Jour 6 Mundia – Fingelien 382
Il y avait une réunion du dispensaire à l’infirmerie du palais de Tarsengaard. J’allais être contrainte de revoir Kharya. Ca ne m’enchantait pas, je sentais qu’une fois de plus j’aurais droit à son indifférence.
Elle était là au milieu de la pièce toujours aussi belle. Khaena l’a saluée, elle a répondu au salut. Bien sûr, elle n’a pas daigné me parler par télépathie. Je sentais la colère enfler en moi. Je lui ai lancé un « alors, on ne dit plus bonjour? » rageur. Elle a répondu d’un simple « echk Killya » sans âme, sans sentiment. Où étaient les « echk ma belle » ou « echk ma sombre » ? J’avais compris. Je crois que si Khaena ne m’avait pas retenue, j’aurais été violente avec elle. J’avais envie de la secouer et qu’elle me dise clairement qu’elle ne voulait plus de moi et ceci devant tous les membres du dispensaire présents. La petite était tellement concentrée à me contenir qu’elle écoutait à peine ce qu’il se passait. J’aurais été au commande du corps, mes regards aurait transpercé Kharya par la fureur qui s’en dégageait mais la petite tempérait tout.
La réunion s’est enfin terminée et Khaena savait qu’elle devait partir vite avant que j’explose. En passant devant Kharya, j’ai tenté de reprendre le contrôle mais la petite veillait et ne m’a pas laissé faire, atténuant la dureté de mon regard, s’enfuyant presque de la salle.
Elle a rejoint Kely dans la grande chambre à côté de l’infirmerie. Il lui avait préparé un bain. La tension est légèrement retombée. Quand ils ont commencé à s’enlacer, je ne me suis pour une fois pas intéressée à leurs ébats.
Je voulais avoir des réponses, je voulais qu’elle me dise que c’était fini, qu’elle me le dise clairement. Alors je lui ai volé dans les plumes brutalement, réclamant une réponse. Ce qu’elle m’a répondu était étrange de sa part. Elle disait que j’avais retrouvé mon mâle et que je n’avais plus besoin d’elle.
Et alors? je ne comprenais pas quelle importance, çà avait dans notre relation… Elle avait toujours dit qu’elle n’était pas jalouse des mâles que je fréquentais. D’ailleurs, elle n’appréciait pas du tout la jalousie maladive qui me prenait quand je la savais avec un de ces mâles.
Mais apparemment, la réapparition de Keros, celui auquel j’étais unie, la perturbait bien plus que je ne l’imaginais. Elle avait l’impression de ne plus avoir sa place. J’étais abasourdie. Ma femelle, celle qui avait toujours demandé de ne pas être jalouse de ces mâles était jalouse du mien… Les pensées tourbillonnaient en moi : çà signifiait donc qu’elle m’aimait toujours…
Elle me l’a confirmé. J’étais furieuse : mais pourquoi ne me le disait elle pas ? J’en crevais qu’elle m’ignore ainsi pendant des jours. De quoi avait elle peur? Elle avait peur de ce qu’elle ressentait pour moi, peur de ce qu’elle pourrait faire à cause de çà. Elle avait peur d’être en trop, de n’être qu’un remplacement, de n’être qu’un simple plaisir physique pour moi. Elle voulait plus que çà…
J’étais stupéfaite. J’avais eu ces mêmes pensée à son encontre peu de temps auparavant lors de ma conversation avec Keros. Moi aussi, je voulais plus. Moi aussi, je voulais partager autre chose que le plaisir physique avec elle.
Elle disait qu’elle avait besoin de se confier, de confier ses doutes et ses problèmes quand elle en avait. Mais la plupart de ses problèmes étaient d’ordre politique et elle savaient que je détestais çà. Je me rendais compte que mon attitude parfois blasée et négative vis à vis de la politique l’avait empêchée de se confier à moi. J’ai tenté de la rassurer : j’étais prête à l’écouter et à tenter de l’aider quelque soit le sujet dont elle me parlerait.
Elle avait l’air un peu soulagée mais je sentais sa détresse. J’ai lui ai demandé mi-plaisantant, mi-sérieusement si elle voulait un câlin. Elle le souhaitait mais elle ne voulait pas séparer Khaena de son bleu. Elle se sentait de trop. J’avais beau lui dire que c’était stupide, elle se sentait illégitime. Pourtant, elle avait toujours eu sa place dans mon coeur mais elle ne la prenait pas. Elle m’affirmait qu’elle ne voyait pas où elle était entre le petit bleu qui la détestait, Khaena qui ne voyait en elle que l’Ilharess et Keros dont elle ne savait pas bien ce qu’il pouvait penser d’elle alors qu’elle ne se sentait douée que pour la souffrance.
Ces dernières paroles ont fini de me décider à la rejoindre. Après avoir obtenu l’accord des deux tourteraux, je me suis rendue près d’elle. Elle était juste à côté dans l’infirmerie dans laquelle, elle n’avait pas bougé depuis mon départ. Elle me regardait avec des yeux tristes et perdus. Je ne pouvais pas lui résister, je l’ai embrassée tendrement.
J’ai soudain sentie sa détresse, elle était sur le point d’éclater en sanglot mais se contenait pour ne pas me montrer ses blessures. Je l’ai prise contre moi, la serrant doucement. Des larmes ont commencé à perler sur ses joues. Je les ai essuyées. J’ai tenté de la réconforter mais à vrai dire je me sentais désemparée. Elle, qui ne montrait d’habitude aucune faille, était en train de pleurer entre mes bras.
A force de lui parler avec mes mots maladroits, elle a finit par extérioriser ce qu’elle avait sur le coeur. Elle était épuisée de trainer un peuple divisé derrrière elle. Elle aurait presque voulu qu’Elzeberith lui prenne sa place. Il est vrai que l’affaire de la jeune sombre avait montré au grand jour les dissensions qui existaient entre les sombres. Et elle qui ne vivait que pour son peuple, subissait ces déchirures comme des blessures profondes. J’ai tenté de la rassurer en lui disant qu’elle n’était pas seule que je serais là et Khaena aussi même si elle n’était plus Jaliless, qu’elle pouvait s’appuyer sur nous. Je ne sais pas si j’ai réussi mais elle a voulu soudain se rendre dans les jardins.
Je l’ai prise par la main et nous y sommes allés. Arrivée là bas, nous avons surpris le représentant Haut-Elfe Voronwe en charmante compagnie. Nous nous sommes planquées comme des gamines, observant les deux palots à moitié dénudés dans l’eau. Nous espérions voir du croustillant mais le mâle pâlot nous a découvert. La femelle semblait très gênée quand elle nous a vu se recouvrant maladroitement de sa cape. Nous nous sommes éloignées en riant en leur faisant un signe de la main.
Nous nous sommes installés sur son banc préféré. Je lui ai enserré la taille, l’approchant de moi. Elle a posé sa tête sur mon épaule pendant que je lui embrassais le front. Mais elle semblait épuisée. Elle s’est allongée sur mes genoux, semblant décidée à dormir sur place. Je lui ai desserré sa cape, puis je l’ai aidé à enlever son armure. Je l’ai prise contre moi la caressant tendrement. J’essayais de lui dire à quel point je regrettais d’être parfois si possessive et si jalouse avec elle. Elle me répondait qu’il fallait qu’elle apprenne à être là pour moi quand j’en avais besoin.
Elle a fini par me dire qu’elle était heureuse que je sois là. J’ai embrassé ses lèvres, me blottissant contre son cou pour masquer mon émotion. Je l’ai serré un peu plus contre moi pendant qu’elle s’endormait dans mes bras.