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Jour 7

18 mundia 383,  Arbre, Val d’Alganiel.

Dormir. Encore quelque chose que je découvre. Cela est étrange. Mais l’heure n’est plus au sommeil.

Comme dit lors de mon dernier Billet, j’avais décidé de m’entraîner pour faire passer cette étrange sensation. J’étais allé au Kasteel d’Altania. Je me réveillai affaibli, dans la neige de Pierre-Blanche, non loin de Raven, Khaena me regardant avec inquiétude. Je repris mes esprits puis elle m’emmena dans une des ces arbres maisons du Val d’Alganiel. Apparemment, je me serais attaqué aux gargouilles éveillées et au Valet d’Altania , dans la seconde salle du Kasteel. Je n’ai aucun souvenir de cela. Juste une sensation, comme si voir les dépouilles de mes ennemis était la seule satisfaction, le seul but que j’aie. Nous avons beaucoup parlé avec Isil, elle prenant soin de moi. Elle semblait inquiète et voulait que Kharya m’examine, elle saurait quoi faire, disait-elle, mais elle était endormie et ne vint donc pas.

Dans le même temps, une discussion avait lieu sur les ondes télépathiques elfique. Elle avait éclaté suite à l’affaire de la Rénovation de Nargraw-Nord. Selon les Hauts-Elfes, Kharya avait outre passé ses droits en ne demandant pas leur avis aux officiels présents lors de la négociation. J’étais d’avis qu’elle avait certes agi précipitamment, mais dans l’intérêt de tout Séridia et c’est pourquoi je pensais que nous devrions fournir exactement un septième du devis. Les autres n’étaient pas de cet avis, ne voulant octroyer que le don du Palais. Pire encore, Darca, notre Échevin, était d’avis que le Chambellan avait avant tout agi avant tout en tant que Sombre plutôt que comme Chambellan. Notre discussion tourna vite en dispute; moi avançant que la Sagesse proverbiale des Elfes avait du quitter les Îlots si de tels arguments étaient avancé, lui me demandant à plusieurs reprise quelle était la définition de « Sagesse ». La discussion n’étant pas possible, je me coupai de mes frères pour réfléchir.

Plus tard, j’affichai cette lettre dans nos salles :

Andili,
Suite à une discussion animée sur nos ondes il y a quelques jours et suite au parchemin déposé ici (parchemin d’atwenas disant qu’il se coupait lui aussi des ondes), j’ai beaucoup rélféchi. Rassurez-vous, mon avis sur le dossier Nargraw-Nord n’a pas changé d’un poil de chimérien. Mais je suis venu à la conclusion que peut-être je n’avais pas fait preuve d’assez de retenue dans mes propos, ni même expliqué ceux-ci.
Que cela soit dit : je ne suis du côté de personne. Ni du Chambellan, ni de la Matriarche Sombre, ni du chef du Dispensaire et pas même des Haut-Elfes. Juste celui que me dicte mon esprit, qui, je espère guidé par le Chant. Si un fait quelque part me déplaît, je le dis, quoi que cela m’en coûte. La réaction de notre Représentant ne m’étonne pas, lui qui doit se voir en rêve à la place de Dame Kharya. Mais que d’autres frères le suivent, cela m’attriste. Le suivront-ils aussi lorsqu’il ira en zone de non-droit? Avons nous perdu l’oreille pour le Chant? Certains, je le crains.
Comme vous le savez peut-être, j’ai récemment fait une rencontre. Une rencontre qui m’a fait prendre conscience qu’il n’y a ni Hauts-Elfes, ni Elfes-noirs, ni aucun autre peuple. Nous avons toutes et tous les même blessures, les même peurs, les même tristesses et surtout le même ennemi. Considérer celui dont la peau est plus sombre que la sienne, dont les mœurs sont différentes relève pour moi d’une erreur de jugement. Lorsqu’il gît, blessé par les créatures des féaux, le corps ensanglanté, son sang n’est-il pas rouge lui aussi? Ne doit-il pas passer aux Enfers lui aussi? Nous avons tous à apporter à l’autre et tous à apprendre des autres, voilà pour moi la Sagesse elfique. Encore faut-il le vouloir.
Sachez enfin que si je voyais cette situation perdurer malgré les efforts des gens de bien, je n’aurai aucun scrupule à vous laisser. J’ai déjà été renié par les miens une fois, une seconde ne m’effraie pas.
Puisse le Chant d’Ull’Tuvar rythmer les pas de ceux qui peuvent encore l’entendre.

J’espère qu’ils entendront raison.
Isil et moi nous sommes endormis tous les deux dans les bras l’un de l’autre.
Puissent Isil et Anar Veiller sur nous.

Amahya

La jeune sombre des cuisines s’appelait Amahya. Cet incident nous avait rapproché. Je crois que je lui rappelais son petit frère.

Amahya avait une histoire tragique. Elle était née sombre d’un père et d’une mère hauts-elfes : des pâlots comme nous les appelions. Amahya affirmait que nous étions sombres parce que nous souffrions d’une maladie qui rendait notre peau plus foncée que celle des hauts-elfes et notre âme plus sombre. Je la laissais dire mais je ne croyais pas du tout à son histoire. J’étais persuadé que sa mère avait du fauter avec un mâle sombre et qu’elle lui avait raconté cette histoire pour qu’elle accepte son état.

Mais depuis que je suis allé en Draïa, j’ai commencé à croire à ce qu’elle m’avait raconté. J’ai découvert dans un livre d’histoire qu’une malédiction des landes avait rendu certains pâlots aussi sombres que moi, il y a de cela plusieurs centaines de fingéliens. La maladie s’était propagée sur le continent. Les sombres avait été rejetés par leurs frères palôts qui les bannissaient de leur clan. Les sombres avaient fini par réussir à se regrouper créant leurs propres clans. Ils ont gardé enfoui au fond d’eux la honte d’avoir été maudit, la rage de survivre et surtout la haine des pâles.

Mon clan faisait régulièrement des rafles dans les tribus des pâlots. Je pensais qu’il ne faisait que ramener des esclaves pâles pour nous servir mais Amahya m’affirmait qu’ils ramenaient aussi les bébés et enfants sombres qu’ils trouvaient. Mais, c’était toutefois assez rare. La plupart des parents pâles qui mettaient au monde un bébé sombre préféraient l’éliminer ou l’abandonner près d’un clan d’elfes noirs. Amahya avait eu la chance ou la malchance que ses parents pâles la gardent et l’élèvent malgré ce que les autres appelaient sa difformité. Elle avait vécu les premières années de sa vie parmi les pâles, marquée à jamais par cette culture.

Elle n’était dans notre clan que depuis peu de temps quand je lui avais réclamé un gâteau. Elle n’arrivait pas à s’intégrer, incapable d’accepter ce que mon clan avait fait au sien et à sa famille. Elle avait vu nos guerriers massacrer ses parents et son petit frère pâle lui aussi, devant ses yeux, alors qu’ils ne lui faisaient rien à elle si sombre de peau. Elle avait voulu mettre fin à ses jours elle-même mais les guerriers sombres l’en avait empêché la ramenant de force dans notre clan. Elle avait été surveillée jour et nuit pendant des semaines pour ne pas qu’elle s’échappe ou tente n’importe quoi. Les sombres ne le faisaient par pitié mais uniquement dans le but de faire d’elle une future reproductrice de la race sombre. Quand le désespoir avait fini par s’estomper, on l’avait mise aux cuisines, une place dégradante pour un mâle mais encore plus pour une femelle.

Mais Amahya ne s’en rendait pas compte. Elle ne luttait plus et se laissait maltraiter avec indifférence. Ma venue et mes pleurs simulés lui avaient rappelé son petit frère qu’elle avait tenté de soustraire à l’exécution froide des guerriers sombres jusqu’au bout. Mais que pouvait faire une jeune adolescente contre des combattants sur-entraînés? Je crois que m’avoir aidé à échapper à une punition lui avait redonné le goût de vivre. Elle se disait que son rôle désormais était de me protéger.

Au début dans ma petite tête de sombre, je n’y voyais que mon intérêt : j’aurais droit à des rations supplémentaires à manger. Mais les douces attentions d’Amahya ont fini par troubler le petit garçon que j’étais, habitué à ne recevoir aucune marque d’affection de personne. Je n’osais m’avouer au début que je recherchais sa compagnie. Je me mentais à moi même et aux autres en déclarant que je ne la voyais que pour qu’elle me serve à manger.

Elle n’était pas dupe je crois et elle a continué malgré tout à prendre soin de moi comme une soeur l’aurait fait chez les pâles. Elle a fini par m’apprivoiser. J’ai accepté et finit par trouver de plus en plus agréable ce petit feu intérieur qui me réchauffait. Nous sommes finalement devenus très proches même si nous devions vivre cette « amitié » de façon cachée. Cela nous amusait d’ailleurs quand elle jouait devant les autres, une femelle sombre méprisante envers moi et que moi je jouais les petits mâles soumis.

Elle était le seul petit moment de bonheur que je m’accordais. Le reste du temps, je devais lutter encore et encore pour prouver ma valeur à savoir servir les femelles sombres.

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