Jour 12 Félinien – Fingélien 379
Cela faisait déjà plusieurs jours que j’errais sans but en solitaire aux seins des îlots de Draïa. Quand je décidais de me poser en récoltant un peu de minerai d’argent à Trassian.
C’est là que j’ai rencontré Ashen_Shugar, un Haut-Elfe à la chevelure noire aux reflets bleutés et à la peau très sombre pour un « pâle ». Il m’a d’emblée appelée « cousine » pour me mettre à l’aise. Je suis souvent un peu réticente à aborder les autres de peur que ma peau sombre d’elfe noire n’effraie ou ne provoque la haine. Résultat : je parle assez peu aux autres. Mais Ashen s’est montré amical et ouvert. Il m’a dit avoir vécu son enfance dans un peuple où les sombres et les pâles vivaient en harmonie. Je lui ai parlé de mon adoption par les humains et de mon impression d’être parfois un peu décalée parmi les autres elfes noirs.
J’ai ensuite appris qu’il était là depuis plus de 17 fingéliens… Je dois dire que je suis restée abasourdie : comment pouvait on vivre aussi longtemps ici?
Alors que j’étais sur le point de prendre congé de lui, il s’est tourné vers moi et j’ai alors aperçu son écusson de la Gilde des Patrouilleurs. Ghaara m’avait parlé de cette gilde dans laquelle il souhaitait entrer. Et je dois dire que j’étais moi aussi tentée d’en faire partie. J’ai alors posé différentes questions à Ashen sur la meilleure façon de proposer ma candidature. Il m’a prodigué de précieux conseils et m’a assurée de son soutien. J’espère que cela sera suffisant pour y entrer. Depuis, je m’entraîne comme une acharnée au combat pour avoir le niveau nécessaire.
Alors que je venais de quitter Ashen, Ghaara m’a contactée par télépathie. Il souhaitait me donner quelques unes de ses affaires. Je l’ai rejoint à Starenlith sans en comprendre la raison. C’est alors qu’il m’a dit qu’il quittait les îlots, définitivement cette fois. Je dois dire que je me doutais de ce départ. Ghaara n’arrivait pas à s’intégrer au sein de notre peuple et se sentait trop seul malgré mon amitié. Il m’a alors offert son bouclier de Lith, un complet en cuir sinan noir et un chapeau à plume. Il m’a serrée dans ses bras et s’est éloigné silencieusement dans la nuit tandis que je tentais de retenir mes larmes…
Jour 2 du Mundia – Fingélien 379
Voilà quelques jours que j’évite Toucan… Ghaara, même si il est revenu, m’a à peine adressé la parole… Je crois qu’il m’en veut d’être tombé dans les bras d’un Don juan comme Toucan…
J’ai peur de perdre son amitié… juste parce que j’avais besoin de combler la solitude dans laquelle il m’avait laissée…
J’erre sans but… je ne sais plus ce que je dois faire ou dire…
Jour 4 du Mundia – Fingélien 379
J’ai lu dans nos parchemins de justice que Toucan serait jugé prochainement pour ses actes contre mon peuple. Je ne sais pas vraiment de quoi il s’agit… Mais avec le refus de Ghaara de me parler… ma relation avec Toucan devient trop compliquée à gérer…
Je lui ai donc envoyé une lettre de rupture… enfin… si on peut parler de rupture pour une liaison qui meurt avant même d’être réellement née…
Je ne sais comment il réagira… mais je crois que je peux abandonner l’idée d’envoyer ma candidature aux patrouilleurs…
Quand à Ghaara… je ne sais même pas si il voudra encore être mon ami… *quelques larmes tachent le parchemin*
Si je pouvais m’arracher moi même le cœur et l’offrir à notre Déesse araignée Lith, je le ferais, afin que la douleur s’arrête et que les landes deviennent enfin mon tombeau.
*Khaena ouvre une dernière fois le journal de Ghaara et commence à écrire*
Après de nombreux départs et de nombreux retours, Ghaara est finalement parti définitivement des îlots afin d’assouvir sa vengeance contre son ancienne gilde « la veuve noire »…
J’écris ce dernier mot dans le journal de Ghaara car il semble qu’il ne reviendra plus. J’ai trouvé ce morceau de parchemin sur la plage de l’île du Trépont. Apparemment, les restes d’un journal qu’un marin du bateau qui mène en Draïa a du laisser s’échapper…

*Khaena referme le journal de Ghaara sans un mot des larmes dans les yeux*
Jour 8 du Nuona – Fingelien 380
J’ai retrouvé Kely à Irrisadith comme nous l’avions convenu quelques jours auparavant pour lui faire visiter les souterrains. J’ai commencé par lui montrer au loin la sortie vers Zirak Inbar, puis nous nous sommes rendus à celle de la bibliothèque des anciens. Kely ne connaissait pas cet endroit, quand à moi ce lieu me rappelait Ghaara. Je n’y étais pas retourné depuis sa mort. Ça m’a rendu triste de revoir ces hautes chaises près du feu sur lesquelles nous nous étions assis avec Ghaara. Quand a Kely, il semblait heureux de découvrir un nouvel endroit même si il regrettait l’absence de bière!!! Toutefois, il a vu mon désarrois et m’a demandé si je voulais ressortir. Mais, je me suis ressaisie en lui expliquant les raisons de ma tristesse et nous avons continué la visite : les nombreux livres, la statue lisse d’une immense créature ailée. En ressortant, je l’ai laissé trouver lui même l’entrée secrète pour retourner dans les souterrains. Il n’a eu aucun mal à trouver à vrai dire!
Puis nous nous sommes rendus à la sortie « des roulottes ». Il n’y avait pas grand chose à découvrir ici, à part un bâton de nécromant que nous avons préféré ne pas toucher. Cette fois, Kely a eu plus de mal à retrouver l’entrée cachée. Mais il a finalement trouvé avec les quelques indications vagues que je lui avais données.
L’étape suivante était la sortie de Nivros Um. Kely n’a pas pu s’empêcher de se diriger vers la taverne indiquée sur la carte! Je l’ai suivi en riant. Cette fois encore, il ne semblait pas connaître cette magnifique taverne. J’en ai déduit en même temps que lui que c’était sans doute parce que le patron était un tavernier et non une tavernière. Kely m’a ensuite proposée de jouer à un jeu à boire que je ne connaissais pas. Il a sorti de son sac, un espèce de plateau avec plusieurs gobelets où étaient indiqués des points. Le but étant de lancer 10 pièces en direction des gobelets. Si la pièce tombe dans un gobelet, le joueur marque les points indiqués dedans. A chaque tour, celui qui fait le moins de points doit boire une gorgée dans sa bouteille. J’ai bien essayé de tricher en buvant le minimum à chaque gorgée mais Kely n’était pas dupe. Et les tours s’enchaînaient, mon adresse devenant de plus en plus critique… J’ai fini par être complètement saoule lançant les pièces n’importe comment devant un Kely hilare. J’ai ensuite affirmé avoir gagné et Kely ne m’a pas démenti même si je savais que le gagnant c’était lui.
Nous nous sommes tant bien que mal assis à table pour déguster un délicieux petit repas qu’il avait préparé. Kely a ensuite tenté de ramasser son plateau de gobelet mais s’est écroulé par terre, j’ai tenté de le rejoindre mais moi aussi je me suis écroulée à ses côtés. Nous avons fermé les yeux et il m’a demandé ce que je voyais. Je voyais pour ma part des jolies étoiles bleues. Quand à lui, il voyait des flammes aux formes sensuelles. Puis nous avons eu besoin de prendre un peu l’air, j’en ai profité pour montrer à Kely les différents points de récolte de Nivros Um. Puis nous avons admiré les étoiles au dessus de la mer. Nous nous sommes ensuite installés sur une peau d’ours blanc pour attendre le lever du soleil, Kely m’a tendrement pris dans ses bras en me chantonnant un doux air. Je me suis endormie ainsi bercée alors que tout Séridia était à feu et à sang submergée par de multiples invasions.
Jour 22 Elavrion – Fingelien 380
Kely m’a présenté à plusieurs de ses amis au campement de Galein’th Aseyis. Il y avait là sa grande amie Ajh’illya qu’il surnommait Illy. Une femme bleue muette qui « parlait » uniquement par télépathie. Kely m’avait parlé d’elle à Kial Kraw. Ce jour là, j’avais même cru qu’elle était plus qu’une amie pour lui. Cette fois, elle était devant moi affichant une sérénité comme j’en avais rarement vu. Elle m’a un peu parlé, m’affirmant qu’elle trouvait Kely apaisé depuis qu’il me connaissait. J’ai été touchée qu’elle me dise çà et je n’ai su que répondre à part que Kely faisait de même pour moi.
Il y avait aussi une drole de bleue Chto qui parlait à un ami imaginaire et un couple Selena et Gormeng affichant sans gène les sentiments qu’ils avaient l’un pour l’autre, chose inimaginable chez les elfes noirs.
Je me sentais bien parmi les bleus tellement bien que je me suis asssoupie un instant. A mon réveil, mon coeur s’est arrêté de battre, Kely était en train de parler à Feydreyah. Mais celui-ci m’a toute suite pris par la main et m’a présentée à elle. J’ai serré la main de Kely, inquiète de la réaction de la bleue, tout en tentant d’affirmer ainsi que Kely était désormais à moi… Elle me fixait d’un regard inquisiteur. Je soutenais son regard tandis que je sentais monter en moi mes sombres instincts de violence d’elfe noire. Je ne sais comment j’aurai réagit si elle avait fait mine de me prendre Kely… Sans doute à la manière , dont j’avais agressé Ghaara une fois. Mais heureusement, elle n’a rien fait de tel, elle s’est soudain adoucie. Elle nous a tapé sur l’épaule à tous les 2 en nous souhaitant tout le bonheur possible mais son regard triste disait autre chose… Elle est ensuite partie sans se retourner… J’ai vu que Kely était attristé par cette réaction mais je n’arrivais pas à faire quoique ce soit, tentant de repousser loin en moi, la violence qui avait été sur le point d’éclater. Je me suis une nouvelle fois endormie.
J’ai été réveillée par des cris et des bruits d’éclaboussures : Kely et Gormeng jouaient dans le bassin du campement. Je les ai rejoint en bondissant dans l’eau pour les éclabousser le plus possible. J’ai plongé la tête de Kely sous l’eau, il m’a rendu la pareil… Soudain, j’ai vu que son regard était ailleurs : attitude caractéristique de quelqu’un qui discute par télépathie. Je ne sais pourquoi, mais j’étais sûre qu’il parlait avec Feydreyah. Je l’ai malgré tout laissé faire continuant à me baigner. Mais finissant par trouver le temps long, je lui ai proposé une petite promenade. Son regard s’est à nouveau fixé sur moi, et il m’a suivi en souriant.
Jour 15 Thyllion – Fingelien 380
Quand la nuit est tombée, je me suis approchée silencieusement de la maison de mes parents adoptifs. J’ai frappé discrètement à la porte. La petite femme chétive que j’avais entraperçue était bien ma mère. Quand elle m’a vue, elle a éclaté en sanglots et m’a prise dans ses bras. Je l’ai serrée contre moi mais très doucement, j’avais peur de la briser tellement elle semblait fragile. Des larmes de joie coulaient le long de mes joues. Je me rendais compte seulement maintenant à quel point elle m’avait manquée.
Puis j’ai cherché mon père du regard… Il n’était nul part.
- « Où est papa? » ai-je demandé inquiète.
Un voile de tristesse immense est passé dans les yeux de ma mère.
- « Il est mort, ma petite louve… il s’est interposé entre toi et les villageois pour te donner le maximum de chance de t’enfuir. Sa mort n’aura pas été inutile puisque tu es là et bien vivante »
Je me suis effondrée. Ma mère m’a conduit sur sa couche et m’a prise dans ses bras comme une enfant en me berçant doucement tout en me chantant le petit air qu’elle m’avait toujours chanté pour me consoler.
Quand mes pleurs se sont calmés, elle m’a demandé de lui raconter tout ce qu’il s’était passé depuis mon départ. Je lui ai tout raconté : le sauvetage de Ghaara, mes débuts difficiles chez les elfes noirs, ma rencontre avec Toucan, mon entrée dans la gilde des patrouilleurs, et surtout je lui ai parlé de celui qui était devenu mon compagnon, Kely.
Elle voulait tout savoir sur lui, si j’étais heureuse, si nous avions des enfants… Je n’ai pas osé lui dire que sur Draïa, il était impossible d’avoir des enfants. Mais elle a bien vu à quel point mon tendre bleu me rendait heureuse!
Quand à moi, je me suis rendue compte qu’elle était faible et pâle. Elle se mettait à tousser parfois : des toux violentes qui semblaient lui déchirer les poumons. Je l’ai auscultée. Ma mère était fière que je sois devenue apothicaire. Elle me disait que soigner les autres était ce qu’il y avait de plus noble. J’ai souri : Kely m’avait dit là même chose. Ils devraient bien s’entendre tous les deux.
Malheureusement, je me suis rendue compte que ma mère était très malade et même mourante. J’ai tenté de la soigner en lançant un sort de soins avec des essences curatives… mais en dehors de Draïa, le sort n’a eu aucun effet!
Il me restait quelques potions de régénération dans mon sac. Je lui en fait avaler deux. Elle a semblé aller mieux mais il ne m’en restait que très peu dans mon sac.
Je lui ai donc laissé toutes celles que j’avais en lui disant que j’allais revenir très vite. Elle n’aimait pas trop l’idée de me voir à nouveau repartir mais si je voulais la sauver je n’avais pas le choix. Il m’était impossible d’en fabriquer en grande quantité ici et j’en avais tout un stock dans mon dépôt de Draïa.
Elle m’a donc laissée partir en me faisant promettre de revenir le plus vite possible.