En rassemblant ce que j’avais pour soigner Khaelya, j’ai ouvert son sac. Je suis tombée sur ses deux journaux intimes : celui de Khaena et celui de Killya… J’avais les deux livres entre les mains. Avais je le droit de les lire? Je les ai posé à côté d’elle sans oser les ouvrir…

J’ai trouvé quelques potions, des essences dont je ne connaissais pas l’usage, sans doute utile dans les îlots comme elle les appelait. Les pansements de ma sombre étaient déjà imbibés : elle perdait beaucoup trop de sang… Mes connaissances en soins étaient plus que limitées. Je regrettais de ne pas m’être plus intéressée que çà, à la façon de soigner les gens. Khaelya était apothicaire. Elle savait faire tout çà et elle aimait prendre soin des autres… Pourquoi ce n’était pas moi qui avait été blessée à sa place? Moi, je n’étais bonne qu’à voler et à tuer…

J’ai refait ses pansements. Elle n’a pas réagit… elle était toujours aussi faible… mais au moins elle était toujours vivante… combien de temps tiendra-t-elle? J’étais inquiète pas seulement à cause de son état mais aussi parce que le temps allait tourner au blizzard. Le campement était au milieu d’une petite plaine sans protection et Khaelya était intransportable. J’ai construit une espèce de petite cabane en neige et en peau autour de nous et du feu.

La tempête faisait rage dehors… je ne savais plus quoi faire. Mes yeux sont retombés sur les journaux intimes. J’hésitais… Puis, j’ai ouvert celui de Khaena… Au début, j’ai juste feuilleté sans oser vraiment lire. Puis je suis tombée sur la lettre qu’elle avait envoyée à Kharya sa femelle des îlots et où elle parlait de moi…

Je me souviens de notre rencontre. Mon regard avait été attiré par elle parce qu’elle me fixait avec des yeux effrayés et éberlués. Elle m’a expliqué par la suite sa frayeur d’avoir cru apercevoir un démon d’jhi. Je me suis invitée à sa table. Elle était belle magnifiquement belle… Des cheveux de la blancheur de la lune, une peau entre l’ébène et l’argenté, des yeux rouges flamboyants et des traits d’une finesse qui la faisait paraître presque fragile. J’étais déjà sous le charme. Et puis, une fois l’instant de frayeur passé, elle ne m’a pas traité en animal mais comme un être à part entière: sans condescendance et avec respect. C’est rare en Bordeciel envers les kajiits.

Nous avons parlé toute la journée puis une partie de la nuit sans pouvoir nous séparer. Elle m’a raconté avec angoisse son secret : le double esprit qu’il y avait en elle. Elle avait peur que je la prenne pour une folle. Mais étrangement, je l’ai cru. Je ne sais pourquoi. Mon instinct de kajiit sentait qu’elle était sincère. Nous avons fini par aller nous coucher chacune dans une chambre.

Mais je n’arrivais pas à dormir. Je voulais la rejoindre. Je suis entrée furtivement, sans savoir ce que j’allais faire ensuite. Elle dormait peut-être déjà? Puis, j’ai entendu cette autre voix, plus affirmée, plus rauque. C’était Killya. Est ce que Killya avait parlé de moi dans son journal intime? J’ai cherché et j’ai trouvé. Je me souviens de cette bagarre qui s’était terminée en étreinte. Je me souviens des jours qui ont suivis et de la passion qui nous avait emportée. Je n’avais pas revu Khaena. Killya s’imposant continuellement jusqu’à ce que Khaena veuille rentrer pour un évènement qui avait l’air de lui tenir à coeur : l’inauguration de la reconstruction des terres de son peuple sur les îlots. Je me souviens de leur départ. Killya était furieuse, elle voulait rester près de moi… Je me souviens du regard peiné de Khaena déchirée entre sa promesse de retourner sur les îlots et les désirs de Killya. Je n’ai pas voulu en ajouter plus à son désarroi. Je l’ai laissé partir. Mais, je n’ai pas pu m’empêcher de venir goûter un coin de ses lèvres en lui disant au revoir. Maintenant, je sais que ce baiser l’avait troublé autant que moi. J’étais amoureuse des deux femelles en elle : la passionnée Killya et la douce Khaena…

J’ai refermé les livres. Le vent hurlait au dehors et le froid me transperçait. J’ai vérifié la température de Khaelya, elle était glacée. J’ai mis toutes les couvertures sur elle et je l’ai prise dans mes bras pour la réchauffer de mon corps. La nuit allait être longue…

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