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Les légions fyros

Un jour, Oudline m’a fait remarquer qu’il portait désormais le même écusson que Naacre. Il s’agissait de l’écusson d’une guilde : Les légions fyros. Il m’a expliqué qu’il avait obtenu tout récemment la citoyenneté fyros après avoir accomplis une série de missions que les responsables de mon peuple, lui avait demandé de réaliser. En tant que matis, il avait eu bien plus à prouver qu’un simple fyros.

Cette étape était une condition obligatoire pour entrer au sein de la guilde de sa cousine Naacre. Il m’a demandé presque timidement, si j’allais le rejoindre. Les légions fyros étaient une guilde militaire entièrement dévouée à la défense du territoire fyros. J’étais dubitative… Entrer dans une organisation militaire ne me plaisait pas vraiment. Il a insisté, s’inquiétant de ma protection quand il n’était pas là. Son côté protecteur était touchant et j’ai fini par accepter.

C’est là bas que j’ai rencontré pour la première fois Glorf, Dinomir, Morandy et Eeri. Tous trois étaient fyros comme moi. Glorf était le chef de la guilde. Il était du genre bourru. Dans les combats, il préférait je crois « foncer dans le tas » avec sa hache à deux mains. Plus réservé, Dinomir était quand à lui un grand magicien aussi bien dans la magie curative que destructrice. Morandy était quand à lui beaucoup plus discret que les autres mais comme tous les membres de la guilde, il était toujours près à aller au combat. Quand à Eeri, elle était à la fois magicienne et combattante. Nous nous sommes tout de suite entendue. Elle était toujours prête à partir en expédition, au combat ou à la taverne de Pyr. Nous nous entraînions souvent ensemble : moi j’avais besoin de m’améliorer en combat et elle en magie.

Quand Oudline n’était pas là occupé à d’autres activités, je passais la plupart de mon temps avec elle. Est ce que c’est cette affection que j’avais pour Eeri, qui a fait peur à Oudline? Il savait qu’il m’était arrivé d’avoir des liaisons avec des homines. Un soir alors que nous étions à la taverne, nous y avons croisé Eeri. Celle-ci voulait me faire goûter à toutes sortes d’alcool comme de la bière de shooki. Oudline désapprouvait déclarant qu’elle allait me pervertir. J’ai secoué la tête stupéfaite. Celui-ci me connaissait donc bien mal. Comment pouvait il affirmer cela ? Me croyait il si naïve ? Sans doute était ce de ma faute : je ne lui avais jusqu’ici, montré qu’un aspect de ma personnalité : le côté naïf et doux. Pourtant, il m’arrivait d’être aussi agressive qu’un gingo et aussi piquante qu’une slaveni.

Oudline a fini par vouloir aller se coucher mais je ne l’ai pas suivi, je voulais rester encore un peu et puis j’étais agacée par l’impression qu’il ne me voyait que comme une douce zoraï un peu sotte. Comme il s’étonnait que je ne le suive pas, j’ai dit en plaisantant que Eeri et moi, nous allions faire des choses innommables dés qu’il aurait le dos tourné. Et Eeri a bien sûr renchéri pendant que Oudline quittait la taverne en nous souhaitant une bonne nuit. Tout ceci n’était que plaisanterie. J’ai d’ailleurs quitté moi aussi la taverne peu de temps après. Mais, je crois que cet incident l’avait bien plus blessé que je ne l’imaginais.

Quelques jours plus tard, la guilde a organisé une expédition pour Thesos, une ville fyros perdue dans le désert. Quand je suis arrivée, toute la guilde était rassemblée à la taverne de Pyr. Oudline était déjà là. Nous sommes partis très vite. La route était longue et dangereuse. Je savais que la guilde organisait surtout cette expédition pour moi afin que je puisse accéder au téléporteur de Thesos, pour ainsi par la suite, pouvoir me rendre plus facilement dans cette ville. Ils étaient là pour m’escorter et me guider aux travers des dangers qui allaient jalonner la route.

C’est avec pas mal d’appréhension que je les ai suivi. J’étais plutôt maladroite ne sachant pas trop me comporter lors des combats : devais je fuir ? ou devais je tenter d’aider avec mes faibles compétences aux risques de prendre un coup et d’obliger les soigneurs à me relever les détournant des combattants? J’ai préféré la deuxième solution même si je n’étais pas fière quand une créature finissait par se retourner contre moi et me mettait à terre en un coup…

Nous avons fini par arriver à Thesos. Terres très excentrées de tout, entourées de zones peuplées de créatures dangereuses et agressives : varynx et ocyx en tête. Mais, elle avait l’avantage d’avoir une superbe taverne au dessus de l’eau. C’est là que nous avons fait une halte. Oudline a commencé à me faire remarquer que je ne l’avais pas embrassé. Je trouvais la remarque un peu déplacée dans ce contexte d’expédition. Je lui ai répondu que j’étais plutôt réticente en général à exprimer mon affection en public et qu’en l’occurence nous n’avions pas eu le temps de nous retrouver seul avant le départ. C’est là qu’il a commencé à dire qu’il n’aimait pas beaucoup être en groupe et préférait de beaucoup être seul avec moi. Je ne sais pourquoi j’ai ressenti cette petite reflexion comme un étau qui se refermait sur moi. J’avais l’impression qu’il ne me voulait qu’à lui et que çà le dérangeait que j’apprécie d’être avec d’autres personnes que lui…

Glorf a alors proposé de continuer pour rejoindre Zora la capitale Zoraï. Oudline a alors déclaré qu’il allait s’arrêter ici, qu’il était trop fatigué pour continuer. Dinomir s’est arrêté là aussi. J’hésitais : si je poursuivais la route avec la guilde j’avais peur que Oudline ne le prenne comme un rejet mais j’avais vraiment très envie de continuer et découvrir le pays jungle. Je me suis finalement dit qu’il allait bien falloir qu’il s’habitue à mon besoin de liberté et de découverte si il voulait rester avec moi. J’ai annoncé que je continuais la route.

Glorf et Eeri semblaient heureux de me voir continuer avec eux mais j’ai vu Oudline tiquer. Il a commencer à me dire que Eeri était un homin manqué et qu’elle avait parfois des véritables attitudes d’homins… Je ne comprenais pas… et alors? qu’est çà avait à voir avec l’expédition? Il n’a pas vraiment répondu et s’est éloigné en me souhaitant une bonne nuit.

J’ai haussé les épaules et je me suis mise en route avec Eeri et Glorf. Je ne me souviens absolument pas de la route que nous avons prise… Je sais que plus d’une fois, il a fallu sprinter pour passer aux travers de groupes de créatures qui trouvaient la viande d’homins à leur goût. Glorf faisait ce qu’il pouvait pour nous protéger mais il a été plus d’une fois débordé. Mais après bien des résurrections, Zora était en vue.

Drôle de ville… aucune porte, aucune ruelle… une ville complètement ouverte difficile à défendre contre des invasions. Mais, on m’a expliqué que c’était volontaire. Cette façon de construire était du au massacre qu’il y avait eu dans l’ancienne capitale Zoran pendant le Grand Essaim. Des milliers de zoraïs étaient morts piétinés poussés par la panique que provoquait l’arrivée des armées de Kitins et par des portes trop étroites…

Je me suis endormie sur place épuisée et légèrement tracassée par les réactions qui me semblaient étranges d’Oudline.

Réveil brutal

Nous étions tout joyeux d’arriver à Pyr. Malgré notre épuisement, nous n’avons pas pu nous empêcher d’aller taquiner quelques Shookis devant les portes de la ville. Mais tellement empressés, nous faisions un peu n’importe quoi attaquant chacun une créature sans faire attention de prendre soin de l’autre. Nous avons alors failli succomber sous leur riposte collective. Ça nous a bien fait rire. Nous avons fini par nous trouver un coin pour la nuit. Ywan a basculé très vite dans le sommeil à mes côtés.

Mais, moi, je n’arrivais pas à m’endormir. Alors, je suis montée en haut d’une dune. Je respirais enfin l’air chaud du désert Fyros et plus cette odeur de moisissure des champignons de Silan. Je regardais l’immensité désertique en me disant que j’étais enfin chez moi. Je suis retournée me coucher près d’Ywan avec un sourire aux lèvres.

Le réveil a été brutal. Un « cal i selak » tonitruant a retenti près de moi, le chef de notre guilde Icus me saluait avec la salutation des légionnaires : le fameux « Force et gloire » en fyros. Ywan n’était plus là. Les yeux encore embués de sommeil, j’ai regardé éberluée les légionnaires entourer notre chef. Et c’était parti : la légion se mettait en ordre de bataille!

Les jours qui ont suivi, n’ont été que entraînements intensifs à n’en plus finir et de longues expéditions… encore et encore… Je croisais Ywan que pendant de brefs instants de répits. Eeri n’était pas souvent là, elle non plus. De nouveaux arrivants venaient tous les jours gonfler les rangs de la légion. Je me sentais perdue, ne sachant pas où était ma place. Moi qui avait pourtant déjà eu droit à l’entrainement des légionnaires avec Eeri dans les profondeurs, je me sentais complètement abrutie par ce traitement de choc. J’avais rêvé d’aventures, de découvertes et de grands espaces mais je me retrouvais comme oppressée par la pression que m’infligeait l’entrainement de la légion.

Toutefois, les moments que je préférais étaient les expéditions mais Ywan n’était pas là pour les partager avec moi. J’étais pourtant tellement heureuse de découvrir la taverne de Thesos où Kyshala était venue… Mais, nous nous sommes à peine arrêter. Il fallait déjà repartir cette fois pour Yrkanis la capitale des matis. Tout c’est fait au pas de course comme toujours… Un jeune fyros nous a suivi profitant de la force de frappe des légionnaires en mouvements. J’ai à peine vu les primes racines…Nous étions déjà dans les forêts pleines de champignons du pays matis. A un moment, quelqu’un a crié que le dernier arrivé à la taverne était un bébé matis: insulte suprême pour un fyros. La troupe s’est disloquée chacun courant le plus vite possible pour ne pas arriver dernier. Pour ma part, ne sachant absolument pas où se situait cette taverne, j’ai suivi Eeri. La connaissant, je savais qu’elle pouvait sentir l’odeur d’une taverne à dix kilomètre à la ronde. Mais au final, personne n’est allé là bas. La troupe s’est retrouvée devant l’intendante matis. Le but était de l’agacer le plus possible en refusant la citoyenneté matis. Au début, je trouvais le jeu amusant mais à force, je n’aimais pas ce manque de respect même envers une matis. Et quel était l’intérêt pour la guilde de se mettre déjà à dos les matis, je ne comprenais pas… Je me sentais une fois de plus en total décalage avec ce que j’avais pensé vivre ici. Heureusement, Eeri m’a déclaré par télépathie qu’elle trouvait elle aussi que tout ceci était exagéré. Elle considérait qu’elle avait bien l’intention de se servir de matis pour au moins leur pomper leurs dappers. Elle préférait donc garder des relations neutres avec eux. Au final, je suis retournée par téléporteur à Pyr complètement dépitée, oubliant de prendre un pacte pour pouvoir retourner à Yrkanis…

Les jours passaient. Ywan était toujours aussi absent. Eeri, en tant qu’officier, avait bien d’autres choses à s’occuper que de moi. Je me sentais très seule… Heureusement, j’ai rencontré une petite tryker Lyouna qui était venue s’installer à Pyr. Elle était enthousiaste et je l’ai aidé du mieux que j’ai pu. Elle a fini par vouloir intégrer les légions fyros, elle aussi… Je n’étais pas très enthousiaste pour qu’elle le fasse mais elle semblait tellement y tenir que j’ai donné un avis favorable à sa candidature. Elle m’a sautée au cou pour me remercier après que notre chef Icus lui ait remis son écusson de la légion.

Et puis, j’ai revu Ywan. Il semblait déprimé. Il n’avait plus envie de rien. Je crois qu’il pensait que tout serait facile, qu’il suivrait les traces de son oncle Morandy et qu’il deviendrait un grand magicien et un grand foreur comme lui. Mais la réalité était tout autre. Il était un jeune légionnaire débutant et même si il apprenait bien plus vite que moi, Atys ne faisait aucun cadeau à qui tentait de la défier… Il s’est endormi près du téléporteur kami de l’oasis d’Oflovak. Je l’ai quitté avec la gorge serrée… Allait il repartir et retourner dans les profondeurs?

Première réunion des légions fyros

Une nouvelle fois, j’ai été réveillée en sursaut d’un sommeil sans rêve. Icus appelait les légionnaires à la première réunion des nouvelles légions fyros.

C’est encore à moitié endormie que je me suis rendue dans notre hall de guilde. J’étais une des dernières à arriver et pourtant je savais où se situait notre immeuble contrairement à ceux arrivés après moi. Comme disait Icus, ce n’était pas difficile : c’était l’immeuble de guilde le plus proche de la taverne. Je me suis assise près de la porte en oubliant de saluer les présents. Eeri m’a fait un petit signe de la main auquel j’ai répondu avec un vague sourire. Si j’avais pu, je me serais assise près d’elle mais Kralis et Guyzion, l’entourait déjà. J’ai regardé un peu tristement l’assemblée : Ywan n’était pas là…

La réunion a commencé rapidement sous la direction d’Icus. Il allait nous falloir des uniformes. Depuis toujours, la légion arborait fièrement une armure fyros lourde rouge. Seuls certains anciens légionnaires, parmi ceux qui avait survécu au deuxième grand essaim avaient encore leur uniforme. Mais pour fabriquer des armures, il fallait des ingrédients. Un rendez-vous a été pris à Thesos pour organiser une récolte.

Puis, des expéditions allaient être à nouveau organisées pour Yrkanis, Zora et Fairhaven. Ceci afin de permettre à tous les légionnaires d’avoir accès aux télé-porteurs des capitales.

Depuis toujours la guilde avait été plutôt kamiste, mais cette fois, Icus semblait dubitatif sur cette orientation « religieuse ». Il semblait préférer une position plus neutre. Mais, l’avantage d’être dans les bonnes grâces des kamis, permettait d’avoir accès à leurs télé-porteurs. Toutefois, on entendait de plus en plus de rumeurs concernant la future apparition de télé-porteurs qui n’appartiendraient ni aux kamis, ni à la Karavane. La guilde allait restait neutre en attendant de plus amples informations.

Puis, les artisans de la guilde ont été choisis chacun avec une spécialité. Pour finir, les trois postes à responsabilité ont été distribués : Icus a conservé son rôle de chef, Maltor est devenu l’intendant et Eeri a été désignée diplomate. Ça m’a fait sourire : elle qui traînait dans les tavernes allait devoir apprendre à être sérieuse. Quoique comme elle le disait, la diplomatie pouvait commencer à la taverne!

La réunion s’est terminée. Je n’avais pas vraiment participé à part pour répondre aux questions qui étaient posées à tous. Je me sentais trop débutante parmi tous ses habitués de la surface. J’allais m’en aller quand Eeri m’a rattrapée pour me demander si je voulais quelque chose dans le hall de guilde. J’ai parlé de mes amplificateurs qui étaient devenus trop faibles pour les sorts que j’arrivais désormais à lancer. Elle m’a alors sorti un amplificateur correspondant à mon niveau de mage.

Après l’avoir remerciée, j’allais partir quand elle m’a demandé si je voulais faire quelque chose. J’étais heureuse : Eeri avait enfin un peu de temps pour moi. Nous sommes alors parties à la chasse aux bandits et aux créatures dangereuses pour sécuriser les alentours de Pyr à la demande d’un sergent de la garde. A vrai dire, c’était aussi pour gagner un peu de dappers qui étaient désormais si difficiles à gagner.

Ce soir là, je me suis endormie un peu rassérénée par la présence souriante et joyeuse de celle qui avait pris soin de moi après la mort de Kyshala.

La légion à la taverne

Je commençais à m’habituer à l’absence d’Ywan. Mais ce jour là, il est apparu. Et il semblait un peu plus motivé que la dernière fois où je l’avais croisé. Nous commencions à nous organiser pour trouver une activité quand Icus a demandé à tous les présents de se rendre à la fontaine de Pyr pour parler « recrutement ».

Ne sachant pas très bien ce qu’il voulait dire par là, nous nous sommes rendus sur place avec curiosité. Y avait il de nouveaux légionnaires à recruter? Voulait il nous parler d’une méthode de recrutement? Arrivés sur place, il n’y avait aucun nouveau légionnaire… J’ai commencé à soupçonner un coup fourré : Icus, allait-il nous demander de nettoyer les latrines de la guilde? Ywan s’est gentiment moqué de moi : Icus ne pouvait pas nous demander çà puisque nous étions des officiers. Je l’ai regardé un peu dubitative. J’étais un officier, moi ? Mais, il avait raison Icus avait nommé officier tous les actuels membres de la guilde. Pour moi, cela ne signifiait donc pas grand chose puisque si tout le monde était officier, Icus pouvait très bien nous demander de nettoyer les latrines. Ywan a finalement approuvé mes paroles en souriant.

Un fyros brun est alors apparu. Il avait fait sa demande d’intégration récemment et se nommait Acheran. J’ai poussé un soupir de soulagement, rassurée d’échapper à une corvée rébarbative. Icus a apposé solennellement l’écusson de la guilde sur l’armure d’Acheran après que celui-ci est juré fidélité à l’empire Fyros. Tout le monde l’a alors salué d’un « cal i selak » tonitruant. Puis quelqu’un a déclaré que les nouveaux devaient payer un verre à la taverne aux anciens. J’ai soupçonné Eeri d’être à l’origine de cette demande… Acheran a regardé son porte dappers avec angoisse, alors que tous l’entraînaient comme un seul homin dans la taverne de Lydix.

La fête a alors débuté. Mais alors qu’on en était encore à distribuer les verres, Icus a fait venir une deuxième candidate : Sifydia. Elle aussi a été intégrée officiellement à notre guilde. Deux recrutement dans la même journée, c’était beaucoup. J’ai regardé autour de moi et je me rendais compte que je ne connaissais pas tous les légionnaires présents. La guilde était en train de grandir très vite.

Pendant qu’Icus continuait son discours d’intégration, j’ai eu envie d’embêter un peu Eeri. Je me suis dirigée le plus discrètement possible vers le bar avec l’intention de lui subtiliser son verre. Mais, elle me connaissait bien. J’ai à peine eu le temps de faire la moitié du chemin qu’elle a couru jusqu’au bar pour récupérer son verre et le boire d’un trait. Je me suis moquée d’elle en affirmant qu’elle avait eu peur que je lui prenne.

Puis, j’ai pris deux verres et je me suis dirigée vers Ywan. Il m’avait avoué il y a peu qu’il n’avait jamais mis les pieds dans une taverne… J’étais restée stupéfaite. J’en avais même parlé à Eeri par télépathie ce jour là. Elle avait trouvé çà assez amusant je crois que moi qui finissait souvent mes soirées dans les tavernes puisse être amie avec un sage fyros qui ne buvait pas. J’ai offert un des deux verres à Ywan. Il l’a pris en le regardant avec appréhension. Il l’a même senti, légèrement angoissé. Et puis soudain, il l’a bu d’un trait. Je l’ai regardé ébahie. Sachant qu’il n’était pas habitué à l’alcool, j’avais peur que cela lui tourne la tête. Icus est alors arrivée derrière moi en me donnant une grande claque dans le dos manquant de me faire écrouler par terre : « C’est comme çà que les légionnaires boivent! ». J’étais assez d’accord en temps normal mais je m’inquiétais de l’effet que çà pourrait avoir sur Ywan lui qui n’en avait pas l’habitude. Mais à vrai dire, il a semblé assez bien supporter.

Dans le fond de la taverne, j’ai soudain aperçu Archlongine, la grande zoraï bleue de notre guilde partageant un calumet rempli d’une substance inconnue mais que j’avais très envie d’essayer. J’ai rejoint le cercle qui avait commencé à se former.

Le calumet passait de main en main. Ça a été à mon tour de goûter à cette drôle de substance dont les zoraïs avait le secret. Ils s’en servait la plupart du temps pour entrer en transe dans une sorte de rite religieux. Dans notre cas, il s’agissait surtout d’un moyen artificiel de s’évader. Au début, je n’ai rien ressenti de particulier. Puis, j’ai vu Ywan tomber de sommeil comme une masse. Le mélange alcool et fumée hallucinogène avait eu raison de lui. J’avais une sensation d’apesanteur assez agréable, comme si je flottais dans l’air.

Eeri s’est levée proposant une chasse à Zora. J’ai du la regarder avec un air stupide, ne comprenant pas tout ce qu’elle disait sur l’instant. Beaucoup ont alors quitté la taverne pour la suivre. Je n’avais de toutes façons pas de pacte pour Zora. Je suis restée pour profiter un peu plus du calumet. Soudain, j’ai entendu une voix derrière moi : c’était Eeri qui était revenue pour m’offrir des catalyseurs. J’ai souri stupidement l’esprit embrumée mais heureuse qu’elle prenne encore soin de sa petite Shaakya. J’ai voulu lui sauter dans les bras pour l’embrasser mais elle a disparu… Du coup, je ne sais si elle était une hallucination ou non. Puis, j’ai soudain vu une immense fyros toute bleue passer devant moi… J’ai crié ce que j’avais vu sur le canal de guilde. J’avais les yeux écarquillés mais la fyros bleue a disparu… Après coup, je crois que j’avais en fait juste vu Archlongine quitter la taverne.

Je sentais que mon état était anormal. Je me suis alors dirigée péniblement en me cognant partout vers la fontaine de la place. J’ai plongé ma tête dedans, risquant de me noyer et me relevant de justesse pour ensuite m’écrouler à côté de la fontaine incapable de bouger. Je crois que j’ai du reparler à Eeri qui devait me trouver très drôle. Je l’ai traitée de « vilaine » pour ne pas avoir voulu « mon bisou » et pour m’avoir trop fait boire, surtout que le bruit de l’eau de la fontaine qui coulait avait tendance à me donner envie de « faire pipi »… Elle a éclaté de rire. J’ai compris alors que je racontais n’importe quoi même si j’aimais assez l’entendre rire de mes bêtises. Je me suis finalement écroulée de sommeil dans la rue juste en face de la taverne.

Fairhaven enfin!

Nous étions prêtes au départ Lyouna et moi pour le téléporteur du bosquet de l’ombre. J’avais prévu de partir très tôt, étant persuadée que j’allais me perdre dans les méandres de la jungle zoraï. A tout hasard, j’ai demandé sur le canal de la guilde si quelqu’un était intéressé pour nous accompagner jusque là. Je ne m’attendais pas vraiment à de réponses puisque la plupart des légionnaires avaient déjà fait le voyage. C’est avec surprise que j’ai entendu Ywan répondre qu’il voulait venir avec nous. Je dois dire que j’étais heureuse et rassurée qu’il nous rejoigne. Il connaissait la région pour l’avoir souvent parcouru seul.

Il nous a guidé sans hésitation au milieu de la jungle. Je crois que j’ai commencé à avoir peur quand il s’est dirigé droit vers un nid de kitines qu’Icus avait fait en sorte de nous faire éviter en faisant un grand détour. Ywan était confiant, il était déjà passé par là : étrangement, les créatures n’attaquaient pas… Je dois dire que je n’étais absolument pas rassurée pour autant. Passer au milieu de ces insectes répugnants et géants ne m’enchantait pas du tout. J’ai pris une grande inspiration et j’ai suivi Ywan au milieu des créatures. J’entendais le bruit caractéristique de leurs griffes sur le sol mais comme l’avait affirmé Ywan, elles ne nous attaquaient pas. La peur commençait pourtant à m’envahir. Je m’imaginais tomber sur le corps à moitié dévoré de Kyshala. Et si je la trouvais là au milieu des créatures avec Morandy? J’ai commencé à paniquer courant de plus en plus vite vers la sortie de l’amas de griffes.

Est ce ma peur qui les a attirées ou est ce que l’un de nous avait donné un coup par inadvertance à l’une d’entre elles? Elles nous ont soudain attaqués alors que nous étions en train de sortir de leur nid… Malgré l’intervention des gardes, nous avons fini par tous succomber. Ywan a demandé une résurrection aux kamis et est revenu nous relever. J’étais pâle je crois, mais incapable d’exprimer la terreur qui m’avait prise au milieu des kitines.

Nous avons continué la route, cette fois sans encombre jusqu’au téléporteur. Nous étions en avance, très avance… J’avais vraiment prévu large pensant nous perdre mais avec Ywan qui nous avait guidé tout avait été beaucoup plus simple. Allions nous attendre les autres pour partir? Nous sommes descendu vers le vortex des primes racines pour au moins profiter de la vue. Icus était là. J’ai vaguement émis l’idée de partir pour Fairhaven tout de suite. Icus a répliqué d’un ton sans équivoque : « on attend les autres! ». Puis, il est parti s’allonger un peu pour faire une sieste en les attendant. Lyouna, Ywan et moi, nous nous sommes regardés. Il fallait encore attendre de longues minutes avant que les autres arrivent. Nous sommes partis sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Icus, nous étions tous d’accord pour tenter la traversée à trois.

La beauté des primes racines était une fois de plus enchanteresse : des gubanis, des bodocs et des mektoubs blancs parmi des plantes étranges aux couleurs fluorescentes…

Mais cette beauté hors du temps cachait les créatures les plus dangereuses d’Atys : des varynx à la peau sombre, des énormes tyranchas et des vorax, des espèces de lézards géants qu’on ne trouvait qu’ici.

Aussi quand Ywan nous a dit avec humour « c’est le moment de serrer les fesses », en nous montrant un passage entre ces créatures, je serrais tellement mes petites fesses potelées que j’aurais pu casser une noix. Nous avons sprinté mais heureusement aucune créature ne nous a attaqué. Nous avons finalement atteint le vortex qui menait aux pays trykers.

Nous nous sommes reposés un instant le temps de nous remettre de nos émotions. Ywan et Lyouna ont bien ri quand je leur ai raconté à quel point j’avais serré les fesses. Plus tard, nous avons d’ailleurs décidé que le cri « casse-noisette » signifierai pour notre petite troupe « attention danger ».

Il nous a fallu repartir, nous n’étions pas encore à Fairhaven. Il fallait passer entre des cutes, une tribu primitive particulièrement agressive. Ils formaient un barrage presque infranchissable. Nous avons tenté d’en combattre un : moi et Lyouna au soin et Ywan au combat. Ces êtres étaient particulièrement résistants… Nous ne pourrions pas passer en force. Mais la technique d’Ywan était la discrétion. Seul, il parvenait souvent à passer sans encombre mais nous étions trois et pas forcément aussi silencieux et discrets qu’une seule personne. C’était d’autant plus difficile que Lyouna était épuisée et avait du mal à nous suivre avec ses petites jambes. Pourtant, après plusieurs essais, nous avons pu rejoindre l’eau des lacs, synonyme d’abri sur Atys.

Fairhaven était en vue. Lyouna et Ywan se sont endormis au pied du téléporteur kami. Mais moi, je n’arrivais pas à dormir. Je voulais découvrir ce pays qui avait tant plu à ma cousine Kyshala. J’en rêvais depuis que j’étais arrivée à la surface. Je me suis baignée appréciant la limpidité de l’eau qui permettait de découvrir le merveilleux spectacle des fonds lacustres.

Alors que je profitais de ma baignade improvisée, j’ai vu arriver les légions fyros. Je les avais complètement oublié. Ils avaient rattrapé une grande partie du retard qu’ils avaient sur nous. Sans doute avaient ils pu passer sans encombre le barrage des cutes qui nous avait tellement posé problème. Ils courraient tous vers la taverne de Fairhaven semblant faire la course. J’ai suivi le mouvement.

Archlongine a annoncé fièrement qu’elle était la première. Icus a profité que nous étions rassemblés dans la taverne pour accueillir une nouvelle recrue : Gunbra. Elle avait déjà participé à plusieurs de nos expéditions. Pour ma part, j’avais particulièrement apprécié sa présentation un peu « brute de fonderie » dans notre hall de guilde surtout quand elle avait parlé d’Artifice qu’elle trouvait bizarre parce qu’elle se baladait souvent en petite culotte.

La soirée s’est poursuivie avec des verres de bière de shooki et de liqueur d’ocyx. Le reste est assez flou, je dois dire… Je suppose que j’avais un peu trop bu et que j’ai du m’endormir sur place.

Réflexions solitaires

J’étais de plus en plus souvent seule. Ywan ne faisait plus que de brèves apparitions fugaces et quand il était là, il ne réclamait pas spécialement ma présence. Lyouna était là parfois. Nous nous entraînions alors ensemble à défaut de pouvoir participer aux chasses des grands guerriers que les autres étaient devenus. Et puis Eeri, un jour, m’a annoncée qu’elle allait sans doute dans quelques mois rejoindre les profondeurs : elle avait des choses à régler…

Son annonce m’a glacée même si je n’ai rien laissé paraître sur le moment, préférant caparaçonner mon coeur pour éviter qu’il ne saigne. Elle aussi, elle allait partir? Comme Kyshala ? Est ce que tout ceux qui prenaient soin de moi finissaient par disparaître ? Dans ce cas, pourquoi s’attacher ?

A-t-elle sentie mon désarroi ? Je ne sais… Mais, elle s’est faite beaucoup plus présente me proposant de l’accompagner dans ses chasses. Elle ne me posait pas de questions. Nous profitions juste de la présence l’une de l’autre retrouvant cette drôle de connivence qui avait toujours marqué notre relation : peu de mots échangés mais une compréhension presque immédiate et instinctive de l’autre.

Pourtant, je n’osais lui parler des doutes que j’avais sur ma présence au sein des légions fyros et de mon incartade chez les matis. J’avais peur de la blesser, elle qui avait tellement donné pour le renouveau de la guilde.

Finalement, ma solitude me permettait de réfléchir à tout çà. Je ne suis pas allée à la deuxième réunion des légions fyros malgré les appels insistants d’Icus sur les ondes de la guilde. Je préférais rester seule au bord du lac de la région des vents du songe, en faisant glisser le sable entre mes doigts. Je les entendais parfois échanger. Je crois qu’ils ont décidé d’organiser une journée de forage ensemble chaque semaine.

Mais alors que je les écoutais distraitement en regardant les couleurs du ciel à la nuit tombante, des petites perles de lumière roses se sont mises à s’élever du sol autour de moi…

C’était tellement beau…

Sans doute, certains religieux y auraient vu un signe de Ma-Duk ou de Jena. Mais je me suis toujours méfiée de la religion et de ceux qui en portent la parole : qu’avait donc fait ces sois-disant déités lors de la mort de mes parents et de celles de ma tante et de mon oncle? Et qu’avaient ils fait pour Kyshala? Moi, je ne voyais là qu’une merveilleuse manifestation de la beauté d’Atys. Est ce que ma voie était là dans la défense d’Atys?

Une chose était sûre, alors que j’entendais Icus grogner des ordres sur les ondes de la guilde pour entraîner les légionnaires à des formations en ligne ou en carré, je me sentais bien plus heureuse d’être là au milieu des lucioles qui voletaient autour de moi qu’à faire des exercices militaires.

Où est ma place?

Cela faisait plusieurs jours déjà que je furetais à droite et à gauche dans les cubes d’ambre sans vraiment savoir ce que je cherchais. Sans doute que j’espérais y trouver une nouvelle direction à prendre dans ma vie d’homine.

Ces derniers jours m’avaient fait comprendre que je n’étais pas à ma place au sein des légions fyros. Je n’avais pas la même façon de penser ni les mêmes idéaux qu’eux. Mais qu’elle était ma place ? Défendre Atys mais comment?

Et puis je suis tombée sur des discussions sur les neutres de culte et civilisation. Je trouvais dans celles-ci comme une connivence d’esprit. Je découvrais ce qu’était les gnosts et les tenants. Les gnosts étaient ceux qui ne privilégiaient aucune religion Kami ou Karavan respectant les deux. Les tenants étaient ceux qui ne privilégiaient aucune « civilisation », ils étaient appréciés de la même façon par les peuples trykers, zoraïs, matis et fyros. Je me sentais très proche de ces deux définitions.

Et puis ce passage m’a soudainement frappé :

« La raison d’être des Rangers est de protéger les homins contre la menace kitine. Les Rangers sont animés par un idéal de fraternité. Ils pensent que les homins devraient vivre en paix sans division, estimant que les divisions entre homins ont été l’une des causes de la catastrophe du Grand Essaim, chaque peuple ayant lutté seul. »

Mais oui… c’est çà… J’étais une Ranger dans l’âme… J’avais trouvé ma voie… Je suis restée un instant stupéfaite par cette évidence.

Moi qui me croyais anormale, je découvrais que je n’étais pas seule et que d’autres partageaient les mêmes opinions que moi. Il me restait à les rencontrer.

Mais avant, j’avais quelque chose de difficile à faire : quitter les légions fyros… Je n’avais pas peur d’être seule et de perdre la protection de la guilde mais mon coeur se serrait à l’idée de blesser ou de décevoir ceux qui avaient cru faire de moi une légionnaire : Eeri, Icus, Ywan…

Départ des légions fyros

Pendant plusieurs jours, je n’ai pas réussi à dire à Eeri la décision que j’avais prise de quitter la légion. Les mots me restaient coincés dans la gorge. Et quand elle me proposait d’aller prendre une armure lourde dans le hall de guilde, j’esquivais, déclarant que je le ferais plus tard.

Finalement, c’est Icus qui m’a contactée télépathiquement. Il avait vu les messages de demandes d’informations sur les rangers que j’avais laissé dans le hall réservé aux neutres. J’ai été surprise sur le moment mais j’ai compris ensuite ma bévue. Je pensais être discrète en laissant mon message mais je l’avais mis dans le hall réservé aux neutres de culte et pas de civilisation.Tous les légionnaires étaient pour le moment restés neutres au niveau religieux à la demande d’Icus. Cela avait d’ailleurs fait grincer des dents : ne prendre partie pour aucune religion, c’était se couper l’accès à un certain nombre de téléporteurs. Mais la règle avait été suivie.

Icus m’a alors indiqué le nom de quelques personnes qui avaient des connaissance sur les rangers. Son attention m’a touchée. Je me sentais mal de lui cacher mes intentions de départ. J’ai fini par lui raconter que j’avais participé à la libération des terres matis. Je m’attendais à une colère noire de sa part, à une punition, voir un bannissement… Mais, il n’en a rien été. Icus a émis un son entre un grognement et un toussotement gêné. Ne le voyant pas réagir, plus que çà, j’ai fini par déclarer que j’allais quitter les légions fyros mais que je voulais rendre mon écusson à celle qui l’avait apposé sur mon armure : Eeri. Il a répondu : « C’est mieux oui! ». J’étais inquiète, il semblait si éteint par la nouvelle. Je lui ai alors demandé si il m’en voulait. Il a répondu légèrement agacé que ce n’était pas le cas. La conversation s’est éteinte d’elle même… Je ne voyais plus vraiment quoi lui dire.

Quelques jours plus tard, pourtant, j’ai pu en apprendre un peu plus sur le fond de sa pensée. Pour lui, ma décision n’était qu’une lubie utopique du à mon jeune âge. Peut-être avait il raison… peut-être que je ne serais jamais ranger et que l’idéal de fraternité entre les peuples ne pourrait jamais être atteint… Mais ce dont j’étais sûre c’est que les kitines resteraient mon principal ennemi pour avoir tué mon oncle et avoir été la cause de la disparition de Kyshala. Et, il était également sûr désormais que je n’accepterais plus de faire partie d’une guilde qui attaquent d’autres homins avec comme seule justification qu’ils font partie d’un autre peuple…

C’est le lendemain que j’ai pu parler de mon départ des légions fyros à Eeri. Je me doutais qu’Icus ne tarderait pas à lui rapporter mes paroles. Quand je lui ai dit que je voulais devenir ranger comme les rangers de Silan. J’ai senti son angoisse. Elle a cru un moment, que je voulais retourner là-bas. Je l’ai rassurée, lui affirmant que je restais à la surface mais que je quittais les légions fyros. Elle l’a assez bien pris. Elle ne m’en voulait pas de faire mes propres choix, même si ils pouvaient s’avérer être mauvais. Quand je lui ai parlé de l’étrange réaction d’Icus, déclarant en riant qu’il se ramollissait pour ne pas m’avoir punie d’avoir aider les matis. Elle est restée sérieuse : « il aime bien ses deux chauves… ». Elle m’a demandé si j’allais rejoindre une autre guilde. Mais pour l’instant, je n’avais pris aucune décision. Je savais qu’il y avait le groupe Centor qui m’avait intégrée à leur équipe lors de libération des terres matis et qui semblait rangers dans l’âme. Il y avait aussi cette guilde Hoodo qui se déclarait ouvertement ranger mais dont je n’avais vu aucun membre… Peut-être avaient ils disparu durant le deuxième grand essaim ? Notre discussion a duré jusque tard dans la nuit. Eeri était loin, je n’ai pas eu le courage de me déplacer pour rendre mon écusson ce soir là.

Quelques jours plus tard, Eeri m’a invitée à une chasse avec d’autres légionnaires. Peut-être espérait elle encore me faire rester en me montrant ce qu’il y avait de mieux parmi la guilde : la fraternité des légionnaires entre eux. Il est vrai que durant ces chasses, j’avais toujours apprécié l’esprit de corps qui y régnait. Et cette fois encore, j’ai apprécié cette entraide sans concession que tous donnaient aux autres. Mais ma décision était prise. Pourtant, je sentais que Eeri faisait durer indéfiniment la chasse pour ne pas que je lui rende mon écusson. Quand je lui en ai fait la remarque. Elle m’a souri avec un petit air faussement innocent.

Finalement, la fatigue aidant, j’ai commencé à commettre des erreurs mettant en danger les autres. Il valait mieux que j’aille dormir. Quand, j’ai dit dépitée à Eeri que ce n’était pas encore aujourd’hui que j’allais lui rendre mon écusson. Elle a finalement déclaré que je pouvais le faire maintenant mais qu’elle me laissait l’annoncer aux autres. J’ai pris deux longues inspirations, un peu angoissée à l’idée que mes frères d’armes me rejettent pour la décision que j’avais prise de quitter la guilde.

Puis j’ai commencé : « J’ai une petite annonce à faire… Je vais quitter la guilde… ». Gunbra a reniflé comme si elle retenait des larmes et Zaydan m’a demandé en plaisantant si je quittais la guilde parce que je n’avais pas digéré le dernier bébé matis. J’ai répondu sur le même ton humoristique qu’effectivement, je n’avais pas apprécié le goût. Puis j’ai continué plus séieusement : « J’ai choisi une autre voie… Je voudrais devenir Ranger. Mais je tiens à dire que j’ai beaucoup apprécié faire ce bout de chemin avec vous. ». Il y a quelques questions sur ce qu’étaient les rangers. J’ai eu peur à des réactions négatives quand j’ai affirmé que en tant que ranger je défendrais tous les homins, même les matis. Mais Zaydan a déclaré : « Comme ça nous pourront l’achever nous! ». Et Bjorka a ajouté en crachant par terre : « Je lui attacherai les mains Zaydan que tu puisse faire ton oeuvre ». Ce qui m’a fait plutôt rire.

J’ai rendu mon écusson à Eeri et j’ai fait mes adieux même si ce n’en était pas vraiment puisque je restais sur l’écorce. Bjorka a semblé inquiet pour moi : « Attention à toi Shaakya, ta nouvelle mission pourra être dangereuse, beaucoup d’homins prennent des risques. A bientôt Shaakya, hésite pas si tu as besoin de mes soins et même de ma lame ! ». Et Gunbra a ajouté : « Ou de ma retch ». Eeri m’a réaffirmé que je serais toujours la bienvenue parmi eux. Je suis partie avec un brin de nostalgie mais le coeur heureux que mes frères d’armes aient accepté mon choix.

Un clan ou Shaakya Cracheuse-d’Eau

Cela faisait plusieurs jours que j’errais dans le désert. Je ne cherchais plus vraiment Anyume, je marchais sans but, jusqu’à l’épuisement…

Et puis soudain, j’ai ressenti sa présence et je l’ai contacté via le vent d’Atys. Elle allait bien et moi aussi ce qui lui a fait pousser un soupir de soulagement. Apparemment, elle aussi s’était inquiétée pour moi. Je lui ai demandé si elle pensait finalement qu’Alric mettrait ses menaces à exécution. Elle m’a répondu sans avoir l’air d’y croire : « Avec un peu de chance, ce n’était pas des menaces, juste une façon de dire « on va jouer encore plus » et personne ne sera blessé… ». Tout ce que je voulais moi, c’est qu’il ne lui fasse pas de mal à elle…

J’ai proposé de la rejoindre pour qu’elle se rende compte de visu que j’étais encore en vie. Elle était dans le camp de la tribu des Taxeurs au nord de Pyr avec Na Djaï’tal. Sur le chemin, j’ai continué à lui parler. J’ai demandé comment allait son frère de sève faisant un lapsus. Il était bien évidement son frère de coeur. Anyume a semblé soudain gênée sans que j’en comprenne la raison. J’ai continué affirmant que de ce que j’avais pu voir, il avait un coeur gros comme çà. Elle a ri : « Encore plus ! ».

Je suis arrivée dans le camp, les découvrant dans les bras l’un de l’autre. Et cette fois encore, ils semblaient gênés que je les surprenne ainsi. J’ai proposé de revenir plus tard pour ne pas les déranger. Ils ont refusés déclarant qu’ils étaient heureux de me voir. Pourtant, j’ai remarqué la gêne de Na Djaï’tal. Une fois de plus, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’ils faisaient un très beau couple tous les deux…

Na Djaï’tal a sorti des baies rouges de son sac et nous les a proposé. Je les ai dévorées sou l’oeil étonné d’Anyume : « Tu aimes ça autant que moi, ou ton dernier repas remonte à loin ? ». Je l’ai regardée indécise : « mon dernier repas? mon dernier repas… je ne sais pas… ». A vrai dire, depuis que j’avais quitté les légions fyros, j’avais repris mes habitudes d’enfant des rues. Je mangeais ce qui se présentait quand la faim me tenaillait. Pendant, les derniers jours que j’avais passé dans le désert, je n’avais pas ressenti le besoin de manger oubliant complètement mon estomac qui me tenaillait comme si j’avais oublié mon corps…

J’ai préféré détourner la conversation fuyant le regard inquiet d’Anyume. Je leur ai parlé de la matisse qui avait été « adoptée » par les légionnaires. Ils sont restés stupéfaits, Na Djaï’tal manquant de s’étouffer. Cela leur paraissait tellement invraisemblable. Anyume a même affirmé : « A la place de la matisse, je me méfierais… Parait qu’ils ont des pratiques bizarres… sans vouloir t’offenser, hein ! ». Mais, elle ne m’offensait pas, je savais ce dont les légionnaires étaient capables. J’ai précisé que le plus étonnant c’est que la matisse buvait de l’infusion. Anyume a dit en riant : « Un crime pour la moitié des homins et encore plus pour les Légions ! ». J’ai ajouté que j’y avais même goûtée. Ils m’ont regardée inquiet : « Oi, faut se méfier des infusions… Et de tout ce qui se boit qu’on a pas vu préparer ! ». Na Djaï’tal a déclaré : « Je connais des breuvages apparemment limpides comme de l’eau, pai… Tu sais que les Matis connaissent très bien les plantes et leurs effets ? Ce n’est pas pour rien qu’ils sont des empoisonneurs craints. ». J’ai tenté de les rassurer et me rassurer moi même : « Je n’ai bu qu’une toute petite gorgée et elle a bu tout le reste… ». Na Djaï’tal ne m’a pas rassuré : « Pai ils sont aussi bons guérisseurs forcément… ».

Je commençais à douter de moi même et du moment agréable que j’avais vécu avec Isyldia. Cachait-elle sous un aspect d’ange, une empoisonneuse ? Avait-elle tenté de m’empoisonner? Anyume a sourit : « Pas sans une bonne raison, ce serait idiot ! ». Mais je repensais aux menaces à peine voilées d’Alric : « Si c’est une amie d’Alric, elle aurait eu une bonne raison! ». Puis, je me suis mise à rire stupidement comme pour évacuer la tension de cette discussion. Na Djaï’tal a tenté de me rassurer : « Les Matis ne sont pas tous des méchants homins, hein… ». Puis surpris d’entendre un nom qu’il ne connaissait pas : « C’est qui Alric ? ».

J’ai vu qu’Anyume était mal à l’aise. J’étais une imbécile, je balançais le nom de l’amant d’Anyume à celui qui pouvait être un de ses prétendants… Il fallait que je rattrape ma bévue : « C’est un homin que j’ai rembarré! ». Mais le zoraï n’était pas dupe, il voyait les regards que nous nous échangions. Anyume a fini par soupirer : « C’est l’homin dont je te parlais, Na Djaï’tal! Je crois que j’aurais préféré que tu ignores son nom… Mais ce qui compte le plus, c’est qu’il ignore le tien ! ». Le grand bleu voyait notre angoisse et il a eu ses paroles : « Vous savez que les ténèbres les plus épaisses peuvent être aisément vaincues par une simple flammèche ? ». Je le regardais les yeux exorbités me demandant si il fumait les mêmes herbes qu’Archlongine. Mais Anyume a répondu : « Dans la nuit, une étincelle peut surtout briser ce que les autres sens te racontent… ». En voyant ma tête d’ahurie, Na Djaï’tal a alors expliqué : « Ce que je veux dire, c’est que ce n’est qu’un homin! ». C’est vrai, ce n’était qu’un homin et sans doute pas aussi fort qu’il le croyait mais d’après Anyume, çà ne l’empêchera pas d’être « désagréable ».

Puis elle a sorti quelque chose de son sac : « Gâteau aux fruits confits ! ça vous dit ? ». Nous avons crié notre joie dissipant la lourdeur de la conversation précédente. Na Djaï’tal a sorti une gourde d’eau : « J’ai de l’eau infusée si vous voulez ». J’ai fait une grimace devant la gourde d’eau puis j’ai dévoré du regard la part de gâteau que Anyume me tendait. Je me suis goinfrée comme avec les baies rouges, j’ai même été ramasser les miettes que j’avais laissées tomber dans la sciure, reprenant mes réflexes de survie d’enfant des rues. Anyume a éclaté de rire et m’a tendue une nouvelle part de gâteau. J’ai lâché la bouteille que j’étais en train de sortir de mon sac pour attraper la nouvelle part. Et j’ai commencé à croquer dedans avec autant d’appétit que les premières.

Anyume a sourit : « Elle est bonne ton infusion ! Tu devrais goûter Shaakya. Même sans alcool, il y a des bonnes choses. ». Na Djaï’tal a surenchéri en plaisantant m’ayant vu sans doute piocher les miettes dans la sciure : « C’est la boisson du foreur, pour s’ôter le gout de la sciure de la bouche! ». J’ai tenté de répondre la bouche pleine : « dmmme l’mmhsrbbo chrrrommmdgge ? ». Anyume a failli s’étouffer en riant alors qu’elle était en train de boire. Je me rendais compte que j’avais perdu toute politesse la mère de Kyshala m’aurait grondée si elle m’avait entendue. J’ai avalé et j’ai répété : « de l’eau chaude? ». Il s’agissait d’eau de source auquel Na Djaï’tal avait ajouté un cocktail d’herbes de sa composition. Je l’ai regardé d’un air taquin : « Toi aussi tu veux m’empoisonner? ». Mais j’ai finalement pris la gourde pour la porter à mes lèvres. Le grand bleu a entendu que j’ai un peu de son infusion dans la bouche pour indiquer : « Par contre, ça favorise la pousse des cheveux, au fait! ». J’ai craché toute l’eau devant moi surprise. Ils ont éclaté de rire : « La sciure… va être aussi… poilue q’un… Fyros maintenant ! ». Je me sentais un peu confuse mais j’ai finalement ri avec eux de bon coeur. Anyume continuait à plaisanter demandant si elle allait être une homine à barbe. Et Na Djaï’tal a continué en déclarant qu’il se laisserait pousser la barbe et qu’ainsi ils pourraient se faire des nattes entre eux. Nous nous tenions les côtes tellement nous riions. Je regardais les deux homins devant moi en me disant que quoiqu’en dise Anyume, il y avait quelque chose entre eux et pas seulement de la fraternité… Nous avons continué à rire ainsi plaisantant de tout et de rien.

J’avais toujours la gourde dans la main et je tentais de regarder par le trou pour tenter de voir ce qu’il y avait dedans. J’ai repris une petite gorgée et à nouveau Na Djaï’tal a parlé : « Ça fait pas pousser les cheveux, pai ça donne l’accent matis quand on parle! ». Une nouvelle fois, j’ai recraché devant moi en m’étranglant de rire pour la plus grande joie de mes compagnons. J’ai remis une troisième fois la gourde à mes lèvres en surveillant le grand bleu du coin de l’oeil. J’avais la bouche plein, les joues gonflées quand il a fait mine de parler. Je me suis retenue d’avaler, le regardant avec suspicion. « Et… je n’aurais peut-être pas dû y mettre… ». Je l’ai regardé angoissée. « de l’eau pure, ça risque de la rendre malade, j’aurais du la couper avec de l’alcool ! ». J’ai mis ma main devant ma bouche me retenant de cracher mais en même temps prise par un fou rire pendant que j’avalais. Na Djaï’tal a alors demandé à Anyume : « Tu crois que les Trykers ont rempli les lacs avec la technique de Shaakya ? ». Je riais et je toussais.

Il a fini par dire : « Je le savais, c’est trop fort pour toi ! ». Je l’ai regardé avec un petit air de défi buvant une gorgée de liqueur d’ocyx de ma propre bouteille : « A toi! ». Il a pris la bouteille me demandant ce que c’était. Avec un ton taquin, je lui ai dit : « Bois je te dirais après! ». Il se méfiait et a senti : « Toub ! Ça sent fort ! Tu es sûre que c’est fait pour boire ? Ce n’est pas pour nettoyer les armes plutôt « . J’ai précisé comme une évidence : « C’est Eeri qui m’a offert la bouteille, çà doit se boire! ». Il a bu une toute petite gorgée, toussotant un peu : « Pfiouuuu ! ». Alors qu’il remettait la bouteille à ses lèvres, j’ai fait mine de regarder dans mon sac en fronçant les sourcils : « à moins que… ce ne soit le produit pour nettoyer mon armure? ». Il s’est remis à tousser en rigolant : « U…. U… Ukio… Je l’ai… mérité… ». Je lui ai finalement avoué qu’il s’agissait d’une vieille cuvée de liqueur d’ocyx. Na Djaï’tal a commencé à boire plusieurs gorgées d’affilé, sous mon air effaré : « heu… tu ne devrais pas en boire trop… C’est fort pour quelqu’un qui n’est pas habitué ». Il commençait à avoir la voix qui déraillait et je regardais Anyume en me demandant si elle n’allait pas m’en vouloir de saouler son frère de coeur.

Il a fini par rendre la bouteille en me demandant si j’avais déjà essayé d’y faire dissoudre quelque chose à part un zoraï. J’ai répondu sur le ton de la plaisanterie qu’on avait essayé avec les matis mais en commençant par les pieds pour éviter qu’il essaie de boire si on commençait par la tête. Nous avons eu une nouvelle crise de fou rire. Puis, il a repris plus sérieusement qu’il essaierait bien d’y dissoudre les larves qu’il avait ramassé dans la kitinière la dernière fois. Il voulait que je lui trouve d’autres bouteilles pour faire des expériences. J’ai accepté même si je trouvais que c’était gâcher la liqueur…

Ils ont alors parlé de cuisine me faisant saliver à l’évocation de plats d’Anyume : « Sinon, on peut aussi braiser la viande d’ocyx, faire revenir très rapidement des pousses de slaveni avec, et se faire un bon repas, plutot que de faire des trucs bizarres ! ». Celle-ci s’est soudain tournée vers moi : « Shaakya… Maintenant que tu n’es plus à la Légion, tu arrive quand même à avoir tout ce qu’il faut ? ». Je l’ai regardée surprise. Puis, elle a précisé : « Ou si je t’invite à manger tout les jours, c’est une bonne idée ? ». J’avais soudain honte de mon comportement. Je comprenais qu’elle devait se douter que je ne mangeais pas tous les jours… Je ne voulais pas paraître pour une mendiante : « J’ai l’habitude tu sais… ». Comme si çà allait la rassurer… Elle a répliqué : « Oi, j’ai l’habitude de survivre au milieu des kitins, mais changer ce genre d’habitude et profiter d’un peu de confort, c’est pas si mauvais.. Je la regardais un peu perturbée et sans savoir quoi répondre. Elle a continué : « Tu sais où est notre camp… J’y suis presque tout les soirs. Et sinon, je suis souvent dans cette tribu. N’hésite pas si tu a envie d’un peu de compagnie pour partager tes repas ! ». Et Na Djaï’tal a ajouté : « J’essaierai d’être un peu plus chez nous, Anyume, aussi! ». Anyume a terminé en déclarant : « Dëi, ce serait agréable ! ce serait un peu comme retrouver un… Un clan ».. J’ai dit que je viendrais mais que je ne voulais surtout pas les déranger…

Nous étions tous émus mais Anyume encore plus que nous. Na Djaï’tal lui posait une main rassurante sur l’épaule. Elle a fini par se laisser aller contre lui. J’avais connu çà moi aussi avant : un clan, une belle fraternité et le partage… mais… je ne voulais pas me souvenir pas ce soir. J’avais les mains qui tremblaient d’émotion contenue, j’ai planté mes ongles dans mes paumes pour concentrer mes pensées sur la douleur que çà me procurait. Na Djaï’tal ressentant l’émotion que nous dégagions a commencé à plaisanter : « Il faudrait se trouver un nom de clan alors… quelque chose qu’on fait tous…. Les Mange-Gâteaux ? ». Ça nous a fait rire et j’ai proposé : « Les cracheurs d’infusion? ». Na Djaï’tal s’est esclaffé : « Ah né, ça c’est ton nom de clan : Shaakya Cracheuse-d’Eau ! ». J’aimais bien le nom.

Anyume m’a tendue la main m’invitant à m’installer à côté d’eux. Elle m’a pris la main et celle de Na Djaï’tal. J’ai serré doucement la sienne, je me sentais bien et rassurée. Nous regardions tous les trois le feu devant nous profitant de cet instant de grâce pendant que Na Djaï’tal fredonnait une douce mélopée zoraï.

« Notre camp est le tien, Shaakya. Viens dès que tu a envie de goûter à ma cuisine ou papoter ! ». Na Djaï’tal s’est arrêté de fredonner pour ajouter : « Quoiqu’il arrive, on s’entraidera ». J’ai souri en approuvant. Anyume était songeuse : « Quelque part… on ne devrait se battre que pour des moments comme ça. Pour être tranquille et heureux avec des amis, qui sont presque une famille. ». Na Djaï’tal a approuvé : « Quelque part, on ne devrait vivre que des moments comme ça sans avoir à se battre pour ça… Être là, simplement, tout le temps… ». J’avais presque les larmes aux yeux.

Des souvenirs ont tenté de refaire surface, je me suis légèrement crispée, ce qui a étonné Anyume. J’ai tenté de lui expliquer que j’avais parfois de mauvais souvenirs qui remontaient. Elle a parlé très doucement : « Pour oublier la douleur, il n’y a qu’une seul façon efficace… Il faut beaucoup, beaucoup de douceur. » Elle m’a alors raconté comment la douceur de Na Djaï’tal l’avait aidée : « Quand on s’est rencontré, j’étais une fyrette sauvage ! Je ne savais pas ce que le mot confiance pouvait dire. Je savais tuer, mais je ne savais pas vraiment aimer… Montrer de l’affection, pour moi, c’était faire preuve de faiblesse. Je pensais tout savoir… Et puis les bleus ont changé ça, peu à peu… ». Elle et Na Djaï’tal se sont regardés tendrement : « Et puis c’est mon porte-bonheur, mon grand bleu ! Quand il est là, tout se passe toujours bien. Les kitins ne nous voyaient pas, le vent était toujours dans le bon sens. ». J’ai acquiescé : Na Djaï’tal dégageait une aura de sérénité autour de lui.

Nous avons commencé à bailler épuisés. Les taxeurs nous avaient laissé une de leur tente orange en forme de cocon. Je ne voulais pas m’immiscer dans le couple, j’ai cherché un coin au sol à l’intérieur du camp mais Anyume a déclaré : « Vous pouvez venir, y’a de la place pour cinq dans ces cabanes ! ». Na Djaï’tal a fait une dernière plaisanterie : « Ah toub ! On n’est que trois, on n’est pas assez ! ». J’ai ri en proposant d’accueillir un mektoub avec nous. Mais comme les nôtres étaient tous loin, nous avons fini par nous installer tous les trois dans la tente. Après une hésitation, Na Djaï’tal et Anyume se sont pris dans les bras l’un de l’autre. Sans doute, avaient ils l’habitude de s’endormir ainsi. Je me suis mise un peu à l’écart pour ne pas les déranger.

Cette nuit là a été la plus douce que j’ai vécu depuis longtemps même si j’ai pleuré d’émotion et de bonheur en silence pour ne pas les réveiller. J’avais l’impression de revivre… enfin…

Les élections des Akenos de Thesos

Ce jour là, alors que je ramenais des matières premières au marché de Thesos pour les vendre, j’ai vu un petit attroupement près de l’étable. J’ai jeté un œil curieux. Il y avait là plusieurs légionnaires qui entouraient une fonctionnaire de l’empire Fyros : Pephosse Aerus. Je me suis alors souvenue que c’était le jour de des élections des Akenos de Thesos. Le rôle des Akenos étaient de gérer les affaires politiques de la cité au nom des patriotes fyros. Parmi ces Akenos, un Akenak serait désigné pour la cité afin qu’il participe aux décisions de l’empire tout entier.

Je savais qu’Icus allait déposer sa candidature. Pour être nommé Akenos, il devait rassembler le maximum de votes. Chez les fyros, les votes prenaient la forme de dagues que le candidat Akenos devait fabriquer et signer de son nom. Il devait ensuite les distribuer aux patriotes qui souhaitaient voter pour lui. Pephosse Aerus récoltait ensuite les différents votes. Les légionnaires et d’autres étaient donc là pour voter. Chacun remettait sa dague tandis que Pephosse Aerus vérifiait qu’il faisait bien parti de ses registres en temps que patriote du peuple fyros. Pour ma part, je n’étais pas patriote et je n’avais pas l’intention de l’être poursuivant mon idée d’être ranger. Je regardais donc tout çà d’un œil curieux.

Eeri est arrivée à ce moment là. Elle a souri en me voyant. Elle a voté elle aussi. C’est à ce moment qu’un membre de la guilde de la sève noire, armé jusqu’aux dents, a fait son apparition. J’ai senti la tension monter d’un cran : les légionnaires et les membres de la sève noire ayant pour habitude de s’entre-tuer régulièrement. Etant entre les deux partis, j’ai préféré m’écarter pour éviter d’être prise entre deux feux. J’ai vu Eeri et d’autres légionnaires sortir leurs armes et enfiler des armures.

Le maraudeur a alors regardé Pephosse Aerus : « Elle ferait un bon otage, ou sa vie n’a aucune valeur ? ». La menace était à peine voilée. Gunbra a grincé entre ses dents : « Il faudra passer sur mon corps d’abord! ». Icus a alors déclaré : « Assez palabré… Je m’en voudrais de perturber les élections. Tu as 10 secondes pour partir! ». Le sève noire ne semblait pas plus intimidé que çà : « Si vous me laissez la capturer, je ne gênerais personne… ». C’était à se demander si il n’était pas fou… Diwen a regardé Icus : « Il pense faire quoi tout seul ? ». Icus a eu un air dubitatif : « Je sais pas… Mourir en héros peut-être ? ». Le maraudeur n’en avait apparement rien à faire de ce que l’on disait sur lui. Il fixait toujours Pephosse Aerus : « Vous êtes une des fonctionnaires de l’Empire, vous devez avoir un peu de valeur? ». Icus a sifflé : « Elle en a certainement plus que toi, c’est sûr! ». Pephosse Aerus a acquiescé puis nié avoir de la valeur, ne sachant plus ce qu’elle devait dire. Le sève noire a tendu la main vers elle : « Allez, on va éviter que le sang coule. ».

C’était le geste de trop. Les légionnaires ont attaqué sans sommation dans un même élan. Le maraudeur a tenté de résister aux attaques croisées, il a même réussi à mettre Gunbra à terre mais il s’est enfui se rendant compte qu’il n’aurait pas le dessus. Les légionnaires l’ont poursuivis mais Icus a soudain crié : « Replis légionnaires! ». Le maraudeur n’avait cherché en fait qu’à attirer les légionnaires derrière lui pour laisser Pephosse Aerus sans défense afin que ses comparses l’enlèvent. Mais Icus avait compris le stratagème et avait fait revenir à temps les légionnaires. Le piège imaginé par les séves noires avait échoué.

Les élections se sont poursuivies mais les légionnaires sont partis à dos de mektoubs pour une séance de forage qu’ils avaient prévu depuis quelques temps. Eeri ne les a pas suivi. Elle est partie dans son appartement pour travailler sur de « la paperasse » comme elle disait. Je regardais Pephosse Aerus qui était à nouveau sans protection. Je devais être la seule à m’inquiéter d’un éventuel retour des sèves noires… Je restais près d’elle, en surveillant les alentours. Et soudain, elle a crié : « Au secours ! Des Maraudeurs. Apparemment ils me cherchent mais.. je ne sais pas pourquoi! ». Geyos qui était apparu, quelques minutes auparavant lui a conseillé de retourner sur Pyr. Mais elle refusait : « Je dois rester ici, l’Empereur m’a assigné à Thesos. Et puis.. il y a les votants. Une représentante de l’Empire ne fuit pas, au cœur même de sa Cité! ». Geyos a grogné : « Blablabla… une représentante de l’empire ne sert à rien si elle est morte ou capturée! ». J’ai demandé si les gardes ne pouvaient pas intervenir mais ceux-ci étaient occupé à d’autres tâches.

Et soudain, ils sont apparus en nombre : les sèves noires. Ils entouraient Pephosse Aerus. Le maraudeur qui l’avait menacée quelques minutes auparavant était devant elle en train de ricaner : « Les légionnaires t’ont abandonnée ? Ridicule! ». On sentait qu’elle avait peur : « Non ! Ne me faites pas de mal, je suis une fonctionnaire de l’Empire ! ». J’ai tout de suite envoyé un izam à Icus pour le prévenir de la situation en espérant qu’il ne serait pas trop loin.

Puis voyant que le maraudeur s’approchait d’elle menaçant, j’ai tenté de m’interposer même si je savais que je ne pourrais pas faire grand chose face à des combattants aussi aguerris : « Laissez là tranquille! ». Il m’a regardée amusé : « Si tu veux venir partager ses geôles, tu peux. Mais tu peux aussi aller crier à l’Empereur que des maraudeurs ont enlevé une de ses fonctionnaires. Plus utile, non ? ». Je n’ai rien répondu mais j’étais prête à suivre Pephosse Aerus si ils l’emmenaient. En même temps, je regardais les autres « sèves noires » en recherchant Alric du regard. Il n’était pas là… Je trouvais çà étrange… Et puis un doute… Est ce qu’il était parti avec Anyume?

Pendant ce temps, Pephosse Aerus avait changé de regard. Je n’y lisais plus de la peur mais un petit air mystérieux : « Vous ne vous en prendriez pas à une vieille dame ! ». Elle semblait tenter de gagner du temps en proposant de négocier. Mais les maraudeurs n’en avaient pas l’intention : « Tu nous suis, ou on te force ? ». Elle a fait mine de les suivre puis elle a soudain crié : « Gaaaarrdeess ! ». Et soudain, les gardes sont apparus. Ils avaient pris position tout autour de nous discrètement et ont attaqués les sèves noires violemment. Ils n’ont eu aucun mal à les mettre en déroute.

Geyos a alors proposé de nous payer un coup à boire mais Pephosse Aerus a fait la grimace : elle devait rester sur place pour recueillir les votes. J’ai préféré rester avec elle. Geyos s’est éloigné : « Je vais vous laisser, des affaires à voir avec Pecus! Attention à toi la chauve! ». J’ai ri : « D’accord le bedonnant! ». Pephosse Aerus a froncé les sourcils : « Un peu de respect entre Patriotes ! ». Mais ni lui, ni moi ne l’étions. Elle a semblé surprise : « Oh… Pardonnez ma méprise. ». J’ai souri : « Ce n’est rien. Je ne suis pas patriote par non respect mais parce que j’ai dans l’idée de devenir un jour ranger. ». Elle a eu un petit soupire agacé : « Humpf ! Les Rangers sont des faibles qui ne veulent voir que la menace kitine ! Il y a bien d’autres menaces sur l’Ecorce ! Comme les Maraudeurs, ou … d’autres. ». J’ai tenté de m’expliquer : « Possible… mais ceux qui m’ont pris ma cousine ce sont les kitines. ». Elle a hoché la tête : « Je comprends… ». J’ai demandé un peu timidement : « Vous connaissez les rangers? ». Elle a haussé les épaules : « Evidemment.. quand on a mon âge, on connait beaucoup de monde! ».

Je n’ai pas osé poser plus de questions. Au bout de quelques minutes, elle a déclaré : « Bon et bien, s’il n’y a plus de votants, je vais rentrer moi.. toutes ces émotions… ». Je lui ai suggéré de prendre les gardes avec elle au cas où mais elle a semblé vexée : « Je n’ai pas peur ! ». J’ai souri : « Ce n’est pas une question de peur mais de prudence! ». Puis j’ai ajouté sur le ton de la plaisanterie : « Mais attention si les gardes sont comme les légionnaires, ne les invitez pas chez vous! ». Elle a répondu : « Pas de risques ! Ils saliraient tout ! ». J’ai ri : « Ils saliraient tout et boiraient tout surtout! ». Elle a souri en s’éloignant : « Allez, merci pour votre compagnie Shaakya. oren fyraï… et prenez garde aux Maraudeurs. ».

Eeri est arrivée peu après çà. Nous sommes allées forer discutant de choses et d’autres. Comme d’habitude, elle n’était jamais fatiguée alors que je tombais de sommeil. Je me suis endormie sur une couverture en la regardant forer. Je suppose que cette fois encore, elle m’a ramenée dans son lit en me portant dans ses bras. Mais j’étais bien trop épuisée par les émotions de cette journée pour m’en rendre compte.

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