Jour 26 Archeno – Fingelien 385
Après ma nuit avec Yloken, je me suis réveillée avec la nausée… J’avais l’impression d’être sale d’avoir accepté que ce mâle s’occupe ainsi de moi alors qu’il n’y avait aucun sentiment entre nous. J’avais l’impression d’avoir profité de mon statut d’Ul’Jaliless même si je ne l’avais jamais encouragé à me faire quoique ce soit. Je savais qu’il avait fait çà avec un sentiment de devoir et je trouvais çà dégradant pour lui et pour moi. Sans doute les femelles sombres n’avaient pas ce genre de scrupules mais moi, je n’arrivais pas à me faire à l’idée qu’un mâle puisse être traité ainsi… J’ai tenté de reprendre mes activités habituelles de récolte intensive en essayant d’oublier cet incident.
La représentante eldorianne Suliane et la doge sinane Llariarith ont toutes deux répondu à ma lettre de proposition d’aide. Suliane m’a assurée que le natif blessé avait été pris en charge par son peuple mais elle m’a toutefois remerciée pour ma proposition qui était « tout à mon honneur ». Llariarith m’a indiquée qu’elle avait transmis ma lettre à son bailli en me précisant qu’on n’allait sans doute pas me demander grand chose à part peut-être d’aider à la garde des enfants d’un des natifs mort dans le temple. Je verrais bien…
J’avais promis à Kharya que j’allais me rendre à la cérémonie de bouclier du peuple. Quand j’avais accepté, je savais que ce serait une épreuve pour moi d’y participer en présence de Kharya : la savoir à côté de moi sans pouvoir la toucher, la voir heureuse sans moi… Mais avec ce qu’il s’était passé avec Yloken, cela devenait une torture, je ne voulais pas croiser le regard de ce mâle.
Je suis arrivée à la dernière minute encouragée par Iymril qui était à mes côtés pendant ma récolte de fer. Elle n’a pas voulu venir restant à l’écart comme toujours. Je suis entrée dans la salle du peuple sans un mot, j’ai salué Kharya de façon très cérémonieuse, en m’inclinant et l’appelant Ilharess. Je ne savais plus où poser mon regard : d’un côté, il y avait Kharya, de l’autre Yloken et en face de moi Elzeberith que je détestais… J’ai fini par regarder le sol devant moi.
Heureusement ma soeur Darkmon était là près de moi, sa présence a toujours été un réconfort. La cérémonie a commencé. Antelas s’est présenté : ses attitudes de jeune mâle agressif et guerrier était amusante mais il ressemblait tellement à tous les autres…
Yloken, quand à lui, a captivé la salle. Son métier attirait l’attention même si il n’est pas entré dans les détails. Elzeberith a cherché à le mettre en défaut en lui demandant pourquoi lui, un servant si obéissant, avait quitté son clan. Avec l’accord de Kharya, il a raconté son histoire. Son Ilharess de l’époque l’avait chargé d’une mission. Il devait séduire la matriarche d’un clan rival du sien et la tuer. Si il était pris, il ne devait rien dire et « disparaître » afin qu’on ne fasse jamais le rapprochement avec le clan qui avait commandité l’exécution.
Il a exécuté l’ordre de son Ilharess mais s’est fait prendre. Il a été emprisonné et torturé. Un jour, il a eu l’occasion de s’enfuir mais cela lui a semblé trop facile. Apparemment, on l’avait laissé s’échapper. Ses tortionnaires ne l’avaient fait que pour qu’il les mène à son ancien clan. Alors, comme son Ilharess, lui avait ordonné, il a disparu et est arrivé sur les îlots.
Encore une fois, Elzeberith a tenté de le déstabiliser en lui faisant remarquer qu’il était toujours dévoué à sa première Ilharess puisqu’il était ici. Il a répondu simplement que c’était la vérité mais que celle-ci ne pouvait plus lui donner d’ordre et que désormais, il se mettait au service de l’Ilharess des îlots. Il a dit çà en mettant un genou à terre. Elzeberith s’est enfin tu. Kharya s’est levée et lui a remis son bouclier. Elle semblait satisfaite de l’avoir à son service.
Durant une partie de la cérémonie, j’ai discuté avec Darkmon qui avait semblé remarquer mon trouble face à Yloken. Je lui ai raconté ce qu’il s’était passé et de mon sentiment de malaise. Elle a été compréhensive et douce comme toujours affirmant que je ne devais garder que les bons souvenirs que m’avaient offerts ce mâle. Je lui ai expliqué aussi que je m’étais coupé des ondes sombres mais elle n’a prononcé aucun jugement. Elle a juste dit qu’elle avait effectivement remarqué mon silence. Je lui ai avoué qu’elle était une des rares personnes dont j’appréciais la compagnie en ce moment et je lui ai proposé de lier nos esprits afin que nous sachions à tout moment quand l’une et l’autre étions réveillées. Elle a accepté.
Après une vague discussion sur l’incident du temple de Pierre-Blanche, la cérémonie a pris fin. J’ai voulu suivre Darkmon jusqu’au dépôt et rester près d’elle mais Kharya m’a retenue. Nous étions seules dans la salle. J’étais mal à l’aise. Que me voulait elle? Elle m’a remerciée d’être venue. Elle m’a avoué avoir cru que j’allais tourner les talons quand j’apercevrais Elzeberith. A vrai dire, je n’en avais rien à faire de la prêtresse. Je la méprisais autant qu’elle me méprisait. Elle n’avais jamais rien fait de bon pour son peuple à part y semer la zizanie et provoquer les autres peuples. Ce n’est pas elle que je fuyais…
Kharya a compris alors que celle que je fuyais c’était elle. J’ai préféré alors lui avouer ce que je tentais de lui cacher jusqu’à présent : je l’aimais toujours autant et je n’arrivais pas à me débarrasser des sentiments que j’avais pour elle. Elle a alors déclaré calmement qu’elle éprouvait une grande amitié pour moi et qu’elle était heureuse de me savoir là mais qu’elle ne pourrait pas revenir en arrière.
Ma réaction m’a surprise moi même. J’ai eu la brutalité que pouvait avoir parfois Killya. J’ai déclaré d’un ton acerbe en quittant la salle: « alors amuse toi bien avec ton mâle et oublie moi ». A peine sortie, la douleur m’a emportée : les larmes coulaient le long de mon visage… La douce Khaena est revenue essayant de s’expliquer par télépathie : « Je suis désolée, je souffre trop en ta présence… Je souffre trop quand tu me parles ». J’ai ajouté que j’avais failli partir la dernière fois que nous nous étions parlés. Elle n’a rien répondu, sans doute surprise et attristée par ma réaction exacerbée.
J’ai essuyé mes larmes en arrivant au dépôt pour que personne ne me voit pleurer comme une sombre trop « humaine ». Darkmon a remarqué tout de suite que quelque chose n’allait pas. J’ai tenté de lui expliquer avec une voix hachée par la douleur en préparant mon sac pour partir en Irilion. Je ne pouvais pas rester… Naralik était devenue comme Galein’th Aseyis : un lieu que je fuirais désormais car lié à une personne que j’avais aimé follement.
Darkmon m’a fait promettre de l’appeler dés que j’en aurais besoin. Je lui ai promis et je me suis enfuie, loin à Trassian retrouvant un froid glacial engourdissant.