Categorie: Journaux d’Atys


Exode

Ca y était! Les grands de ce monde l’avaient décidé. L’hominité allait devoir fuir devant la menace de l’invasion de kitines que l’on appelait désormais le deuxième Grand Essaim. Les barrières installées par les Kamis et la Karavane ne suffiraient pas à endiguer le flot des créatures. Les kitines étaient déjà là aux portes de Pyr tentant de percer la défense. Tous les peuples avaient réussi à s’entendre. Seule la faction du clans des maraudeurs avait refusé de fuir préférant lutter contre l’invasion.

Tous les homins devaient se retrouver à Pyr, où le chemin de l’exode, nous mènerait à l’oasis secrète des Kamis. De là, un « arc-en-ciel » devrait nous transporter jusqu’aux anciennes terres. Pour le moment, il fallait participer à l’effort en aidant au rapatriement des mektoubs de ceux qui le souhaitaient vers Pyr.

Sylve avait trois mektoubs à rapatrier de Dyron vers Pyr. Nous allions l’escorter ainsi que tous ceux qui avait laissé leurs montures là bas. Finalement, moi aussi, j’allais un peu faire ma route de l’eau… Même si j’aurais préféré d’autres circonstances. La route s’est assez bien déroulée. J’ai juste été blessée par une goari alors que j’étais en queue de peloton. Heureusement, Eeri et Sylve m’ont vue en difficulté et sont revenues sur leurs pas en appelant les autres à l’aide. Ce petit incident m’a fait comprendre bien malgré moi que la position la plus sécurisée était au milieu de la troupe et non à ses extrémités.

Quelques jours plus tard, c’était l’heure du départ. Glorf nous a fait un discours :
« Légionnaires ! Ce soir nous ne connaîtrons pas la peur !
Légionnaires ! Ce soir nous ne connaîtrons pas la crainte !
Légionnaires ! Ce soir notre bras sera puissant !
Légionnaires ! Ce soir nous ne faillirons pas !
Légionnaires ! Ce soir nous connaîtrons l’espoir !
Légionnaires ! Ce soir nous nous battons pour tout ce que nous avons toujours défendu !
Légionnaires ! Ce soir nous nous battrons comme un seul homin face à ces insectes !
Légionnaires ! Ce soir nous montrerons à l’écorce la puissance du sharük !
Légionnaires ! Notre nom ne sera pas oublié !
Légionnaires ! Que la flamme des Légions brûle à tout jamais dans le désert et que nous ne soyons pas qu’un nom dans un manuel d’histoire
Force et Gloire Légionnaires ! »

Ce discours qui avait galvanisé les autres légionnaires m’a fait froid dans le dos. « Nous ne connaîtrons pas la peur »? j’étais terrifiée. « Notre bras sera puissant! » ? Je savais que j’étais la plus faible du groupe et que j’étais incapable de faire ne serait ce qu’une égratignure à une kitine… Il me restait l’espoir… l’espoir de voir cet arc-en-ciel et que tous mes amis soient là avec moi pour le prendre.

Je me suis laissée entraîner à l’entrée de Pyr. J’étais impressionnée par le si grand nombre d’homins présents… Moi qui détestait la foule j’étais servie. Je cherchais Morandy et Eeri du regard. Ils étaient là non loin de moi. Il fallait que je reste près d’eux coûte que coûte. Nous avons formé des équipes, j’étais dans celle de Morandy et Eeri dans celle de Glorf.

J’ai sorti Ganesh de son étable. Je me sentais perdue dans ce brouhaha incessant. Puis les premiers rangs ont commencé à se mettre en mouvement. J’ai suivi. Je n’avais de toutes façons pas le choix poussée par la foule derrière moi. J’essayais de rester au contact de Morandy et puis je l’ai perdu de vue. J’ai cherché Eeri du regard. Elle non plus n’était plus là. Le convois s’est soudain arrêté.

Puis j’ai entendu Glorf beugler de le rejoindre pour ne pas laisser l’empereur Fyros sans garde rapprochée. J’ai compris que la longue file des exilés avait été séparée en deux. J’étais devant avec la première tandis que Glorf et les autres étaient restés en arrière. Que devais je faire? Les rejoindre au risque de traverser une longue zone sans aucune protection ou rester à les attendre? Ne les voyant pas arriver, j’ai tenté le tout pour le tout en retournant en arrière. Au moins, si je devais mourir, je serais moins loin d’eux…

C’est au détour d’une dune que j’ai failli entrer en collision avec l’Empereur Fyros lui-même : Dexton. Les légionnaires l’entouraient. J’ai poussé un soupire de soulagement : ils étaient tous là. Nous avons rejoint le deuxième convois, le dépassant même pour aller en première ligne sous l’impulsion de l’Empereur. La première partie du voyage dans les dunes s’est déroulé sans vraiment de problème. Les pauvres bestioles qui tentaient de s’attaquer à la marée homine étaient laminées. Mais nous savions que le plus dur rester à venir : la traversée du couloir brûlé.

Nous les avons vu devant nous elles étaient là bloquant le passage vers l’oasis Kami, semblant nous attendre. Un énorme rassemblement de kitines menaçantes. Il n’y a pas eu de réflexion. A quoi bon? C’était le seul passage. Avec un courage désespéré, l’hominité a chargé droit devant, fonçant dans la masse compacte de dards, de pinces et de mandibules acérées. Cette fois, je suis restée au contact des autres légionnaires, leur lançant continuellement des dons de sèves ou de vies. Je faisais de mon mieux pour être leur soutient et non pas une charge. J’essayais de rester non loin de la paroi de la falaise, évitant ainsi de me faire surprendre par l’arrière. Et puis j’ai entendu l’annonce : l’Empereur Dexton était tombé. Il gisait mort. C’était la stupéfaction. Pourquoi n’arrivions nous plus à le ressusciter malgré tous nos essais?

C’est quand j’ai regardé autour de moi que j’ai compris… De l’immense foule du début, il ne restait plus que la moitié. Les corps homins gisaient tout autours de ceux qui étaient encore debout. La terre brûlée se gorgeant de leur sang. L’horrible vue des kitines dévorant les nôtres était insoutenable. Le bruit de leurs mandibules broyant leurs os m’a donné la nausée. Les résurrections n’étaient plus possibles, les kamis avaient été débordés par les si nombreuses morts en si peu de temps… Ils n’arrivaient plus à régénérer la graine de vie des homins.

Et puis Glorf est passé de la stupeur à la rage s’enfonçant dans les troupes ennemies, comme inconscient du danger. Lui qui avait été si proche de son Empereur ne pouvait supporter sa mort. Nous n’avions d’autres choix que de le suivre pour ne pas qu’il succombe lui aussi ouvrant ainsi un chemin aux travers des kitines.

Nous étions presque en vue de l’oasis quand une masse jaunâtre s’est précipitée sur moi. Un troupeau de shalahs sans doute paniqués avait foncé droit devant, piétinant tout sur leur passage, pour échapper aux combats que se livraient les homins et les kitines. Mes os se sont brisés sous leur masse. J’ai senti mon esprit s’échapper de mon corps… Je le voyais comme si mon esprit était suspendu au-dessus de lui. Est ce que j’allais mourir moi aussi comme l’Empereur Dexton et tous les autres? j’ai été envahie par la panique, attendant que quelqu’un m’offre un peu de sa vie…

Et puis Morandy est arrivé. Il m’a relevée. Je l’ai remercié par un sourire et j’ai regardé autour de moi. Je n’étais pas la seule à être tombée sous la charge des shalahs. Eeri se relevait elle aussi difficilement. Et puis, j’ai vu Ganesh… Il avait été piétiné, le mektoub de Eeri également. Nous les regardions toutes deux un peu abasourdies. Je me souviens qu’Eeri a demandé si il était possible de redonner vie à son mektoub. La réponse était négative. Je m’en voulais. Pourquoi l’avais je pris avec moi, alors que ce voyage était si dangereux. J’aurais du lui rendre sa liberté à Pyr… Au moins, il serait encore en vie.

Mais, il fallait continuer, le passage au travers des kitines se refermaient. Nous devions soutenir les combattants encore et encore. L’épuisement faisait ressentir ses effets. Je n’arrivais plus à suivre ne sachant plus à qui je devais offrir ma séve ou ma vie. Alors, je me suis concentrée sur les deux seules personnes que je ne voulais pas perdre : Eeri et Morandy.

Et puis, j’ai entendu Sylve crier « à l’oasis, à l’oasis!!! ». L’entrée était là à quelques pas. J’ai vu Eeri passer la barrière de pierres. J’ai souri un peu tristement, elle au moins était sauve. J’ai cherché Morandy. J’avais cru qu’il me suivait. Il n’était pas là… Je suis revenue sur mes pas en courant en l’appelant d’une voix angoissée : « Morandy! ». Il a crié lui aussi mon nom me permettant de le distinguer dans la masse des kitines qui l’entourait. Il était sur le point de défaillir. Mais il était loin, il a fallu que je m’approche au plus près des monstrueux insectes pour offrir de ma vie encore et encore…

J’entendais les cris d’appels à la retraite mais il était hors de question que je laisse Morandy. Quel sens aurait ma vie ensuite si je l’abandonnais au milieu des kitines? J’offrais ma vie et ma sève pour lui sans penser à autre chose que le sauver. Et puis, il est apparu réussissant à sortir de la masse. Je lui ai souri rassurée. Il m’a rendu mon sourire. Et puis son expression s’est soudain changée en peur et il a couru vers moi. De quoi avait il peur? Puis, j’ai compris qu’il regardait derrière moi. Je n’ai pas eu le temps de me retourner. Morandy m’avait poussée sur le côté mais j’ai senti le dard de la créature me transpercer le flanc, laissant une partie de son poison. Je suis tombée à genoux. Morandy avait lancé sa lance en avant prenant tous les risques transperçant lui aussi la kitine de part en part mais la bête avait déjà ressorti son dard de mon corps pour le lancer vers celui de son attaquant, l’enfonçant profondément dans son ventre avant de s’effondrer.

Morandy est tombé en arrière près de moi. Je me suis traînée près de lui. Tout n’était que brouillard, le poison envahissait mon sang. Mais, je voulais être à ses côtés. Est ce que quelqu’un était encore là pour nous sauver? Les kitines s’étaient détournées de nous poursuivant les derniers homins qui s’enfuyaient vers l’oasis. Je savais que Eeri était sauvée, Sylve également… Mais tous les autres? Où étaient Glorf, Dinomir, Rizel et Reen? Où était Lurtz qui était sorti de sa retraite pour combattre? Il n’y avait plus que nous ici, d’autres blessés qui gémissaient de douleur et tous ses morts. Je ne voulais pas entendre encore une fois l’horrible son que faisait les mandibules qui broyaient les os des homins, ni entendre les hurlements de ceux qui étaient dévorés vivants…

J’ai capté le regard de Morandy m’enfermant dans une bulle où il n’y avait plus que nous deux. Nous nous sommes pris la main matérialisant ainsi pour la première fois physiquement le lien qui nous unissait. Sa main était si douce et si chaude… Pourquoi n’avais je pas osé la prendre dans la mienne avant? Nous nous sommes souris. Nous savions tous les deux que nous allions mourir, le poison nous envahissait irrésistiblement. Sa blessure était bien plus profonde que la mienne… il allait mourir avant moi… Je serrais sa main, je ne voulais pas qu’il me laisse. Il semblait comprendre mon angoisse même si aucun mot n’avait été échangé. Il a embrassé ma main et m’a dit dans un murmure qu’il m’aimait. Je n’arrivais pas à répondre : ma gorge était bien trop nouée pour çà. Je n’ai réussi qu’à lui offrir un sourire retenant mes larmes de douleurs. Je ne voulais pas que la dernière image qu’il voit soit celle d’une homine en pleurs.

Ses yeux se sont fermés, sa main s’est faite flasque dans la mienne, mes larmes ont commencé à couler le long de mes joues. Je me suis allongée près de lui, me blottissant contre son cou. J’espère juste que je serais morte quand les kitines reviendront…

Shaakya

Je me nomme Shaakya. Je suis une fyros.

J’ai été élevée par les parents de ma cousine Kyshala quand les miens sont morts dans un accident. Ils étaient mineurs comme ceux à qui on a reproché d’avoir déclenché le Grand Essaim. Le travail était dangereux, ils le savaient. Mais les risques pris étaient compensés par la qualité de l’ambre découvert. Mais cette fois là, la racine qu’ils tentaient de retenir a cédé, les tuant sur le coup. Mon oncle, mineur lui aussi, m’a ramené dans sa famille.

Au début, j’étais une petite enfant sauvage, rebelle et douloureuse. Kyshala plus âgée que moi a su m’apaiser et m’apprivoiser. Je lui en ai voulu quand elle est partie à la surface. Mais, je savais que la vie dans les profondeurs lui pesait. Elle avait besoin de sortir de ce sentiment d’enfermement et de découvrir autre chose.

Les années se sont écoulées. Elle m’envoyait régulièrement des messages. Et puis, des incidents ont commencé à se produire. De plus en plus souvent, même dans les profondeurs, il arrivait de croiser des Kitines. Le père de Kyshala s’est fait tué par un de ces éclaireurs isolés. Et puis, il y a huit ans maintenant, les aventuriers sont revenus délaissant les nouvelles terres à la voracité des kitines… Du moins ce qu’il en restait. Ils avaient dû fuir empruntant un arc-en-ciel, la plupart était horriblement mutilés, très peu étaient indemnes.

La mère de Kyshala était une soigneuse. Elle soignait continuellement les nouveaux arrivants jusqu’à la limite de l’épuisement. Je passais mon temps à surveiller l’arrivée de Kyshala mais comme tant d’autres, elle n’est jamais revenue. Le flot des arrivants s’est tari plus personne ne venait. L’arc-en-ciel s’est refermé. Kyshala n’était pas là…

Sa mère a fini par retrouver une rescapée des légions Fyros : Eeri. Celle-ci était dans un état terrible. Quand on lui a demandé si elle connaissait Kyshala, elle a eu une expression douloureuse. Elle nous a expliqué que quand elle s’était rendue compte que son amie ne l’avait pas suivie dans l’abri de l’oasis secrète des Kamis, elle était retournée au delà de la barrière de protection. Elle n’a pas retrouvé son corps sans doute dévoré par les kitines. Il ne restait d’elle que son cube d’ambre.

Adolescente en rebellion continuelle, j’étais furieuse et pleine de rage, j’ai du traiter Eeri de tous les noms, lui reprochant de ne pas avoir sauvé ma cousine. La mère de Kyshala m’a giflé, me faisant taire. Je l’ai regardé stupéfaite. C’était la première fois qu’elle le faisait. J’ai vu la douleur sur son visage qui ressemblait tellement à la mienne. Mais, je n’ai pas voulu pleurer devant Eeri et je me suis enfuie.

J’ai fugué pendant des semaines, refusant de retourner auprès de celle qui m’avait élevée comme sa propre fille. Quand je me suis décidée, à revenir. C’était trop tard… Ma mère adoptive était morte d’épuisement d’avoir tant soigner les siens et sans doute, parce qu’elle n’avait plus envie de lutter. J’ai vu son corps qu’on emmenait au bûcher. Je crispais les mâchoires refusant de me laisser aller.

Et puis j’ai senti qu’on m’observait. C’était Eeri. Je lui ai lancé un regard haineux. Elle m’a fait signe de la rejoindre. Je me suis enfuie refusant la main qu’elle me tendait. Connaissant parfaitement, les recoins secrets des racines, je n’ai eu aucun mal à lui échapper malgrè ses tentatives pour m’attraper.

J’ai erré pendant plusieurs mois avec les gamins des rues : des orphelins comme moi dont on ne savait plus quoi faire. Ils étaient si nombreux, il y avait eu tellement de pertes homines. L’adolescente que j’étais, était heureuse d’être libre sans contrainte même si la faim me tenaillait parfois. Pourtant le soir, il m’arrivait de pleurer : le manque de chaleur homine, l’indifférence de certains, la violence et la cruauté des autres étaient une souffrance quotidienne.

Je regardais certains de mes compagnons d’infortune tentés par l’appel de la Goo… Les yeux émerveillés qu’ils avaient… Tout semblait plus facile avec cette substance. J’ai voulu essayer moi aussi. J’avais ma première boulette de Shooki gavée de Goo entre les mains. Je la regardais en me demandant si j’allais y goûter ou pas… Je savais qu’elle rendait dépendant mais je voulais juste ressentir un peu de bonheur même artificiel…

Une gifle monumentale m’a sortie de mon indécision, balançant au loin la boulette mauve. Eeri était là devant moi, pleine de rage contenue : « Kyshala ne serait pas fière de toi! ». Qu’est ce qu’elle en savait d’abord? Je me suis jetée sur elle pour la frapper. Mais que peut faire une adolescente face à une légionnaire aussi expérimentée. Elle m’a pris par le col me traînant jusqu’à une taverne, me jetant presque sur un tabouret et me mettant une choppe de bière de Shooki sous le nez : « Bois! ». Je l’ai regardé avec défi et j’ai bu d’un trait la choppe. Elle m’en a resservi une… ou plusieurs… je ne sais plus…

Je ne me souviens plus grand chose de cette soirée. Je suppose que j’ai du déverser toute ma rancoeur contre elle et tous ses légionnaires qui m’avaient pris ma cousine. Je crois aussi que j’ai beaucoup pleuré : la douleur de toutes les pertes que j’avais subi s’exprimant enfin. Le lendemain, un seau d’eau glacée m’a réveillée en sursaut : « Debout! ». J’ai regardé Eeri, éberluée par ce traitement qu’elle m’infligeait : « J’ai besoin d’une partenaire d’entrainement, et tu feras l’affaire, à défaut d’autres… ». Je la fixais incapable de comprendre, la tête dans un étau et la bouche pâteuse. Nous avons couru longtemps, jusqu’à mon épuisement complet. Je pensais que ce serait tout mais après çà a été l’entrainement au combat. Je suis retombée sur ma couche le soir exténuée sans même avoir mangé.

Le lendemain, çà a recommencé encore et encore. Je ne cherchais plus à lutter. J’encaissais ce qu’elle me faisait subir. Je savais qu’elle le faisait uniquement pour me sortir de mon état dépressif : la douleur du corps faisant oublier la douleur de l’âme. Mais, je suppose que cela lui faisait du bien à elle aussi qui avait perdu la plupart de ses amis légionnaires.

Les années ont passé. J’étais devenu adulte et bien plus apaisée que je n’avais été durant mon adolescence tourmentée. Eeri et moi étions devenues des amies. J’avais même adopté sa coiffure : les cheveux coupés au ras du crâne. Mais j’avais opté pour un tatouage couleur sang comme une marque des souffrances que j’avais subies.

Eeri ne m’avait jamais cachée qu’elle souhaitait faire renaître la Légion Fyros et reconquérir les terres perdues. Elle allait retourner à la surface. Elle m’a observée : « tu veux venir? ». Evidemment que je voulais venir : Eeri était devenue ma seule famille et je voulais suivre les pas de Kyshala. Et si je pouvais tuer quelques Kitines pour la venger, ce serait encore mieux. Eeri a eu un petit sourire.

Nous avons fait notre paquetage contenant nos maigres richesses et nous nous sommes mises en route.

Silan

Nous sommes arrivées à Silan qui était toujours le premier point d’ancrage des aventuriers à la surface. Eeri trépignait d’impatience de retourner à Pyr. Certains des légionnaires recrutés y étaient déjà. Après m’avoir entièrement équipé, elle a apposé un écusson des Légions Fyros sur l’armure qu’elle m’avait offerte sans vraiment me demander mon avis. J’aurais pu refuser mais je ne l’ai pas fait. Elle m’avait formée durant toutes ces années pour çà et je n’avais pas l’intention de la laisser réaliser son rêve de renaissance des légions fyros et de reconquêtes des territoires perdus d’Atys sans moi.

Elle m’a présentée à un nouveau légionnaire, un mâle fyros magnifique aux cheveux blonds roux : Ywan. Je suis tombé sous le charme tout de suite. Il était souriant, aimable et toujours prêt à rire. Eeri est partie pour Pyr nous laissant seuls avec un petit sourire en coin. Se doutait elle qu’Ywan me plaisait déjà ? En tout cas, j’étais heureuse de ne pas être seule pour mon apprentissage de la vie à la surface d’Atys.

Avec Ywan, nous avons découvert avec surprise que ma cousine Kyshala et son oncle Morandy se connaissaient. Ayant lu le cube d’ambre de Kyshala, je savais qu’ils avaient entretenu une relation d’une grande complicité. Peut-être aurait elle dérivée jusqu’à de l’amour si les kitines leurs en avaient laissé le temps ? Mais je n’ai pas osé en parler à Ywan. Nous nous sommes rendus aussi compte que nous faisions les mêmes rêves à leur propos : ils étaient enfermés dans une pièce sombre et appelaient quelqu’un. Pour Ywan, le nom que semblait appeler Morandy était celui de Kyshala. Tout ceci nous paraissait tellement étrange, mais que pouvions nous faire?

Nous avons commencé notre apprentissage auprès des instructeurs mais à vrai dire sans grande assiduité. Libérés de la pression des officiers légionnaires tous partis à Pyr, nous en profitions souvent pour paresser sous un champignon en parlant de choses et d’autres. Parfois, nous nous promenions montant sur les promontoires les plus hauts pour profiter de la vue. J’étais assez fière quand je lui ai fait découvrir la jungle de Silan qu’il ne connaissait pas. Il est vrai que le passage pour s’y rendre était difficilement visible et qu’il fallait savoir nager. C’est là que nous avons découvert nos premières kitines. Nous les avons massacrées avec beaucoup de plaisir comme une vengeance que nous offrions à Kyshala et Morandy.

Les jours ont passé. Nous passions tout notre temps ensemble. Ils nous arrivaient même parfois de nous endormir dans les bras l’un de l’autre comme deux enfants en manque d’affection. Pourtant, j’avais parfois l’impression d’imposer ma présence à Ywan. Je le laissais parfois seul pour ne pas qu’il me trouve trop envahissante ou collante mais il finissait toujours pas me réclamer pour ma plus grande joie. Ayant pris un peu d’avance sur lui en artisanat, je lui ai demandé un jour qu’elle était son arme préférée. Il m’a déclaré aimer combattre avec une pique. Je me suis alors empressée de trouver le plan de fabrication de cette arme auprès de l’instructeur et les meilleurs matériaux sur le marché. J’ai fabriqué pour lui ma première pique. Elle n’était pas très jolie, un peu cabossée par endroit mais elle était assez efficace pour taquiner des créatures. Quand je l’ai offerte à Ywan, il a paru très heureux. Il a même montré sa pique fièrement à un homin avec lequel il avait sympathisé.

Eeri a fini par nous contacter pour nous demander quand nous allions venir à Pyr. Nous lui manquions disait-elle. A vrai dire, elle me manquait à moi aussi. Mais il nous restait une dernière chose à faire sur Silan : vaincre le kirosta qui se terrait au fond de la jungle. C’était comme un rite de passage. Ceux qui avaient terrassé le kirosta étaient près à quitter Silan. Nous savions qu’à deux nous aurions un peu de mal à y parvenir. Aussi, nous nous sommes alliés à d’autres homins, empressés comme nous de vaincre la Bête. Nous y sommes parvenu sans vraiment trop de mal même si j’ai eu une frayeur quand j’ai vu Ywan s’effondrer. J’ai repensé à Kyshala qui n’avait plus eu de sève pour sauver Morandy quand ils ont été transpercés par cette kitine… J’ai chassé ces idées noires de ma tête et je l’ai soigné en espérant que jamais je ne vivrais ce qu’elle avait vécu lors de ce jour funeste. Le kirosta a fini par s’effondrer sous les coups.

Ywan et moi, nous nous sommes souris : nous étions prêt à partir pour Pyr.

Réveil brutal

Nous étions tout joyeux d’arriver à Pyr. Malgré notre épuisement, nous n’avons pas pu nous empêcher d’aller taquiner quelques Shookis devant les portes de la ville. Mais tellement empressés, nous faisions un peu n’importe quoi attaquant chacun une créature sans faire attention de prendre soin de l’autre. Nous avons alors failli succomber sous leur riposte collective. Ça nous a bien fait rire. Nous avons fini par nous trouver un coin pour la nuit. Ywan a basculé très vite dans le sommeil à mes côtés.

Mais, moi, je n’arrivais pas à m’endormir. Alors, je suis montée en haut d’une dune. Je respirais enfin l’air chaud du désert Fyros et plus cette odeur de moisissure des champignons de Silan. Je regardais l’immensité désertique en me disant que j’étais enfin chez moi. Je suis retournée me coucher près d’Ywan avec un sourire aux lèvres.

Le réveil a été brutal. Un « cal i selak » tonitruant a retenti près de moi, le chef de notre guilde Icus me saluait avec la salutation des légionnaires : le fameux « Force et gloire » en fyros. Ywan n’était plus là. Les yeux encore embués de sommeil, j’ai regardé éberluée les légionnaires entourer notre chef. Et c’était parti : la légion se mettait en ordre de bataille!

Les jours qui ont suivi, n’ont été que entraînements intensifs à n’en plus finir et de longues expéditions… encore et encore… Je croisais Ywan que pendant de brefs instants de répits. Eeri n’était pas souvent là, elle non plus. De nouveaux arrivants venaient tous les jours gonfler les rangs de la légion. Je me sentais perdue, ne sachant pas où était ma place. Moi qui avait pourtant déjà eu droit à l’entrainement des légionnaires avec Eeri dans les profondeurs, je me sentais complètement abrutie par ce traitement de choc. J’avais rêvé d’aventures, de découvertes et de grands espaces mais je me retrouvais comme oppressée par la pression que m’infligeait l’entrainement de la légion.

Toutefois, les moments que je préférais étaient les expéditions mais Ywan n’était pas là pour les partager avec moi. J’étais pourtant tellement heureuse de découvrir la taverne de Thesos où Kyshala était venue… Mais, nous nous sommes à peine arrêter. Il fallait déjà repartir cette fois pour Yrkanis la capitale des matis. Tout c’est fait au pas de course comme toujours… Un jeune fyros nous a suivi profitant de la force de frappe des légionnaires en mouvements. J’ai à peine vu les primes racines…Nous étions déjà dans les forêts pleines de champignons du pays matis. A un moment, quelqu’un a crié que le dernier arrivé à la taverne était un bébé matis: insulte suprême pour un fyros. La troupe s’est disloquée chacun courant le plus vite possible pour ne pas arriver dernier. Pour ma part, ne sachant absolument pas où se situait cette taverne, j’ai suivi Eeri. La connaissant, je savais qu’elle pouvait sentir l’odeur d’une taverne à dix kilomètre à la ronde. Mais au final, personne n’est allé là bas. La troupe s’est retrouvée devant l’intendante matis. Le but était de l’agacer le plus possible en refusant la citoyenneté matis. Au début, je trouvais le jeu amusant mais à force, je n’aimais pas ce manque de respect même envers une matis. Et quel était l’intérêt pour la guilde de se mettre déjà à dos les matis, je ne comprenais pas… Je me sentais une fois de plus en total décalage avec ce que j’avais pensé vivre ici. Heureusement, Eeri m’a déclaré par télépathie qu’elle trouvait elle aussi que tout ceci était exagéré. Elle considérait qu’elle avait bien l’intention de se servir de matis pour au moins leur pomper leurs dappers. Elle préférait donc garder des relations neutres avec eux. Au final, je suis retournée par téléporteur à Pyr complètement dépitée, oubliant de prendre un pacte pour pouvoir retourner à Yrkanis…

Les jours passaient. Ywan était toujours aussi absent. Eeri, en tant qu’officier, avait bien d’autres choses à s’occuper que de moi. Je me sentais très seule… Heureusement, j’ai rencontré une petite tryker Lyouna qui était venue s’installer à Pyr. Elle était enthousiaste et je l’ai aidé du mieux que j’ai pu. Elle a fini par vouloir intégrer les légions fyros, elle aussi… Je n’étais pas très enthousiaste pour qu’elle le fasse mais elle semblait tellement y tenir que j’ai donné un avis favorable à sa candidature. Elle m’a sautée au cou pour me remercier après que notre chef Icus lui ait remis son écusson de la légion.

Et puis, j’ai revu Ywan. Il semblait déprimé. Il n’avait plus envie de rien. Je crois qu’il pensait que tout serait facile, qu’il suivrait les traces de son oncle Morandy et qu’il deviendrait un grand magicien et un grand foreur comme lui. Mais la réalité était tout autre. Il était un jeune légionnaire débutant et même si il apprenait bien plus vite que moi, Atys ne faisait aucun cadeau à qui tentait de la défier… Il s’est endormi près du téléporteur kami de l’oasis d’Oflovak. Je l’ai quitté avec la gorge serrée… Allait il repartir et retourner dans les profondeurs?

Première réunion des légions fyros

Une nouvelle fois, j’ai été réveillée en sursaut d’un sommeil sans rêve. Icus appelait les légionnaires à la première réunion des nouvelles légions fyros.

C’est encore à moitié endormie que je me suis rendue dans notre hall de guilde. J’étais une des dernières à arriver et pourtant je savais où se situait notre immeuble contrairement à ceux arrivés après moi. Comme disait Icus, ce n’était pas difficile : c’était l’immeuble de guilde le plus proche de la taverne. Je me suis assise près de la porte en oubliant de saluer les présents. Eeri m’a fait un petit signe de la main auquel j’ai répondu avec un vague sourire. Si j’avais pu, je me serais assise près d’elle mais Kralis et Guyzion, l’entourait déjà. J’ai regardé un peu tristement l’assemblée : Ywan n’était pas là…

La réunion a commencé rapidement sous la direction d’Icus. Il allait nous falloir des uniformes. Depuis toujours, la légion arborait fièrement une armure fyros lourde rouge. Seuls certains anciens légionnaires, parmi ceux qui avait survécu au deuxième grand essaim avaient encore leur uniforme. Mais pour fabriquer des armures, il fallait des ingrédients. Un rendez-vous a été pris à Thesos pour organiser une récolte.

Puis, des expéditions allaient être à nouveau organisées pour Yrkanis, Zora et Fairhaven. Ceci afin de permettre à tous les légionnaires d’avoir accès aux télé-porteurs des capitales.

Depuis toujours la guilde avait été plutôt kamiste, mais cette fois, Icus semblait dubitatif sur cette orientation « religieuse ». Il semblait préférer une position plus neutre. Mais, l’avantage d’être dans les bonnes grâces des kamis, permettait d’avoir accès à leurs télé-porteurs. Toutefois, on entendait de plus en plus de rumeurs concernant la future apparition de télé-porteurs qui n’appartiendraient ni aux kamis, ni à la Karavane. La guilde allait restait neutre en attendant de plus amples informations.

Puis, les artisans de la guilde ont été choisis chacun avec une spécialité. Pour finir, les trois postes à responsabilité ont été distribués : Icus a conservé son rôle de chef, Maltor est devenu l’intendant et Eeri a été désignée diplomate. Ça m’a fait sourire : elle qui traînait dans les tavernes allait devoir apprendre à être sérieuse. Quoique comme elle le disait, la diplomatie pouvait commencer à la taverne!

La réunion s’est terminée. Je n’avais pas vraiment participé à part pour répondre aux questions qui étaient posées à tous. Je me sentais trop débutante parmi tous ses habitués de la surface. J’allais m’en aller quand Eeri m’a rattrapée pour me demander si je voulais quelque chose dans le hall de guilde. J’ai parlé de mes amplificateurs qui étaient devenus trop faibles pour les sorts que j’arrivais désormais à lancer. Elle m’a alors sorti un amplificateur correspondant à mon niveau de mage.

Après l’avoir remerciée, j’allais partir quand elle m’a demandé si je voulais faire quelque chose. J’étais heureuse : Eeri avait enfin un peu de temps pour moi. Nous sommes alors parties à la chasse aux bandits et aux créatures dangereuses pour sécuriser les alentours de Pyr à la demande d’un sergent de la garde. A vrai dire, c’était aussi pour gagner un peu de dappers qui étaient désormais si difficiles à gagner.

Ce soir là, je me suis endormie un peu rassérénée par la présence souriante et joyeuse de celle qui avait pris soin de moi après la mort de Kyshala.

La légion à la taverne

Je commençais à m’habituer à l’absence d’Ywan. Mais ce jour là, il est apparu. Et il semblait un peu plus motivé que la dernière fois où je l’avais croisé. Nous commencions à nous organiser pour trouver une activité quand Icus a demandé à tous les présents de se rendre à la fontaine de Pyr pour parler « recrutement ».

Ne sachant pas très bien ce qu’il voulait dire par là, nous nous sommes rendus sur place avec curiosité. Y avait il de nouveaux légionnaires à recruter? Voulait il nous parler d’une méthode de recrutement? Arrivés sur place, il n’y avait aucun nouveau légionnaire… J’ai commencé à soupçonner un coup fourré : Icus, allait-il nous demander de nettoyer les latrines de la guilde? Ywan s’est gentiment moqué de moi : Icus ne pouvait pas nous demander çà puisque nous étions des officiers. Je l’ai regardé un peu dubitative. J’étais un officier, moi ? Mais, il avait raison Icus avait nommé officier tous les actuels membres de la guilde. Pour moi, cela ne signifiait donc pas grand chose puisque si tout le monde était officier, Icus pouvait très bien nous demander de nettoyer les latrines. Ywan a finalement approuvé mes paroles en souriant.

Un fyros brun est alors apparu. Il avait fait sa demande d’intégration récemment et se nommait Acheran. J’ai poussé un soupir de soulagement, rassurée d’échapper à une corvée rébarbative. Icus a apposé solennellement l’écusson de la guilde sur l’armure d’Acheran après que celui-ci est juré fidélité à l’empire Fyros. Tout le monde l’a alors salué d’un « cal i selak » tonitruant. Puis quelqu’un a déclaré que les nouveaux devaient payer un verre à la taverne aux anciens. J’ai soupçonné Eeri d’être à l’origine de cette demande… Acheran a regardé son porte dappers avec angoisse, alors que tous l’entraînaient comme un seul homin dans la taverne de Lydix.

La fête a alors débuté. Mais alors qu’on en était encore à distribuer les verres, Icus a fait venir une deuxième candidate : Sifydia. Elle aussi a été intégrée officiellement à notre guilde. Deux recrutement dans la même journée, c’était beaucoup. J’ai regardé autour de moi et je me rendais compte que je ne connaissais pas tous les légionnaires présents. La guilde était en train de grandir très vite.

Pendant qu’Icus continuait son discours d’intégration, j’ai eu envie d’embêter un peu Eeri. Je me suis dirigée le plus discrètement possible vers le bar avec l’intention de lui subtiliser son verre. Mais, elle me connaissait bien. J’ai à peine eu le temps de faire la moitié du chemin qu’elle a couru jusqu’au bar pour récupérer son verre et le boire d’un trait. Je me suis moquée d’elle en affirmant qu’elle avait eu peur que je lui prenne.

Puis, j’ai pris deux verres et je me suis dirigée vers Ywan. Il m’avait avoué il y a peu qu’il n’avait jamais mis les pieds dans une taverne… J’étais restée stupéfaite. J’en avais même parlé à Eeri par télépathie ce jour là. Elle avait trouvé çà assez amusant je crois que moi qui finissait souvent mes soirées dans les tavernes puisse être amie avec un sage fyros qui ne buvait pas. J’ai offert un des deux verres à Ywan. Il l’a pris en le regardant avec appréhension. Il l’a même senti, légèrement angoissé. Et puis soudain, il l’a bu d’un trait. Je l’ai regardé ébahie. Sachant qu’il n’était pas habitué à l’alcool, j’avais peur que cela lui tourne la tête. Icus est alors arrivée derrière moi en me donnant une grande claque dans le dos manquant de me faire écrouler par terre : « C’est comme çà que les légionnaires boivent! ». J’étais assez d’accord en temps normal mais je m’inquiétais de l’effet que çà pourrait avoir sur Ywan lui qui n’en avait pas l’habitude. Mais à vrai dire, il a semblé assez bien supporter.

Dans le fond de la taverne, j’ai soudain aperçu Archlongine, la grande zoraï bleue de notre guilde partageant un calumet rempli d’une substance inconnue mais que j’avais très envie d’essayer. J’ai rejoint le cercle qui avait commencé à se former.

Le calumet passait de main en main. Ça a été à mon tour de goûter à cette drôle de substance dont les zoraïs avait le secret. Ils s’en servait la plupart du temps pour entrer en transe dans une sorte de rite religieux. Dans notre cas, il s’agissait surtout d’un moyen artificiel de s’évader. Au début, je n’ai rien ressenti de particulier. Puis, j’ai vu Ywan tomber de sommeil comme une masse. Le mélange alcool et fumée hallucinogène avait eu raison de lui. J’avais une sensation d’apesanteur assez agréable, comme si je flottais dans l’air.

Eeri s’est levée proposant une chasse à Zora. J’ai du la regarder avec un air stupide, ne comprenant pas tout ce qu’elle disait sur l’instant. Beaucoup ont alors quitté la taverne pour la suivre. Je n’avais de toutes façons pas de pacte pour Zora. Je suis restée pour profiter un peu plus du calumet. Soudain, j’ai entendu une voix derrière moi : c’était Eeri qui était revenue pour m’offrir des catalyseurs. J’ai souri stupidement l’esprit embrumée mais heureuse qu’elle prenne encore soin de sa petite Shaakya. J’ai voulu lui sauter dans les bras pour l’embrasser mais elle a disparu… Du coup, je ne sais si elle était une hallucination ou non. Puis, j’ai soudain vu une immense fyros toute bleue passer devant moi… J’ai crié ce que j’avais vu sur le canal de guilde. J’avais les yeux écarquillés mais la fyros bleue a disparu… Après coup, je crois que j’avais en fait juste vu Archlongine quitter la taverne.

Je sentais que mon état était anormal. Je me suis alors dirigée péniblement en me cognant partout vers la fontaine de la place. J’ai plongé ma tête dedans, risquant de me noyer et me relevant de justesse pour ensuite m’écrouler à côté de la fontaine incapable de bouger. Je crois que j’ai du reparler à Eeri qui devait me trouver très drôle. Je l’ai traitée de « vilaine » pour ne pas avoir voulu « mon bisou » et pour m’avoir trop fait boire, surtout que le bruit de l’eau de la fontaine qui coulait avait tendance à me donner envie de « faire pipi »… Elle a éclaté de rire. J’ai compris alors que je racontais n’importe quoi même si j’aimais assez l’entendre rire de mes bêtises. Je me suis finalement écroulée de sommeil dans la rue juste en face de la taverne.

Nouvelle expédition à Yrkanis

A peine éveillée, Eeri m’a proposée de la rejoindre pour faire le « tour des bandits » d’Oflovak comme elle l’appelait. J’ai accepté tout de suite même si j’avais la bouche pâteuse suite à la soirée de la veille. Ywan s’est alors réveillé en saluant la guilde. Eeri s’est alors montrée soupçonneuse : étrange comme nous nous réveillons ensemble Ywan et moi. J’ai pensé que j’aurais bien aimé passer la nuit avec lui mais en l’occurrence ce n’était pas le cas.

Elle m’a alors proposée d’inviter « mon beau blond » à nous suivre dans notre tour. Je me suis empressée de le faire. Il m’a répondu qu’il en avait marre d’attendre pour trouver des bandits. J’ai cru donc qu’il ne voulait pas venir. J’étais un peu déçue de sa réaction mais après tout c’était son choix. Eeri et moi, nous sommes donc partie toutes les deux à la chasse. Ce n’est que bien après que je me suis rendue compte que j’avais mal compris. Ywan avait voulu venir et n’avais pas parler des bandits d’Oflovak mais de ceux de Pyr… J’étais mortifiée et profondément déçue de ne pas avoir pu profiter de sa présence.

J’espérais le trouver pour le départ de l’expédition vers Yrkanis. Mais il n’était pas là m’indiquant qu’il nous rejoindrait « plus tard ». J’espérais qu’il n’était pas fâché contre moi… La troupe des légionnaires prêts à partir en expédition était impressionnante. J’avais rarement vu autant de monde rassemblé. D’ailleurs, la première partie du voyage vers Thesos s’est déroulée plutôt tranquillement sans véritablement d’attaques de la part de créatures, sans doute peu enclines à s’attaquer à un groupe tel que nous.

A Thesos, j’ai cherché Ywan du regard mais je ne l’ai pas vu. J’ai soudain entendu sa voix, il se moquait disant qu’il nous attendait depuis longtemps. J’ai souri en le saluant mais nous avons à peine eu le temps de nous parler que j’ai entendu le cri d’Icus : « Kralis non!!! ». Kralis s’était jeté droit devant dans un groupe de carnivores. J’aimais bien Kralis même si il était un peu « primaire ». Les rares mots qu’il prononçait étaient « Kralis content » ou « Kralis taper » ou encore « Kralis aime pas les minus » quand il parlait des trykers. Là, il avait décidé de n’en faire qu’à sa tête fonçant droit devant, sans doute tout heureux de pouvoir aller « taper » les vilaines bêtes.

Nous n’avions pas le choix, nous devions le suivre au risque de mettre en danger tout le groupe. La bataille a été acharnée : les varynx et les ocyx nous attaquant en nombre. Je suis tombée à plusieurs reprise mais relevée à chaque fois par mes camarades. J’ai bien cru à un moment que tout était perdu, tant il y avait de légionnaires à terre. Mais au dernier moment, la tendance s’est inversée : les prédateurs n’arrivaient plus. Et nous avons fini par être tous à nouveau debout. Mais il ne valait mieux pas rester dans le coin, nous nous sommes précipités vers le vortex nous permettant de rejoindre le désert matis.

Il y avait un téléporteur de la Karavane. Quand j’ai lu son nom « les sources cachées », je me suis souvenue des luciogrammes que Kyshala avait laissé dans son cube d’ambre. Je voulais moi aussi aller voir cet endroit alors j’ai acheté des pactes. J’ai entendu les remarques des légionnaires qui me reprochaient de commercer avec la Karavane. Je n’ai rien répondu. Mais même Ywan s’en est étonné. J’ai tenté de lui expliquer que je voulais découvrir les sources cachées mais je n’ai pas eu le temps pour des explications plus longues : nous étions déjà repartis.

Quelques minutes plus tard, nous étions dans les primes racines. Cette fois, Icus nous a laissé le temps d’apprécier le spectacle. J’ai même eu le temps de prendre un luciogramme.

Nous sommes repartis sans les traverser, c’était inutile pour aller à Yrkanis.

Nous étions bientôt arrivés quand nous avons croisé une tribu matis en plein déplacement. Je ne sais qui a commencé mais soudain nous étions en train de les combattre. Les matis se sont tous retrouvés à terre pendant que je me demandais pourquoi il nous avait attaqué. Mais c’est quand nous avons croisé le camp de la tribu des Graines vertes que j’ai compris.

Icus a lancé : « on va se faire les graines vertes ». J’ai cru à cet instant qu’il parlait des espèces de drôles de plantes en forme de cerveaux appelés psykoplas. Mais quand j’ai vu mes frères et soeurs légionnaires se jeter sur les membres de la tribu matis des Graines vertes qui nous avait laissé entrer sans méfiance dans leur camp, je suis resté interdite. Pourquoi faisaient ils çà ? Ces matis ne nous avaient rien fait… Je voulais bien répondre à une agression matis mais pas les attaquer volontairement et brutalement sans aucune raison. J’ai regardé les matis tomber les uns après les autres sous les coups des membres de ma guilde. Ils étaient déjà repartis loin devant quand je suis sortie de mon état de stupéfaction.

Je m’apprêtais à repartir quand j’ai vu une des nôtres qui était restée en arrière. J’ai eu l’impression qu’elle était blessée car elle ne réagissait pas aux coups que lui donnait un matis encore debout. J’ai appelé à l’aide. Les légionnaires sont revenus en force massacrant le pauvre matis. Mais de toutes évidences, j’avais fait une bourde… celle que j’avais cru en danger, avait voulu « se faire » seule le matis et je l’en avais empêchée en rameutant la troupe…

C’est l’esprit un peu perdu que je suis arrivée à Yrkanis. Une nouvelle fois, nous avons investi le trône du roi, prenant même un luciogramme de groupe.

Les autres sont repartis. Mais cette fois, je suis restée en arrière et je ne les ai pas suivi. J’avais peur qu’ils m’entraînent à nouveau dans des exactions contre les matis que je n’approuverais pas. Je me suis endormie dans un coin d’Yrkanis en espérant que si des gardes me trouvaient, ils ne me reprocheraient pas les attaques auxquelles j’avais participé bien malgré moi…

Forage à Thesos

C’était la journée de forage à Thesos. Je savais que je ne serais pas d’une grande utilité étant donné mes faibles capacités de forage mais je me suis présentée pour, à défaut de pouvoir participer, au moins en apprendre. Icus m’a prise sous son aile. Il disait que je pouvais l’aider à soigner les sources. Il m’a d’abord envoyée à un entraîneur de récolte pour que j’apprenne à stabiliser un sol. Puis, il m’a renvoyée une nouvelle fois chercher une pioche de qualité. La mienne était celle que l’on offrait à tous les réfugiés arrivant sur Silan et était complètement inefficace sur le sol sur lequel on forait aujourd’hui. J’ai fini par grommeler : je ne faisais que courir à droite et à gauche sans rien voir de ce que faisait les autres. Mais c’est avec étonnement que j’ai entendu Icus s’excuser de m’envoyer aussi loin à chaque fois. Il s’est même inquiété de savoir si j’allais revenir.

Mais je suis revenue : j’étais désireuse d’apprendre. Il m’a alors montré patiemment les bons gestes que j’exécutais du mieux que je pouvais. A priori, je ne me débrouillais pas trop mal puisqu’il ne m’a fait aucun reproche. Parfois, il semblait ailleurs comme si il pensait à autre chose. Je lui ai même demandé en riant si c’était « la grande bleue » Archlongine qui le mettait dans cet état. Il a répondu, le regard toujours aussi perdu : « non, non… ». Je n’ai pas insisté. Je me suis demandée à un moment si ce n’était pas mon décolleté plongeant qui le troublait. Mais, à priori, non, il semblait juste penser à autre chose.

Soudain, il a râlé contre Guyzion qui portait une tenue de maraudeur : « A poil Guyzion, tu me vires cette armure immédiatement ». Le pauvre s’est exécuté se retrouvant en slip devant tout le monde n’ayant rien d’autre à se mettre. Pour ma part, j’ai commencé à regarder d’un air appréciateur le mâle fyros en petite tenue. Icus a surpris mon regard et a déclaré qu’il en parlerait à Ywan… J’ai haussé les épaules : « Et alors? Jusqu’à preuve du contraire, Ywan et moi nous ne sommes que des amis… ».

Le forage a continué. Icus a déclaré qu’il allait se vider… Il parlait de vider son sac mais je me suis moquée en lui demandant si il avait envie de faire pipi, ce qui en a faire rire certains. Il est parti avec un petit sourire amusé. Quand il est revenu, nous avons repris le forage. Je dois dire que parfois, je me sentais troublée par sa proximité : quand il forait, je devais être au plus prêt de lui pour pouvoir stabiliser le trou qu’il faisait. Je voyais ses muscles travailler en cadence imprimant les coups de pioches. Puis, je secouais la tête pour me remettre les idées en place.

Peu de paroles étaient échangées. Parfois, le silence était troublé par les explosions que provoquaient Meedrish avec sa façon agressive de forer, provoquant quelques morts de légionnaires autour de lui et un immense nuage de gaz vert qui s’élevait dans les airs pour sa plus grande joie. Kralis aussi était très content : « Kralis aimer boom. Kralis vouloir kamiboom ». Grâce aux explications d’Icus, j’ai compris ce qu’il voulait. Le forage agressif de Meedrish avait tendance à déplaire fortement aux Kamis qui détestaient qu’on maltraite la planète Atys. Ils leur arrivaient donc de lancer une explosion sur les foreurs imprudents et c’est ce qu’espérait Kralis.

Je suis partie me reposer épuisée avant que nous en arrivions à cette extrémité. Mais, j’ai appris par la suite que le « kamiboom » avait bien eu lieu pour la plus grande joie de Kralis.

Sur le chemin de Zora

Peu de choses à raconter sur cette expédition vers Zora la capitale du pays Zoraï. J’ai découvert la jungle suivant ainsi les pas de Kyshala. D’après le cube d’ambre qu’elle avait laissé, elle avait eu beaucoup de mal à atteindre Zora. Il faut dire qu’ils n’étaient que trois pour passer les zones dangereuses. Cette fois, j’avais la chance d’être avec un régiment complet de légionnaires.

Ça ne m’a pas empêchée de devenir la proie favorite des kitines que nous croisions. Je râlais sur ces bestioles qui n’arrêtaient pas d’en vouloir à mes fesses. Acheran a dit quelque chose du genre : « on peut les comprendre ». Sa réaction ne m’étonnait pas vraiment. Il était réputé pour être un homin à homines. J’avais tendance à être un peu agacée par ses « hameçons » qu’il lançait à tout va pour pêcher les homines. Comme à la soirée à la taverne, le jour de son arrivée dans la guilde, où il avait déclaré en regardant une légionnaire avec un petit haut décolleté et une jolie robe de mage, que toutes les homines devraient s’habiller pareil. J’avais rétorqué que tous les homins devraient alors arrêter de porter des robes, faisant allusion à celle qu’il portait. Mais je crois qu’il ne m’a pas entendu. Sa réaction n’était donc pas surprenante mais c’est celle d’Icus qui m’a surprise en approuvant les paroles d’Acheran. Troublée par cette répartie de notre chef, j’ai eu un petit rire un peu gêné.

Plus tard, Icus m’a reprochée de rester trop arrière ce qui pouvait expliquer que je me faisais si souvent croquer les fesses. J’ai trouvé çà plutôt injuste : je faisais mon possible pour rester le plus en avant possible, sachant très bien que le danger venait de l’arrière. Les rares fois, où je m’étais retrouvée en queue de peloton, c’était quand la troupe repartait alors que j’étais en train de lancer un sort de soin sur un des légionnaires. Et presque à chaque fois, alors que je courrais pour rattraper la troupe, j’avais eu droit à une attaque de kitines.

Zora était enfin en vue. Je reconnaissais la ville ouverte entourée par la jungle qu’avait décrit Kyshala. Je ne l’ai pas vraiment visitée, je prendrais le temps de le faire une autre fois. Nous étions déjà repartis, Icus nous entraînant dans la jungle pour rejoindre les différents téléporteurs connus. J’ai fini par m’endormir au pied de l’un d’eux.

Une armure blanche

J’avais participé à une chasse commune aux environs de Thesos où pour une fois, je faisais le « tank » aux côtés d’autres légionnaires. Zaydan, qui était chargé de nous soigner, m’a fait remarquer que mon armure était en « papier mâché » et qu’il devait du coup multiplier les soins pour ne pas que je tombe. J’avais donc décidé de m’acheter une nouvelle armure plus résistante aux coups. La mienne était déjà râpée par endroit. Elle m’avait été offerte par l’instructeur de récolte de Silan.

J’étais devant les vendeurs d’armures, cherchant une armure qui pourrait me convenir, en essayant certaines. Je n’aimais pas beaucoup les lourdes que je trouvais trop encombrantes au combat. Quand aux lègères, elles me protégeraient encore moins que celle que j’avais. La plupart des aventuriers avaient en général, une armure lourde et une armure légère. Mais, pour ma part, ayant peu de place dans mon sac, je me voyais mal me trimbaler continuellement avec deux armures. J’avais donc opté depuis le début pour des armures moyennes qui étaient un bon compromis entre les deux.

Il y avait cette blanche zoraï magnifique… Elle m’allait parfaitement. Mais quand j’ai vu son prix astronomique, je l’ai reposée, préférant me chercher une autre armure plus en rapport avec ma petite bourse. J’en étais là de mes cogitations quand la voix d’Eeri m’a surprise derrière moi. Peut-être m’avait elle entendue soupirer car elle m’a demandé si tout allait bien. J’ai répondu par l’affirmative en ajoutant que çà irait encore mieux si j’avais un peu plus de dappers.

Elle s’est inquiétée : « tu as besoin de quelque chose? ». Je lui ai donc raconté, la remarque qu’on m’avait faite sur mon armure en « papier mâché ». Elle a alors commencé à regarder elle-même sur l’étalage du vendeur : « Tu aimes bien les moyennes zozo blanches? ». J’ai répondu que j’aimais le rouge et le bleu et que je n’aimais pas le vert. C’était d’ailleurs assez drôle car mon armure actuelle était entièrement verte. Mais à vrai dire, la couleur m’importait peu.

J’ai soudain tilté… Me parlait elle de l’armure blanche au prix indécent? « T’es folle t’as vu le prix? ». Elle a répliqué : « oui je suis folle! ». Et elle m’a tendue l’armure blanche zoraï qui m’avait fait envie un peu auparavant : « T’as pas le choix! Sinon, au bar!!! ». J’ai tenté de répliquer que je préférais le bar mais elle a eu « non » tellement catégorique que je n’ai plus osé refuser son cadeau. J’ai répété qu’elle était cinglée. Mais elle a fait mine de ne pas entendre continuant sur son ton de commandement : « Enlève moi cet horrible haut matis! ». J’ai enfilé la belle armure blanche. « Magnifique!!! ».

Je lui ai souri d’un air un peu gêné et je l’ai embrassé doucement sur la joue : « Merci jolie chauve! ». Elle est ensuite repartie pour une mission de fabrication de bijoux qu’on lui avait confié.

Plus tard, j’ai croisé Ywan. Je savais qu’il aimait le blanc. Il a été impressionné. Il trouvait l’armure très belle mais surtout il me disait que les ingrédients avaient du être particulièrement difficile à réunir pour la fabriquer. Icus est arrivé peu après : « ça te va bien Shaakya comme fringues ». J’étais assez fière et je disais à chaque fois que c’était Eeri qui me l’avait offerte pour « prendre soin de sa petite Shaa ».

Quelques jours plus tard, pendant une chasse avec d’autres légionnaires, Icus m’a, à nouveau, parlé de mon armure : « J’aime bien ton armure Shaak! ». Je ne sais pourquoi il insistait autant mais en tout cas, j’ai eu envie de le taquiner un peu : « Merci. Mais je ne suis pas sûre que cette armure t’irais très bien par contre Icus! ». Je dois dire qu’imaginer Icus notre chef dans ma tenue m’a fait beaucoup rire et je n’ai pas été la seule.

Désormais tous les soirs, je prenais grand soin de ma belle armure blanche qui semblait tellement plaire aux homins. Mais elle était surtout le symbole de l’attachement profond qui me liait à Eeri.

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