Jour 12 Elfist – Fingelien 385
J’ai contacté la doge sinane Llariarith pour savoir ce qu’il en était des propositions que j’avais faites pour aider les familles en deuil du peuple sinan. Elle m’avait parlé d’aider à la garde des jeunes enfants d’un des défunts : Gaiden.
J’ai retrouvé Nivi sa veuve au village à l’est de la cité du port. Elle m’a présentée ses deux enfants Lusio et Lyri agés de 10 et 6 ans. Lyri ne semblait pas vraiment se rendre compte qu’elle ne reverrait plus son père. Lusio faisait le fanfaron mais ses traits tirés montraient qu’il ne dormait sans doute pas beaucoup. J’ai parlé avec eux. Lusio disait vouloir devenir un « grand guerrier ». J’ai déclaré qu’il était fier comme un vrai sombre.
Je lui ai demandé si il faisait de la nécromancie mais apparemment, chez les sinans, l’art nécromantique était réservé à des élites. J’ai alors commencé à raconter que quand j’étais enfant, je faisais de la nécromancie sur les insectes et les petits animaux. Les enfants étaient curieux. Ils voulaient tout savoir de mon histoire. J’ai commencé à conter mon histoire pendant que Nivi s’éclipsait discrètement pour prier au temple.
J’ai raconté avec des mots d’enfants l’amour et l’union de Killya et Keros, la fuite de ma mère pour échapper aux assassins et comment elle m’avait déposer sur le pas de la porte d’une maison humaine pour me sauver. Lusio écoutait avec attention. Lyri s’est endormie après quelques minutes. Darkmon qui s’inquiétait de mon silence, m’a rejoint pour écouter la fin de l’histoire.
Soudain, Lusio a enfin exprimé son inquiétude profonde. Qu’allaient ils devenir sa soeur et lui si sa mère mourrait comme son père? J’ai vu Darkmon baisser la tête. J’ai fait mon possible pour le rassurer : mes deux parents étaient morts et quelqu’un avait pris soin de moi. Il y aurait toujours quelqu’un pour prendre soin d’eux. Mais surtout, il était très peu probable que sa mère rejoigne son père : les aventuriers la protégeront et la doge également. Il a ajouté fièrement : « et moi aussi! ». Sa mère est arrivée à ce moment là. Elle était fière de lui. Elle semblait soulagée d’avoir eu un instant pour elle.
Nous sommes reparties avec Darkmon. Cette dernière a proposé que nous restions ensemble pour discuter. J’étais intriguée pourquoi souhaitait elle ma présence? Était-elle attirée par moi ? Je lui ai proposé d’aller voir le lever de soleil à Trépont. Elle a accepté me déclarant qu’elle aimait beaucoup elle aussi regarder les couchers et les levers de soleil.
Elle voulait que je lui parle de moi et de Kely. J’ai raconté comment Kely et moi nous étions unis et comment j’avais tout brisé en le trompant avec Malkael. Comment nous avions essayé de recoller les morceaux… Comment il m’avait trompé avec Kharya alors qu’il savait que j’avais des sentiments troubles pour elle… Comment il m’a aidé à accepter mon attirance pour les femelles en m’accompagnant pour rencontrer Bahar… Comment il l’a mise enceinte… Sa réaction violente quand il a appris qu’il allait devenir père… Comment il a petit à petit changé devenant plus colérique, plus violent… Comment il m’a presque violée ou plutôt celle qui était Killya… Comment il n’a plus jamais voulu me revoir après çà, sans doute trop brisé par ce qu’il avait fait… Comment il a disparu pendant des mois… Comment Kharya et moi, nous sommes devenues amantes… Comment quand Kely est revenu sans être vraiment lui même, Kharya m’a réconfortée… Comment nous nous sommes aimées passionnément… Comment elle a finit par me délaisser pour Bastian et Mulvaar… Comment j’ai tout accepté, ne voulant que son bonheur… et comment elle m’a laissé sombrer sans me rattraper… Comment j’ai essayé de garder une relation amicale avec elle mais qui était tellement douloureuse que j’ai fini par trancher ces derniers liens avec elle…
Darkmon écoutait. Puis elle a dit que j’étais arrivée à un point de rupture de moi même et qu’il fallait que je tire de la force de ma souffrance. J’avais tellement à découvrir encore… Je n’étais pas convaincue mais Darkmon a ajouté qu’il fallait laisser « le temps au temps ».
Je l’ai regardée sentant un frémissement de mon coeur pour elle… Je me demandais pourquoi elle restait si proche, s’inquiétant continuellement de moi. Je n’osais poser directement la question de savoir si je l’attirais. Alors, j’ai demandé de façon plus vague si elle avait déjà connu l’amour avec une femelle. Elle a répondu très doucement qu’elle n’avait jamais connu d’attachement avec qui que ce soit. Elle n’en avait pas le droit : s’attacher à quelqu’un était le condamner à disparaître.
Elle m’a raconté difficilement son histoire. Elle ne connaissait pas ses parent. Elle avait été placé dans un endroit qu’on pourrait appeler un « orphelinat » où se trouvaient tous les enfants sans parent. Il n’y avait aucun amour, aucune chaleur. On leur jetait parfois de la nourriture. Chacun devait se débrouiller pour survivre. Un jour, alors qu’elle devait avoir une vingtaine de fingéliens, on l’a sortie de cette cave.
Un vieille femme lui a annoncé qu’elle avait été choisie pour devenir le réceptacle. Jusqu’à qu’elle ait atteint ses soixante-dix fingéliens, elle a été « dressée » : chaque jour elle devait acquérir un nouvel enseignement qui était accompagné par une punition. Elle a alors compris que ce qu’on lui apprenait, n’était pas pour elle mais pour « l’entité » qui allait prendre son corps. Elle avait de plus en plus de mal à raconter son histoire. Elle a juste réussi à dire que son premier amour avait été tué de ses propres mains ou plutôt par l’entité qui était en elle. Cela ressemblait étrangement à ce que j’avais vécu avec Khaena et Killya : deux esprits dans un même corps.
Puis nous avons entendu la doge qui appelait ce qui le souhaitait à assister à la cérémonie honorant les sinans défunts. J’y ai retrouvé Nivi et ses deux enfants, essayant de les soutenir du mieux que je le pouvais. Puis nous avons rejoint la taverne pour boire un verre en l’honneur des disparus. J’ai refusé de m’asseoir à la table de Voronwe que j’estimais responsable du terrible accident qui avait coûté la vie aux sinans. Sa façon continuelle de vouloir envenimé les choses entre les peuples, avait amené les eldorians et les nains à le suivre dans une résolution agressive d’un conflit qui aurait pu être résolu de façon beaucoup plus sereine si il n’avait pas été là.
Je trouvais toutefois sa présence courageuse, jusqu’à ce qu’on son agressivité naturelle reprenne le dessus quand il a traité la Doge Llariarith de « serveuse ». J’ai failli me rendre à sa table pour le jeter dehors mais Llariarith m’a demandé par télépathie de rester calme pour ce jour réservé aux défunts. Puis, elle a ajouté que rien ne serait oublié ni pardonné. C’est alors que le Bailli sinan Bais a sorti une dague de sa ceinture pour la poser violemment sur la table dans un claquement sinistre. Il s’est ensuite éloigné. Tout le monde a alors remarqué les symboles de mort sur la lame.
Voronwe est enfin parti. La soirée a suivi son cours. Darkmon et moi avons fini nos verres. Elle a proposé que nous nous trouvions un abri pour la nuit. Une nouvelle fois j’ai été surprise de sa proposition. Voulait elle que nous passions la nuit ensemble? Nous avons trouvé une petite maison en bois au nord de la cité du port. Il y avait deux lits ce qui a semblé surprendre Darkmon. Je me suis demandée un bref instant si elle voulait que nous dormions dans le même lit… Puis, après qu’elle se soit installé dans un des lits, je me suis sagement installée dans l’autre.
Elle a sorti une couverture en peau d’ours polaire en me racontant qu’un aventurier lui avait offert à son arrivée. Elle a ajouté que quand on vivait seule, on avait tendance à se raccrocher à de petites choses. Je me suis étonnée : elle vivait seule? et son mâle Deskhart ? Elle affirmait qu’ils n’étaient pas si proche tous les deux et qu’il était des plus furtifs ces derniers temps. Elle a ajouté qu’elle aimait partager ses découvertes et ses difficultés mais qu’il n’était pas souvent là. J’ai osé un : « moi je veux bien partager avec vous Darkmon… ».
Elle m’a regardée gravement : « Oui moi aussi, mais je ne suis pas sûre de savoir ce que vous attendez et surtout je ne sais pas si je pourrais vous l’offrir. ». Elle n’avait pas besoin d’en dire plus, j’avais compris le sous-entendu. Pourtant, elle a préféré ajouter : « Pour l’instant je peux vous offrir la plus sincère des amitiés… je ne peux rien vous promettre de plus. ». Je me suis installée moi aussi pour la nuit me recouvrant de ma couverture de peaux de loups. Je l’ai remercié d’avoir été franche avec moi et je lui ai souhaité une bonne nuit. Mais, le sommeil ne venait pas et pour Darkmon non plus apparemment.
Elle s’est redressée en disant que nous avions l’air stupide comme çà : « Ce n’est pas parce que je ne peux pas répondre à vos désirs que je ne vous considère plus comme importante à mes yeux ». Puis, elle a ajouté que mine de rien elle tenait encore à son mâle si furtif. J’ai tenté de la rassurer. Deskhart était un mâle qui méritait le respect et je comprenais tout à fait qu’elle puisse l’aimer. Elle a déclaré qu’elle comprenais l’amour dans tous ses contextes et qu’elle ne voyait aucun mal. J’ai fini sa phrase : « mais vous n’aimerez jamais une femelle… ». Elle m’a surprise en répondant qu’elle ne savait pas. Elle a ajouté que j’étais celle avec qui elle se sentait le mieux parmi les sombres. Mais elle ne voulait pas que cela devienne trop pénible pour moi de la côtoyer en sachant qu’elle n’avait pas d’amour pour moi. Je n’ai rien répondu.
Je lui ai souhaité une nouvelle fois une bonne nuit. Je l’ai vu se recouvrir entièrement de sa couverture. Je me suis endormie d’un sommeil sans rêve.