Jour 6 Fingel – Fingelien 385
Depuis son procès, je n’arrêtais pas de penser à Kely. Les souvenirs remontaient par vague aidés par Darkmon qui cherchait à mieux me connaître. Je songeais de plus en plus à quitter les îlots mais avant, je voulais être sûre que celui qui avait été Kely avait définitivement disparu.
J’ai payé les gardes de la prison grassement pour qu’ils me laissent le voir quelques instants. Quand je suis entrée, j’ai senti l’effroi de Khaena en moi. Le lieu était sale recouvert de poussières. Des instruments de torture traînaient un peu partout. Il y avait une table avec aux quatre coins des anneaux pour retenir les mains et les pieds. Elle était tachée de sang. Un peu plus loin, une espèce de cercueil dont l’intérieur était couvert de piques pointues. Je ne préférais pas imaginer comment cet outil était utilisé. L’humour à l’ironie cinglante de Killya est venu à mon secours, humour que Kely n’avait jamais vraiment compris. Pourtant il cachait en général la même émotion et le même malaise que pouvaient avoir Khaena.
J’ai donc fait comme si je visitais le nouvel intérieur de Kely en lui faisant remarquer que l’endroit était particulièrement sale. En passant devant le cercueil aux piques, je lui ai demandé si il dormait dedans. Il n’a pas trouvé çà drôle indiquant que « ma matriarche » avait beaucoup apprécié cette partie de l’interrogatoire. A vrai dire, çà ne m’étonnait pas d’elle. Elle avait toujours eu ce goût pour la violence et la torture. C’est sans doute pour çà qu’elle m’avait délaissée. J’étais incapable de lui apporter ce genre de satisfaction au contraire de Mulvaar.
En découvrant, une bougie dans une assiette, je lui ai demandé si c’était bon à manger. Il a répondu que sa femelle lui apportait des repas chauds à manger. J’ai compris qu’il s’agissait d’Ajhillya. Je me suis moquée en déclarant qu’elle lui apportait donc des bougies à manger… Puis j’ai continué, il y avait les squelettes d’anciens prisonniers au milieu de la pièce. Je lui ai fait remarquer que ses « petits amis » ne devaient pas être très causant.
J’ai fini par réclamer un verre. Il a grogné déclarant que ce n’était pas une taverne ici. Pourtant, la décoration aurait bien plu aux membres de mon peuple à mon avis. Il a fini par accéder à ma requête retrouvant dans le tas de charbon, une petite bouteille qu’il avait cachée. Il a affirmé que c’était le cadeau d’une kultare qui avait succombé à son charme qui lui avait apportée. J’y ai goûté : c’était très bon.
Puis il a sortie une bouteille de bière cette fois. Il l’a levé bien haut en déclarant : « à mon innocence ». J’ai répliqué qu’il était peut-être innocent mais que ses explications étaient des plus floues. J’ai donc préféré trinquer « à la vérité ». Il a riposté en affirmant qu’il n’était on ne peut plus clair. J’ai préféré en rire en affirmant qu’il était plutôt sombre pour un bleu. Étrangement, nous avons ri de concert.
Il a alors planté son regard dans le mien en me tapotant la tête : « Alors il n’y a plus qu’une seule âme là dedans ? ». J’ai fait le même geste sur sa tête : « Là aussi? ». Il a acquiescé en ajoutant : « qu’une personne sans âme… » . Nous sommes restés silencieux quelques instants et puis j’ai fini par lui demander qui il était. Il était Vulgor mais ils étaient peu à la croire… Malheureusement, moi je le croyais… Kely était donc bien mort et n’existait plus… J’ai baissé la tête soudain submergée par des larmes de douleur. Vulgor n’avait pas l’air de comprendre : il était là lui, bien vivant et cent fois mieux que lui! J’ai répondu par la négative : personne ne sera mieux que lui. Il semblait dubitatif : « pas même certaines femelles? ». Il pensait à Kharya. J’avais cru un moment qu’elle était mieux que Kely mais elle ne savait pas aimer et ne saurait jamais.
Vulgor a eu un petit sourire ironique : « il faut essayer avant de dire jamais ». J’ai compris son allusion sournoise. Il voulait faire de moi son amante. Il pensait je suppose que je pourrais le confondre avec Kely… J’ai redressé la tête l’air sombre et glacial : « surement pas avec vous ». Je me suis dirigée vers la porte en le remerciant pour le verre. Il a levé le sien en disant : « De rien. Mais quand je veux, je ne demande pas. Je prends. ». J’ai compris la menace voilée. Et j’ai rétorqué d’un ton aussi menaçant que le sien : « Je le sais! Mais n’oubliez pas que Killya est toujours en moi. Elle peut recommencer ce qu’elle vous a déjà fait. ». Puis, j’ai ajouté avec le ton ironique du début de la conversation : « et faites le ménage ici, c’est vraiement trop sale! ». J’ai entendu son rire pendant que je quittais la pièce.
Kely était bien mort, il ne restait que l’esprit de Vulgor… J’ai appris quelques jours plus tard que le verdict était rendu : Kely était reconnu coupable du meurtre de Galuph. Il allait purger une peine de prison jusqu’à sa mort. Comme tous les aventuriers, étant immortel, il ne sortirait jamais de prison…
Il était temps que je passe à autre chose… J’ai fait en sorte de finir les récoltes et les essences que m’avaient demandé Alak pour le peuple sombre. J’avais pris ma décision. Il fallait que je retrouve Shaael ou du moins partir à la découverte d’autres lieux, voir autre chose… Ici, je tournais en rond, il fallait que j’avance.