Les jours passaient et je restais le plus discret possible. J’ai croisé pour la première fois une sombre à Illumen. Elle était fière, le regard glacial. J’ai préféré m’éloigner dans un premier temps mais j’aimais sa façon d’être. Elle ne m’a pas vu. J’ai appris plus tard qu’il s’agissait de Fharath, une Jaliless du clan sombre des îlots qui s’était volontairement mis à l’écart de son peuple.
Je commençais à apprécier cette liberté que je n’avais jamais connue jusqu’à lors. J’étais libre de me lever et de me coucher à l’heure que je voulais. Mon emploi du temps n’était dicté par personne. J’allais où bon me semblait. Personne ne me frappait pour un oui ou pour un non.
Mais, un jour à Galein’th Aseyis, je n’ai pas pu échapper aux regards de deux femelles sombres. La rousse s’est présentée : « Je m’appelle Kharya de Norhen Dagha, je suis la Matriarche des Elfes Noirs qui vivent sur les îlots centraux des Landes. ». Avec ma veine, j’étais tombé sur la matriarche et une de ses jaliless, Darkmon. Comment pouvais je me présenter? Je ne suis pas sûr qu’elles auraient aimé que je dise : « Echk, je suis Yloken et j’ai tué mon Ilharess! ». J’ai souri intérieurement en pensant à cette répartie. J’ai préféré une présentation plus neutre : « Je suis Yloken… d’aucune maison ». Darkmon a alors répliqué en souriant : « De la notre si vous le souhaitez! ». Et l’Ilharess a ajouté : « Le clan de Draïa est ouvert à tous les sombres qui veulent en faire partie. ».
Elles m’ont ensuite proposé un « paquetage » qui m’aiderait à survivre sur place. Je dois dire que je n’avais pas très envie d’accepter comme si cela devait me lier à ce clan. Mais, je n’avais jamais appris à dire non à une femelle sombre. Et quand Darkmon m’a proposé de m’asseoir avec elles. J’ai obéi par réflexe. Je montrais un visage avenant comme un servant sait si bien le faire mais au fond de moi, je voulais fuir sentant que j’étais en train de perdre ma liberté nouvellement gagnée.
Darkmon m’a ensuite proposé de découvrir Naralik, les terres du peuple sombre sur les îlots. Encore une fois, je n’ai pas osé refuser me laissant conduire aux travers de la région. J’observais Darkmon, elle ressemblait à la sombre que j’avais croisée au port : Khaena. La même chevelure blanche comme les neiges, le même regard douloureux et puis cette gentillesse si peu commune chez les femelles sombres. La visite s’est terminée, elle m’a proposé de parler sur les ondes du peuple. Je ne me sentais pas prêt, j’ai prétexté la fatigue pour échapper à cette suggestion.
De nouvelles journées ont passées, je fuyais toujours le clan. Mais, la Jaliless Darkmon ne m’avait pas oublié, tentant de m’intégrer à son peuple. Elle a finalement réussi à me faire participer à un entrainement commun avec d’autres nouveaux. J’ai fait bonne figure. Je ne me débrouillais pas si mal. Le mâle Alak a même douté de mon arrivée récente dans les îlots. J’ai appris plus tard qu’il était le fils adoptif de l’Ilharess et représentant du peuple sombre.
Je trouvais étonnant qu’un mâle puisse avoir un tel poste même si ce n’était qu’une façade pour les autres peuples, l’Ilharess dirigeant toujours en sous-main. Je trouvais ses manières des plus cavalières avec l’Ilharess parfois. Mais ce n’était rien à côté de Mulvaar, son amant. Celui-ci la tutoyait en public. Chose inimaginable dans mon peuple…
Je ne me sentais pas bien parmi eux comme anormal. Certaines femelles se moquaient d’ailleurs de ma façon d’être, trop soumise. La prêtresse Elzeberith ne cessait de me dénigrer sur ma façon de m’incliner à chaque apparition d’une femelle, affirmant que je pouvais en profiter pour leurs essuyer les bottes… Qu’est ce que je faisais de si incongru ? On m’avait toujours appris à faire ainsi…
Je crois que le pire jour a été celui où une dispute a éclaté au sujet de la religion et de Lith en l’absence de l’Ilharess… Mon peuple avait été écrasé par l’obscurantisme et le fanatisme de certaines prêtresses pendant un temps. La seule bonne chose qu’avait fait l’Ilharess que j’avais tuée, avait été de décapiter au sens propre comme au figuré le culte de Lith. Elle avait fait tuer la plupart des prêtresses qui avait pris leurs aises en profitant de la faiblesse et de la vieillesse de la matriarche précédente.
En entendant cette dispute, j’avais l’impression de retrouver cette ambiance malsaine portée par quelques intégristes. Evidemment, Mulvaar, Alak et la fille de la haute-prêtresse Seliane était dans ce clan. J’avais envie de vomir, ce clan était dirigé par la famille de l’Ilharess et celle de la haute prêtresse, tous des fanatiques. Déclarant, que ceux qui ne croyait pas en Lith, n’était pas de vrais sombres…
J’ai commencé à tuer des araignées, celles qu’ils appelaient les « filles de Lith »… C’était risible de voir comme ils nous menaçaient du fouet, moi et d’autres, pour ne pas croire à ce qu’ils croyaient… Certains sont venus à mon secoure en me prévenant discrètement que je ne pouvais pas tuer des araignées à Naralik : Iymril, DarkCat, Rhiordan et Darkmon. Ceux-ci semblaient plus ouverts mais n’avaient pas vraiment de pouvoir au sein du peuple à part Darkmon, une jaliless bien isolée…
Bien sûr Alak, comme le bon fils à sa maman, a rapporté l’incident à l’Ilharess. J’ai eu droit à un sermon, dont je n’avais rien à faire. A vrai dire, je m’attendais plutôt à des coups de fouet qui ne sont pas venus. L’Ilharess semblait moins stupide que le reste de sa famille. Je crois qu’elle tentait d’apaiser les tensions en évitant des punitions trop dures. Mais, j’étais habitué au fouet. Pour notre clan, ce n’était qu’une petite punition…
Plus les jours passaient, moins j’avais envie de rester. Était il déjà temps de quitter les îlots?