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Expéditions

Les rumeurs du retour des kitines ont fait revenir d’anciens légionnaires : Lurtz, Sylve, Rizel, Reen…
Tous semblaient vouloir être là pour combattre la menace. La guilde a alors organisé des expéditions vers la capitale matis Yrkanis et celle des trykers Fairhaven. C’était aussi l’occasion pour moi d’accéder à de nouveaux téléporteurs.

Il ne me reste que quelques images éparses de ses expéditions où il a fallu me ressusciter de nombreuses fois lorsque nous traversions les zones dangereuses et ceci malgré l’attention constante que mes compagnons avaient pour moi. Dinomir et Morandy, deux grands magiciens de notre groupe avaient l’oeil mais difficile pour eux de me faire tenir debout quand un seul petit coup d’une créature me mettait à terre.

C’est durant ces expéditions que j’ai appris les bases du combat. Même moi avec mes faibles compétences, je pouvais être utile. La première ligne au contact des créatures rassemblait les guerriers armés, que nous appelions les « tanks ». La deuxième ligne était composée des mages offensifs et des grands mages soigneurs. Ces derniers que l’on appelait « heal », étaient chargés de soigner les combattants de la première ligne, voir de les ressusciter si jamais ils tombaient. Quand à la dernière ligne, celle où je me trouvais, elle était chargée du soin aux mages en lançant des dons de sève, leur permettant de continuer à lancer leurs sorts magiques.

Le plus drôle a été l’arrivée à Yrkanis où Lurtz voulait aller « casser du matis ». Il s’est élancé sa hache à deux mains levée en compagnie de Glorf traversant la ville en hurlant à tout va « Force et gloire »! C’était le cri de ralliement de notre guilde. Malheureusement pour lui (ou heureusement), aucun matis n’est venu le défier pour sa plus grande déception. Nous avons même pu aller jusqu’au trône de leur dirigeant sans que personne ne nous arrête. Il n’était pas là et il n’y avait personne. Nous nous sommes donc amusés à nous installer sur le trône mimant les attitudes d’un roi matis.

Le voyage vers Fairhaven, la capitale tryker, a été plus mouvementé. Cette fois nous avons pu nous rendre compte que les rumeurs annonçant le retour des kitines étaient véridiques. Nous avons trouvé sur une île isolée non loin de la ville, un trou d’où sortaient des kitines des profondeurs. Les bêtes étaient immenses et me donnaient froid dans le dos. Je me souviens encore du crépitement que leur pattes faisaient en touchant le sol. Nous n’avons pas engagé le combat, restant dans l’eau qu’elles semblaient craindre. Puis, nous sommes arrivées à Fairhaven, une ville magnifique, construite au dessus de l’eau comme la plupart des villes trykers.

Je suis restée longtemps là bas même après le départ de mes compagnons légionnaires. J’ai même visité tout ce qui m’était accessible en compagnie d’une petite tryker Lyouna qui débarquait de Silan. L’avantage du pays des lacs étaient justement la proximité de l’eau qui nous permettait de nous enfuir sans avoir combattre, la plupart des créatures l’évitant.

Pendant ces expéditions, le soir parfois, j’entendais les récits que les anciens légionnaires nous racontaient autour d’un feu de camp. Celui qui m’a le plus marquée, je dois dire, est celui de la route de l’eau. Il s’agissait d’un échange entre les trykers et les fyros. Les premiers offrant de l’eau tellement présente dans leur pays aux seconds vivants dans le désert en échange de matières premières. Les mektoubs devaient transporter la cargaison énorme. D’après ce que j’ai compris, il n’était pas possible de les faire passer par les téléporteurs à cause de leurs griffes. Tout le trajet se faisait donc à pied sous escorte armée jusqu’au dent.

Je rêvais souvent après çà que moi aussi un jour, je ferais une route de l’eau.

Zora encore

Ca faisait longtemps que je rêvais d’aller à Fairhaven. Kyshala n’avait cessé dans ses messages de me dire à quel point la région des lacs lui plaisait. Zora était un point de passage obligé pour se rendre là bas. J’avais déjà fait le chemin pour aller à Zora, contrairement à Lyouna qui n’avait pas pu venir avec nous ce jour là. Elle aussi voulait aller à Fairhaven et découvrir la région de son peuple.

Une nouvelle expédition était organisée mais Lyouna n’était pas vraiment en état de nous suivre. Elle était épuisée, ses petites jambes la soutenant à peine. Mais je savais qu’elle désirait venir avec nous. Alors, je lui ai proposé de l’aider en la portant si il le fallait. Elle était tellement heureuse que sa joie en était communicative. Mais je savais que ce ne serait pas de tout repos. Déjà, éviter les coups en étant seule n’était pas évident mais faire en sorte de les éviter pour quelqu’un qui dormait debout l’était encore plus.

J’ai quand même demandé à Icus si il pensait cela possible. D’après lui, ce n’était pas insurmontable tant qu’elle restait près des soigneurs et pas des tanks. Lyouna semblait rassurée mais moi je l’étais beaucoup moins. Toutefois, je ne voulais pas décevoir la petite tryker et j’étais prête à partir en la soutenant de mon mieux.

Nous sommes partis de l’oasis d’Oflovak pour rejoindre Dyron à quelques-uns, les autres étant déjà à Dyron. Lyouna était encore à peu près vaillante. Mais çà ne nous a pas empêché de tomber dans un guet-apens de frahars. Lyouna est tombée au premier coup reçu, mais je ne voulais pas fuir et la laisser. Mais, j’aurais peut-être du : nous avons fini par tous être à terre. Icus grommelait mais il est quand même venu nous rechercher après avoir demandé une résurrection aux kamis. Dyron était en vue et Lyouna montrait déjà des signes de fatigue.

Nous sommes repartis très vite en direction de Zora. Cette fois, Lyouna dormait presque debout. J’ai demandé aux autres légionnaires, d’avoir un oeil sur elle au cas où le mien défaillirait. Nous avons passé le vortex et j’ai soudain entendu un cri d’un légionnaire : Lyouna ne suivait plus. Elle restait endormie devant le vortex sans me suivre. Je suppose que le cri l’a réveillé et elle est alors passée à son tour.

Le plus dur était à venir. Il y avait cette grande pente remplie de kitines où nous devions obligatoirement passés. Nous nous sommes avancés : les tanks étaient déjà attaqués alors que nous étions encore sur le haut de la pente. J’aurais sans doute du à ce moment là profiter de l’inattention des créatures occupées à combattre pour descendre en bas de la pente avec Lyouna la mettant ainsi à l’abris. Mais, sur le moment, je ne voulais qu’une chose soulager mes frères d’armes légionnaires pour ne pas qu’ils tombent. Malheureusement, nous ne nous attendions pas à une attaque de revers sur les soigneurs. La troupe a été décimée. Certains ont pourtant pu fuir mais sont revenu trop tard pour Lyouna, Archlongine et moi.

Heureusement, le vortex que nous venions de passer était un point de résurrection. Nous sommes reparties toutes les trois au cri de guerre d’Archlongine : « En avant, les filles! ». Nous étions à nouveau en haut de cette pente. Les légionnaires étaient toujours en train de combattre. Cette fois, je suis allée directement en bas de la pente évitant les insectes géants. Puis, j’ai soigné les combattants qui ont finalement pu battre en retraite laissant un amas de kitines mortes sur les flanc de la colline.

Le reste a été assez simple et nous sommes arrivées à Zora. J’ai laissé Lyouna près du téléporteur. Elle ne tenait plus. Elle s’est roulée en boule près du drôle de kami recouvert de poils noirs et s’est endormie profondément.

Mais Icus a annoncé que nous allions aller un peu plus loin, jusqu’au bosquet de l’ombre. J’ai tenté de réveiller Lyouna mais elle dormait trop profondément. J’ai alors suivi la troupe en essayant de repérer le chemin, pour le lendemain essayer d’y emmener Lyouna. Le trajet s’est fait sans incident à part qu’Icus semblait perdu dans les entrelacs de la jungle Zoraï. Et je dois dire que j’étais complètement perdue moi aussi. Archlongine s’est moqué de lui demandant si il voulait qu’elle le guide et qu’il n’y avait pas de honte à dire qu’on était perdu. Il a grommelé qu’il ne laisserait jamais une toxico nous commander. Ça m’a bien fait rire. Il est vrai qu’Archlongine était celle qui nous fournissait en substances bizarres durant les soirées de la légion. Mais contrairement à nous, elle avait l’air de supporter beaucoup mieux les produits qu’elle nous faisait fumer.

Finalement, Icus a retrouvé le chemin et nous sommes arrivés sans encombre au bosquet de l’ombre. Je me suis endormie épuisée au pied du téléporteur Kami.

Fairhaven enfin!

Nous étions prêtes au départ Lyouna et moi pour le téléporteur du bosquet de l’ombre. J’avais prévu de partir très tôt, étant persuadée que j’allais me perdre dans les méandres de la jungle zoraï. A tout hasard, j’ai demandé sur le canal de la guilde si quelqu’un était intéressé pour nous accompagner jusque là. Je ne m’attendais pas vraiment à de réponses puisque la plupart des légionnaires avaient déjà fait le voyage. C’est avec surprise que j’ai entendu Ywan répondre qu’il voulait venir avec nous. Je dois dire que j’étais heureuse et rassurée qu’il nous rejoigne. Il connaissait la région pour l’avoir souvent parcouru seul.

Il nous a guidé sans hésitation au milieu de la jungle. Je crois que j’ai commencé à avoir peur quand il s’est dirigé droit vers un nid de kitines qu’Icus avait fait en sorte de nous faire éviter en faisant un grand détour. Ywan était confiant, il était déjà passé par là : étrangement, les créatures n’attaquaient pas… Je dois dire que je n’étais absolument pas rassurée pour autant. Passer au milieu de ces insectes répugnants et géants ne m’enchantait pas du tout. J’ai pris une grande inspiration et j’ai suivi Ywan au milieu des créatures. J’entendais le bruit caractéristique de leurs griffes sur le sol mais comme l’avait affirmé Ywan, elles ne nous attaquaient pas. La peur commençait pourtant à m’envahir. Je m’imaginais tomber sur le corps à moitié dévoré de Kyshala. Et si je la trouvais là au milieu des créatures avec Morandy? J’ai commencé à paniquer courant de plus en plus vite vers la sortie de l’amas de griffes.

Est ce ma peur qui les a attirées ou est ce que l’un de nous avait donné un coup par inadvertance à l’une d’entre elles? Elles nous ont soudain attaqués alors que nous étions en train de sortir de leur nid… Malgré l’intervention des gardes, nous avons fini par tous succomber. Ywan a demandé une résurrection aux kamis et est revenu nous relever. J’étais pâle je crois, mais incapable d’exprimer la terreur qui m’avait prise au milieu des kitines.

Nous avons continué la route, cette fois sans encombre jusqu’au téléporteur. Nous étions en avance, très avance… J’avais vraiment prévu large pensant nous perdre mais avec Ywan qui nous avait guidé tout avait été beaucoup plus simple. Allions nous attendre les autres pour partir? Nous sommes descendu vers le vortex des primes racines pour au moins profiter de la vue. Icus était là. J’ai vaguement émis l’idée de partir pour Fairhaven tout de suite. Icus a répliqué d’un ton sans équivoque : « on attend les autres! ». Puis, il est parti s’allonger un peu pour faire une sieste en les attendant. Lyouna, Ywan et moi, nous nous sommes regardés. Il fallait encore attendre de longues minutes avant que les autres arrivent. Nous sommes partis sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Icus, nous étions tous d’accord pour tenter la traversée à trois.

La beauté des primes racines était une fois de plus enchanteresse : des gubanis, des bodocs et des mektoubs blancs parmi des plantes étranges aux couleurs fluorescentes…

Mais cette beauté hors du temps cachait les créatures les plus dangereuses d’Atys : des varynx à la peau sombre, des énormes tyranchas et des vorax, des espèces de lézards géants qu’on ne trouvait qu’ici.

Aussi quand Ywan nous a dit avec humour « c’est le moment de serrer les fesses », en nous montrant un passage entre ces créatures, je serrais tellement mes petites fesses potelées que j’aurais pu casser une noix. Nous avons sprinté mais heureusement aucune créature ne nous a attaqué. Nous avons finalement atteint le vortex qui menait aux pays trykers.

Nous nous sommes reposés un instant le temps de nous remettre de nos émotions. Ywan et Lyouna ont bien ri quand je leur ai raconté à quel point j’avais serré les fesses. Plus tard, nous avons d’ailleurs décidé que le cri « casse-noisette » signifierai pour notre petite troupe « attention danger ».

Il nous a fallu repartir, nous n’étions pas encore à Fairhaven. Il fallait passer entre des cutes, une tribu primitive particulièrement agressive. Ils formaient un barrage presque infranchissable. Nous avons tenté d’en combattre un : moi et Lyouna au soin et Ywan au combat. Ces êtres étaient particulièrement résistants… Nous ne pourrions pas passer en force. Mais la technique d’Ywan était la discrétion. Seul, il parvenait souvent à passer sans encombre mais nous étions trois et pas forcément aussi silencieux et discrets qu’une seule personne. C’était d’autant plus difficile que Lyouna était épuisée et avait du mal à nous suivre avec ses petites jambes. Pourtant, après plusieurs essais, nous avons pu rejoindre l’eau des lacs, synonyme d’abri sur Atys.

Fairhaven était en vue. Lyouna et Ywan se sont endormis au pied du téléporteur kami. Mais moi, je n’arrivais pas à dormir. Je voulais découvrir ce pays qui avait tant plu à ma cousine Kyshala. J’en rêvais depuis que j’étais arrivée à la surface. Je me suis baignée appréciant la limpidité de l’eau qui permettait de découvrir le merveilleux spectacle des fonds lacustres.

Alors que je profitais de ma baignade improvisée, j’ai vu arriver les légions fyros. Je les avais complètement oublié. Ils avaient rattrapé une grande partie du retard qu’ils avaient sur nous. Sans doute avaient ils pu passer sans encombre le barrage des cutes qui nous avait tellement posé problème. Ils courraient tous vers la taverne de Fairhaven semblant faire la course. J’ai suivi le mouvement.

Archlongine a annoncé fièrement qu’elle était la première. Icus a profité que nous étions rassemblés dans la taverne pour accueillir une nouvelle recrue : Gunbra. Elle avait déjà participé à plusieurs de nos expéditions. Pour ma part, j’avais particulièrement apprécié sa présentation un peu « brute de fonderie » dans notre hall de guilde surtout quand elle avait parlé d’Artifice qu’elle trouvait bizarre parce qu’elle se baladait souvent en petite culotte.

La soirée s’est poursuivie avec des verres de bière de shooki et de liqueur d’ocyx. Le reste est assez flou, je dois dire… Je suppose que j’avais un peu trop bu et que j’ai du m’endormir sur place.

A la recherche de Kyshala

Je me suis réveillée la tête dans le sable, sur la plage nord de la ville. Les brumes de l’alcool de la veille avait du mal à se dissiper. Je me suis relevée péniblement époussetant le sable collé à mes joues et mon front et j’ai regardé autour de moi. Ce pays était vraiment magnifique… Je comprenais pourquoi Kyshala l’avait tant aimé. Si elle était encore vivante, elle devait être là quelques parts. C’était décidé j’allais parcourir le pays tryker pour tenter de la retrouver.

Mais d’abord, j’avais envie de me baigner. Je me suis relevée et j’ai directement plongé dans l’eau. J’ai soupiré de plaisir : quel bonheur de nager dans cette eau transparente! Dans le désert, les points d’eau étaient rares et souvent trop sombres ou trop boueux pour en distinguer le fond. Là, je voyais les algues et les plantes lacustres flotter au grès des courants et les poissons multicolores venaient me chatouiller les pieds.

J’avais entendu parler de cette compagnie « Vers de Nouveaux Horizons » qui proposait aux homins de livrer des colis dans différentes villes de chaque région. Le but de ces livraisons était de mettre en place un système de transport rapide entre les villes remplaçant ainsi les téléporteurs kamis ou de la karavane. Ceci était bien sûr rémunéré et très bien d’ailleurs. J’allais profiter donc de ma visite du pays tryker pour livrer ces colis et me faire quelques dappers.

Mais pour çà, il fallait que je trouve leur représentant. Après une première recherche infructueuse, j’ai demandé sur le canal de la légion fyros si quelqu’un savait où le trouver à Fairhaven. Icus a répondu d’un ton bourru que je ferais mieux de le faire dans le désert ardent et n’a pas répondu à ma question. J’ai râler intérieurement : qu’est ce que çà pouvait lui faire d’abord? Si j’avais envie de livrer des colis au pays tryker, je le ferais avec son assentiment ou non! J’ai redoublé d’effort et j’ai fini par le découvrir dans une petite île au sud-est de Fairhaven.

Quand le représentant m’a donné le paquet, j’étais estomaquée : il pesait une tonne!!! Il a fallu que j’aille vider mon sac pour réussir à le porter. Le représentant m’a alors précisé que je gagnerai mes dappers une fois le colis livré et la rémunération était fonction de la difficulté à atteindre la ville. Ça tombait bien, je comptais aller le plus loin possible. Par contre, il fallait faire vite et arriver dans le temps imparti.

Ne connaissant pas très bien la région, je me suis dit que j’allais commencé doucement. Fairhaven était trop près et ne rapporterait sans doute pas grand chose : ma première destination serait Crystabell, une ville située un peu plus loin au nord. Cela me permettrait de vérifier ma capacité à sillonner la région. L’avantage du pays des lacs, c’est la présence d’eau partout qui offrait la possibilité de se réfugier en cas d’attaques. Ça m’allait très bien! J’adorais nager en regardant sous l’eau.

J’ai regardé la carte et j’ai trouvé un passage. J’espérais juste arriver à temps pour le colis. Mais à vrai dire, je n’ai pas vraiment eu de problème. Et, je suis tombée nez à nez avec le responsable des « Nouveaux horizons » de Crystabell dès mon arrivée. La récompense était intéressante mais pas autant que je m’y attendais. Sans doute que Crystabell n’était pas assez éloignée. J’ai fait un tour de la ville cherchant sans grand espoir Kyshala. J’ai posé des questions autour de moi en montrant un luciogramme de ma cousine : quelqu’un avait il vu cette fyrette?. On me répondait toujours par la négative. Un des pontons de Crystabell était relié à une petite île. De loin, j’ai vu qu’elle était envahie par un nid de kitines. Kyshala était elle là? Je me suis approchée à la fois terrifiée et fascinée par les insectes géants : est ce eux qui avait traîné le corps de Kyshala dans les entrailles de leur nid? Ma curiosité a eu raison de moi. Des soldats kitines m’ont pris en chasse. Malgré l’intervention de quelques gardes, je n’ai pas survécu à l’attaque.

Après une demande de résurrection aux kamis, j’étais de retour à Fairhaven. J’ai continué mes recherches toujours en emportant un colis avec moi. J’ai visité Avendale puis Windermeer, laissant à chaque fois un colis aux représentants des « Nouveaux horizons ». Personne n’avait vu Kyshala. Je m’y étais attendu mais la déception était grande.

Pourtant, j’ai continué, nageant longtemps visitant de long en large le pays tryker. J’ai fini par croiser une tribu tryker qui semblait déambulait comme moi à travers tout le pays. Je les ai suivi. Ils m’ont conduit à leur camp. J’ai été accueilli simplement, un énorme kami était là.

Étrange tribu, les trykers étaient plutôt des fervents de la Karavan, hors ceux-ci accueillaient sur leur petite île un ambassadeur kami. Ils m’ont dit qu’ils se nommaient les Corsaires. Apparemment, les autorités trykers les laissaient en paix car ils étaient des guerriers redoutables mais que surtout, ils étaient toujours là lors des guerres pour défendre la région des lacs. A eux aussi, j’ai demandé si ils avaient croisé Kyshala. Un de leur ancien guerrier l’a reconnue me redonnant espoir. Mais d’après ses dires, il l’avait vue bien avant le deuxième grand essaim…

Me voyant déprimée, ils m’ont invité à passer la soirée avec eux. L’alcool a coulé à flot. Je me suis endormie dans leur camp. A mon réveil, au moment de partir, ils m’ont promis de garder les yeux ouverts et de me prévenir si ils voyaient quelqu’un qui pourrait ressembler à Kyshala. Je leur ai laissé un luciogramme d’elle. Je suis repartie avec le sourire : si eux pensaient qu’elle était encore vivante, il y avait encore de l’espoir.

Déménagement

Ma décision était prise : je voulais être ranger. Il me restait à l’appliquer. Mais tout d’abord, j’allais déménager à Fairhaven : vivre dans le désert ardent et croiser des légionnaires m’auraient fait plus de mal que de bien. J’ai vendu tout ce qui ne m’était plus nécessaire et fabriqué tout ce que je pouvais avec les matières premières qu’il me restait. J’ai regardé la vieille armure ranger complètement usée que les Rangers de Silan m’avait offerte. Je l’avais gardé à l’abri dans les sacoches de mon mektoub. Je ne sais pourquoi mais je n’avais jamais réussi à m’en séparer. Et cette fois encore, je n’ai pas pu…

Je suis partie à dos de mektoub pour un long voyage que je n’avais jamais fait seule… Mais, je ne pouvais demander à personne de m’accompagner, tous mes amis faisaient partis de la guilde. Au départ, je voulais juste aller vers Dyron voir comment je me débrouillais. Et puis, j’ai tellement bien réussi ce premier voyage que j’ai pris confiance : j’allais au moins aller jusqu’à Zora. Mais pour çà, il fallait s’enfoncer dans les primes racines en traversant la zone appelée « Sources interdites ». Je savais que c’était la partie la plus difficile du voyage mais il allait falloir que je m’habitue à vivre seule et c’était une expérience que je rencontrerais souvent désormais.

J’ai vérifié que mon mektoub avait tout ce qu’il lui fallait en nourriture pour la traversée et je suis repartie. La partie dangereuse du nord de Dyron a été passée sans soucis. J’avais compris au fil des expéditions avec les légions fyros, que les bords de falaise étaient plus sécurisés et je gardais les yeux grand ouverts. Et enfin, j’ai vu le vortex d’entrée dans les primes racines.

J’ai poussé un soupir de soulagement : « Jusqu’ici tout va bien! ». Je regardais avec angoisse la beauté des sources interdites sachant très bien qu’il s’y cachait des créatures capables de me briser en deux en un seul coup.

J’ai pris deux grandes inspirations et je suis repartie. J’ai réussi à atteindre le milieu des sources interdites en passant inaperçue me faufilant entre les bestioles inamicales me cachant parmi les herbivores. Et puis, un zerx m’a pris en chasse réussissant à me donner un coup. J’ai paniqué fonçant droit devant pour lui échapper. Heureusement, mon mektoub était rapide. J’ai regardé derrière moi tout en continuant à galoper. J’ai souri le zerx avait été distancé.

J’ai recommencé à regarder devant moi pour me rendre compte avec horreur que je fonçais droit devant un groupe de tyranchas… Il était trop tard pour les éviter. Je n’avais pas le choix il ne me restait plus qu’à espérer passer au travers profitant de la vitesse de mon mektoub pour leur échapper…

Mais, je saignais abondamment déjà de la blessure que m’avait infligée le zerx. Il n’a fallu qu’un seul coup pour que je tombe. Je voyais le vortex de sortie quand un voile rouge est tombé sur mes yeux… la sortie était pourtant là tout près…

J’ai demandé une résurrection aux kamis près du vortex si proche, espérant que mon mektoub avait survécu. Mais quand je suis arrivée, je n’ai pu que constater que les tyranchas en avaient fait leur déjeuner. J’ai réussi à m’approcher pour au moins récupérer les affaires qu’il y avait dans les sacoches : la hache à deux mains qu’Eeri venait de m’offrir, le bâton sucre d’orge qu’on m’avait donné pendant les fêtes d’Anlor Winn… Mon sac a rapidement été plein. J’ai regardé longuement l’armure ranger… J’allais devoir la laisser ici. Pourquoi avais je les larmes aux yeux ? Ce n’était qu’une armure… Et puis, je me suis ressaisie. Ce n’est pas parce que je laissais l’armure ici que je ne deviendrais pas ranger! Elle était de toutes façons inutilisable désormais. J’ai enterré l’armure pour que personne ne la trouve. Après tout, c’était une belle fin pour une armure de ranger que de finir dans les primes racines, si proche des kitines.

Je me suis alors téléportée à ma destination finale : Fairhaven. J’ai racheté un nouveau mektoub. Celui-ci était gris et n’avait pas les couleurs sableuses du désert. J’ai fait quelques tours avec lui, il nageait très bien, normal pour un mektoub des lacs. C’était une brave bête autant que celui que j’avais perdu. J’espère que mes erreurs dans mes futures expéditions ne lui seront pas fatales à lui aussi…

Le secret

Le lendemain de cette soirée chargée en émotion, après nous être enlacées tendrement, nous sommes reparties chacune de notre côté pour nos activités journalières. Le soir, je lui ai envoyé une message par Izam :
« Ma chère tendre fyros,
Si tu n’as rien d’autres à faire, je voudrais te montrer un endroit qui me tiens à coeur. Rendez vous devant l’étable de Fairhaven dés que tu peux.
Shaakya. »

J’ai commencé à faire un peu d’artisanat en l’attendant, espérant qu’elle pourrait venir. J’ai salué Krill que j’avais vu lors de la réunion de la N’ASA. Elle était en pleine discussion avec un autre tryker : Bekyr.

Anyume est arrivée, nous nous sommes serrées dans les bras l’une de l’autre en souriant heureuses de nous retrouver. Bekyr nous regardait avec un oeil méfiant. Krill a donc fait les présentations, expliquant que nous nous étions rencontrées à la réunion de la N’ASA. J’ai profité de l’occasion pour indiquer comme Icus me l’avait demandé qu’il n’avait pas pu participer à la première réunion et qu’il souhaitait prendre part à la prochaine. Krill a ri : « Il aurait été déçu. Il n’y avait pas de shooki! ». Et Anyume a sur-renchérit : « Et on n’a pas le droit d’y taper les matis ! ». Nous nous sommes mises à éclater de rire toutes les trois pendant que Bekyr nous regardait avec un oeil rond sans comprendre. Krill lui a alors expliqué : « Icus est un Fyros qui n’aime qu’une seule chose davantage que boire de la shooki, c’est faire des misères aux Matis! C’est le chef des Légions Fyros. ». Anyume a ajouté : « Un pur exemple de Légionnaire quoi ! Enfin… Parfois, il réserve des surprises. Parfois, j’ai l’impression qu’il ne fait le fyros brutal et grognon juste parce que son poste le demande… ». J’ai acquiescé d’un air songeur.

Krill a ensuite expliqué sa vision de la N’ASA : une façon de « mettre des idées en commun et de partager au-delà des nations et des religions ». D’ailleurs, elle se demandait si il n’y avait pas eu des Trytonistes au sein de l’ASA qui avait contribué à la création des arc-en-ciel qui ont permis à l’hominité de s’échapper vers les anciennes terres. Anyume a demandé : « Des trytonnistes ? J’en ai un peu entendu parler… Des sortes d’espions qui veulent détruire les religions, c’est ça ? ». Krill a précisé que les trytonnistes étaient les partisans d’Elias Tryton. Je repensais à Elia et Elias : Est ce que leurs parents, les avaient appelé ainsi parce qu’ils étaient trytonnistes? Ils ont continué à discuter de la religion et de la liberté des homins vis à vis des puissances et des religions.

Anyume a fini par dire : « Il suffit de se passer des religions, nani ? Ces résurrections, c’est très surfait. ». J’ai pouffé et j’ai vu les yeux rieurs de Krill qui se retenait de rire. Bekyr a déclaré amèrement : « On l’a vu pendant le Grand Essaim, en quelque sorte. ». Anyume a repris légèrement agacée : « Je ne plaisante pas ! Les homins ne prennent pas la mort assez au sérieux ! ». Puis pour Bekyr : « de quoi tu parles ? ». Krill réfléchissait : « Sul n’as pas tort, Bekyr. Eny, il paraît que les Maraudeurs ont leur propre technologie, et ça n’a pas eu l’air plus utile pendant l’Essaim ». Bekyr paraissait surpris : « C’est vrai ? Je veux dire, ils ont survécu, an ? ». Anyume a répondu : « Les maraudeurs n’ont pas fuit, aussi… Et la plupart des clans ont survécu au grand essaim. Durant l’essaim, la plupart des résurrections foiraient. Trop de téléporteurs détruits, je pense. ». Je me suis crispée. J’imaginais que peut-être la disparition de Kyshala était du à une de ses résurrections avortées. J’ai serré les poings.

Krill a finalement proposé : « Dites…. Ça vous dirait d’aller papoter au bar. Le palefrenier ne sert que de l’eau. Et encore : il faut être un toub pour y avoir droit! ». J’ai hésité à les suivre. J’avais fait venir Anyume pour être seule avec elle, je voulais lui parler en privé. Mais nous étions embarquées dans une soirée avec des trykers que je connaissais à peine à parler politique et religion. Mais Anyume a approuvé Krill : « Tu as raison, on sera mieux loin des toubs ! ». Je l’ai suivi. Krill a commandé : « Ba’ ! Une bière pour moi, et une tournée de ce qu’ils veulent pour mes amis, pacty ! ». Tout le monde a pris une bière de shooki sauf Anyume qui est restée avec son habituel « saklarczzëdrin ». Elle avait l’air contente d’être ici alors je n’ai pas insisté pour l’entraîner avec moi ailleurs, je lui ai murmuré à l’oreille que je lui montrerai une autre fois ce que je voulais lui faire voir. Elle m’a répondu par un sourire.

Ils parlaient de l’oasis secret des kamis, le lieu où s’était réfugié les homins pendant l’exode. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Kyshala qui avait disparu tout près de cette porte. Je me suis mise à trembler légèrement : « J’aimerais aller au moins aux portes un jour… ». Krill m’a regardée : « A l’occasion, si tu veux, on ira ensemble. Eny, de jour. Y’a quand même des grosses bêtes dans le coin. ». J’ai essayé d’expliquer pourquoi je voulais m’y rendre : « Je veux juste voir… où ma cousine… est m.. a disparue… ». J’avais failli dire « morte » mais je refusais de l’envisager. Pourtant, un jour, il faudra bien que je me rende à l’évidence… Krill semblait réfléchir en m’observant : « Il faudrait demander à ceux qui sont restés. Comme dit Anyume, les Larmes, en particulier. ». Apparemment, il n’y avait pas que les maraudeurs qui n’avaient pas fui, certains membres de la guilde des Larmes et d’autres homins sans doute étaient restés sur place.

Anyume a posé sa main sur mon poing serré pour me réconforter. J’ai ouvert mon poing pour serrer sa main dans la mienne. Elle m’apaisait comme toujours. Pendant cette discussion, les trykers enfilaient les choppes à la suite des unes des autres. Mais moi, j’avais à peine siroté ma bière. Si Eeri m’avait vue, elle se serait sans doute inquiétée et m’aurait demandée si j’étais malade. J’aurai sans doute bu autant que les trykers si Anyume n’avait pas été là. L’alcool avait été très souvent pour moi un moyen à peu de frais pour m’engourdir l’esprit et oublier mes douleurs. Mais, ma « soeur de coeur » me rendait plus forte par sa simple présence.

Je suis sortie de mes cogitations pour écouter à nouveau la conversation. Bekyr râlait contre le manque d’organisation auquel avait du faire face les homins : « Un sacré … Gachis ! ». Anyume semblait rêveuse : « Pourtant, ça doit être possible d’organiser les homins pour faire face à ce genre de crise… Il y a suffisamment de guerriers sur l’écorce, et personne n’aime se faire mettre dehors… Je me demande si on pourrait les unir pour… ». Krill était dubitative : « Ça serait bien, hein ? Eny…. Tu te souviens de ce qu’on a dit sur Icus tout à l’heure ? Al il n’est pas le seul à ne pas apprécier quelqu’un juste parce qu’il n’est pas de la bonne race. Quand y ai commencé à livrer des paquets pour Rybambel, les gardiens d’immeubles d’Yrkanis me regardaient de haut. Pour eux, y n’avais rien à faire à la grande porte : une Trykette, c’est forcément une servante, et ça passe par l’escalier de service. Ils n’étaient pas méchants, hein. C’est juste qu’ils ne leur venaient pas à l’idée que y puisse être d’abord une homine. Comme eux. ». Bekyr a eu alors des mots assez justes : « En fait … Soit chacun se dit qu’il y a une hominité … Mais dans ce cas là, il ne faut plus défendre les Nations. Soit chacun reconnait que les Sèves sont différentes … Et peut-être que c’est plus simple pour tout le monde si chacun s’occupe avant tout de ses problèmes. ».

Anyume continuait de réfléchir à voix haute : « Et si chacun voyait qu’on peut être différents, mais uni contre les menaces ? Que les matis et les fyros se tapent entre eux si ça les amusent, mais quand un kincher passe dans le coin, qu’ils unissent leurs forces contre lui ! ». J’ai souri. J’étais d’accord avec elle mais elle avait su bien mieux que moi, exprimer ce que je ressentais depuis toujours. Krill a commandé une nouvelle bière : « C’était l’idée du traité des quatre nations, si y ai bien compris. Y espère qu’il sera remis à l’honneur! ». Mais Anyume ne l’écoutait plus plongée dans ses réflexions, soudain elle a eu comme une illumination : « Je vais mettre en place l’Armée de Défense Atysienne ! Tous les homins entraînés à combattre ensemble en cas de souci ! Enfin, tous les homins capables de tenir une arme, hein… Mosï, des personnes valides, c’est ça que je veux dire. Armer les enfants, ça risque de poser souci à certains et traîner les vieillards en fauteuil sur le champ de bataille ça me parait dangereux ! ». J’ai ri. Krill a grogné : « Y n’ai aucune envie de faire partie d’une armée ! ». Bekyr était songeur : « Comment on peut se protéger pour de vrai … définitivement? ». Krill lui a alors indiqué : « Rejoins la N’ASA. Ca fait partie des axes de recherche ». Je les regardais sans rien dire mais l’idée d’Anyume de créer une armée me semblait bien plus correspondre à mon tempérament parfois fougueux et mon besoin d’action que d’être une scientifique plongée dans des cubes d’ambre.

La conversation a dérivé sur la tribu Talodi quand son chef Kaaon est arrivé au bar, puis sur la comparaison des alcools des fyros et des trykers. Je voyais que cette conversation sur les alcools n’intéressaient pas Anyume. Je l’ai même vu piquer du nez. Je lui ai alors proposé d’aller dormir. Elle a accepté semblant soulagée que je lui propose. Nous avons salué les trykers et nous sommes sorties de Fairhaven. C’est alors que nous avons croisé un membre de la sève noire qui se rendait directement au bar où nous étions quelques instants auparavant. Anyume m’a tirée par le bras : « Viens Shaakya… Ce ne sont pas nos histoires! Tu veux qu’on prenne le temps de voir le lieu dont tu me parlais avant de dormir ? ». J’étais heureuse, j’allais enfin pouvoir lui montrer. Ce n’était pas très loin mais il fallait nager. Elle m’a suivi avec un sourire aux lèvres. Elle ne semblait plus du tout fatiguée.

Nous avons posé le pied sur l’île : « C’est l’île de Kyshala. ». Anyume avait un drôle d’air : « Elle t’a montré des lucios d’ici ? ». A vrai dire, elle ne me les avait pas « montrés » mais je les avais vu dans son cube d’ambre et j’ai ajouté : « Je viens souvent ici. ». Elle semblait toujours aussi étrange et avait une voix bizarre. Je me suis inquiétée : « Ça ne va pas? ». Elle a fini par avouer d’un air très gêné : « J’ai amené Alric ici il y a quelques temps… je croyais que personne ne venait jamais.. J’ai souri en lui caressant la joue : « Tu as les mêmes goûts que moi et Kyshala alors. ». Elle semblait toujours aussi gênée alors j’ai essayé de la faire sourire en la taquinant : « Je suppose que tu n’es pas venue là avec Alric pour y cueillir des baies… ». Elle s’est mise à rougir. Ma petite plaisanterie ne l’avait pas fait rire, je l’ai prise contre moi en m’inquiétant un peu : « Des bons souvenirs au moins? ou non? ». Elle m’a rendue mon étreinte : « Et bien… Assez bon ». Je lui caressait tendrement le dos : « Mais pas tant que çà ? ». Elle a eu un petit sourire cynique : « Ho, avec lui… disons que c’est particulier. Ce n’est pas pour les bons souvenirs que je le garde. Mais je regrette vraiment de t’avoir mis en danger avec mes jeux. Et d’avoir fait remonter des vieux souvenirs… ». Elle m’a serrée fort contre elle. Mais pourquoi le gardait elle? Elle a répondu : « Je le garde pour… pour me souvenir d’où je viens, je crois. Pour ne pas perdre mon identité. ». J’ai soudain compris. Toutes ses allusions sur sa survie parmi les kitines, ses mots étranges qu’elle prononçait parfois : « Tu es… une maraudeuse… ».

Je l’ai senti se tendre mais elle a acquiescé : « Oi… Enfin, plus ou moins… J’ai passé les premières années de ma vie dans les Anciennes Terres. Dans un des camps de maraudeurs de là-bas. ». Sa respiration devenait saccadée, elle semblait craindre une réaction de rejet de ma part. J’ai caressé tendrement sa joue pour la rassurer. Elle a fermé les yeux souriant de soulagement sous ma caresse. Ça m’était égale d’où elle venait. J’ai pointé du doigt son coeur : « Ce qui est important c’est qu’il y a là. Et çà… C’est le plus beau coeur que j’ai vu depuis longtemps ». Elle a semblé touchée par mes paroles mais elle avait une étrange lueur de douleur dans le regard : « Qu’est ce qu’il y a? ». Elle a répondu en soupirant : « Shaakya… je ne suis pas quelqu’un de si bien que ça… Te fréquenter, et fréquenter Na Djaï’tal, me rend meilleure, mais… ». Je l’ai prise par la taille pour l’attirer tout contre moi : « Tu crois que je suis mieux? ». Elle m’a caressé doucement la joue : « Dëi, je pense que tu vaux mieux… et que tes démons sont aussi sombres que les miens ». Puis elle a rit tristement.

Je l’ai regardé : « Je voulais te dire ce que je n’ai pas pu te dire la dernière fois… C’est pour çà que je voulais t’emmener ici. ». Il pleuvait alors nous nous sommes mises à l’abri sous une racine. Nous nous sommes assises et elle a pris mes mains : « Je t’écoute… si tu veux vraiment en parler. ». J’ai eu un soupir tremblant : « Je suppose que je n’ai pas été très claire la dernière fois… ». Elle m’a caressé doucement les mains : « Ce n’est pas facile de… raconter ce genre de chose. ». Ça ne l’était pas non mais je voulais tout lui dire ce soir pour qu’elle me comprenne totalement mais je savais que mon histoire risquait d’être longue et j’avais peur qu’elle soit trop fatiguée pour l’entendre. Elle a répondu : « Je ne suis pas très fatiguée, en fait… J’avais surtout envie de te retrouver… ». J’ai souri touchée par cet aveu.

Je lui ai serré doucement les mains et j’ai commencé mon histoire : « A la mort… de ma famille… je me suis retrouvée à la rue… J’ai rejoint un groupe des adolescents comme moi… Il y avait Elia, Elias, Kyro et Noedjal. Nous nous soutenions… Elia et Elias étaient matis, Kyro un fyros et Noedjal un zoraï. Elia et Elias étaient frère et soeur. ». J’ai hésité à raconter la suite me sentant un peu honteuse mais il fallait qu’elle sache : « Enfin… Bref… il m’est arrivé… de voler… pour manger… mais nous étions tous unis… Il y avait un autre groupe avec qui nous nous chicanions parfois, des adolescents eux aussi… pour une histoire de territoire… Certaines rues nous étaient réservées et eux d’autres… Çà en restait à des injures et parfois quelques coups… mais c’était tout. ». Puis est venue la partie la plus difficile de mon histoire : « Un jour qu’on s’était éloigné dans les profondeurs avec Elia… Je ne sais plus vraiment comment çà s’est passé… ». Anyume me regardait avec compassion en me serrant les mains pour me donner du courage. J’ai continué : « Ils étaient là… ceux de l’autre groupe. Ils avaient un regard étrange… et cette odeur… la sève noire… ». Anyume était surprise : « Sur des gamins des rues ? ». J’ai alors précisé : « De ce que j’ai su après… ils avaient volés une caisse… qu’ils n’auraient jamais du voler. Ils nous ont encerclé… Et… ». Anyume m’a alors prise dans ses bras. J’ai serré les poings, il fallait que je réussisse à lui dire : « Ils n’étaient pas eux mêmes. Ils nous ont… violées… toutes les deux… plusieurs fois… ». Elle a fermé les yeux en me serrant encore plus contre elle.

J’essayais de ne pas en dire trop sur toutes les violences que nous avions subies : les liens, les humiliations, les coups, les tortures… Cette nuit d’horreur… Et comment, ils s’étaient acharnées sur Elia à cause de ses cris. Moi, avec mon instinct de survie, j’avais vite compris qu’il fallait que je me taise et que je ne leur montre aucune émotion, les cris ne faisant qu’exacerber leur violence. Elia avait subi toutes les perversités dont ils étaient capables. J’aurai pu crier pour qu’ils arrêtent de la martyriser et attirer leur attention mais… je ne voulais plus subir leur assauts. Je m’étais déjà évanouie plusieurs fois et je n’en pouvais plus… Je me suis enfermée dans une bulle en fermant les yeux… je ne voulais plus entendre ses cris… Le matin est arrivé…

Des larmes ont coulé le long de mes joues : « Et ils sont partis comme si tout çà n’avait pas d’importance… Le pire a été pour Elia… elle n’avait jamais… connu l’amour physique… Elle restait prostrée… J’ai essayé de la faire bouger… Mais elle avait le regard perdu… J’avais mal partout… Mais j’ai réussi à rejoindre les garçons… Ils ont ramené Elia… Ils hurlaient de colère… Ils ont pris des bâtons. Je leur ai crié de ne pas y aller… Mais ils sont partis… J’ai essayé de les suivre malgré mes blessures… Quand j’ai réussi à les rejoindre, ils se battaient violemment comme j’ai rarement vu. ». Anyume a compris : « Ce n’était plus les rues qui étaient en jeu… ». J’ai hoché la tête : « Les garçons étaient renforcés par la colère et les autres par la sève noire. Noedjal a été le premier à tomber… et puis… ». Je me suis remise à trembler. Anyume m’a caressée doucement le dos.

J’ai repris : « J’ai soudain vu des adultes arriver… que je n’avais jamais vu… ils avaient des armes… ils réclamaient leur caisse. Ils ont commencé à tuer ceux qui ont osé rire. Il y en a un qui a finalement montré l’endroit de la caisse… Je pensais… que ce serait tout… et qu’ils repartiraient… Ils ont tués tous les autres… les uns après les autres… et les garçons aussi… Ils ne m’ont pas vu… j’étais cachée… Ils sont repartis avec la caisse… ils sont passés très près de moi… et ils avaient aussi cette odeur… ». Anyume m’a bercée : « Et tu as pu survivre… ». Oui j’avais pu survivre mais pas Elia : « Quand je suis retournée la voir elle n’avait pas bougé. Elle avait toujours ce regard hagard… je ne savais pas quoi faire. J’ai fini par m’endormir… Le lendemain elle n’était plus là… Je l’ai cherchée… Je l’ai retrouvée dans un coin sombre. Il y avait une boulette de goo à côté d’elle… Elle était morte… ».

Je n’ai même pas réagi à sa mort comme si cela était inéluctable… Moi aussi, je devais avoir ce même regard hagard désormais. « Je suis restée plusieurs jours avec cette boulette de goo dans la poche… J’ai voulu… y goûter…mais Eeri m’a donné une gifle monumentale. ». Anyume s’est tendue : « Tu en as pris ? ». Non je n’en avais pas pris heureusement : « J’ai bien failli… Je crois qu’Eeri me cherchait… depuis longtemps. Elle connaissait Kyshala. Je suppose qu’elle se sentait responsable… Heureusement qu’elle est arrivé… Elle m’a sauvée à sa manière rude de légionnaire..

Je me suis redressée pour regarder Anyume. Il y avait des traces de larmes sur ses joues. J’ai passé doucement un doigt dessus. Elle s’est essuyée les joues en grommellant. J’ai souri. Et j’ai tenté d’expliquer : « Quand j’ai senti l’odeur de sève noire sur Alric… J’ai paniqué… tous ses souvenirs qui remontaient d’un coup. Maintenant… tu connais mon secret… et tu comprends pourquoi ils m’arrivent d’être mal à l’aise avec des homins… ». Elle a hoché la tête : « Ce qu’ils t’ont fait te reviens en mémoire… ». J’ai hoché la tête et puis j’ai eu un petit sourire : « Mais je ne suis pas mal à l’aise avec les homines! ». Je l’ai serrée tendrement contre moi en l’embrassant sur le front. Elle a déclaré alors : « Je ne suis pas la mieux placée pour te redonner confiance en les homins… Quand aux homines, je m’y connais encore moins ! ». J’ai ri et elle m’a donnée un baiser sur le bout du nez en souriant.

Nous étions épuisée. Nous nous sommes installées pour la nuit. Elle a sorti une couverture dont elle nous a recouverte toutes les deux. Je l’ai attirée contre moi en l’enveloppant de mes bras. Elle s’est blottie contre moi. Je l’ai caressée tendrement. Elle m’a souri. J’ai fermé les yeux en continuant mes caresses qu’elle semblait savourer. Je me suis endormie, je crois, avec un sourire aux lèvres comme libérer d’un terrible poids.

L’inquiétude d’Eeri

J’avais croisé Eeri une première fois. Icus lui avait parlé de ce qu’il s’était passé avec Alric et des « fréquentions » d’Anyume. Elle était inquiète : « Je me fais des soucis du fait de te savoir traîner avec des maraudeurs. Ça ne me plait pas beaucoup… ». J’avais haussé les épaules prête à défendre ma relation avec Anyume bec et ongle. Elle a alors continué comprenant qu’elle arrivait sur un terrain glissant : « Je ne cherche pas à te faire la morale, ne t’inquiète pas. Tu me connais. Mais tu devrais faire attention à toi. ». J’ai souri en la remerciant pour l’inquiétude qu’elle avait toujours pour moi. Elle a ajouté : « C’est super tout ce qui t’arrive… mais tu peux tomber dans des jeux dangereux. N’hésite pas si tu as besoin d’aide. Tu fais toujours partie de la légion! Et moi ou Icus ou un autre, nous t’aiderons. ». Je l’ai remerciée touchée par son attention. « En tout cas, si tu as besoin de me parler, n’hésite pas, je préférerais entendre ce genre d’histoires de ta part plutôt que par quelqu’un d’autre… ». Je lui ai alors fait remarquer que nous n’avions pas eu l’occasion de beaucoup nous croiser ces derniers temps. Elle a approuvé déclarant qu’elle s’entraînait beaucoup en ce moment.

Le lendemain, elle était là à Fairhaven. Elle savait que je passais le plus clair de mon temps dans le pays trykers et je crois qu’elle voulait m’y croiser. Elle voulait que j’apprenne un métier pour ne jamais être dans le besoin et puis c’était un moyen pour que les autorités du pays nous apprécient. Nous avons beaucoup ri quand on s’est décidé à être porteuses d’eau. Deux fyros adeptes des tavernes qui portaient de l’eau et pas de la bière de Shooki, c’était plutôt étrange. Mais après tout, les trykers étaient sûrs au moins que nous n’essayerions pas de boire leur eau. Eeri m’a montré comment procéder. Nous courrions à droite et à gauche suivant les demandes des opérateurs de la compagnie des eaux.

Puis une tryker a commencé à me suivre cherchant à m’agacer. Elle voulait de toute évidence que je lui tape dessus. Il n’a pas fallut trente secondes à Eeri pour arriver quand je lui ai parlé de cette tryker qui me cherchait des noises. Elle l’a regardée lui lançant un défi. L’autre s’est jetée sur elle. Elle ne savait sans doute pas à qui elle avait à faire. Un coup de hache d’Eeri à suffit pour la mettre à terre pour mon plus grand amusement. Eeri a fini par la relever en lui faisant la morale. Il y avait un minimum à faire si on voulait aborder les gens même pour un combat de rue improvisé. Nous sommes reparties en la laissant dernière nous.

Quand nous avons eu fini, notre tournée de porteuses d’eau, j’ai proposé à Eeri d’aller sur l’île de Kyshala. Elle m’a regardé surprise. Elle ne savait pas que Kyshala aimait le pays tryker à ce point. Je l’ai conduit jusqu’à là bas et je lui ai fait un peu visiter. Nous avons fini par nous asseoir au bord de l’eau. Je lui ai expliqué que je venais souvent ici quand je n’allais pas bien. Mais que depuis quelque temps j’étais souvent à Thesos avec Na Djaï’tal et Anyume. Il a fallut que je lui rappelle qui était Na Djaï’tal mais elle a toute suite fait le rapprochement quand je lui ai dit que c’était lui qui voulait de la liqueur d’ocyx : « Ah oui, tu m’en as parlé, celui qui fait des expériences bizarres. ». J’ai précisé que c’était lui qui m’avait appelé « Shaakya Cracheuse d’eau ». Elle souri : « Cracheuse d’eau… Je t’envie ce surnom! ».

Puis, elle a eu un regard songeur : « Anyume est une fyrette étrange… Est-ce qu’elle t’a déjà parlé de Laofa? ». Je savais juste qu’elle était morte à vrai dire. Eeri m’a alors parlé de ce qu’elle savait de la zoraï que j’avais cherché pendant longtemps : « Je l’ai connue, brièvement… Grâce à Glorf. Une encyclopédie vivante, un puit de science, et surtout, elle notait méticuleusement tout, absolument tout, discussions, nouveautés… Elle est partie à la rencontre des maraudeurs, avant l’exode. Elle voulait savoir pourquoi ces homins prenaient une voie si différente. Je pense que si Anyume possède les carnets de Laofa, c’est qu’elle les a récupéré chez les maraudeurs donc. Sais tu où elle a été élevée? ». Je me suis raidie me sentant prise entre deux feux. Je ne savais pas si je pouvais dévoiler qu’Anyume était une maraudeuse. Je ne m’en sentais pas le droit même à Eeri : « Non. Enfin… précisément non. Je ne sais pas si je peux t’en parler. ». Elle m’a souri sans insister : « Comme tu veux! ».

Elle m’a alors raconté sa dernière soirée avec elle : « J’étais à… la dernière soirée de Laofa sur l’écorce. Sa dernière soirée, avant qu’elle ne descende dans les primes pour tenter de trouver les maraudeurs. Glorf y a été, je l’ai suivi, c’était au bar de Thesos. On a bien ri, bien bu. Et avec Glorf, on a chanté la chanson du slibard rouge. Mais je n’ai pas souvenir que Laofa ait bu… Elle a beaucoup ri en tout cas! ». Les souvenirs de Glorf lui revenait en mémoire : « Ah, ce Glorf… Un jour je t’emmènerai le voir si tu veux. Il a beaucoup changé, mais au fond, c’est un brave homin… euh, fraider. Et il est plus facile à approcher depuis quelques temps comme s’il trouvait peu à peu la sérénité. ». Depuis le temps que j’entendais parler de Glorf dans le journal de Kyshala ou de la bouche d’Eeri, je voulais aller le voir. Peut-être que lui saurait m’en dire plus sur ce qu’il était arrivé à ma cousine?

Elle a soupiré : « Si un jour tu as besoin de me parler d’Anyume ou de ce genre d’histoires… Je crains qu’elle ne soit impliquée dans des histoires avec les « Sève noire ». Je savais que même si Anyume faisait des choses malhonnêtes, je ne pouvais plus me passer d’elle et que j’étais capable de la suivre n’importe où si elle me le demandait. Je me sentais mal à l’aise avec les questions d’Eeri même si je savais qu’elle ne voulait que mon bien : « Elle connait des maraudeurs oui… Icus a du t’en parler non? ». Eeri semblait légèrement agacée par mes réponses laconiques : « Oui, je le sais qu’elle connait des maraudeurs… Moi même j’en connais tu sais. Enfin, maraudeurs plus ou moins repentis… Mais j’aurai peut-être quelques questions à lui poser, à cette Anyume… ». Je me suis soudain inquiétée : « Tu ne vas pas lui faire de mal? ». Elle m’a regardée comme si j’avais dit une énormité : « Bien sur que non!!! Enfin, Shaakya, tu me connais mal à ce point? Je ne lui veux aucun mal, je la trouve même sympathique! ». J’ai souri en repensant à la trykette qui avait eu l’audace de me chercher des noises quelques heures auparavant : « Non mais je sais ce dont tu es capable lorsque tu veux me défendre. ». Puis j’ai ajouté avec une petite voix en rougissant en parlant d’Anyume : « Je l’aime beaucoup… vraiment beaucoup… ».

Elle n’a pas remarqué ma gêne, elle a déclaré avec un regard froid et dur : « Si elle ou ses « amis » venaient à toucher un de tes… cheveux, ou sourcils, ou… Je serais beaucoup moins gentille en effet. ». Puis, elle a repris avec un air beaucoup plus souriant : « Mais elle a l’air bienveillante. ». Je lui ai avoué en grimaçant : « Alric… a essayé… enfin… il a lancé des menaces… ». Elle a froncé les sourcils : « Alric est mauvais, le mal coule en lui. ». Et avec un haut le coeur, elle a ajouté : « En plus il est blanc comme un linge… ». Puis, elle a repris avec une voix sourde : « Mais Alric, c’est une autre paire de manche que ces petits trykers! C’est un tueur sur-entraîné. La prochaine fois que tu le croises, fuis le, c’est un conseil… ». J’ai haussé les épaules pas très fière de moi : « oui… de toutes façons c’est ce que j’ai fait la dernière fois… après lui avoir pointé une dague sous la gorge. ». Elle m’a rassurée : « Tu as eu raison! Et s’il est à Pyr, appelle moi, ou Icus. On se fera une joie de lui rendre une petite visite! Enfin, si tu en as besoin. En tout cas, çà sera avec plaisir! Tant qu’il reste courtois et hypocrite comme le sont ce genre de matis. ». Puis, elle a ajouté avec un sourire : « Bravo pour la dague, tu as eu du cran! ». Je n’étais pas convaincue : « J’ai surtout eu la trouille de ma vie… Et je suis partie en courant je te signale. Donc le cran… pas vraiment… ». Elle a haussé les épaules : « C’est pas grave! Il a du comprendre que tu ne te laisserais pas faire, c’est le principal! ». Puis, elle s’est mise à rigoler : « Finalement, avec un matis comme Chonchon qui me colle aux bottes, je suis pas si mal tombée, il est juste collant lui… Il ne ferait pas de mal à un yubo! ».

J’ai souri. Je commençais à être fatiguée : « Je vais aller dormir, je crois. Merci pour cette soirée. Çà faisait longtemps! ». Elle a ri : « Je suis porteuse de shooki maintenant! Et oui, ça faisait longtemps… Je vais essayer de prendre le temps maintenant! Et si tu es avec Anyume, j’espère aussi me joindre à vous. Je ne l’embêterai pas trop avec mes questions promis! Mais ne lui dis pas que je veux lui parler, je voudrais juste faire connaissance avec elle, un peu plus. ». Je lui ai promis de la contacter dés que je serais avec Anyume. Puis, je me suis endormie en boule près d’elle. Je savais qu’à ces côtés rien ne pouvait m’arriver.

Réconciliation et moitiés

J’avais très peu dormi après ma dispute avec Anyume et en me réveillant, j’avais trouvé des intrus sur l’île de Kyshala. J’ai préféré partir, je ne voulais voir personne. J’ai nagé loin et longtemps sans but précis. Un izam a réussi à me trouver : Na Djaï’tal voulait me voir. Je lui ai donné rendez-vous à Fairhaven.

A mon arrivée, il m’a tendu un bouquet de fleurs. Mais il a vu rapidement que je n’allais pas très bien. Alors, je lui ai expliqué que je m’étais disputée avec Anyume. Il m’a pris par la main et m’a conduit en haut de la colline qui surplombe Fairhaven. Il a gardé ma main dans la sienne quand nous nous sommes assis : « J’ai été pas mal absent ces derniers temps, je suis désolé… ». J’ai soupiré : « Tu n’es pas le seul… Eeri a aussi été très absente. Mais Anyume a pris soin de moi… ». Il a pris un masque désolé : « Je dois… J’ai aussi pas mal de choses à faire ces temps-ci. ». J’ai souri : « Je ne t’en veux pas. ». Il m’a caressé la joue en souriant : « Ma douce… ». Je me suis blottie contre lui.

J’ai raconté que j’avais encore eu un cauchemar et que je m’étais retrouvée dans l’appartement d’Eeri. C’est alors qu’un fyros mal élevé s’est installé entre nous. Je me suis levée furieuse en lui donnant des coups de pieds. Na Djaï’tal a été plus calme et lui a demandé de partir. L’individu parlait une de ces langues des terres lointaines mais il a très vite compris qu’il n’était pas le bienvenue. Je suppose que la taille impressionnant de mon bel amant bleu l’a fait fuir. J’ai grogné : « Pas moyen d’être tranquilles!!! ». Il m’a caressé la joue apaisant : « Ce n’est rien… ».

Nous nous sommes rassis et j’ai continué à raconter : « Anyume ne s’est pas rendu compte que j’étais partie… et elle s’en est voulue. Et après… elle a dit qu’elle m’aimait trop et qu’elle détestait ma faiblesse. Ça m’a fait mal. Alors je suis partie. ». Il a écarquillé les yeux : « Elle t’a dit quoi ? ». J’ai répété : « Qu’elle détestait ma faiblesse… ». Il ne semblait pas en croire ses oreilles : « Comme çà? ». J’ai acquiescé. Il a porté ma main à ses lèvres et l’a embrassée très tendrement. J’ai essayé d’expliquer : « Peut-être que je n’étais pas très agréable avec elle non plus… Eeri nous avait laissé pour retrouver Geyos et çà m’a énervée. Enfin je ne sais pas… ». J’ai haussé les épaules : « Sans doute qu’elle en avait marre de me garder… ».

Il a soupiré : « Vous vous êtes revues depuis ? ». J’ai secoué la tête : « Non… J’ai quitté le camps pour venir ici… pour lui faire de l’air… ». Il m’a regardé avec tendresse : « Tu crois vraiment qu’elle t’en voulait ? ». J’ai haussé les épaules : « Je ne sais pas… Je n’étais pas vraiment en état d’être diplomate. ». Il a demandé : « Tu penses que je peux essayer d’en parler avec elle, cela ne te gênerai pas ? ». J’ai acquiescé. Il m’a souri avec tendresse : « Je vais voir si je peux la trouver alors! ». Avant qu’il s’en aille, j’ai voulu précisé une chose : « Je lui en voulais parce que… j’avais l’impression qu’elle me prenait pour une gamine qui ne savait pas se gérer toute seule. ». Il a ramassé un peu de sable : « Tu sais, Shaakya… Les plus grandes douleurs proviennent souvent de ce qu’on ne peut comprendre ce qui est face à nous. Mes Voyages, c’est pour essayer de briser cela, de vaincre la douleur. En tant qu’homins, profitons de notre chance de pouvoir parler pour l’éviter. ». Il s’est penché vers moi et a déposé un baiser sur ma joue. Il m’a enlacé et après un dernier baiser, il est parti en me promettant de revenir très vite me donner des nouvelles.

Je suis retournée me promener dans les lacs. Quand, Na Djaï’tal m’a contactée à nouveau, j’étais à la taverne de Crystabell. Il a décidé de me rejoindre là. Quand, je l’ai vu arriver, j’ai découvert qu’Anyume était avec lui. Elle a eu un petit sourire gêné : « Bankun ! ». Je lui ai souri puis je l’ai serrée contre moi. Elle a répondu à mon étreinte avec soulagement. Nous nous sommes assises autour d’une table dans un silence un peu gêné. Na Djaï’tal a commandé des boissons au barman. Anyume a fini par me demander : « Comment tu vas, belle chauve ? ». J’ai soupiré : « Ca va… et toi? ». Elle a répondu : « Ça va… ». Je lui ai caressé la joue. Na Djaï’tal croquait quelques gateaux secs en attendant que le barman nous serve. Je ne savais pas vraiment quoi dire…

Na Djaï’tal a fini par ramener nos verres sur la table avec un sourire au masque : « Je suis heureux de vous revoir, après ma longue absence. ». Anyume semblait attendre qu’il parle de quelque chose. Quand à moi, j’étais plutôt heureuse qu’il brise le silence pesant qui s’était installé : « Tu t’amusais avec les amazones? ». Il a souri : « J’ai tellement de choses à apprendre ! Et Anyumé vient de me faire comprendre qu’il y en a une que je négligeais vraiment… ». Je ne savais pas si il parlait de moi ou d’Anyume alors j’ai préféré plaisanter : « Une amazone? ». Mais il est resté sérieux : « Né. J’ai un gros défaut, et… Enfin bref, Anyumé m’a fait comprendre que je devrais commencer à me servir de ce que je sais. Car elle est inquiète pour toi, comme moi je le suis, à cause de tes cauchemars. Alors elle m’a dit que je devrais peut-être te proposer un Voyage pour tenter d’y faire face. Qu’en dis-tu ? ». Anyume a ajouté : « C’est mieux que les kamis, nani ? ». Je les ai regardés surprise. Ils avaient de toute évidence parlé de çà entre eux.

J’ai fini par dire : « Oui c’est mieux. Mais Na Djaï’tal, tu n’avais pas dit… que c’était trop tôt? ». Il a haussé les épaules : « J’ai toujours l’impression que c’est trop tôt, si. Mais cela devient trop dangereux pour toi, Anyumé a raison. ». J’ai essayé de protester un peu : « Pas si dangereux que çà… ». Anyume restait concentrée sur son jus de baie. Mais Na Djaï’tal a dit avec conviction : « Si, Shaakya, ça l’est, nous le savons tous! ». Puis, il m’a regardée avec douceur.

C’est à ce moment là qu’un izam est arrivé. Eeri me cherchait et je lui ai indiqué où j’étais. J’ai repris la conversation : « J’ai toujours été somnambule… et j’ai toujours fait des cauchemars. ». Mais Anyume a affirmé : « Et maintenant il est temps d’évoluer ! ». Na Djaï’tal essayait de me faire comprendre : « Tu as failli perdre ta graine, la dernière fois, Shaakya… ». Et Anyume a enfoncé le clou : « Oi, on ne peut pas attendre que tu en meurs. ».

Eeri est arrivée à ce moment là. Elle était surprise de trouver Anyume et Na Djaï’tal avec moi. J’ai profité de sa présence pour tenter de la mettre de mon côté : « Ils disent que je suis malade et ils veulent me soigner. Dis leur toi que j’ai toujours été somnambule. ». Na Djaï’tal est intervenu : « C’est pas tout à fait ça, Shaakya… ». Eeri a ouvert de grands yeux : « Ce n’est pas une maladie! ». J’ai quand même concédé : « Bon d’accord… avant je n’allais pas dans la kitinière. ». Eeri a approuvé en souriant : « Oui, avant… Maintenant tu vas chez moi, c’est mieux!! ». Mais çà ne rassurait pas complètement Anyume : « C’est déjà ça, mais sur la route, en dormant… ».

Na Djaï’tal semblait hésiter à parler en regardant Eeri puis il lui a finalement demandé : « Tu n’es pas inquiète qu’elle pourrait encore…? ». Elle a répondu : « Je ne sais pas trop… Il ne faut pas faire d’un cas une généralité. ». J’étais plutôt heureuse que ma belle chauve prenne mon parti. Il faut dire qu’elle avait pris l’habitude de mes balades nocturnes et de mes cauchemars quand j’étais encore adolescente. Mais à cette époque elle ne dormait jamais très loin de moi. Et, elle faisait en sorte de me reconduire dans mon lit et d’apaiser mes peurs. Par contre, je voyais qu’Anyume n’était pas prête à revivre une semaine d’angoisse à se demander où j’avais bien pu passer. Na Djaï’tal était dans le même état d’esprit. Il a passé une main sur son masque : « En fait, pour tout te dire… J’ai proposé à Shaakya de faire un Voyage avec moi, pour tenter d’affronter ses cauchemars et de pouvoir leur résister… Cela pourrait l’apaiser. J’en fais depuis longtemps, pai je n’ai jamais emmené quelqu’un avec moi, et je ne sais pas exactement… ». Eeri ne comprenait pas : « Où comptes tu l’emmener? ». Na Djaï’tal a froncé le masque : « Où? C’est elle qui m’emmènera je pense plutôt. ». Eeri a souri comprenant de quel genre de voyages il s’agissait : « Expliques moi, tu m’intrigues. ». Il a plissé les yeux : « Je prends des boissons, je respire certaines plantes, pour Voyager. Mon corps ne bouge pas mais mon esprit va au loin. J’essaie de devenir arbre, herbe, torbak, vent, papillon. Cela dépend, des produits, de ma concentration… Cela m’aide à voir les liens, à comprendre. ». Eeri voulait des précisions : « C’est bien ce que j’avais compris, donc… Mais comment fais tu pour aller au même endroit qu’elle? ». Il a expliqué : « Par un rituel que nous faisons en commun c’est possible. Je ne l’ai jamais fait vraiment, mais je sais que ça marche… ». Je sentais l’inquiétude d’Eeri : « Qui l’a déjà fait? ». La sève lui ai monté au masque : « J’arrive parfois à entrer en contact avec ceux qui me sont proches, même sans qu’ils soient là lors d’un de mes Voyages. ». Anyume s’est mise à rougir brusquement. Je me demandais ce qu’il avait bien pu se passer entre eux mais je n’ai pas eu l’occasion de leur demander.

Eeri a froncé les sourcils : « Je comprends, mais es tu sur qu’il n’y a aucun risque pour Shaakya? ». L’inquiétude de ma belle chauve commençait à me gagner : « Il y en a qui ne reviennent pas de ces voyages? ». Na Djaï’tal a secoué le masque : « Je ne peux rien assurer, moi-même je découvre à chaque fois. C’est juste que c’est une chose que je pourrais faire, pour elle, si elle le veut. ». Eeri a hoché la tête : « Je comprends… ». Puis, elle s’est tournée vers moi : « Et toi, penses tu être prête à faire ce voyage? ». J’ai soupiré : « Si çà peut vous rassurer… je veux bien essayer. ». Mon grand bleu s’est mordu la lèvre : « Ne le fais pas pour nous, Shaakya, fais-le si tu y crois pour toi! Si tu le désires! ». Eeri a acquiescé : « J’espère bien… Si tu le fais, tu dois en être convaincue. ». Et Anyume a surenchéri : « Oi, ça ne marchera sans doute pas sinon, en plus. ». A vrai dire, si j’avais une chance de me débarrasser de mes cauchemars, je voulais la tenter : « J’ai confiance en Na Djaï’tal et sa science! Si il dit que çà peut m’aider… et si çà peut me débarrasser de mes cauchemars ». Il a eu un sourire affectueux : « J’espère, Shaakya, je l’espère vraiment. ».

J’ai demandé : « Faut faire quoi ? ». Il réfléchissait : « Il va falloir que je réfléchisse au lieu, et aux ingrédients qu’il faudra assembler… En plus, tes peurs sont liées aux Kitins, et ils sont… ils sont réfractaires aux Voyages… ». Anyume a caressé sa hache : « Les kitins, je m’en occupe… ». Eeri lui a souri : « Moi aussi, moi aussi!!! ». Mais Na Djaï’tal a expliqué : « Ce que je veux dire, c’est que je n’ai jamais réussi à en être un… Même un instant. Il va me falloir de la sève très puissante… Et aussi des sécrétions de kitins, de kitins rouges de préférence. ». Je l’ai regardé bizarrement m’imaginant mon grand bleu sous forme de kitin. Eeri a demandé : « Quelle genre de sève? ». Anyume réfléchissait : « Laofa parle d’une sève très pure, qui en devient corrosive sans traitement… ». Eeri semblait : « Une sève très pure… Tu ne parles pas de sève kami Anyumé? ». Anyume cherchait dans ses souvenirs : « Oi, un lac de sève… je vais retrouver le nom. Dans la cité engloutie je crois. ». Eeri a acquiescé : « Je connais ce lac! ». Na Djaï’tal hoché le masque : « Yui, j’ai entendu parler de ce lac de sève, c’est à lui que je pensais! ». Je me souvenais de ce lac, que j’avais vu en compagnie d’Ywan : « Moi aussi je le connais! ». Na Djaï’tal s’est tourné vers moi surpris. J’ai dit : « Bein quoi… vous croyez que je n’ai jamais été traîner dans les primes racines? ». J’ai regardé Anyume avec un petit air de défi histoire de lui montrer que je n’étais pas aussi gamine qu’elle le pensait.

Mais Anyume pensait toujours au lac de sève : « Il apparaît dans de nombreuses légendes. On raconte que c’est l’un des points les plus profonds des Primes accessibles. Que c’est un passage vers les anciennes terres. Que la Karavan a exploité en secret des homins pour en ramasser des hectolitres de sèves. C’est assurément un endroit qui a de l’importance ! ». Puis, ils ont parlé de la visite des primes racines pour récupérer les ingrédients nécessaires au Voyage et de l’équipement qu’il nous faudrait.

J’ai commencé à piquer du nez, épuisée par ma journée de nage. J’ai entendu dans un ronronnement doux, la voix d’Anyume qui disait : « Il va être temps d’aller border quelques fyrettes ! ». Puis, un autre ronronnement, la voix d’Eeri qui me chuchotait : « Il me reste de très bons bijoux dans mon appartement aussi! ». Je me suis relevée d’un coup en écarquillant les yeux pour avoir l’air éveillé. Je les ai vu s’amuser de ma réaction et j’ai souri. Anyume a demandé : « Où est-ce qu’on dort cette nuit ? ». Na Djaï’tal et Eeri ne voulait pas dormir tout de suite. Ils avaient des choses à faire… J’ai eu un soupire agacé qui a fait réagir Eeri : « Comment ça, pfffff? « . J’ai râlé : « Bein, tu arrives en pleine nuit et tu repars au petit matin… et Na Djaï’tal pareil! Du coup, Anyume est obligée de me supporter! Vous pourriez avoir pitié d’elle! ». Eeri m’a chuchoté à l’oreille : « Tu sais, Shaakya, même si tu n’as plus de cauchemars, ça ne t’empêche pas de venir de temps en temps dans mon appartement. Et parfois c’est toi qui pars au petit matin! ». J’ai plaisanté : « Non moi je pars en pleine nuit! ». Mais aucun des trois, n’a trouvé çà drôle. Mon escapade dans la kitinière les avait tous particulièrement affectés et ils n’étaient pas encore prêt à rire de cela. Anyume a pris la main de Na Djaï’tal comme pour se réconforter mutuellement. Eeri a pris la mienne et l’a serrée doucement.

J’ai finalement dit : « Bon bein, on va se trouver un coin avec Anyume alors! Sur l’île de Kyshala y avait du monde tout à l’heure… ». Mais Eeri a déclaré qu’elle n’y avait croisé personne quand elle m’avait cherché. J’ai tendu la main vers Anyume pour qu’elle vienne mais elle semblait somnoler. Eeri a soupçonné le barman d’avoir mis autre chose que du jus de bais dans le verre d’Anyume. Elle prenait un seau d’eau fraîche s’apprêtant à l’envoyer sur Anyume quand celle-ci a émergé de son demi-sommeil surprise. Elle a finalement dit qu’elle avait des choses à régler avant d’aller dormir. J’ai eu la désagréable impression qu’elle ne souhaitait pas passer la nuit en ma compagnie malgré notre réconciliation. Na Djaï’tal quand à lui voulait partir à la chasse aux ingrédients pour le Voyage. Nous les avons quittés pour aller Eeri et moi sur l’île de Kyshala. Elle aussi devait régler certaines choses mais elle voulait m’accompagner et rester jusqu’à ce que je m’endorme.

Arrivées là bas, je l’ai enlacé en goûtant à la peau de son cou, caressant la naissance de ses reins dénudés. Elle m’a serrée dans ces bras : « Ça me fait drôle quand même… nous sommes trois… trois pour toi… ». J’ai dit un peu amère : « Oui… enfin… Anyume déteste ma faiblesse… alors tu sais… on va dire deux et demi. ». Mais Eeri a continué : « Anyumé t’a toi et Na Djaï’tal. Na Djai’tal t’a toi et Anyumé, et moi je t’ai toi! ». J’ai caressé tendrement son cou en approchant mes lèvres des siennes : « Tu veux que je ne t’ai que toi ? ». Elle a secoué négativement la tête. J’ai demandé doucement : « Pourquoi tu ne veux pas? ». Elle a juste dit : « Tu ne le veux pas, toi… Shaakya, c’est juste que… C’est un peu difficile pour moi, je ne veux pas m’imposer. Mais tous les trois, vous êtes amants. ». J’avais l’impression qu’elle se sentait un peu à l’écart de la relation que nous entretenions tous les trois. Je voulais qu’elle comprenne les sentiments que j’avais envers elle : « Je ne sais pas ce que je veux… je sais que ce que je vis avec toi… c’est spécial… ». Elle a souri : « Je ne veux pas toujours m’imposer auprès d’eux… Et j’aime passer du temps avec toi par dessus tout. ». Je lui ai murmuré d’une voix tremblante : « Moi aussi… par dessus tout… ».

Elle m’a entraînée au sol avec elle. Je la caressais : « Je ne sais pas pourquoi… j’ai laissé Na Djaï’tal devenir mon amant… ». Elle a murmuré : « Tu en avais sans doute besoin. ». J’ai soupiré : « Oui… un besoin d’amour et de tendresse continuelle… difficile à combler… alors quand tu n’es pas là… je cède… ». Au fond de moi, je savais pourtant que ce n’était pas seulement mon manque d’affection qui m’avait fait lui céder. Ça n’aurait jamais pu être possible avec un autre homin que lui. Il était l’arbre sous lequel je me blottissais pendant la tempête, la lumière qui éclairait les différentes voies à prendre sans en imposer aucune, me remettant sur le chemin quand je m’égarais. J’ai caressé le visage d’Eeri : « Mais… j’ai tellement besoin de toi… tellement… ». Je l’ai embrassé très tendrement. Puis, j’ai secoué la tête, je sentais que je lui imposais mes choix de multiples liaisons et qu’elle aurait été sans doute plus heureuse si je n’avais eu qu’elle : « Je ne suis pas un cadeau… ». Elle a réfuté : « Si! tu es un cadeau, pour moi, Shaakya… le seul cadeau que m’ait offert la vie depuis longtemps! ».

J’ai murmuré : « Je n’ai qu’une envie n’être qu’à toi… mais je sais que je suis faible… et qu’il suffit qu’on me montre de l’affection pour que… ». Je ne savais pas expliquer ce qu’il m’arrivait dans ces moments là… Sans doute que je me sentais exister dans cette affection qu’on m’offrait et que je donnais en retour. Elle m’a caressé la joue : « Non je ne pense pas… Ce n’est pas de la faiblesse. ». Je l’ai regardée un peu perdue : « C’est quoi alors? ». Elle m’a embrassée : « Je ne sais pas… Finalement, ça ne t’est arrivée qu’une fois de succomber… Enfin, Anyumé, c’était… avant… Enfin, c’est comme ça… Tu sais, c’est amusant, finalement… ». Je l’ai regardé pas très convaincue : « Tu trouves? ». Elle a continué : « C’est moi qui suis un peu maladroite à trouver ma place et c’est toi qui te pose tout plein de questions. ».

J’ai souri : « Na Djaï’tal en pince pour toi… tu le savais? ». Elle a souri elle aussi : « Oui, je m’en suis rendue compte. ». J’ai dit doucement : « Si tu as envie… et si l’occasion se présente… N’hésite pas… ». Elle a secoué la tête : « Je ne ferais rien! Je n’en ai pas envie. ». J’ai demandé : « Pourquoi? ». Elle a ri : « Ehhh toi!!! Tu veux m’arranger un rendez vous galant pendant que tu y es? ». Elle m’a chatouillée en m’allongeant par terre. J’ai souri : « Je veux que tu te venges de moi surtout… pour rééquilibrer. ». Elle s’est mise au dessus de moi en continuant à me chatouiller : « Jamais! Jamais et jamais! ». Je rigolais en me tortillant essayant d’échapper à ses chatouilles.

Elle a soudain arrêter pour venir m’embrasser. J’ai répondu au baiser avidement en la serrant contre moi. J’ai murmuré à son oreille : « Je t’aime… ». Elle m’a serrée contre elle : « Shaakya! ». Elle s’est arrêtée troublée semblant chercher ses mots. Elle a fini par me chuchoter : « Je n’ai besoin de personne d’autre… ». Je lui ai murmuré en me perdant dans ses yeux : « Mon amour… ». Elle a souri et m’a embrassée. Je repensais à ce jour où elle avait évoqué l’idée d’avoir quelqu’un d’autre que moi en caressant son dos : « Pourtant la dernière fois… tu avais l’air de dire…. ». Elle a secoué la tête : « J’avais l’air de dire… oui, mais, je parlais d’un hypothétique futur… Là aujourd’hui… Je n’ai pas besoin de quelqu’un d’autre… J’aime beaucoup Na Djai’tal mais… ». Elle n’a pas fini sa phrase préférant m’embrasser à nouveau.

Comment lui expliquer ce lien unique que je sentais entre elle et moi? J’ai essayé de lui dire en murmurant : « Il faut que tu saches… ce que je vis avec toi… c’est… c’est vraiment autre chose… qu’avec Anyume et Na Djaï’tal… nous deux c’est comme si… ». Elle a chuchoté : « Comme si… oui, je sais. ». J’ai souri, elle aussi ressentait ce lien. J’ai essayé de l’exprimer : « Nous étions… je ne trouve pas le mot… ». J’ai secoué la tête, je n’y arrivais pas. Et puis, une idée m’est venue : « Comme deux moitiés qui se sont trouvées… ? ». Elle a souri : « Ça doit être ça oui… ».

Nous nous sommes perdues dans les yeux l’une de l’autre. Puis, je l’ai emportée dans un baiser passionné. Nos corps se sont enflammés oubliant que Na Djaï’tal et Anyume pouvaient revenir ici à tout moment. Les plaisirs que nous avons partagés ce soir là ont été si intenses… un feu difficile à éteindre… Eeri n’est finalement pas repartie. Elle est restée contre moi toute la nuit. Est ce qu’Anyume et Na Djaï’tal nous ont rejoints pendant la nuit? Je ne sais pas. Sans doute, que si ils l’avaient fait, ils nous auraient trouvées Eeri et moi, endormies, nos corps nus d’amantes intimement liés l’un à l’autre.

L’exode raté de Na Djaï’tal

J’avais retrouvé Na Djaï’tal ce jour là. Eeri était occupée à ses affaires et quand Na Djaï’tal sortait de ses études, je voulais en profiter au maximum. Il avait l’air épuisé. Plutôt que de nous promener comme nous en avions l’habitude, il a proposé d’aller boire un verre à la taverne de Fairhaven. Voyant son état de fatigue, j’ai accepté et puis j’aimais bien le bar de Fairhaven. On y rencontrait souvent du monde et les trykers étaient généralement de compagnies joyeuses.

Mon grand bleu restait silencieux. J’ai entraperçu un fugitif sourire un peu amer. Un peu inquiète, j’ai caressé tendrement son bras : « Ça va? ». Il m’a souri avec chaleur : « Je t’ai déjà dit que sans ce bar je n’aurais jamais rencontré Anyumé ? ». J’ai secoué la tête négativement : « Non? Raconte moi! ». Il a commencé à raconter un sourire aux lèvres : « C’était peu avant le Grand Essaim! J’étais étudiant à l’époque, tout jeune. Les Kamis aidaient au départ des populations à cause des Kitins qui étaient apparues partout. Avec quelques amis de Jen-Laï, on a eu une idée qu’on pensait maline. ». Il s’est penché vers moi pour parler moins fort : « On s’est dit qu’on pourrait profiter des réserves de Ba’Naer une fois qu’il serait parti. ». J’ai pouffé. Il a secoué la tête amusé : « Complètement idiot, hein ? Enfin bon, on l’a fait quand même! Je dois avouer qu’on s’est fait plaisir ! Un de mes potes, Lao-Vaï, s’était carrément plongé dans un des tonneaux de bière! ». Je riais en imaginant la scène. Il a ri aussi : « On faisait des concours à qui buvait le plus vite le plus grand nombre d’alcools ! On était prêts à devenir des légionnaires, je crois ! On a bu comme des trykers toute la nuit. Je ne sais même plus comment ça c’est fini. Je me souviens juste qu’à un moment j’étais en train de mimer Ma-Duk dans un spectacle improvisé. Et je crois que Vao-Laï faisait Jena… Ou un truc du genre. ».

Il a repris avec un ton plus sérieux : « À un moment, j’ai fini par m’écrouler dans la réserve, imbibé d’alcool, de bière… Du moins, je le crois, car c’est là que je me suis réveillé le lendemain… ». J’ai demandé : « Tu devais avoir un sacré mal de crâne? ». Il a grimacé : « Entre autre, yui, mais ce n’était pas le pire… La ville avait été abandonnée entre-temps, et les Kitins l’avaient envahie. Et j’étais tout seul, les autres avaient disparu. Je ne sais d’ailleurs pas ce qu’ils sont devenus… ». J’avais toujours trouvé étrange qu’il n’est pas pris part à l’exode comme tous les autres homins. Je ne m’étais pas du tout imaginé que cela avait pu être involontaire. Maintenant, je trouvais çà évident… A combien d’homins cette situation était arrivée? Combien étaient restés involontairement alors que les kitines envahissaient tout? Combien de malades et de personnes intransportables avaient dû être abandonnées ? J’imaginais l’horreur de ces instants qu’ils avaient du vivre en se rendant compte qu’ils étaient seuls face aux kitines…

Il a continué son histoire avec un soupire : « J’ai voulu briser une perle pour Pyr, mais… Tout ce que j’avais sur moi, c’était une robe en feuilles de palmier ! Pas de quoi faire le malin face aux Kinchers et aux Kirostas qui dévastaient tout. ». J’ai grimacé : « Ha oui… çà devait être une sacrée cuite… ». Il a acquiescé : « Yui… Ne sachant pas quoi faire, je me suis rappelé que les Kitins n’aimaient pas trop l’eau. Alors j’ai mis un tonneau dans l’eau et j’y ai sauté. J’étais encore trop saoul pour avoir pensé à me faire une rame… Le courant m’a emporté. ». J’ai plaisanté : « Tu avais bu la bière qui était dedans avant au moins? ». Il a souri : « Je me suis endormi, il était encore plein d’effluves d’alcool. Je crois que ça m’a ôté l’envie de me saouler pour un bon moment, plutôt. ». J’ai eu un petit sourire triste : « Je veux bien croire. ».

Il a poursuivi son histoire : « J’ai dérivé comme ça pendant un bon moment, au moins une journée, voire deux… Je ne sais pas trop. Un jour, je me suis réveillé, le tonneau était coincé dans des roseaux. ». J’ai demandé : « Tu n’avais pas faim? ». Il haussait les arcades : « J’avais surtout envie de vomir régulièrement… Et puis, j’ai entendu une petite voix, qui parlait une langue bizarre… ». Son regard est parti au loin pendant un long moment. J’ai demandé en murmurant : « Anyume? ». Il a hoché le masque doucement en silence. Il parlait à mi-voix : « Elle était toute jeune, une petite homine de rien du tout… Mais elle était prête à m’embrocher avec une espèce de bâton pointu qu’elle brandissait. ». J’ai souri en imaginant très bien la scène de la petite Anyume prête à se défendre bec et ongles contre le grand zoraï qu’il devait être déjà.

Il a gardé le silence tandis que son sourire mourrait peu à peu sur son masque. Je lui ai pris tendrement la main sentant la détresse qu’il devait ressentir depuis le départ d’Anyume. Il s’est tourné vers moi pour me serrer contre lui avec tendresse et chaleur.

Il a dit soudain : « Mais assez parlé de moi. Comment vas tu? ». J’ai répondu que j’allais bien mais j’ai demandé avec un peu d’angoisse dans la voix: « Tu as eu des nouvelles d’Anyume? ». Il a secoué négativement la tête : « Depuis les Anciennes Terres, c’est difficile… ». J’ai acquiescé. Il m’a serré la main : « Elle est partie parce qu’elle le devait, rien de plus. ». J’avais du mal à m’en convaincre. Je me sentais en partie responsable de son départ : « Je me dis que si… j’avais été plus présente… auprès d’elle… elle ne serait peut-être pas partie… ». Il a secoué la tête : « Né, Shaakya, cela n’aurait rien changé. Tu sais, pendant toutes ces années, on avait rêvé de retrouver des homins, et finalement… Même moi, je ne me sens pas à l’aise dans les Nations, alors pour Anyumé, ça a été très dur. ». Je l’ai regardé avec angoisse : « Tu ne vas pas partir toi aussi hein? ». Il a secoué le masque : « Né! De toute façon, moi je n’ai nulle part où aller ailleurs, tu sais. Je Voyage autrement! ».

J’ai eu un petit sourire triste : « Tu crois qu’elle est partie avec Alric? parce que… ». J’ai ensuite expliqué ce qu’il s’était passé lors des élections des akenos de Thesos. Il a secoué la tête : « Non, je ne crois pas. Il faisait partie du problème, pas de la solution. Mais, c’est possible qu’il ait pensé à la chercher, mais je ne crois pas qu’elle aurait voulu de lui pour aller là-bas. J’ai confiance en elle. ». J’ai un peu contesté : « C’est un maraudeur pourtant non? ». Na Djaï’tal a eu un sourire triste : « C’est ce qu’il dit, et ce qu’il croit. Anyumé semblait penser qu’ils auraient eu quelques frayeurs à en rencontrer des vrais, des Anciennes Terres. ». J’ai souri en imaginant Alric terrifié par les « vrais » maraudeurs.

Nous nous sommes resservis un verre. Il a demandé : « Et toi, ces derniers temps, tu t’es occupée à quoi ? ». J’ai répondu en sirotant ma bière : « Je me suis entraînée… Eeri veut que j’améliore ma mêlée… pour ne plus avoir peur pour moi. ». Il a souri : « C’est bien une réflexion de légionnaires, ça! Pai elle a raison. ». Il m’a alors observée tentant de se rendre compte si j’étais plus musclée ou non. J’ai fait un peu l’idiote en riant en montrant les muscles de mes bras : « J’ai fait beaucoup de progrès! ». Il s’est laissé gagner par mon hilarité.

Mais je suis redevenue soudain plus sérieuse : « Et puis… je me dis… que si Anyume revient… elle verra que… je sais me défendre toute seule maintenant… ». Il a souri attendri : « Ce n’est pas demain la veille qu’un fyrette ne saura pas se défendre je crois. ». Je me suis remise à sourire : « A vrai dire, je préfère bronzer sur la plage ou lire ou écrire sous une racine que de m’entraîner… ou de forer… ou de faire de l’artisanat. Mais ces derniers jours j’ai essayé de faire tout çà. Et puis Eeri est tellement heureuse quand je l’accompagne dans une chasse avec ses légionnaires. ». Il a souri avec tendresse. Et puis, je me suis mise à rire : « Tu sais qu’ils s’imaginent qu’elle est enceinte tellement elle a changé?… tellement elle rayonne de bonheur… ». Il a pouffé puis m’a souri avec chaleur : « Je suis heureux pour vous. ». Je lui ai serré la main tendrement.

Puis, nous avons discuté du Voyage qui s’avérait de plus en plus difficile à organiser en raison des journées chargées et incompatibles entre lui et Eeri. Nous avions vidé nos verres. Je lui ai proposé : « Çà te dit d’aller dormir sur l’île de Kyshala ce soir? ». Il a paru surpris : « Tu ne vas pas avec Eeri ? ». J’ai haussé les épaules : « Elle est prise toute la nuit… et çà fait longtemps qu’on n’a pas dormi ensemble… A moins que tu ais prévu de passer ta nuit avec quelqu’un d’autre? ». Il a eu un rapide sourire amusé. J’ai froncé les sourcils, j’étais pourtant sérieuse avec ma dernière question. Je supposais que comme il passait beaucoup de temps avec les amazones, il ne devait pas seulement leur faire la discussion… surtout qu’il était un magnifique homin et un amant à la fois tendre, attentionné et passionné. Le genre d’homin que beaucoup d’homines rêveraient d’avoir dans leur couche. J’avais beaucoup de chance de l’avoir pour amant… J’ai demandé : « Quoi? J’ai dit une bêtise? ». Il m’a caressé la joue : « Né, né! J’ai surtout croisé des Kinchers et des Varinx dans les Primes, je n’ai pas très envie de partager mes nuits avec eux si je peux l’éviter. ». J’ai pouffé. Il a ajouté : « Et puis les Varinx, c’est trop poilu de la tête, ça me perturbe! ». J’ai acquiescé en plaisantant : « C’est gluant un varynx et un kincher c’est trop dur! ». Il a ri avec moi.

Je suis devenue soudain plus sérieuse : « Tu ne te sens pas trop seul, quand je ne suis pas là… maintenant que… Anyume n’est plus là… ». Ces derniers temps, je passais toutes mes nuits dans les bras d’Eeri et je craignais qu’il souffre de l’absence d’Anyume encore plus cruellement quand je n’étais pas là. Il a souri avec tendresse : « Ne t’inquiète pas pour moi. Je ne suis jamais seul… ». Il a alors tapoté son masque et porté sa main à son cœur. Je l’ai regardé interrogative : « Je suis là et Anyume aussi c’est çà ? ». Il a hoché le masque en souriant.

Je me suis mise à bailler : ma journée d’entraînement m’avait épuisée. Il s’est inquiété : « La journée commence à être longue ? Tu veux qu’on aille à l’île ? ». J’ai acquiescé : « Oui… je ne suis plus habituée à m’entraîner comme çà… ». Il a souri : « Eeri te mène la vie dure, une vrai chef de la légion ! Allons-y, avant que tu ne t’endorme au bar! ».

Nous avons commencé à nager jusqu’à l’île de Kyshala. Il était devant presque tout le temps, je profitais du coup d’être dans sa ligne d’eau pour le suivre sans me fatiguer. Arrivés à quelques dizaines de mètres de l’île, je lui ai attrapé le pied pour le chatouiller. Il a répliqué en m’envoyant une gerbe d’eau. J’en ai profité pour passer devant lui en lui criant : « La première arrivée à gagner!!! ». Il a tenté de me rejoindre et malgré son immense envergure, il n’a pas réussi à me rattraper. J’ai sauté de joie : j’avais gagné la course… Bon d’accord, j’avais un peu triché… Mais, je n’étais pas peu fière quand même.

Il s’est penché en souriant sous la racine où je m’étais réfugiée : « Gagné quoi? ». J’ai crié comme une gosse : « Un bisou!!! ». Il s’est penché sur moi et a déposé un baiser rapide sur ma joue. J’ai grogné : « C’était un tout petit bisou çà!!! ». Il faisait mine d’être sérieux mais je voyais de l’amusement dans ses yeux : « C’est pas ça, ah bon ? ». J’ai secoué la tête : « Nan! ». Il a réfléchi un instant puis il a déposé un baiser sur ma main : « Voilà! ». J’ai encore secoué la tête : « Non plus! ». Il a fait mine d’être surpris : « Ha bon? ». Il s’est gratté le masque puis s’est penché sur moi pour m’embrasser dans le cou. J’ai souri : « Presque! Tu chauffes. ». Il a fait semblant de réfléchir intensément : « Presque? Difficile ce bisou ! ». J’ai préféré le prévenir : « Et ce n’est pas le nez! ». Il a fait comme si il avait trouvé : « Ah, j’ai peut-être une idée ! ».

Il m’a attiré contre lui, se penchant au dessus de mon visage en me dévorant des yeux en chuchotant : « Hmmmm, je sais… ». Ses lèvres se sont posées sur les miennes dans un baiser tendre au début qui s’est fait de plus en plus passionné. Nos sens se sont enflammés. Je le sentais bien plus fébrile que d’habitude, tentant de restreindre ses ardeurs pour ne pas me brusquer. Mais, je faisais en sorte de l’encourager, dans ses bras, je n’avais pas peur. Le plaisir nous a emporté rapidement, nous laissant tremblants de bonheur. Après quelques minutes, il m’a chuchoté à l’oreille : « C’était ça, alors le bisou ? ». J’ai caressé tendrement son masque : « Quelque chose comme çà oui! ». J’ai passé un doigt sur ses lèvres et je suis venue les goûter très délicatement : « Quelque chose comme çà… ». Il a souri : « C’est bien, ces courses, au moins il y a de vrais enjeux… ». J’ai ri : « Et l’avantage… c’est qu’au final on est tous les deux gagnants! ». Il a acquiescé en souriant : « Je ne me plains pas, si je pouvais toujours perdre ainsi… ». J’ai ajouté : « Et moi gagner tout le temps… ». Il a caressé mon crâne en y déposant un baiser.

Je l’ai serré très fort contre moi en lui demandant d’une petite voix angoissée : « Tu ne vas pas partir toi hein? Tu ne vas pas essayer de la rejoindre? ». Il m’a fixée : « Né. Elle a le droit de partir, je n’ai pas à… ». Il a soupiré : « Je ne ferai jamais rien qui puisse te faire du mal, Shaakya, je te le promets.« . Je me suis blottie contre lui encore un peu tremblante. Il m’a serrée avec passion. Il a commencé à fredonner sa douce mélopée pendant que je m’endormais contre lui.

Cauchemars du kirosta rouge

J’ai émergé du sommeil quelques heures plus tard… J’étais somnambule et l’eau qui entourait l’île de Kyshala m’avait réveillée… Il y avait ce nouveau cauchemar qui hantait mes nuits désormais. Comme si j’avais passé un premier cap et que je passais à l’étape suivante.

Je ne faisais plus ce cauchemar des homins à l’air de prédateurs qui m’entouraient et me torturaient. Sans doute que le traumatisme de l’agression dont j’avais fait l’objet était enfin digéré. Je crois qu’être devenue l’amante de Na Djaï’tal m’avait guérie de la peur que j’avais des homins. D’ailleurs quand j’y repense, je n’avais plus peur non plus des sèves noires. Je n’avais pas fui quand ils nous avaient menacé Pephosse Aerus et moi lors des élections des akenos. Pourtant, ils empestaient tous la sève noire.

Désormais, dans mon cauchemar, je voyais un kirosta rouge. Il empalait Eeri de son dard et la traînait avec lui. Parfois, ce n’était pas Eeri mais Anyume ou Na Djaï’tal et moi je courrais derrière essayant de les rejoindre. C’était terrifiant et terriblement douloureux émotionnellement.

Cette nuit là, je n’ai pas arrêté pas d’être hantée par ce rêve. Et à chaque fois, je me réveillais au bord de l’eau. Le matin, c’est dans un état semi-comateux que j’ai rejoint Fairhaven. Je repensais à ma réaction face à Eeri la veille et je la trouvais terriblement enfantine… même si mon état de manque affectif à ce moment pouvait en partie l’expliquer. Eeri avait bien le droit de passer son temps avec quelqu’un d’autre que moi…

Peut-être qu’il fallait que je lui fasse un peu d’air et que j’arrête de passer mon temps chez elle. C’était l’occasion de réaliser ce qui me trottait dans la tête depuis longtemps : j’allais m’acheter mon propre appartement au pays des lacs. La capitale Fairhaven étant trop chère pour ma bourse, il fallait que je choisisse une des autres villes. J’ai choisi Avendale pour ses longues plages bordant la ville et son accès aux lagons de la Loria et aux vents du Songe. J’aimais beaucoup Windermeer mais la ville était très excentrée et surtout elle était peuplée d’homins des terres lointaines dont je ne maîtrisais pas du tout la langue. Le tryker chargé de la vente des appartements d’Avendale n’a fait aucune difficulté et m’a tendu les clés de mon nouvel appartement. Il était magnifique… De grandes baies rondes s’ouvraient sur la beauté des fonds lacustres. Je regardais émerveillée les poissons qui passaient sous mes yeux.

J’étais chez moi! Pour la première fois, j’avais mon propre appartement que j’avais acheté avec les dappers que j’avais gagné. Bien sûr, il était un peu vide mais je comptais bien le meubler dés que cela serait possible. En attendant, j’avais un lieu à l’abri de la pluie, de la neige et du vent où je pourrais m’isoler.

J’ai essayé de m’y endormir mais à chaque fois le cauchemar du kirosta rouge revenait. Il fallait peut-être que je fasse comme m’avait suggéré Anyume avant qu’elle ne parte, tenter d’aller jusqu’à son terme. Je suis allée aux sources cachées dans le désert matis car je savais qu’il y avait un gros kirosta rouge qui y chassait. J’ai retrouvé avec bonheur l’endroit où je m’étais endormie après ma première rencontre avec Anyume et Na Djaï’tal. Je me suis installée au même endroit.

J’ai fini par m’y endormir… Je me suis réveillée alors que j’étais en train de donner un coup de pied à un kirosta rouge géant bien réel celui-là… Il n’a bien évidement pas apprécié du tout. Il a fallu que je demande une résurrection aux kamis et je suis retournée aux sources cachées.

Etre aller au bout de mon rêve ne m’avait pas apporté grand chose à part une pénalité de sève que j’allais devoir rembourser aux kamis. Pourtant, j’ai persisté, encore et encore…

Le rêve était toujours le même mais les images se faisaient plus précises. J’avais l’impression que la canopée s’effondrait sur moi laissant apparaître le kirosta rouge. Je voyais le corps désarticulé d’un homin dans un coin visiblement mort et le kirosta qui s’avançait sur Eeri, Anyume ou Na Djaï’tal visiblement blessés par la chute de la canopée sur nous. Ils me faisaient signe de ne pas m’approcher mais je venais vers eux… Et puis, le kirosta les transperçait de son dard et commençait à les emporter avec lui. Je poussais un cri et je lui donnais des coups pieds. Il finissait par se tourner vers moi menaçant, derrière moi j’entendais la voix de Kyshala qui me demandait de la rejoindre… et puis je me réveillais devant un vrai kirosta rouge…

Je ne sais combien de fois, j’ai du demander aux kamis de régénérer ma sève… Mais j’avais l’espoir de trouver la raison de ces cauchemars continuels alors je continuais…

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