Jour 22 Ullitivar – Fingelien 383
J’ai rejoint les îlots. La douleur de ma mère était perceptible. Elle quittait le continent et celle qu’elle aimait pour rejoindre les îlots et celle qui avait été sa femelle et qui désormais l’ignorait. Elle se sacrifiait pour moi et Kely. Et je dois dire que pour moi aussi c’était difficile de m’imaginer sans Bahar même si j’avais décidé de ne plus la voir. Mais j’avais au moins la consolation de retrouver Kely.
Il était heureux et ému de me revoir. Il avait cru que j’allais rester sur le continent et ne plus revenir. Mais cette idée ne m’avait pas traversé l’esprit. Je savais que ma place était sur les îlots désormais pour vivre près de Kely. Nous avons beaucoup parlé tous les deux. Il avait l’impression qu’il ne m’apportait pas tout ce dont j’avais besoin. J’ai été franche. Depuis que j’avais touché le corps d’une femelle, je sais que l’envie serait toujours là. Je lui ai fait remarqué que moi non plus, je ne semblais pas lui apporter tout ce dont il avait besoin de la part de sa femelle : ma douceur ne s’accordait parfois pas avec ses envies plus brutales. Il m’a regardé interdit, se rendant compte que j’avais raison. Nous allions devoir trouver une autre manière d’envisager notre couple sans que l’autre en souffre : un difficile équilibre.
Je savais aussi qu’en retournant sur les îlots. Je rejoignais un peuple avec lequel mes relations étaient redevenues tendues à cause de mon différent avec Kharya. D’ailleurs, j’avais désormais beaucoup de mal à l’appeler Ilharess alors qu’il y a encore quelques temps je ne pouvais pas l’appeler autrement. Comme si, j’avais perdu le respect que j’avais toujours eu pour elle. Pourtant sur le continent, j’avais commencé à accepter l’idée de lui pardonner. Mais, quand ma mère m’a appris la façon dont elle l’avait traitée, ignorant sa présence et la reléguant derrière un mâle nain, çà m’a rendue furieuse. J’avais l’impression qu’elle avait traité ma mère avec irrespect : elle ne méritait pas çà. Je dois dire que j’étais heureuse qu’elle ait trouvé du réconfort dans les bras de Bahar et même plus. Ma mère ne se laissait pas emprisonner dans la toile de cette fille de Lith pour mourir à petit feu. Elle s’en échappait recherchant le bonheur ailleurs.
Il y a eu un conseil matriarcal, ce soir là. Il fallait nommer les nouveaux officiels aux postes séridiens. Je n’avais bien sûr proposer ma candidature pour aucun d’eux. Je me voyais mal remplir une telle fonction alors que je n’avais plus foi en celle qui dirigeait le peuple. Mulvaar a été désigné pour devenir représentant. Je trouvais çà affligeant que cet être sournois devienne le représentant des sombres. J’ai secoué la tête mais je n’ai rien dit. Alak a été nommé échevin et Iymril économe. Je les appréciais tous les deux et même si ils semblaient jeunes et inexpérimentés, j’étais sûre qu’ils honoreraient leur peuple.
Quand il a fallu nommé des suppléants, Mulvaar a émis l’idée que je pourrais être la sienne. J’ai répondu d’un « non merci » glacial. Il a fait un petit sourire en coin déclarant que ma mère pourrait être intéressée. J’ai regardé Kharya en affirmant que ce n’était surement pas le cas en ce moment. Mulvaar s’est tu. Il avait soudainement pris conscience de la tension qui existait entre Kharya et moi. Iymril semblait elle aussi désolée. Elle sentait cette tension depuis le début de la réunion sans en comprendre la raison. Et elle ne comprenait pas pourquoi je n’avais aucun poste. J’ai tenté de lui expliquer que c’était mon choix. Mais, cette déchirure qu’elle sentait au sein du peuple la perturbait. Mais j’étais incapable de faire plus pour le moment. J’aiderai mon peuple du mieux que je pourrais mais je ne voulais pour l’instant plus m’impliquer dans la politique.
J’ai quitté rapidement la réunion. Je voulais rejoindre les bras de mon mâle. Kharya n’a pas réclamé ma mère. Elle ne l’avait pourtant pas vu depuis des jours. Je me demandais si c’était çà la fin d’un amour : jouer à s’ignorer mutuellement pour s’oublier petit à petit…