Je l’ai pris pour Kely. J’ai voulu raisonner le Bleu de ma louve. Quelle ne fut pas là mon erreur et mon bonheur. Il est tel un prédateur. Son regard est mauvais. Si séduisant. Si excitant. J’ai été incapable de me défendre. Incapable d’avoir la volonté de lui résister. Il m’a complètement possédé. Plus il était violent plus j’y prenais plaisir. L’idée de le retrouver m’obsède. Je ne dois pas en parler à mes sombres…
Tag Archive: Vulgor
Jour 9 Archeno – Fingelien 384
Quand j’ai salué ma Shaa’enyss aujourd’hui, elle m’a répondu sèchement. Elle semblait particulièrement agacée par quelque chose mais elle refusait de me dire pourquoi. J’ai voulu la rejoindre mais là aussi, j’ai essuyé un refus. Je n’ai pas insisté sans doute avait elle besoin d’extérioriser sa rage avant de pouvoir m’en parler. C’était la deuxième fois que je la voyais dans cet état. Je me sentais mal de ne pas pouvoir lui apporter de réconfort mais j’ai accepté.
Celle qui n’a pas accepté, c’est ma mère. Elle m’a pris le contrôle et est partie à grandes enjambées à Nargraw sud. Etant donné, que Kharya avait avoué passer sa rage sur des fauves, c’était l’endroit le plus vraisemblable pour la croiser. Je l’ai vu chercher. Moins elle trouvait, plus la rage montait en elle. Elle a fini par beugler à Kharya de lui dire où elle était. Notre sombre a répondu. Ma mère a fini par la trouver mais soudain les créatures de la région sont devenues enragées. Les landes avaient lancé une attaque.
Ma mère n’a pas vraiment pu lui parler. Il fallait se défendre contre des fauves, des cockatrices et des lycaons. A un moment, nous avons croisé Kely enfin du moins celui qui a volé son corps : Vulgor. Il a salué par un « salut ma belle » en ricanant. Ma mère ne s’est pas démontée et a répliqué par un « salut nez de boeuf ». C’était son insulte préférée en ce moment : nez de boeuf.
Elle avait appelé Gormeng ainsi un soir où elle a essayé de lui expliquer ce que nous étions elle et moi : deux esprits dans un seul corps. Je suppose qu’elle a trouvé que son regard éberlué ressemblait à celui de certains bovins… Il faut dire que ces explications plus que sommaires avaient du paraître déroutantes à Gormeng.
En tout cas, Vulgor n’a pas répliqué et s’est éloigné. Ma mère a continué à se battre pendant des heures extériorisant elle aussi sa rage de ne pas pouvoir profiter de la présence de sa sombre. Plusieurs fois, elle a visité le Styx. Elle m’a finalement laissé le contrôle lorsque sa dernière « mort », l’a grièvement blessée.
Je sentais ses pensées tourbillonner en elle. Elle craignait que notre sombre nous cache un amant ou une amante. Elle se demandait si Vulgor était celui-là puisqu’elle l’avait croisé là bas dès le début de l’invasion.
Quand à moi, je ne savais pas quoi penser. J’ai signalé à ma Shaa’enyss que j’allais me coucher. Elle m’a juste souhaité une bonne nuit sans chercher à savoir où j’allais dormir comme elle le faisait à chaque fois d’habitude. Elle n’allait donc pas me rejoindre pendant la nuit… J’ai très mal dormi. Je me sentais seule sans elle.
Jour 21 Archeno – Fingelien 384
J’étais partie me coucher sans ma Shaa’enyss mais elle m’avait demandée où je dormais, elle voulait me rejoindre. J’étais épuisée par ma séance de minage et j’ai été directement dormir sur le lit de la forge dans laquelle je minais. Elle est arrivée très tard dans la nuit. Elle s’est allongée près de moi mais elle est restée toute habillée. Sur le moment, j’étais dans un demi-sommeil et j’ai pensé qu’elle était trop épuisée pour se déshabiller. J’ai pris sa main dans la mienne et je me suis rendormie.
J’ai été réveillée en sursaut par ma mère qui hurlait de douleur et de panique. Kharya était horriblement blessée… Son dos était mutilé par d’horribles blessures. J’ai blêmi puis je me suis reprise. Il fallait que j’ai l’esprit calme si je voulais la soigner. J’ai découpé sa chemise qui commençait à se coller à sa chair à vif. J’ai passé doucement de l’onguent cicatrisant sur chaque zébrure de sa peau.
Ma Shaa’enys a fini par se réveiller. Je lui ai demandé si elle avait d’autres blessures. Elle m’a montré ses cuisses. J’ai du enlever son pantalon pour découvrir des blessures encore plus profondes. J’ai du retenir un haut le coeur en continuant à la soigner. J’ai vite compris que ma Shaa’enyss avait été violée…
Je lui ai demandé qui avait fait çà. Elle a eu du mal à prononcer son nom mais il a fini par s’échapper de ses lèvres : Vulgor…
Ma mère s’est mise à hurler sa douleur et son désir de vengeance. J’ai réussi à reprendre le contrôle : ma sombre n’avait pas besoin d’une furie à ses côtés mais de repos et de calme. Kharya voulait aller dans un endroit plus confortable que le lit de cette forge. Je l’ai soutenue jusqu’à la maison carotte d’Irrisadith. Je préférais éviter la maison de roses sachant très bien que Vulgor pourrait retrouver ce lieu dans la mémoire de Kely. Je lui ai fait une tisane apaisante. Elle a fini par s’endormir.
J’ai enfin laissé éclater ma douleur assise à côté d’elle. Mes larmes ont coulé pendant des heures, sans que je puisse les arrêter.
Jour 6 Fingel – Fingelien 385
Depuis son procès, je n’arrêtais pas de penser à Kely. Les souvenirs remontaient par vague aidés par Darkmon qui cherchait à mieux me connaître. Je songeais de plus en plus à quitter les îlots mais avant, je voulais être sûre que celui qui avait été Kely avait définitivement disparu.
J’ai payé les gardes de la prison grassement pour qu’ils me laissent le voir quelques instants. Quand je suis entrée, j’ai senti l’effroi de Khaena en moi. Le lieu était sale recouvert de poussières. Des instruments de torture traînaient un peu partout. Il y avait une table avec aux quatre coins des anneaux pour retenir les mains et les pieds. Elle était tachée de sang. Un peu plus loin, une espèce de cercueil dont l’intérieur était couvert de piques pointues. Je ne préférais pas imaginer comment cet outil était utilisé. L’humour à l’ironie cinglante de Killya est venu à mon secours, humour que Kely n’avait jamais vraiment compris. Pourtant il cachait en général la même émotion et le même malaise que pouvaient avoir Khaena.
J’ai donc fait comme si je visitais le nouvel intérieur de Kely en lui faisant remarquer que l’endroit était particulièrement sale. En passant devant le cercueil aux piques, je lui ai demandé si il dormait dedans. Il n’a pas trouvé çà drôle indiquant que « ma matriarche » avait beaucoup apprécié cette partie de l’interrogatoire. A vrai dire, çà ne m’étonnait pas d’elle. Elle avait toujours eu ce goût pour la violence et la torture. C’est sans doute pour çà qu’elle m’avait délaissée. J’étais incapable de lui apporter ce genre de satisfaction au contraire de Mulvaar.
En découvrant, une bougie dans une assiette, je lui ai demandé si c’était bon à manger. Il a répondu que sa femelle lui apportait des repas chauds à manger. J’ai compris qu’il s’agissait d’Ajhillya. Je me suis moquée en déclarant qu’elle lui apportait donc des bougies à manger… Puis j’ai continué, il y avait les squelettes d’anciens prisonniers au milieu de la pièce. Je lui ai fait remarquer que ses « petits amis » ne devaient pas être très causant.
J’ai fini par réclamer un verre. Il a grogné déclarant que ce n’était pas une taverne ici. Pourtant, la décoration aurait bien plu aux membres de mon peuple à mon avis. Il a fini par accéder à ma requête retrouvant dans le tas de charbon, une petite bouteille qu’il avait cachée. Il a affirmé que c’était le cadeau d’une kultare qui avait succombé à son charme qui lui avait apportée. J’y ai goûté : c’était très bon.
Puis il a sortie une bouteille de bière cette fois. Il l’a levé bien haut en déclarant : « à mon innocence ». J’ai répliqué qu’il était peut-être innocent mais que ses explications étaient des plus floues. J’ai donc préféré trinquer « à la vérité ». Il a riposté en affirmant qu’il n’était on ne peut plus clair. J’ai préféré en rire en affirmant qu’il était plutôt sombre pour un bleu. Étrangement, nous avons ri de concert.
Il a alors planté son regard dans le mien en me tapotant la tête : « Alors il n’y a plus qu’une seule âme là dedans ? ». J’ai fait le même geste sur sa tête : « Là aussi? ». Il a acquiescé en ajoutant : « qu’une personne sans âme… » . Nous sommes restés silencieux quelques instants et puis j’ai fini par lui demander qui il était. Il était Vulgor mais ils étaient peu à la croire… Malheureusement, moi je le croyais… Kely était donc bien mort et n’existait plus… J’ai baissé la tête soudain submergée par des larmes de douleur. Vulgor n’avait pas l’air de comprendre : il était là lui, bien vivant et cent fois mieux que lui! J’ai répondu par la négative : personne ne sera mieux que lui. Il semblait dubitatif : « pas même certaines femelles? ». Il pensait à Kharya. J’avais cru un moment qu’elle était mieux que Kely mais elle ne savait pas aimer et ne saurait jamais.
Vulgor a eu un petit sourire ironique : « il faut essayer avant de dire jamais ». J’ai compris son allusion sournoise. Il voulait faire de moi son amante. Il pensait je suppose que je pourrais le confondre avec Kely… J’ai redressé la tête l’air sombre et glacial : « surement pas avec vous ». Je me suis dirigée vers la porte en le remerciant pour le verre. Il a levé le sien en disant : « De rien. Mais quand je veux, je ne demande pas. Je prends. ». J’ai compris la menace voilée. Et j’ai rétorqué d’un ton aussi menaçant que le sien : « Je le sais! Mais n’oubliez pas que Killya est toujours en moi. Elle peut recommencer ce qu’elle vous a déjà fait. ». Puis, j’ai ajouté avec le ton ironique du début de la conversation : « et faites le ménage ici, c’est vraiement trop sale! ». J’ai entendu son rire pendant que je quittais la pièce.
Kely était bien mort, il ne restait que l’esprit de Vulgor… J’ai appris quelques jours plus tard que le verdict était rendu : Kely était reconnu coupable du meurtre de Galuph. Il allait purger une peine de prison jusqu’à sa mort. Comme tous les aventuriers, étant immortel, il ne sortirait jamais de prison…
Il était temps que je passe à autre chose… J’ai fait en sorte de finir les récoltes et les essences que m’avaient demandé Alak pour le peuple sombre. J’avais pris ma décision. Il fallait que je retrouve Shaael ou du moins partir à la découverte d’autres lieux, voir autre chose… Ici, je tournais en rond, il fallait que j’avance.