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Expéditions

Les rumeurs du retour des kitines ont fait revenir d’anciens légionnaires : Lurtz, Sylve, Rizel, Reen…
Tous semblaient vouloir être là pour combattre la menace. La guilde a alors organisé des expéditions vers la capitale matis Yrkanis et celle des trykers Fairhaven. C’était aussi l’occasion pour moi d’accéder à de nouveaux téléporteurs.

Il ne me reste que quelques images éparses de ses expéditions où il a fallu me ressusciter de nombreuses fois lorsque nous traversions les zones dangereuses et ceci malgré l’attention constante que mes compagnons avaient pour moi. Dinomir et Morandy, deux grands magiciens de notre groupe avaient l’oeil mais difficile pour eux de me faire tenir debout quand un seul petit coup d’une créature me mettait à terre.

C’est durant ces expéditions que j’ai appris les bases du combat. Même moi avec mes faibles compétences, je pouvais être utile. La première ligne au contact des créatures rassemblait les guerriers armés, que nous appelions les « tanks ». La deuxième ligne était composée des mages offensifs et des grands mages soigneurs. Ces derniers que l’on appelait « heal », étaient chargés de soigner les combattants de la première ligne, voir de les ressusciter si jamais ils tombaient. Quand à la dernière ligne, celle où je me trouvais, elle était chargée du soin aux mages en lançant des dons de sève, leur permettant de continuer à lancer leurs sorts magiques.

Le plus drôle a été l’arrivée à Yrkanis où Lurtz voulait aller « casser du matis ». Il s’est élancé sa hache à deux mains levée en compagnie de Glorf traversant la ville en hurlant à tout va « Force et gloire »! C’était le cri de ralliement de notre guilde. Malheureusement pour lui (ou heureusement), aucun matis n’est venu le défier pour sa plus grande déception. Nous avons même pu aller jusqu’au trône de leur dirigeant sans que personne ne nous arrête. Il n’était pas là et il n’y avait personne. Nous nous sommes donc amusés à nous installer sur le trône mimant les attitudes d’un roi matis.

Le voyage vers Fairhaven, la capitale tryker, a été plus mouvementé. Cette fois nous avons pu nous rendre compte que les rumeurs annonçant le retour des kitines étaient véridiques. Nous avons trouvé sur une île isolée non loin de la ville, un trou d’où sortaient des kitines des profondeurs. Les bêtes étaient immenses et me donnaient froid dans le dos. Je me souviens encore du crépitement que leur pattes faisaient en touchant le sol. Nous n’avons pas engagé le combat, restant dans l’eau qu’elles semblaient craindre. Puis, nous sommes arrivées à Fairhaven, une ville magnifique, construite au dessus de l’eau comme la plupart des villes trykers.

Je suis restée longtemps là bas même après le départ de mes compagnons légionnaires. J’ai même visité tout ce qui m’était accessible en compagnie d’une petite tryker Lyouna qui débarquait de Silan. L’avantage du pays des lacs étaient justement la proximité de l’eau qui nous permettait de nous enfuir sans avoir combattre, la plupart des créatures l’évitant.

Pendant ces expéditions, le soir parfois, j’entendais les récits que les anciens légionnaires nous racontaient autour d’un feu de camp. Celui qui m’a le plus marquée, je dois dire, est celui de la route de l’eau. Il s’agissait d’un échange entre les trykers et les fyros. Les premiers offrant de l’eau tellement présente dans leur pays aux seconds vivants dans le désert en échange de matières premières. Les mektoubs devaient transporter la cargaison énorme. D’après ce que j’ai compris, il n’était pas possible de les faire passer par les téléporteurs à cause de leurs griffes. Tout le trajet se faisait donc à pied sous escorte armée jusqu’au dent.

Je rêvais souvent après çà que moi aussi un jour, je ferais une route de l’eau.

Exode

Ca y était! Les grands de ce monde l’avaient décidé. L’hominité allait devoir fuir devant la menace de l’invasion de kitines que l’on appelait désormais le deuxième Grand Essaim. Les barrières installées par les Kamis et la Karavane ne suffiraient pas à endiguer le flot des créatures. Les kitines étaient déjà là aux portes de Pyr tentant de percer la défense. Tous les peuples avaient réussi à s’entendre. Seule la faction du clans des maraudeurs avait refusé de fuir préférant lutter contre l’invasion.

Tous les homins devaient se retrouver à Pyr, où le chemin de l’exode, nous mènerait à l’oasis secrète des Kamis. De là, un « arc-en-ciel » devrait nous transporter jusqu’aux anciennes terres. Pour le moment, il fallait participer à l’effort en aidant au rapatriement des mektoubs de ceux qui le souhaitaient vers Pyr.

Sylve avait trois mektoubs à rapatrier de Dyron vers Pyr. Nous allions l’escorter ainsi que tous ceux qui avait laissé leurs montures là bas. Finalement, moi aussi, j’allais un peu faire ma route de l’eau… Même si j’aurais préféré d’autres circonstances. La route s’est assez bien déroulée. J’ai juste été blessée par une goari alors que j’étais en queue de peloton. Heureusement, Eeri et Sylve m’ont vue en difficulté et sont revenues sur leurs pas en appelant les autres à l’aide. Ce petit incident m’a fait comprendre bien malgré moi que la position la plus sécurisée était au milieu de la troupe et non à ses extrémités.

Quelques jours plus tard, c’était l’heure du départ. Glorf nous a fait un discours :
« Légionnaires ! Ce soir nous ne connaîtrons pas la peur !
Légionnaires ! Ce soir nous ne connaîtrons pas la crainte !
Légionnaires ! Ce soir notre bras sera puissant !
Légionnaires ! Ce soir nous ne faillirons pas !
Légionnaires ! Ce soir nous connaîtrons l’espoir !
Légionnaires ! Ce soir nous nous battons pour tout ce que nous avons toujours défendu !
Légionnaires ! Ce soir nous nous battrons comme un seul homin face à ces insectes !
Légionnaires ! Ce soir nous montrerons à l’écorce la puissance du sharük !
Légionnaires ! Notre nom ne sera pas oublié !
Légionnaires ! Que la flamme des Légions brûle à tout jamais dans le désert et que nous ne soyons pas qu’un nom dans un manuel d’histoire
Force et Gloire Légionnaires ! »

Ce discours qui avait galvanisé les autres légionnaires m’a fait froid dans le dos. « Nous ne connaîtrons pas la peur »? j’étais terrifiée. « Notre bras sera puissant! » ? Je savais que j’étais la plus faible du groupe et que j’étais incapable de faire ne serait ce qu’une égratignure à une kitine… Il me restait l’espoir… l’espoir de voir cet arc-en-ciel et que tous mes amis soient là avec moi pour le prendre.

Je me suis laissée entraîner à l’entrée de Pyr. J’étais impressionnée par le si grand nombre d’homins présents… Moi qui détestait la foule j’étais servie. Je cherchais Morandy et Eeri du regard. Ils étaient là non loin de moi. Il fallait que je reste près d’eux coûte que coûte. Nous avons formé des équipes, j’étais dans celle de Morandy et Eeri dans celle de Glorf.

J’ai sorti Ganesh de son étable. Je me sentais perdue dans ce brouhaha incessant. Puis les premiers rangs ont commencé à se mettre en mouvement. J’ai suivi. Je n’avais de toutes façons pas le choix poussée par la foule derrière moi. J’essayais de rester au contact de Morandy et puis je l’ai perdu de vue. J’ai cherché Eeri du regard. Elle non plus n’était plus là. Le convois s’est soudain arrêté.

Puis j’ai entendu Glorf beugler de le rejoindre pour ne pas laisser l’empereur Fyros sans garde rapprochée. J’ai compris que la longue file des exilés avait été séparée en deux. J’étais devant avec la première tandis que Glorf et les autres étaient restés en arrière. Que devais je faire? Les rejoindre au risque de traverser une longue zone sans aucune protection ou rester à les attendre? Ne les voyant pas arriver, j’ai tenté le tout pour le tout en retournant en arrière. Au moins, si je devais mourir, je serais moins loin d’eux…

C’est au détour d’une dune que j’ai failli entrer en collision avec l’Empereur Fyros lui-même : Dexton. Les légionnaires l’entouraient. J’ai poussé un soupire de soulagement : ils étaient tous là. Nous avons rejoint le deuxième convois, le dépassant même pour aller en première ligne sous l’impulsion de l’Empereur. La première partie du voyage dans les dunes s’est déroulé sans vraiment de problème. Les pauvres bestioles qui tentaient de s’attaquer à la marée homine étaient laminées. Mais nous savions que le plus dur rester à venir : la traversée du couloir brûlé.

Nous les avons vu devant nous elles étaient là bloquant le passage vers l’oasis Kami, semblant nous attendre. Un énorme rassemblement de kitines menaçantes. Il n’y a pas eu de réflexion. A quoi bon? C’était le seul passage. Avec un courage désespéré, l’hominité a chargé droit devant, fonçant dans la masse compacte de dards, de pinces et de mandibules acérées. Cette fois, je suis restée au contact des autres légionnaires, leur lançant continuellement des dons de sèves ou de vies. Je faisais de mon mieux pour être leur soutient et non pas une charge. J’essayais de rester non loin de la paroi de la falaise, évitant ainsi de me faire surprendre par l’arrière. Et puis j’ai entendu l’annonce : l’Empereur Dexton était tombé. Il gisait mort. C’était la stupéfaction. Pourquoi n’arrivions nous plus à le ressusciter malgré tous nos essais?

C’est quand j’ai regardé autour de moi que j’ai compris… De l’immense foule du début, il ne restait plus que la moitié. Les corps homins gisaient tout autours de ceux qui étaient encore debout. La terre brûlée se gorgeant de leur sang. L’horrible vue des kitines dévorant les nôtres était insoutenable. Le bruit de leurs mandibules broyant leurs os m’a donné la nausée. Les résurrections n’étaient plus possibles, les kamis avaient été débordés par les si nombreuses morts en si peu de temps… Ils n’arrivaient plus à régénérer la graine de vie des homins.

Et puis Glorf est passé de la stupeur à la rage s’enfonçant dans les troupes ennemies, comme inconscient du danger. Lui qui avait été si proche de son Empereur ne pouvait supporter sa mort. Nous n’avions d’autres choix que de le suivre pour ne pas qu’il succombe lui aussi ouvrant ainsi un chemin aux travers des kitines.

Nous étions presque en vue de l’oasis quand une masse jaunâtre s’est précipitée sur moi. Un troupeau de shalahs sans doute paniqués avait foncé droit devant, piétinant tout sur leur passage, pour échapper aux combats que se livraient les homins et les kitines. Mes os se sont brisés sous leur masse. J’ai senti mon esprit s’échapper de mon corps… Je le voyais comme si mon esprit était suspendu au-dessus de lui. Est ce que j’allais mourir moi aussi comme l’Empereur Dexton et tous les autres? j’ai été envahie par la panique, attendant que quelqu’un m’offre un peu de sa vie…

Et puis Morandy est arrivé. Il m’a relevée. Je l’ai remercié par un sourire et j’ai regardé autour de moi. Je n’étais pas la seule à être tombée sous la charge des shalahs. Eeri se relevait elle aussi difficilement. Et puis, j’ai vu Ganesh… Il avait été piétiné, le mektoub de Eeri également. Nous les regardions toutes deux un peu abasourdies. Je me souviens qu’Eeri a demandé si il était possible de redonner vie à son mektoub. La réponse était négative. Je m’en voulais. Pourquoi l’avais je pris avec moi, alors que ce voyage était si dangereux. J’aurais du lui rendre sa liberté à Pyr… Au moins, il serait encore en vie.

Mais, il fallait continuer, le passage au travers des kitines se refermaient. Nous devions soutenir les combattants encore et encore. L’épuisement faisait ressentir ses effets. Je n’arrivais plus à suivre ne sachant plus à qui je devais offrir ma séve ou ma vie. Alors, je me suis concentrée sur les deux seules personnes que je ne voulais pas perdre : Eeri et Morandy.

Et puis, j’ai entendu Sylve crier « à l’oasis, à l’oasis!!! ». L’entrée était là à quelques pas. J’ai vu Eeri passer la barrière de pierres. J’ai souri un peu tristement, elle au moins était sauve. J’ai cherché Morandy. J’avais cru qu’il me suivait. Il n’était pas là… Je suis revenue sur mes pas en courant en l’appelant d’une voix angoissée : « Morandy! ». Il a crié lui aussi mon nom me permettant de le distinguer dans la masse des kitines qui l’entourait. Il était sur le point de défaillir. Mais il était loin, il a fallu que je m’approche au plus près des monstrueux insectes pour offrir de ma vie encore et encore…

J’entendais les cris d’appels à la retraite mais il était hors de question que je laisse Morandy. Quel sens aurait ma vie ensuite si je l’abandonnais au milieu des kitines? J’offrais ma vie et ma sève pour lui sans penser à autre chose que le sauver. Et puis, il est apparu réussissant à sortir de la masse. Je lui ai souri rassurée. Il m’a rendu mon sourire. Et puis son expression s’est soudain changée en peur et il a couru vers moi. De quoi avait il peur? Puis, j’ai compris qu’il regardait derrière moi. Je n’ai pas eu le temps de me retourner. Morandy m’avait poussée sur le côté mais j’ai senti le dard de la créature me transpercer le flanc, laissant une partie de son poison. Je suis tombée à genoux. Morandy avait lancé sa lance en avant prenant tous les risques transperçant lui aussi la kitine de part en part mais la bête avait déjà ressorti son dard de mon corps pour le lancer vers celui de son attaquant, l’enfonçant profondément dans son ventre avant de s’effondrer.

Morandy est tombé en arrière près de moi. Je me suis traînée près de lui. Tout n’était que brouillard, le poison envahissait mon sang. Mais, je voulais être à ses côtés. Est ce que quelqu’un était encore là pour nous sauver? Les kitines s’étaient détournées de nous poursuivant les derniers homins qui s’enfuyaient vers l’oasis. Je savais que Eeri était sauvée, Sylve également… Mais tous les autres? Où étaient Glorf, Dinomir, Rizel et Reen? Où était Lurtz qui était sorti de sa retraite pour combattre? Il n’y avait plus que nous ici, d’autres blessés qui gémissaient de douleur et tous ses morts. Je ne voulais pas entendre encore une fois l’horrible son que faisait les mandibules qui broyaient les os des homins, ni entendre les hurlements de ceux qui étaient dévorés vivants…

J’ai capté le regard de Morandy m’enfermant dans une bulle où il n’y avait plus que nous deux. Nous nous sommes pris la main matérialisant ainsi pour la première fois physiquement le lien qui nous unissait. Sa main était si douce et si chaude… Pourquoi n’avais je pas osé la prendre dans la mienne avant? Nous nous sommes souris. Nous savions tous les deux que nous allions mourir, le poison nous envahissait irrésistiblement. Sa blessure était bien plus profonde que la mienne… il allait mourir avant moi… Je serrais sa main, je ne voulais pas qu’il me laisse. Il semblait comprendre mon angoisse même si aucun mot n’avait été échangé. Il a embrassé ma main et m’a dit dans un murmure qu’il m’aimait. Je n’arrivais pas à répondre : ma gorge était bien trop nouée pour çà. Je n’ai réussi qu’à lui offrir un sourire retenant mes larmes de douleurs. Je ne voulais pas que la dernière image qu’il voit soit celle d’une homine en pleurs.

Ses yeux se sont fermés, sa main s’est faite flasque dans la mienne, mes larmes ont commencé à couler le long de mes joues. Je me suis allongée près de lui, me blottissant contre son cou. J’espère juste que je serais morte quand les kitines reviendront…

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