Il y a peu, Khaena est repartie voir sa femelle bleue. Elle m’avait envoyé une lettre pour me prévenir de ce départ précipité et qu’elle ne savait pas si elle reviendrait. Elle n’avait pas eu l’occasion de me le dire en face. Il est vrai que j’avais été très occupée les jours précédents mais je suis persuadée qu’elle a cru que je me désintéressais d’elle car j’avais passé du temps avec Balazs quand il réapparut sur les îlots. Elle devait penser qu’il était mon amant. Ce qui n’a jamais été le cas, ce mâle semblait incapable de tenter quoi que ce soit dans ce sens. Je ne suis pourtant pas une femelle si farouche.
J’ai répondu à la lettre de Khaena en espérant qu’elle lui parvienne. Ce fut apparemment le cas. Je l’ai attendu à Trépont pendant plusieurs jours, guettant les navires. J’étais exténuée et je me suis assoupie. Khaena me réveilla en sursaut. Elle était revenue parce qu’elle avait été émue de ma lettre mais aussi parce qu’un rêve la tracassait.
Lors de son séjour auprès de Bahar, elle avait reçu un message dans son sommeil comme quand Kely était tombé dans la crevasse de Saonar Kraw. Elle l’attribuait à Keros qui se trouvait maintenant dans la progéniture de Bahar et Kely. La Bleue était au plus mal. Khaena avait l’intuition qu’il y avait deux enfants et qu’ils étaient en danger eux aussi.
Elle m’expliqua le rêve. Il y avait une bulle au dessus d’un oasis. Elle contenait deux araignées aux pattes entremêlées. L’une bleue, endormie, l’autre noire, souffrante. J’en conclu que Keros avait essayé d’obtenir un corps pour lui seul et laisser celui de l’autre enfant seul aussi. Mais cela n’avait apparemment pas fonctionné totalement. J’ai repensé à l’artefact que Kely et moi étions allé chercher dans les montagnes de Glakhmor. J’ai proposé à Khaena de l’accompagner sur le continent afin de voir comment nous pourrions l’utiliser pour aider son père.
Nous sommes parties toutes les deux par le prochain bateau. J’ai ausculté Bahar et j’ai utilisé le lien entre Khaena et Keros pour savoir comment utiliser l’artefact. Avec une incantation, nous avons pu l’activer et finir le rituel de Keros. Bahar s’en fut apaisée et reprit des couleurs. J’ai laissé Khaena profiter d’être avec elle, ne me sentant pas à ma place. J’ai préféré aller visiter la ville.
Nous sommes revenues sur les îlots et j’ai été assaillie de travail. Je n’ai pas pu m’occuper de mes femelles. Je me rends compte que j’oublie de plus en plus de parler à Killya et qu’elle n’essaie pas de me contacter plus. Est-elle fâchée ? Souffre t-elle de mon attitude ? Khaena m’en aurait avertie si cela avait été le cas.
Killya s’est amusée avec le représentant Mulvaar. Elle l’appelle « petit chat ». Il semblerait que depuis qu’il a acquis ce pouvoir, ce soit un mâle qui s’octroie quelques écarts. Il est des plus intéressés par la représentante sinane, Llariarith. Cela n’a pas l’air de déranger Killya, elle en est plutôt amusée. Mais comme moi, elle lui préconise la prudence.
Khaena a revu Eryann depuis notre retour du continent. Mais je sens le malaise de ma louve quand je la questionne sur le sujet. Le changement radical d’attitude de Kely l’a traumatisée. J’ai l’impression qu’elle n’arrive plus à faire confiance aux mâles. Elle souffre et je ne peux pas être là en permanence. Je me sens impuissante et j’ai horreur de cela. J’ai parfois envie de prendre en main Eryann pour en faire un mâle parfait pour elle. Kely est perdu, il n’y a aucun espoir que tout redevienne comme avant.
Quand j’ai enfin pu me libérer du temps, j’ai entraîné ma louve aux bains de Naralik. Elle m’avait promis un massage mais je n’ai pas voulu la laisser languir. Je savais qu’elle avait besoin de moi et j’avais envie de la combler. J’ai été douce et sensuelle. J’ai senti son plaisir s’accroître à chacun de mes gestes. Je me suis rendue compte à quel point j’étais heureuse d’être là, à ses côtés, comme elle était belle.
Mon cœur s’est débarrassé de mes dernières craintes et je lui ai murmuré à l’oreille que je l’aimais. Je ne lui l’avais jamais dit. Elle a été surprise et touchée. Son corps a réagit immédiatement en l’emmenant loin dans l’extase. Elle pleurait aussi. De joie et de soulagement. Je l’ai cajolée et elle m’a rendu mes caresses.
Nous sommes allées sur la terrasse de la forge pour regarder les étoiles. Elle me confia que sa mère humaine disait que les étoiles était les gens disparus qui ont été aimés. Je lui ai donné la version de mon clan a ce sujet. Les étoiles étaient les enfants de Noctys, la Déesse de la Nuit. Elles sont les Esprits Gardiens qui permettent de rappeler les âmes des morts pour les sorts de Nécromancie.
Elle semblait intéressée d’en savoir plus sur les divinités sombres. Je lui ai alors dit que j’étais née sous le signe de la Lune, Khala. Mon prénom avait été choisit selon ce critère. Elle répondit tristement qu’elle ne savait pas sous quel signe elle était née. Je lui ai donc donné tous les noms des dieux mineurs de mon clan.
Elle s’est redressée en entant Fenryos, le Loup. Sûrement à cause du surnom que je lui avais trouvé lors de notre seconde étreinte. Je l’avais cette fois là encouragée à utiliser son instinct plutôt que d’essayer de copier maladroitement les gestes qu’elle m’avait vu faire. Elle m’avait ensuite dit que sa mère adoptive la surnommait sa petite louve. Il était fort probable qu’elle soit du signe du loup. J’ai essayé de lui trouver un nom qui lui correspondrait. Ss’Fenyil me parut adapté. Il pouvait se traduire par Jolie fille du Loup. Ssinss, beauté, Fenryos, le Loup, et Dalharil, fille. Elle a voulu me donner un nom qui signifierait Magnifique Panthère Sombre. Après réflexion, j’ai décidé d’en faire Shaa’enySs. Shaala, la panthère, Norhen, noir et Ssinss, beauté. Elle a adoré les deux noms. Nous nous appelons de cette façon depuis.