la regarder. Elle semblait heureuse. Puis, elle a demandé : « je veux voir mon bébé ». Les femelles sombres faisaient comme si elles n’avaient rien entendu. Alors j’ai osé : « laissez la voir son bébé au moins… ». Elles se sont retournées vers moi surprise que je me permette de leur adresser la parole sans autorisation. L’une d’elles a fini par me répondre : « à quoi bon? elle va mourir… ». J’étais sous le choc, j’ai presque hurlé : « qui va mourir ? ». Elle a froncé les sourcils puis a désigné Amahya du menton. Pendant ce temps, une autre commençait à se diriger vers la porte avec le bébé. « Je vous en prie, laissez la voir son bébé… ». La sombre a haussé les épaules en me montrant Amahya : « çà ne sert plus à rien! ». Amahya avait les yeux grand ouvert un petit sourire aux lèvres mais elle ne respirait plus. Je me suis précipité à ses côtés, j’espérais que ce n’était qu’un évanouissement… Mais, elle était morte…

Pendant ce temps, l’autre femelle emportait le bébé. Je me suis soudain relevé la rage au ventre, le regard meurtrier : « je veux voir le bébé!!! ». Je m’approchais à grandes enjambées, je crois que j’étais prêt à tuer n’importe qui. Puis, une voix autoritaire m’a sorti de ma transe : « çà suffit Yloken! ». C’était Kendza. « Tu viens maintenant. ». Elle m’a pris par le bras sans ménagement. Je l’ai entendu dire aux femelles de l’infirmerie qu’elle allait me punir elle-même pour mon manque de respect envers elles. Elles ont souri satisfaites.

Je ne voyais que du brouillard autour de moi. Kendza me tenait ou plutôt me maintenait debout pour ne pas que je m’écroule. Elle ne m’a pas conduit en salle de torture comme je pensais avoir droit mais dans sa chambre. J’étais une loque… incapable de bouger… Elle m’a déshabillé et m’a mis dans son lit… Je crois qu’elle m’a fait boire quelque chose, une drogue qui m’a fait dormir… Je ne me souviens plus…

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